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Mexique suite...


Un accident bete. Gladys a ete renversee par un jeune qui ne controlait pas sa petite voiture a roulette. Elle est mal tombee, et s en est trouvee paralyse pendant deux ans. La reeducation lui a redonne presque toute sa motricite, on apercoit a peine les sequelles de prime abord mais parfois je la vois boiter. En fait les sequelles sont surtout au niveau de la memoire. Et puis j apprends qu elle a egalement des problemes de thyroide, et qu elle a ete diagnostiquee Alzheimer.
Malgre tous ces ennuis de sante, elle est debout et elle continue a faire vivre sa "posada". Son fils Alex a pris la gestion de la premiere Casa di Gladys, devenue trop lourde pour elle. La premiere maison a ete rebaptisee PLanet Hostel, et quand elle a pu etre a nouveau independante Gladys a loue et ouvert une nouvelle Casa, plus petite.
Evidemment lorsque j apprends tout ca je comprends mieux pourquoi elle a tant de mal a s organiser, pourquoi elle stresse pour un rien, oublie beaucoup de choses et remet en question sans arret les nouvelles decisions qu elle prend tous les jours sur l organisation du travail. Je suis egalement impressionnee par son energie. Il y a des gens comme ca, dont on ne sait pas d ou ils tirent leur volonte d avancer encore et toujours.
En tout cas elle passe donc beaucoup de temps a se raconter, sur les heures ou nous sommes censees travailler ensemble. Je devine, au vu de ses confidences, qu elle a besoin de se donner l impression de gerer les choses, et que je dois renoncer a mon secret espoir de pouvoir bosser toute seule sur les reservations. Car ca aussi, c est une chose qu il m est penible de supporter. Moi qui adore travailler de facon autonome, sans quelqu un sur le dos, a mon rythme, voila que je reste coincee sur une chaise pendant 5h avec elle. Et nous regardons ensemble les differentes reservations et messages auxquels il faut repondre. Et nous y repondons ensemble apres en avoir parle... Bon, au debut c est normal, mais j esperais bien qu au bout d un moment elle me laisserait faire. Mais non.
Ca se justifie egalement au demarrage, danms la mesure ou parfois il faut repondre en espagnol - or je ne parle pas espagnol. La voila donc qui me dicte ce qu il faut ecrire, et moi je tape sur l ordinateur... Pas super fun.




En fait la plupart du temps, la premiere semaine, j ai l impression d etre parfaitement inefficace si ce n est que je lui tiens compagnie et la rassure : et au fond, c est ca qu elle cherche.
Ses revelations portent aussi sur son employe, Ernesto. Un indigene qu elle a plus ou moins recueilli. Disons qu il s est presente un jour en voyant l annonce "se solicita empleo" pour l hotel. Elle a d abord cru, en voyant cet homme obese de trente ans, qu il venait se renseigner pour son fils. Mais c etait bien pour lui. Il pretendait etre doue en tout, mais il a fallu tout lui apprendre et la tache est loin d etre terminee. Vore meme, elle ne se terminera jamais, puisqu Ernesto est un peu simplet, et n enregistre pas certaines choses.
Je m interrogerai beaucoup - et j en parlerai avec Gladys, d ailleurs, sur ses motivations a prendre en charge des personnes censees etre ses employes et donc lui faciliter la vie. Evidemment au lieu de la soulager de certaines taches Ernesto lui demande deux fois plus de travail puisqu il faut controler et refaire presque tout ce qu il fait.




Bref, Gladys passe de longues heures a m expliquer et me raconter sa vie, ses contraintes, ses galeres ou bonnes experiences avec les volontaires, les guests... je ne peux donc pas me plaindre que mon travail soit epuisant.. pourtant d une certaine maniere il m epuise tres vite !
Je suis donc bien contente, le 12 decembre, de m echapper pour aller faire un saut aux festivites de la Guadalupe !
Je quitte la posada appareil photo autour du cou et sac a dos sur les epaules. Je croise des processions, comme la veille et les jours precedents, et me dirige vers le zocalo pour remonter le Real de Guadalupe, cette longue rue aux facades coloniales qui grimpe jusqu aux marches de l eglise de la Guadalupe. Il y a un monde fou, de l animation partout, et les drapeaux multicolores (mais surtout blanc, rouge, vert) flottent tout le long de la rue jusqu a la porte de l eglise.
Je retrouve une fois de plus mon danseur, qui arbore tantot son costume de hibou, tantot celui du jaguar. Les passants remontent tous le Real vers l eglise. Plus j approche de la fin du Real, plus je suis surprise de decouvrir.. qu en fin de compte, ormis les processions - deja tres folkloriques et peu solennelles ou du moins pas selon notre conception classique de la procession -la rue est surtout envahie par des rejouissances extremement profanes ! Ici on commande son morceau de pizza ou ses tacos, ici on mange des churros ou de la barba papa, ca sent la graille et la nourriture dans toute la rue. Et le pompon m attend au pied de l escalier. Sur la place et tout autour de l eglise, une fete foraine a ete dressee. Une veritable fete foraine, avec auto-tamponneuses, grande roue (15 ou 20 metres de haut max, mais tout de meme !), jeux de hasard (des pions carres numerotes sur une table de bois, je n ai pas bien compris le principe mais il faut miser et reflechir, apparemment...), baby-foot, petit train qui va super vite (mais sans looping), et espace de danse pour la bandas locale qui s apprete a faire tournoyer et sautiller les couples toute la nuit ! Mais qu est-ce que c est que ce bazard ?? Je m attendais a totu sauf a ca. Finalement, le mexicain a une maniere tres populaire et familiale de celebrer les fetes religieuses ! Imaginons deux secondes la Foire du Trone tout autour de Montmartre... A l interieur : les guitares et les choeurs religieux, a l exterieur les sifflets, petards et hurlements des machines de foire couvrant les coups de tambours et la trompette de la fete qui bat son plein.
Deja les procession m avaient bien fait rire, pour certaines. Imaginerait-on, en France, des jeunes portant le costume de leur ecole et une statue de Marie sur leurs epaules, scandant dans les rues des "A la bim, a la bam, a la bim, boum bam !" entrecoupes parfois de "Maria !". Ou pire, le club de zumba du coin, defilant derriere un camion diffusant a plein regime la musique d entrainement quotidien sur lequel les zelees adherentes se donneraient un mal fou pour suivre la chef hyper douee, sans un regard pour la statue peniblement juchee sur le toit de la voiture ?... Ils sont fous ces mexicains !




La foule est de plus en plus dense, et, parvenue aux pieds des marches, je me retrouve coincee au milieu de tout le monde. Je pense un moment a retirer mon sac a dos pour le passer sur mon ventre... mais je ne le fais pas.
Depuis que je suis entree au Mexique, je ne me suis jamais sentie inquietee. Ou juste dans le metreo de Mexico. Je ne me sens pas d enlever mon sac ici, au milieu de tous ces gens qui pour la plupart sortent en famille ou avec leurs petite copine. J ai l impression que les gens vont voir mon geste et se sentir offenses.
Je me repentirai lourdement d avoir eu ce moment de doute...
Quoi qu il en soit, pour l instant, je monte les marches. Lentement. Coincee au milieu de 97% de mexicains et de 2% de touristes.
Des deux cotes des marches, les stands de grignotages sucres et sales se succedent toujours. En montant a l eglise on peut attraper des fruits confits ou un punch au fruit, ou encore des brochettes... Je finis par arriver sur la plateforme. L eglise est bondee, on ne peut deja plus rentrer. Je me hisse sur la pointe des pieds pour apercevoir ce qu il se passe. Je ne vois pas grand chose, a part un decor factice qui a ete dresse pres du choeur, representant la vierge agenouillee dans ou devant une grotte. J entends les chants harmonieux accompagnes a la guitare et au tambourin. Une deuxieme petite chapelle s ouvre sur la droite mais je ne sais pas ce qu il s y passe. Comme moi, les mexicains qui continuent d affluer restent u moment a regarder de loin. Peu d entre eux tentent de s infiltrer. Les portes sont toutes ouvertes, y compris sur les cotes. Visiblement ca ne gene personne que la fete batte son plein dehors.
Je quitte la file d attente, me faufile parmi les differents stands puis doucement redescends. Plus je m eloigne, en empruntant le Real de Guadalupe dans le sens inverse, plus c est bon de retrouver le calme.
Je rentre a l hotel. Ce soir-la, un jeune homme mexicain grand et muscle se presente a l accueil avec sa copine. Il porte un grand sac a dos et cherche une chambre pour cette nuit, pour lui seul. Nous l installons, et il part faire la fete toute la nuit. Moi je m installe dans l entree et regarde un film sur ma tablette, puis vais me coucher a minuit.




Le lendemain matin, alors que je m occupe du petit dejeuner, je vois le jeune homme descendre l escalier en portant son sac a dos. Ou est Ernesto ? me demande-t-il. Je vais chercher Ernesto dans la cuisine. Les deux s entretiennent une minute en espagnol, je ne fais pas attention. Puis Ernesto s eclipse dans le jardin, et je remarque tout a coup que le jeune est nerveux. Avec mon espagnol encore tres hesitant je tente de lui demander si quelque chose ne va pas. J apprends alors que les 600 pesos qu il avait laisses dans sa chambre cette nuit (il n est rentre qu a 6h du matin), dans la poche avant de son sac a dos, ont disparu. Ah…
Ernesto revient avec Gladys. J assiste alors a la discussion, qui va tourner tres vite au vinaigre. Gladys commence par expliquer que nous n avons pas de doubles des clefs (c est faux, Gladys a un jeu de clefs dans sa maison), et que le jeune est sorti toute la nuit avec la clef sur lui donc personne d autre que lui n a pu entrer dans sa chambre. Et quoi qu il en soit, l hotel n est pas responsable. Le jeune homme est persuade qu Ernesto est le coupable. C est simple, il n y avait quasiment que lui dans l hotel, personne d autre n est entre, donc pour le jeune c est sur, Ernesto lui a vole son argent pendant qu il n etait pas la. Gladys defend Ernesto. Le jeune commence a taper de ses points forts sur la table. Lorsqu il pete un plomb et commence a donner une baffe puis deux a Ernesto, qui ne mouffte pas, je m interpose. Ca dure un moment. Le jeune est furibard mais il fait attention a moi.

Il a beau hurler, taper du point, demander a visionner les cameras de surveillance (Gladys pretend ne pas savoir faire fonctionner la telecommande. Le jeune essaie en vain), demander a ce qu on appelle la police, il n obtiendra pas gain de cause. Il partira les larmes aux yeux car ces 600 pesos devaient lui permettre d acheter son billet de bus pour rentrer a Mexico. Au passage il envoie valser les fleurs dans l entree.
Ernesto n a pas ouvert la bouche et n a pas fait un geste pour se defendre. A peine le jeune homme est-il parti, Gladys entraine Ernesto dans le couloir et son discours change : maintenant, a moi tu vas me le dire, ou tu as mis l argent de ce garcon !
Allons bon, qu est-ce que c est que ca ?? Elle parle toute seule, Ernesto ne repond rien. Gladys hausse le ton, enchaine en lui rappelant tout ce qu il a vole par le passe, en le menacant de le mettre a la porte car maintenant y en a marre. Je vais ranger la cuisine. Lorsque Gladys en a finit avec Ernesto, elle m emmene chez elle et relache ses nerfs en m expliquant a quel point cet employe qu elle a decide de prendre en charge lui pourrit en fait la vie. Elle pense qu Ernesto est cleptomane ou tres intelligent sous ses airs d idiot du village. Elle a ete temoin d autres vols et elle-meme et sa fille ont ete victimes de vols de sa part. Par ailleurs, Gladys a fait beaucoup de depenses pour l hotel (draps, oreillers, vaisselle, etc), mais les choses disparaissent regulierement. Gladys pense qu Ernesto revend les belles choses, ou les offre parfois a ses petits copains (car j apprends au passage qu Ernesto est gay, et qu il lui arrive de faire venir ses boyfriends dans l hotel a son insu). Elle me racontera en particulier un jour ou elle a decouvert, sentant la presence de quelqu un dans la maison, un des boyfriends d Ernesto cache sous un lit !

Oulala, mais dans quoi suis-je tombee, moi, encore ?? D une part je n aime pas beaucoup Ernesto, il me repulse physiquement et je sens chez lui un melange de fouine et d idiotie malsaine, mais en plus je commence a percevoir d un autre oeil cette alliance bizarre entre lui et Gladys. Puisqu il est voleur, peu efficace, qu il represente une surcharge de travail pour Gladys au lieu de la soulager, qu il n a aucune conscience professionnelle (il se fout royalement des gens, ca se voit dans son attitude, tout ce qui lui importe est de jouer les fideles serviteurs pour sa maitresse Gladys), pourquoi donc Gladys ne l a-t-elle pas congedie depuis longtemps ? Pourquoi faut-il qu elle s accroche a ce personnage et a personne d autre ?... Je sens un truc qui ne me plait pas, et contre lequel il n y a rien a faire.
J aurai plusieurs autres occasions de voir Gladys peter un cable avec lui, et toujours il reagira de la meme maniere : les mains sur le ventre, il ne bronche pas. Il ne dit rien, ne crie pas a l injustice, ne cherche pas a se justifier. Non. Il encaisse, et repart quand Gladys le chasse de sa vue en lui demandant d aller chercher tout ce qu il a vole. Evidemment il ne rapporte jamais rien. Gladys me dira que de temps en temps, il lui arrive d avouer. Pas sur le moment, mais bien plus tard. Ou alors d une maniere indirecte. Comme lorsqu elle lui a reproche un jour d avoir derobe les nouveaux draps, et qu il lui a fait cette reponse sublime : ah non, maitresse, ceux-la non….




Moi je me trouve la derniere des andouilles d avoir cherche a le defendre face a ce jeune qui voulait lui casser la figure. Ce jour-la, nous parlons beaucoup et ne travaillons presque pas. Puis la journee se termine comme n importe que l autre jour. Dans ma tete, il devient en tout cas clair que je ne resterai pas plus que les deux semaines que je m etais fixees en arrivant ici. Je compte quitter les lieux juste apres Noel et aller passer le nouvel an au soleil et ailleurs que dans cet univers malsain.
J apprends qu un nouveau volontaire devrait arriver a la fin de ma deuxieme semaine ici. Cool, je me sentirai moins seule, car a vrai dire les matinees passent vite mais les apres-midi beaucoup moins. Gladys me tient un discours etrange sur les volontaires. Le garcon qui doit arriver est ingenieur, il est neo-zelandais. Je commence par comprendre que nous allons amenager pour lui la cabane au fond du jardin. Nous allons l ameliorer car « tu comprends, c est un ingenieur » me dit-elle. Oui, et donc ?... Je devine que Gladys m a categorisee comme fille simple, sans pretention, tres adaptable, qui peut donc dormir dans le tout petit dortoir ouvert a tous les vents. Mais l ingenieur, il lui faut du standing. Enfin bon, la cabane est loin d etre standing mais en tout cas je sens que Gladys a un respect et un sentiment d inferiorite spontane pour certains corps de metier. Dites-lui que vous etes ingenieur, medecin, dans la finance, et vous etes automatiquement place sur un piedestal. Ca n est pas tres surprenant, en meme temps. Et le fait est que je suis effectivement une fille simple et que je m adapte a tout. Mais cette maniere de classifier les gens et de leur offrir des services en fonction du statut me fait tiquer. N est-elle pas censee etre une femme hyper open, hyper sensible avant tout a la « buona onda », elle qui pretend etre experte en spiritualite et psychologie ?
Mes surprises ne s arreteront pas la. En fait, ca ne fait que commencer.
Elle attend donc beaucoup de cet ingenieur, mais je la sens egalement extremement mefiante. « Parce que tu comprends, certains volontaires t envoient des CV et des romans en pretendant etre doues pour tout, mais sur place tu t apercois qu ils ne savent pas faire ». Et visiblement, elle n a pas de temps a perdre avec ceux qui ne savent pas faire. Lorsque Georges arrivera, il ne saura pas tout le mal que Gladys pense de lui avant meme qu il ait franchi le seuil de la porte.
Les dix jours qui vont preceder Noel, Gladys va monter en stress et perdre le contrôle de ses nerfs. Elle pretend sentir les choses. Et les quelques echanges mail qu elle aura avec Georges vont la braquer. Il ne doit pas etre tres loquace, j imagine, du coup elle doit avoir du mal a se « connecter » avec lui et lorsqu il arrive elle a deja decide que ca ne pourrait pas coller. Elle va donc se reveler a mes yeux sous un autre jour.
Quant a moi, tout va bien. Elle m adore, et pour cause : je l ecoute parler, compatis, tente de l apaiser. Jusqu a l arrivee de Georges, en fait, qui a coincide avec le debut de la haute saison, j ai en effet compatis et cherche a aider, comprendre, apaiser le stress. Et puis tout a commence a prendre une autre couleur pour moi, et j ai cesse de compatir.
Avant l arrivee de Georges, Gladys m emmene deux fois par semaine dejeuner au restaurant. Nous revenons tard, apres avoir beaucoup parle, toujours… Je l accompagne acheter de la peinture pour le portail et les portes de metal. Nous allons egalement voir un charpentier pour acheter de quoi construire une porte a mon nouveau logement. Je quitte en effet le dortoir pour m installer dans un passage dans le couloir donnant acces a la terrasse. Cette nouvelle chambre a des parois en tissu sur deux cotes, et communique avec la terrasse. J entends donc toutes les conversations qui ont lieu dans l entree, ainsi que les bruits de la circulation dehors. Une nuit je serai reveillee par une serenade donnee a la porte de l hotel Bo, l hotel le plus luxueux de la ville, en face de La Casa. Heureusement je ne suis pas difficile et peux me rendormir sans probleme. Le bruit ne me derange pas. Et il fait plus chaud ici que dans le dortoir donc ca me va. En tout cas il faudra donc construire une porte, car pour l instant « ma chambre ferme avec des rideaux que tout le monde peut ouvrir.


Le dortoir, dans le jardin. Mon 1er lieu d hebergement.
Le jour ou je quitte le dortoir, je cherche ma carte bancaire pour retirer des sous car j ai l intention de m offrir peut-etre une bague en argent sur le marche artisanal. Je fouille la poche ou j avais laisse mes deux cartes bancaires… rien. Tiens, curieux, elles etaient pourtant la je crois…
Je fouille mes pantalons, refouille mon sac une deuxieme fois, le vide une troisieme fois…. Et la realite cauchemardesque prend consistance alors que je ne veux pas y croire : mes cartes ont disparu…Putain de bordel de merde, c est pas vrai ! Pas encore, et pas les deux !!
Je suis etrangement calme. Je n arrive pas a croire que c est arrive. Je reflechis. Evidemment je pense a Ernesto. Mais je le crois trop stupide pour savoir se servir de cartes bancaires pour faire des achats sur internet. Encore qu il aurait pu les donner a quelqu un d autre. Non. Ca fait trois jours que je n ai pas eu a toucher mes cartes bancaires. Et je pense a l ascension des marches de l eglise de la Guadalupe. Mon sac a dos sur les epaules, la poche avant offerte a tous les pick-pockets. La foule autour de moi. Trop facile.
Je me sens immediatement la derniere des imbeciles. Comment ai-je pu laisser mes deux cartes au meme endroit, et dans la poche la plus accessible de mon sac a dos ?! Qu est-ce qui m a pris d agir de facon aussi inconsciente ?
Et puis surtout : comment je vais faire, maintenant ??.. Il me reste 350 pesos sur moi. Je decide d appeler mes deux banques et de faire opposition. J ai confiance dans le Credit Agricole pour que tout se passe bien, mais a quoi dois-je m attendre avec la Banque postale, apres leur foirage total lors de mon premier probleme au Maroc ?....
J appelle avec mon portable pour faire opposition. Ca me coutera tout mon forfait d appel a l etranger et bloquera mon acces a l etranger jusqu a ce que mes parents virent 50 euros sur mon compte free. Super… Et bien sur j ai du appeler la Banque postale deux fois car la premiere fois, « suite a un probleme technique personne ne pouvait traiter ma demande »… Quand je tombe sur un interlocuteur au deuxieme appel, il verifie mes coordonnees : « je vois que vous etes domiciliee au Quebec », me dit-il. Oh mon dieu mais c est pas vrai ! NON. Je ne suis pas domiciliee au Quebec, j ai fait envoyer ma carte bancaire au Quebec a une adresse exceptionnelle et je suis toujours domiciliee en France !! Comment faut-il leur parler ??? … Bon. Il fait le necessaire pour bloquer la carte.
Maintenant que l opposition est faite, il me faut attendre le lendemain matin pour aller appeler d un centre d appel longue distance pour donner les coordonnes de La Casa aux deux banques et demander l expedition en urgence de mes cartes. On est au Mexique, Tous les courriers que j ai envoyes ont mis entre trois semaines et un mois et demi pour arriver a leurs destinataires… Mon dieu, combien de temps vais-je devoir rester ici ? Sans especes ?
Sur le moment je me dis que ca aurait pu etre pire. Au moins suis-je dans un endroit ou je ne paie pas l hebergement et ou je suis la bienvenue. Je ne sais pas encore a quel point cette negligence de ma part va me mettre dans une situation compliquee.
Gladys me montre ou je peux telephoner le lendemain matin. Je note qu a aucun moment elle ne me demande combien d argent j ai sur moi ni si j ai besoin de quoi que ce soit. Encore une chose qui va s ajouter dans la colonne des petites et grandes choses qui decidemment ne me plaisent pas beaucoup chez elle. Ah elle me plaint, se desole, me donne du Patita (ici je suis Paty ou Patita, a titre affectueux), se gausse de l inefficacite des banques.
Le lendemain je suis a 8h a la boutique et entre dans une cabine telephonique pour appeler la France. En 10 minutes tout est regle avec le Credit Agricole. Ma conseillere ne travaille plus pour l agence de Lunel mais elle note tout, commande la carte, m assure qu elle va transmettre toutes les informations a son collegue de Lunel, et qu a reception de ma nouvelle carte a l agence de Lunel ils la feront partir par UPS (a leurs frais) pour San Cristobal. Ouf, merci, comme c est rassurant d avoir ce genre de personnes au telephone lorsqu on est en galere a ce point !

J appelle la Banque postale. J ecoute 8 minutes de musique en rageant, voyant le compteur egrener les pesos sous mon nez alors que je n arrive a avoir personne au bout du fil. « Tous nos conseillers sont en ligne, nous vous remercions de bien vouloir renouveler votre appel »… On m a raccroche au nez. Je dois rappeler, passer encore 3 minutes a attendre la musique et le repondeur avant qu enfin quelqu un decroche. J annonce tout de suite la couleur : je vais devoir faire tres vite, je vous appelle du Mexique avec le peu d especes qu il me reste donc je ne peux pas rester longtemps au telephone. Malheureusement je tombe sur une dame au debit de parole tres lent et qui essaie de faire un peu d humour : d accord, tres bien madame, on va essayer de faire en sorte d aller vite alors, hahaha… Oui bon, allons-y donc. D abord il faut qu elle m identifie avec securite. Quand elle m a trouvee sur son ordinateur elle ne trouve rien de mieux a dire que : « si je peux me permettre, avant toute chose, madame Rossetti, quand vous aurez le temps ce serait bien que vous alliez sur le site de vos comptes en ligne. Car je vois que dans vos coordonnnees votre numero de telephone portable figure deux fois sur deux lignes differentes. Normalement c est pas possible, il faut indiquer un numero de domicile et un numero de portable, et ca ne doit pas etre les memes. »
Oh put… mais qu est-ce qu elle me raconte ?? J ai bien envie de lui envoyer le telephone dans la figure mais je me rends compte que je ne peux pas... Je la ramene donc au sujet de mon appel. Elle prend note de l adresse exceptionnelle de livraison de la carte et de ma demande de ne pas changer de code secret. « vous etes sure de ne pas avoir laisse le code attache a la carte, comme font certaines personnes ? » Oh mais ta gu…. Je vais la tuer, je vais la tuer… non je ne peux pas. Bon, elle m assure avoir bien tout note. Je demande qu on prenne bien en consideration l urgence et precise que je suis prete a payer pour une expedition ultra rapide. Pas de probleme madame Rossetti on va vous envoyer votre carte. J en profite pour vous demander si on vous a parle de la nouvelle carte…. Et la voila qui me debite son offre commerciale ! Je reve !... Je coupe court : non mais la je n ai pas le temps, je vais raccrocher, merci au revoir.
Dingues. Ils sont dingues et inconscients a LBP. Je les hais, c est definitif je crois.
Je laisse a la caisse plus d un tiers de l argent qu il me reste. Mais je rentre a l hotel avec le sentiment que cette fois avec un peu de chance ca devrait bien se passer.
Il va falloir que je sois hyper restrictive dans mes depenses dorenavant. Uniquement pour manger. Plus de blog, meme a 16 pesos pour trois heures d ecriture. Coincee ici jusqu a l arrivee de mes cartes. Pas de visite, uniquement des balades a pied. Plus de M&Ms. Apres tout ca pourrait etre pire… Finalement, c est peut-etre l occasion ou jamais de me mettre a ecrire, puisque je n ai plus que ca a faire de mon temps libre ! Je resors mon calepin et m installe a la terrasse dans l apres-midi. Il fait beau, mon regard se perd au-dessus des toits, la ou les sommets des montagnes fleurtent avec les nuages, Et je me lance.
Et mon stylo court tout seul sur le papier. Ah ce plaisir d ecrire !! Pourquoi l ai-je tant retarde ? Pourquoi est-ce si difficile de prendre le temps de m asseoir et de me plonger dans ce monde imaginaire qui m habite depuis presque toujours ? Un parfum d adolescence revient par le bout de mes doigts et diffuse sa chaleur dans tout mon corps. L ecriture, c est physique. Rien que pour ce plaisir, je veux ecrire. Mon objectif n a jamais ete la publication. J aime avant tout ressentir cette sensation de plenitude, debrider mon imagination pour donner corps a ces scenes et ces dialogues que j imagine sans cesse. J aimerais tellement parvenir a organiser ces idees fugitives et a les suivre jusqu a voir apparaître la fin du chemin ou elles me conduisent.
Desormais, l ecriture, les livres de ma kindle et les films seront mes compagnons d infortune. Du moins jusqu a ce que de nouveaux amis de chair et d os arrivent…
Et Georges rejoint l equipe deux jours apres. Neo zelandais, il voyage de job volontaire en job volontaire, en Amerique centrale, pendant six mois. Sa rencontre avec Gladys me laisse pantoise. Je l entends lui parler dans la cuisine. « On va voir si ton travail fait l affaire au bout d une semaine, et en fonction en decidera de la suite des choses »… Quel accueil ! M a-t-elle dit ca quand elle m a recue ? A la reflexion, peut-etre bien que oui, mais je crois que ca m arrangeait qu elle le prenne comme ca car je n etais pas moi-meme bien decidee sur le temps que je voulais passer ici. Et j avais des doutes sur notre capacite a nous entendre, vu sa description sur workaway. C est idiot mais la photo parle beaucoup. Et sur sa photo de profil, Gladys adopte une pause plus aguicheuse que Peace and Love.
Bref. Je suis genee pour Georges de cet accueil froid. Nous faisons connaissance. Georges pense rester jusqu au nouvel an et partir le 2 janvier pour le Guatemala ou il a un autre engagement pour 6 semaines. Je lui annonce que Gladys compte sur lui pour un grand nombre de travaux, mais me garde de lui faire part de ma fatigue nerveuse accumulee avec les methodes de travail d ici ou mon exasperation grandissante face aux debordements d humeur de Gladys et aux vices mal contenus d Ernesto. Qu il se fasse sa propre idee.


Gladys va continuer a travailler avec moi sur les reservations, et confie a Georges les travaux de bricolage. Nous recevons de plus en plus de reservations, la saison haute a demarre, et je m arrache les cheveux. Il n est deja pas simple de superviser les trois calendriers informatiques. Gladys ajoute une complication en decidant de changer les hotes de chambres en fonction de ce qu ils paient. Et la, je commence a avoir des boutons.
D une part nous passons notre temps a modifier le calendrier, ecrire, effacer, reecrire, reeffacer, verifier chambre par chambre sur les trois plateformes de reservation pour actualiser en fonction des changements que nous avons faits. Mais en plus je decouvre que Gladys aborde les choses sous un aspect purement business qui me deplait fortement. Une fois que le calendrier est ficele, elle reprend tous les dossiers individuels et me demande : qui paie le plus ? …. Ben, Untel. Ok alors elle prend son blanco et attribue la meilleure chambre a Untel. Qui paie le moins ? Bidule, mais c est parce que Bidule a reserve il y a plus d un mois, avant qu on change les tarifs pour la saison haute....
Et bien tant pis pour Bidule, on va le deloger de la chambre qu il a reservee car elle est trop bien pour le peu qu il va debourser ! Et c est pas grave si nous n avons pas trois nuits de suite dans la toute petite chambre "Esperanza" dans laquelle on peut tout juste faire le tour du lit, Bidule changera de chambre au cours de son sejour, il bouchera les trous !
Au fond de moi, je suis choquee. Choquee par cette maniere de faire, choquee par son gros rire gras quand elle justifie ses manipulations par la soi-disant radinerie des gens alors que c est vraiment l hopital qui se fout de la charite. Faire changer un hote de chambre trois fois en trois jours ne la derange pas : "a ce prix-la, il ne peut pas attendre mieux" se defend-elle. Beurk beurk beurk.
Et puis pour eviter les soucis qu elle a eu l an passe avec des reservations non annulees pendant la periode des fete de Noel, Gladys a decide de demander un acompte aux gens. Ce qui en soi n est pas forcement une mauvaise idee... a condition qu elle s y tienne et applique la meme regle pour tout le monde. Mais evidemment ca ne se passe pas comme ca. Je m efforce de sauvegarder des messages types en espagnol et en anglais, pour pouvoir me debrouiller toute seule et avancer dans le traitement des dossiers (car on met vraiment une plombe a deux !). Mais quand je lui monre les reponses que j ai preparees pour gagner du temps, elle a toujours quelque chose a dire, les regles ne sont pas les memes pour tout le monde, a celui-ci on laisse 15 jours de battement pour verser un accompte de la moitie du montant total, a tel autre on demande le virement de la totalite le jour meme. Je ne comprends rien a sa logique, et ca m agace d autant plus que je ne peux rien faire seule. Parfois elle s inquiete ou s enflamme et prends son telephone pour appeler directement les clients et leurs donner toutes les infos pour les virements. Je suis assise les bras croises a cote d elle a attendre qu elle ait fini de passer ses coups de fil.

Ah on n est vraiment pas faites pour bosser ensemble ! J envie Georges, qui pendant ce temps bricole tranquille - quoique, avec Ernesto sur le dos...
Une mauvaise nouvelle arrive tout a coup. Une des meilleurs amies de Gladys est a l hopital de Tuxtla, soignee pour un cancer. Sa fille a appele Gladys, la fin s annonce. Glady demande a Ernesto d aller me chercher. Je vais chez elle. Elle me tombe dans les bras en pleurant. Je suis sinceremen peinee pour elle. Et en meme temps un peu surprise d etre devenue en une semaine la grande confidente dont elle ne peut plus se passer. Etange, tout ca.
Nous passons en revue les dossiers, puis elle part en colectivo a Tuxtla. Evidemment pendant son absence nous aurons deux soucis de reservation a gerer avec Ernesto. Gadys recoit toutes les reservations sur son telephone. Or elle ne capte pas terriblemen bien et puis surtout elle a d auters chats a fouetter a l hopital. Nous voyons du coup debarquer des gens qui nous annoncent avoir reserve sur Booking ou Airnb. E je m apercois a cette occasion qu Ernesto n a aucune idee des tarifs ou alors il en decide a la louche selon son inspiration ! Super...
Bon, on se debrouille malgre tout. Le soir, Gladys appelle Ernesto. Son amie me passera pas la nuit. Nous sommes tous desoles. Ernesto allume une bougie dans l entree, sous le rideau representant Bouddha. Le lendemain, nous apprenons que l amie de Gladys est decedee, Gladys revient en fin de matinee. Hebergee par la famille de son amie, elle a du se voir offrir des vetemens egalement car elle est tout de blanc vetue - rapport au deuil, j imagine. A peine est-elle arrivee qu elle me fait a nouveau demander. Je suis moitie contente de pouvoir lui apporter un peu de reconfort par mon ecoute, moitie mal a l aise car je n aime pas beaucoup le role qu elle me donne, decidemment, depuis que je suis la. Ceci dit, je suis emue pour elle et vraiment peinee d apprendre a quel point ces evenements ont ete durs a vivre, compte tenu du climat extremement conflictuel dans la famille de la defunte. Vraiment je n aurais pas aime etre a la place de Gladys.
Geroges est laisse de cote pendant ce temps-la. Elle lui adresse a peine la parole quand elle vient donner ses instructions avant de repartir pour Tuxtla. Elle tente alors de lui expliquer ce qu elle aimerait qu il fasse pour demain : tout simplement qu il lui ponde un nouveau systeme de gestion des calendriers Booking, Airnb, Hostelword, reservations de la rue (les gens qui viennent directement frapper a la porte), et son infame calendrier papier tout rature. Georges est un gentil garcon. Il dit qu il va voir ce qu il peut faire.
Gladys s en va pour les funerailles.
Nous travaillons d abord chacun de notre cote, Georges et moi. Je ne sais pas rop quoi faire alors j ai decide d essayer de reflechir moi aussi a l organisation de ces fichus calendriers. Et puis nous finissons par en discuer tous les deux, et je lui avoue mon impuissance a trouver quoi que ce soit qui puisse fonctionner avec elle. Je lui racone comment nous travaillons. Je m apercois qu passage que Georges est lui aussi en train de se faire sa petite idee du personnage.
Et d ailleurs non, je n envie pas Georges au briclage car Gladys est encore pire dans ce domaine-la. Lors de ma premiere semaine, j avais assister en silence au spectacle de sa maniere de travailler avec Ernesto. Il fallait la voir, repetant 10 fois, 15 fois les memes mots, les memes phrases, lancant des vannes comme si elle parlait a un debile mental (bon d accord, c es vrai que c est pas une lumiere), ne supportant pas une minute d attente, rabachan son prenom sur tous les tons, lui faisant repeter..
"Ernesto, va chercher les rideaux verts, enleve ces rideaux blancs moisis et mets les autres a la place. Les rideaux verts, les rideaux verts, les rideaux verts, Ernestito, ou sont les rideaux verts ? C est por aujourd hui ou pour demain ? Pour aujourd hui, Ernstooooooo, pour aujourd hui ! Va chercher les rideaux verts, tu as compris ? Qu es-ce que tu as compris ? Aie Ernestito, pas les draps verts, les rideaux verts, les rideaux, les rideaux, les rideaux, mais qu es-ce qu on va faire avec toi mon enfant ?!"
Ce jour-la, j ai assiste a ce spectacle toute la journee. Et elle represndra deplus belle pendant les jours de Noel et du Nouvel an, car des qu elle a une idee en tete ou qu elle est stressee elle passe en mode 2000 volts et repetitions a outrance.

Elle se controle un peu plus avec les volontaires, mais elle est tres vite penible. Je sens Georges agace mais prenant sur lui.
Bref, en tout cas ce jour-la nous discutons pour essayer de rouver une solution a son probleme de calendrier mais ne voyons pas d autres possibilites que d en parler tranquilement avec elle, pour essayer de determiner avec elle de quoi elle a le plus besoin.
Lorsqu elle revient de l enterrement le lendemain, je me presente devant sa porte car il y a des choses a gerer urgentes pour les reservations, mais je dois bien sur commencer par m asseoir dans son salon pour qu elle me raconte l enterrement totu aussi horrible que la veille. Alors que nous discutons, Georges sonne pour venir voir s il peut se rendre utile. Il est sur le pas de la porte, et Gladys ne l invite pas a rentrer. As-tu fini le document que je t ai demande de faire ? - lui demande-t-elle d une voix que je trouve trop seche. Well, not really - commence Geroges, cherchant les meilleurs mots pour le dire. "Bon et bien il faudra qu on parle alors, car si tu n es pas capable de faire ce travail et bien nous allons devoir reetudier la situation (sous-entendu : remettre en cause a presence ici)". Je suis scotchee... Je tente d intervenir : on en a beaucoup parle ous les deux, on a des idees mais il faut qu on prenne le temps de parler avec toi pour voir ce dont tu as vraiment besoin. Ah bueno, elle se calme et Georges nous laisse toutes les deux. Moi je suis verte, je ne comprends pas cette attitude et je trouve son comportement tres inegal avec lui et moi.
Elle finit de soulager ses emotions en me parlant de l enterrement, puis je la recadre sur le boulot car il y a des urgences et nous passons dans le couloir-bureau. Alors que nous redigeons ensemble une reponse a un client, je n y tiens plus. Je m arrete et lui fais part de mon incomprehension sur son attitude avec Georges. Je vois bien qu elle ne l a pas dans ses petits papiers, et je ne comprends pas pourquoi. Elle m ecoute, et me dit d abord qu elle a l impression qu il ne fout rien. J ouvre de grands yeux et dements formellement. Elle me montre alors son telephone, et les messages qu Ernesto lui envoie a longueur de journee depuis la veille. Et je n en crois pas mes yeux. Georges attend que je lui serve le cafe le matin (en effet ce matin je venais de me servir un cafe lorsque Georges est arrive, alors je lui ai tendu ma tasse pour m en servir une autre...), Georges est reste assis toute la matinee devant son ordinateur, Georges est sorti a 13h et il n est revenu qu a 15h, etc... Je suis ecoeuree et decidemment Ernesto ne sera pas mon pote.
J explique a Gladys que Georges est loin d etre le paresseux qu Ernesto decrit. Elle semble l entendre, mais pendant les deux semaines de presence de Georges je verrai bien qu elle ne l aime ´pas beaucoup.
Geroges ne sera pas dupe et fera son job serieusement sans trop en faire non plus. Bon gars, il nous apportera regulierement de la tequila pour partager un verre le soir - ca rechauffe ! Et nous passerons quelques bons petits moments a rire et discuter. Nous sentons Noel approcher et les rues de San Cristobal resonnent des chansons de Noel version latino.
Et puis nous creons des liens aussi avec les guests. Lorsque Gladys est partie rejoindre son amie a l hopithal, Tusha s es presentee a l accueil. Elle etait l une des deux personnes dont Gladys n avait pas pu me prevenir de la reservation.
Tusha n est pas tres grande, elle s exprime doucement. Son attitude un antinet repliee sur elle-meme peuvent donner l impression d une certaine reserve ou d une certaine timidie que ses yeux et son sourire dementent tres vite. Elle parle un excellent anglais, mais quand elle repond - alors que je lui demande d ou elle vient - qu elle est russe, je suis aux anges. Et je tente de me souvenir de quelques mots, qu elle a la gentillesse de comprendre !
Curieusement, nous n aurons pas vraiment l occasion de parler pendant les deux jours qu elle passera a san Cristobal. Mais lorsqu elle reviendra une semaine plus tard, et alors que Gladys decidera que nous ne pouvons pas accepter sa reservation car elle paie trop peu, nous trouverons le moyen de nous revoir et passerons une excellente et surprenante soiree.

J ai profite d un moment ou Gladys parlait au telephone avec un client pour envoyer un message a Tusha sur la messagerie Airnb : "c est Patricia, si tu reviens dans le coin, nous avons de la tequila dans les placards si ca te dit de venir nous faire un coucou a Geroges et moi, ca nous fera plaisir". Elle a repondu qu elle viendrait, et nous l avons effectivement vue se presenter a la Casa le lendemain. Georges etait deja sorti. Nous sommes donc parties au Cafe Revolucion (the place to be a San Cristobal, et ni elle ni moi ne l avions encore teste alors c etait l occasion) et avons commande un mojito toutes les deux. Magie du voyage : il ne nous a pas fallu 10 minutes pour entrer dans une conversation tres intime et personnelle. Quand ce genre de connexion se cree, j ai l impression qu au premier regard on se reconnait. Je suis toujours surprise et enchantee par ces moments. On sent le truc en commun. Et je ne sais pas comment ca marche, par quel canal ca passe, mais on ne se trompe pas sur ce feeling. J ai donc ete surprise et enchantee de decouvrir cette jeune femme au parcours singulier et dont les questionnements faisaient echo aux miens.
Tusha est russe, mais elle a grandi aux Etats-Unis apres que sa mere l ait emmenee avec elle. Elle a beaucoup demenage pendant sa jeunesse. Elle m a donne le sentiment que sa mere avait toujours eu du mal a se poser quelque part, et souligne le nombre d ecoles qu elle a frequentees. Peut-etre est-ce l origine de cette reserve qu on sent chez elle.
J apprends que Tusha vit maintenant - et ce, depuis quelques annees deja - a Hudson, dans l etat de New York. Oh mais j y suis passee ! C est chouette de pouvoir se representer les lieux, le decor. En fait, on dirait que la stabilite vient de faire son entree dansla vie de Tusha, et curieusement cette apparition est la raison de son voyage. Un repere geographique fixe pour une fois, une relation sentimenale stable et qui a tout l air de pouvoir etre durable, un quotidien qui lui plait et dans lequel elle pourrait planter ses racines, pour une fois : d un seul coup ca faisait trop, visiblement. Tusha est partie pour quelques mois de voyage toute seule, pour faire le point, pour se rassurer et prendre les bonnes decisions.
Forcement ces paroles et ce parcours m ont touchee. D abord parce que j admire cette prise de risque, qui plus est a cet age-la (et dieu sait que si j avais pu j aurais aime faire ce voyage plus tot). Ensuite parce que j ai retrouve mes doutes dans les siens. J ai galere pendant presque vingt ans a la suite d une erreur de jeunesse, et au moment ou tous les indicateurs venaient de passer au vert dans ma vie et qu enfin tout allait bien sur tous les plans, je decide de quitter mon CDI a 40 ans, rendant une fois de plus mon avenir incertain, et je m eloigne volontairement de la personne que j aime alors que nous partagions enfin le genre de relation que je souhaitais depuis toujours avec elle.
Les doutes de Tusha me parlent, et si a un moment donne elle semble un peu perdue alors qu elle se raconte, moi j ai l impression d avoir en face de moi une jeune femme determinee qui prendra forcement les bonnes decisions et qui saura s ecouter.
Tequila et Rompope, les compagnons des bonnes soirees !
18 janvier 2016

Encore une fausse joie. Encore choux blanc a la poste de San Cristobal. Comment est-ce possible que la poste mexicaine soit a ce point pas fiable ? Je ne sais pas quel est le sens de cette galere, s il y a en a un, mais ca va presque faire deux mois que je suis a San Cristobal et je n en peux plus d attendre tous les jours cette fichue carte. a Banque postale a le toupet de m ecrire que l envoi des cartes a l etranger prend environ 10 jours. Ils osent me dire ca alors que ca fait un mois que j attends leur foutue carte.
En fait ces jours sont bizarres. Quand je pense a ma carte je boue de rage, et je n en peux plus d etre coincee ici. Au moins maintenant j ai trouve le moyen de me sentir libre par rapport a Gladys (nous en sommes a deux engeulades, elle a vire un volontaire, s est engueulee avec un autre, et une volontaire est partie au bout d une semaine, pas franchement motivee pour rester ici). Je ronge mon frein en attendant ma liberation. Je ne suis bien sur par prisonniere ici, mais le fait d etre obligee d attendre alors que je voudrais partir me pese enornement.
Et puis a d autres moments je realise que beaucoup de gens ont des problemes bien plus graves que ca dans la vie. Je suis obligee de rester a San Cristobal, bon, y a pire comme destination, quand on y reflechit bien. Je supporte de rester chez Gladys parce que ca ne me coute rien. Mais chez Gladys j ai fait des rencontres extraordinaires que je n aurais pas voulu manquer pendant ce voyage.. Et puis si je n etais restee que deux semaines comme prevu, je ne parlerai pas aussi bien espagnol aujourd hui. Et je n en aurai pas autant appris sur la culture mexicaine non plus, car j en observe des choses, depuis que je suis ici. Et puis je ne me serai pas lancee dans l ecriture. Et enfin, en ayant le temps de poursuivre le blog et de rattraper quasiment tout mon retard sur le blog, je n aurais pas eu l occasion de jeter un regard en arriere sur ces 10 mois de voyage ecoules. Ni de ressentin la fierte que j ai ressentie, mettant un terme aux tergiversations existentielles alambiquees qui commencaient a me poluer la tete inutilement avant mon arrivee a San Cristobal.
Alors je peste, certes, mais je suis en meme temps contente au fond de moi de cette experience-la aussi. Et comme pour le reste, je crois que je n aurai aucun regret.


Nous avons parle longtemps, avec Tusha, avec une facilite et un naturel qui m ont tout autant deconcertee que ravie. Il fallait parfois que je tende un peu l oreille pour comprendre son anglais par-dessus les notes de musique du bar. Mais j ai adore ce moment, qui doit tout au voyage. En quelle autre circonstance se serait-on confiees ainsi, aussi spontanement et sincerement, sur la base d un simple feeling qui nous a visiblement fait sentir reciproquement en terrain securise.
Tusha a voulu savoir pourquoi je tenais tant a visiter la Russie. Elle ne doit pas rencontrer souvent des gens qui manifestent autant d enthousiasme que moi pour la Russie, j imagine ! Alors je lui ai explique que j ai appris le russe tres tot et me suis donc interessee tres tot a la culture de ce pays. Et puis il y avait les livres de papa, aussi. Je les ai quasiment tous lus, je crois, et j ai aime. Et alors que je raconte ca a Tusha, je realise que ma fascination pour la Russie a un parfum romantique issu des romans que j ai lus pendant mon adolescence, ainsi que de certains films tels que Le Docteur Jivago... Oh mon dieu, je sens que ma vision est totalement perimee et biaisee et que la realite que je m apprete a decouvrir n a plus rien a voir avec ces images de mon enfance ! Mais n empeche, j ai hate !
La musique devient un peu penible et nos mojitos sont finis. Nous sortons du bar, et plutot que d en chercher un autre tout aussi bruyant nous decidons de retourner a la Casa ou j ai encore de la tequila et oui nous pourrons profiter de la terrasse pour continuer notre discussion dans le calme et sous les etoiles.
A notre arrivee, nous retrouvons Georges qui est rentre. Il discute Joey, un guest americain, comment dire... original. Je les invite a boire une tequila avec nous et nous allons finalement dans la cuisine.
Joey est donc americain. Il doit avoir une trentaine d annees, ses longs cheveux chatains tires en arriere sur son crane coiffe d un genre de chapeau de cowboy. Il distribue ses cartes de visite. Joey est coach en vie spirituelle... Tout un programme.
En fait, au debut je l ai trouve sympa, Joey. Il a quite les USA il y a 7 ans. Il s interessait deja a la meditation. Et puis il est parti en voyage au Perou et a suivi une retraite (il a du me dire quelle genre de meditation mais je crois que j avais deja decroche a ce moment-la).

Il n avait pas l argent pour prendre l avion - retour pour les USA, il est reste. Et depuis il vit au Perou et il bosse a son compte, en tant que coach spirituel, donc. Quelque chose dans sa facon de parler, ou de m instruire, peut-etre, me fait perdre le fil. Et puis je le vois fumer des cigares, et tourner autour de la table lorsqu il voit que la tequila est de sorti et qu on est en train de boire un verre entre potes. A force de le voir prendre part aux discussions debout a cote de nous, quelqu un finit toujours par lui proposer un verre. Et hop il le prend et s asseoit parmi nous. Je suis mechante, il etait bien sympa, Joey, mais j ai ressenti comme un decalage entre ce qu il pretend etre et ce que j ai vu. Etait-ce la realite ou bien ma propre vision des choses que je transposais et qui ne collait pas sur cet etrange personnage ? Allez savoir.
En tout cas il est de la partie, ce soir-la, dans la cuisine. Nous buvons un verre et decidons de suivre les garcons qui nous parlent d un bar dans lequel on peut ecouter du jazz. Chouette ! C est bien la derniere chose que je m atendais a faire ici, dans cette ville ou j entends plus souvent Enrique Iglesias et la flute de pan.
On repart donc vers le zocal puis un peu plus loin Georges nous entraine dans un bar ou s installe un groupe. Nous montons a l etage et prenons une table avec vue directe sur... le crane du chanteur-guitariste ! Lorsque celui-ci enleve son chapeau et decouvre son crane degarni, le fou rire ne tardera pas a nous tomber dessus avec Tusha ! Difficile de succomber au charme de la voix et de la guitare sur des balades amoureuses, avec une tete aussi effrayante !
Quoi qu il en soit, je passe une excellente soiree. Je laisse a Tusha l adresse du blog, elle me laisse son adresse mail : n hesites pas si tu as besoin de quelque chose en Russie, me glisse-t-elle avant de nous quitter pour se coucher a une heure raisonnable : demain elle part au} l aube pour le Guatemala.


Noel approche et l hotel ne desemplit plus. L approche des fetes me rend toute chose. Je pense a Sophie, avec quij ai passe pour la premiere fois un Noel a l etranger loin de tout, en Thailande. Je lui enverrai un message le 25 en souvenir de notre Noel sur la plage. Ah ca, le decor etait magique et nous avons vraiment savoure ce petit coin de paradis sur une plage absolument pas touristique, pres d un village de pecheur. Bon, notre repas de Noel, lui, n avait pas franchement ete a la hauteur puisqu on s etait fait avoir en pensant que nous pourrions commander de bonnes choses a la reception et nous faire livrer. Ah mais ce soir c est ferme" nous a fait comprendre la receptionniste. Et la ville etait a une demi heure en taxi... Et bien sur il faisait deja nuit...En fouillant son frigo la receptionniste nous a trouve deux emballages de plats surgeles, qu elle a fait chauffer. Joyeux Noel au hachis parmentier decongele ! Heureusement ophie a sauve notre soiree en sortant de son sac le foie gras qu elle avait secretement emporte de France en prevision de cette soiree !
Une semaine apres ce festin, nous rentrions passer le nouvel an en France, et le 1er janvier je decouvrais sur mon repondeur, que je n avais pas voulu decrocher de toute la journee, le message de Jean m annoncant le deces de Betty.
Je pense aussi a mes parents, a mes neuveux, a mes soeurs. Les savoir en train de se preparer a passer Noel ensemble, j avoue c est dur. Bon, je l ai choisi, c est vrai. Mais quand meme. Ca fait un moment, d ailleurs, que je suis d humeur bizarre a l idee de savoir tout le monde en mode preparation de fetes de fin d annee, en France. J y pense depuis que les copains m ont fait un coucou depuis le congres. J ai failli oublier la date, d ailleurs, tant ma tete etait ailleurs a ce moment-la. Le jeudi 10 decembre, j ai recu des photos envoyees par Mag. Comme ca m a fait plaisir ! Et comme ca m a fait un pincement au coeur de les savoir tous ensemble. Et comme toujours, j ai envie d etre avec eux. Ca ne fait pas deja un an, c est pas possible... Comment oublier leur au revoir, a toutes ces personnes qui ont marque ma vie ces huit dernieres annees ?
Oui ca m a rendue melancolique tout autant qu heureuse, de les voir, puis de leur parler. Car le samedi 12, nous arrivons enfin a faire un skype avec Stan et Elodie ! Mes amours de SoLeader, qui ne manquent pas de me faire remarquer que je ne porte pas le sweat qu ils m ont offert a Saint-Etienen ! Oups ! En plus j y avais pense, mais le froid a eu raison de moi, j ai enfile ce jour-la mon poncho (c est simple, il ne me quitte pratiquement pas !). Je les vois et je peux enfin leur parler, depuis le temps qu on essaie. Bon de mon cote c est hyper frustrant car je suis dans un cyber et ne peux donc pas trop sauter de joie ni hurler, car autour de moi une dizaine de mexicains sont concentres sur leur ecran. Mais quelle joie, lorsque je vois passer les tetes des autres jeunes de SoLeader, puis tout a coup Laurence, Mag, Annabelle, Laurence M, Anne-Marie, Christine, et Cat bien sur... Mon coeur bat fort, comme une gamine. Je suis emue, je ne peux pas leur montrer a quel point, ils me font un beau cadeau, tous. Je voudrais ne pas raccrocher, j ai tellement de choses a leur dire et de questions a leur poser, mais dans ce cyber je manque d intimite et puis eux sont dans une autre ambiance. Gladys me fait coucou aussi, comme c est etrange de se revoir apres tout ce temps ! Cat revient deux fois, trois fois. Stan garde la communication jusqu a ce qu il n ait plus de batterie. Quand on coupe, je suis frustree mais tellement heureuse ! Je sors du cyber avec un sourirre en banane... Il m a manque, entre autres, Helene. je lui envoie un message, on va essayer de se programmer un skype toutes les deux.
J ai pu faire un skype avant Noel egalement avec Julie B. Sa petite derniere est couchee, mais je la decouvrirais pour la premiere fois la nuit (en France) du Nouvel an, a l occasion d un autre skype. On se proment aussi avec ma famille de faire un skype le 24.
Bref, je sens la melancolie me guetter et mon esprit voyage au milieu d une foule de souvenirs et de personnes cheres. J ecris beaucoup, et suis heureuse du temps que certains prennent pour me repondre a ce moment ou j en ai besoin.
Je pense a Paris egalement, dont je n ai pas trop de nouvelles recentes, et m inquiete d un reveillon qui s annonce plus reduit qu a l accoutumee. J ai hate que Noel arrive a la fois parce que j adore Noel mais aussi pour que ce soit passe et que l atmosphere redevienne normale.
Mais bien avant Noel, un evenement va se produire dans San Critobal.
Le 17 decembre, Gladys est partie a l hopital voir son amie mourante. Georges travaille sur son ordinateur sur la terrasse. Je travaille sur l ordinateur pourrit qui se trouve a l entree de la Casa.

Il est un peu plus de 13h, quand je sens le sol bouger sous mes pieds. Un mouvement etrange. J ai senti le bureau partir sur la gauche et revenir a droite. Au meme moment, un autre mouvement bizarre, sous mes pieds et sous les pieds de ma chaise. Il faut bien une seconde a mon cerveau pour interpreter la sensation et cesser de se concentrer sur le tableau excel que je suis en train d essayer d elaborer. La main sur la souris, je n ai pas bouge. Par contre voila que le mouvement recommence. Oh comme c est bizarre. C est leger, mais je sens bien que ca bouge sous moi. Concentree sur le sol, je n ai pas encore remarque que les murs tremblent et que les mobiles et lampes se balancent et se sont mis a tinter. C est tellement doux que ca ne m inquiete pas, au debut. Ca m intrigue, jusqu a ce que je percute : le terre tremble ! Alors c est ca, un tremblement de terre ?? Comme pour m apporter une confirmation, tout a coup le sol fait un ecart a droite sous mes pieds et semble meme sursauter violemment. Comme si quelqu un avait donne un grand coup par en-dessous, et que le beton sur lequel je me tiens s etait trouve deporte une seconde sur la droite avant de revenir a sa position initiale. Cette fois-ci je bondis de ma chaise, caj ai egalement senti et entendu les murs bouger fortement. Instinctivement je leve les yeux póur voir ce que j ai au-dessus de ma tete. Rien ne semble pouvoir ni vouloir me tomber dessus. Sous mes pieds, ca bouge encore. J ai l impression tres etrange d etre sur une plaque de beton qui cherche son equilibre sur un sol visqueux. Ca glisse, ca ondule.
Je pense a Georges, la-haut sur la terrasse, Je leve la tete, il vient justement de rentrer dans la maison, aussi surpris que moi par ce qu il se passe. Il me rejoint en bas et nous faisons enfin ce que tous les mexicains savent qu il faut faire dans ce genre de situation : nous sortons de la maison !
Dans la rue, une file de voiture, moteur coupe, attend et bloque la circulation. Tout le monde est sur le pas de sa porte. La jeune argentine qui fabrique des bijoux dans la boutique d a cote nous apercoit et hausse les sourcils : wouah c etait une forte secousse cette fois-ci !
J apprendrai par Ernesto que San Cristobal connait en moyenen deux secousses par mois, jamais dangereuses. Ernesto sera cependant pendu aux infos televisees le soir pour ecouter les commentaires sur cette violente secousse inhabituelle. 6,4 sur le chelle de Richter, apprenons-nous. Et moi je suis surprise. Sachant que l echelle comporte 9 paliers, j aurais cru que 6 correspondait a une secousse plus violente que ca. Nous appreons aussi que le trembement a ete ressenti (evidemment bien moins fort) jusqu a Mexico city.
Quand je remnonterai sur la terrasse je serai tout de meme peu rassuree par les enormes pots de fleurs que nous avons sur le bord. En cas de secousse plus violente, ces pots pourraient tuer quelqu un ! Mais ca n inquiete que moi, je pense.

Et Noel arrive.
Les trois - quatre jours qui l ont precede, on a senti l ambiance se mettre a la douceur flamiliale et a l achat de cadeaux. Les rues sont decorees, la place du zocalo accueille son concours de creches et ses deux sapins, rien que ca.
Avec Georges, on a senti a la Casa que Gladys montait en stress. On a eu beau tenter de la detendre a coup de tequila le soir, ca n a pas eu beaucoup d effet. Et ce qui est terrible, c est qu elle communique son stress non seulement aux personnes avec qui elle travaille, mais egalement aux guests ! Je suis horrifiee par la maniere dont elle accueille certaines personnes. Elle n a pas une once de patience, interprete les choses de facon systematiquement negative, et est a la limite du desagreable avec beaucoup.
Le 23 decembre, elle pete un cable. En voulant changer les draps de certaines chambres pour en mettre de beaux qu elle a achete recemment, elle decouvre qu Ernesto a fait disparaitre non seulement les draps neufs mais aussi des oreillers et de la vaisselle.
Elle passe un savon monumental a Ernesto, qui, selon son habitude, ne bronche pas et encaisse sans rien dire. Je suis presente et mortifiee d etre la, coincee dans le bureau-couloir. Ce gars me fait pitie mais je n aime pas du tout etre prise a temoin de ce genre de scenes. Gladys ne decolerera pas, au contraire.
Le 24 au matin, elle arrive dans la cuisine alors que je prends mon petit dejeuner avec Georges et heureusement hors presence des guests. Et la voila qui me tombe dans les bras en pleurant ! Alons bon, qu est-ce qu il se passe ?? Elle revient sur les vols, sur son desespoir de ne plus savoir comment faire avec Ernesto, dont l attitude la bouffe a petit feu.
20 janvier 2016

Juste envie de de dire que j ai les meilleurs parents du monde...
Ah et puis grande victoire pour moi, aujourd hui, J ai reussi a dire calmement a Gladys que je partirai a la fin de la semaine. J ai ose ! C est qu on en etait a deux engueulades, j ai failli partir en claquant la porte trois fois, j ai cede a mes scrupules en n osant pas la laisser seule alors que les deux autres volontaires l ont plantee au bout d une semaine (tandis que je la subis depuis pres de deux mois), mais finalement j ai dit stop, et ca s est bien passe.
Et je suis evidemment contente qu on se quitte en bons termes...
Gladys a passe toute la nuit a ressasse ses problemas avec Ernesto, mais egalement ses aigreurs vis a vis des clients qu elle trouve de plus en plus exigents. Elle est dans tous ses etats et pendant qu elle vide son sac (enfin c est ce que je croyais mais en fait son sac ne se vide jamais, on n en voit jamais la fin) je remarque que ses mains tremblent. Ohlala mais ca ne va pas du tout, la journee commence super mal et je pense aux guests : il ne faut pas qu ils la voient comme ca. Qui aimerait voir la patronne de son hotel en train de peter un cable… Il ne faut pas oublier que sur Booking comme sur Airbnb les clients peuvent laisser une appreciation sur le site, visible par les futurs clients.
On tente donc de calmer Gladys, pendant qu Ernesto, qui entend bien qu on parle de lui, continue a cuisiner et faire la vaisselle sans sembler plus concerne que ca par la tournure que prennent les choses.
Bon mais on voit tres vite qu il n y a rien a faire. Gladys se leve, et tout en pleurnichant se met en tete de verifier elle-meme chaque chambre. Evidemment il y a des choses a redire partout et elle s enerve contre Ernesto, decide qu il faut changer tout de suite maintenant ceci et cela. Ernesto court, va chercher des draps, ne s y prend pas comme Gladys voudrait alors elle lui arrache les draps des mains et se met a faire le lit elle-meme. J interviens : “por favor, laisse-moi faire ca, et va te reposer chez toi une demi heure. On va se debrouiller avec Georges mais s il te plait va te reposer”. Elle n ecoute pas, dit oui oui mais reste a un metre de nous. Bien sur certains clients ne manqueront rien de la scene, et c est etrange comme Gladys semble dans un autre monde : elle ne nous ecoute pas et ne se preoccupe pas des clients et de ce qu ils pourraient penser.
Aujourd hui, maintenant que je la connais mieux, je crois qu elle ne se soucie pas de l effet desastreux que cela peut avoir sur les clients parce qu elle se voit et se vit comme une victime, et elle s imagine que c est evident pour tout le monde. Elle s attend spontanement a ce que les gens qient de la compassion et de l empathie pour elle. Mais pour l avoir vecu, et pour en avoir parle avec d autres guests et d autres volontaires c est l effet inverse qu elle obtient. Elle communique son stress a tout le monde.
Entre ces eclats, l etat de la maison, la facón dont elle se permet de bouger les gens de chambre en fonction de ce qu ils paient, la facón dont elle rembarre certains guests parce qu ils ont le toupet de faire remarquer que les chambres sont froides, que les toilettes ne sont pas propres ou autres details tous absolument veridiques mais qu elle revoit en pleine face comme si on l insultait personnellement, je ne serai pas du tout surprise du nombre de commentaires negatifs que les gens laisseront sur les differents sites. Et comme entre temps je me facherai plusieurs fois avec elle et que je suis au fond une fille mechante, je m en rejouirai meme secretement !

En attendant, elle tremble tellement et semble a ce point hors de controle que j en arrive presque a m inquieter pour sa sante. Elle va nous claquer dans les bras d un arret cardiaque, a ce ryhtme-la ! Rien n y fera, en tout cas, elle será omnipresente et omnistressante jusqu a 15h. Baisse d energie sans doute, elle finit par s asseoir et estimer que c est bon pour aujourd hui, les choses sont a peu pres en ordre. Nous decidons avec Georges d ouvrir une bouteille de tequila pour feter ca et nous detendré. Ok il n est que 15h mais c est le jour de Noel, apres tout !
Comme par enchantement, Joey arrive. Et puis le couple de sud africains qui sont arrives la veille et avec qui nous avons bien sympathise. Ils sont adorables. Nous leur offrons un verre. Je cours acheter des chips (piquantes, comme tout ce qui se mange, au Mexique).
Et en dix minutes la pression est retombee, nous passons en mode detendus et les eclats de rire fusent. On avait bien eu l idee, en debut de semaine, de proposer aux guests presents le 24 de cuisiner quelque chose tous ensemble mais franchement apres cette matinee de fous personne n a plus envie d ele proposer. Nous decidons avec Georges, Joey et les sud-africains d aller nous promener tous ensemble en soirée.
En milieu d apres-midi, je recois un texto de m amere. Notre Skype de Noel est reporte a demain. Bon.. j en deduis que l humeur n est pas a la fete la-bas. Je regrette d autant plus de ne pas y etre, comme si ma presence avait pu assurer la paix et la joie sur la terre ! Il est 17h lorsque le fils de Gladys arrive et nous trouve autour de la table de l entree. Alors que Gladys s absente un moment pour aller chercher quelque chose dans sa maison, j attire Alex a l ecart et lui parle de ce matin et de la peur que m a faite sa mere.
Alex est un gars vraiment chouette. A 33 ans, il s occupe de sa petite famille (trois tres jeunes enfants), de l Hotel Planet (le premier hotel de Gladys, plus grand que celle ou je bosse), et termine les etudes d architecte dans lesquelles il s est lance. Il connait tres bien les difficultes de s amere et ne sait plus non plus comment lui faire comprendre qu Ernesto la tire vers le bas. Il n y a pas que ca. Cette urgence qui la prend tout a coup, la plupart du temps, pour realiser des travaux consequents, est une de ses caracteristiques. “Quand nous etions gamins, on a beaucoup demenage. En general lorsque les gens demenagent ils installent l essentiel et prennent un peu plus de temps pour deballer les derniers cartons. Avec elle il fallait que tout soit fini le jour meme, quitte a ce qu on se couche a trois heures du matin, et meme si on avait a peine 10 ou 13 ans” – me raconte-t-il. Voila qui acheve de me desesperer. C est donc incurable… On aura beau essayer de la raisonner, ca ne marchera pas.
Gladys revient, et Alex poursuit la discussion devant elle. Et meme devant Ernesto ! Et voila qu on se retrouve a parler de cette situation malsaine et toxique en presence de celle qui n arrive pas (ne veut pas) prendre la decisión qui s impose pour tout le monde, et celui dont tout le monde s accorde a dire qu il ferait mieux de quitter ce travail…
Entre temps Georges s est discretement eclipse avec les deux sud-africains et Joey. Gladys et Alex vont un momento dans la maison d a cote, puis Alex revient et je l interroge sur ses etudes. Il passe la semaine suivante une soutenance. Et pour obtener son diplome il doit finaliser son projet, a savoir une ecole concue comme un lieu d apprentissage du savoir mais aussi de sociabilisation pour les enfants, les parents et le voisinage. Alex souhaiterait que les classes offrent un environnement plus propice a donner aux enfants l envie d apprendre. Mais ca ne s arrete pas la. Il veut en faire un point de rencontre. Il vise en particulier les zones ou vivent essentiellement les indigenes. Les parents ont tendance a avoir peur de l ecole ou a ne pas se sentir concernes par ce savoir qu on veut transmettre a leurs enfants. Alex voudrait que regulierement les parents soient invites a des moments de partage et d apprentissage communs avec leurs enfants. Et puis pourquoi pas inclure le voisinage. Bref, je ne l explique pas aussi bien qu Alex le ferait, mais son projet me parait vraiment noble et je lui souhaite du fond du coeur de trouver un echo favorable aupres de ses pairs. Car si sa presentation finale est probante, il a bon espoir de se faire financer pour batir la premiere ecole de ce genre. Et il y tient vraiment, a ce lieu qui donnerait leur chance aux enfants et entrainerait une dynamique sociale locale dans laquelle il croit tres fort.




Alors que sa mere est sur le point de nous rejoindre, Alex me dit : “ce soir la famille de ma femme est a la maison, et ma mere nous rejoint aussi. Si tu le souhaites tu es la bienvenue a notre reveillón de Noel.” Wouahou, je suis tres touchee par son invitation, bien que ma timidite me fasse penser “gloups” en premier lieu. Mais chouette, d abord c est super gentil de sa part et vraiment lui je l aime bien, et puis comme ca je vais passer Noel dans un foyer mexicain, trop cool !
Il me dit d inviter Georges egalement. Ce que je fais lorsque Georges revient avec les autres. Ca l enchante moyen. Nous aimerions tout de meme aller faire un tour dans San Cristobal avant, pour voir a quoi ressemble la ville un soir de reveillón. J apprends par Gladys que nous avons jusqu a 21h30, apres il nous faudra partir en voiture. Ah bon si tard ? Je suis etonnee. On va arriver la-bas a 22h. Bon.
Nous sortons tous les cinq, Georges, Joey, le couple sud-africain et moi, et prenons la direction du zocalo. Les rues sont decorees mais calmes. C est que les mexicains ne commencent a faire la fete que tard le soir. On aura la meme au Nouvel an. Jusqu a 23h on dirait un jour normal… Bon et puis comme partout dans le monde, Noel est une fete familiale donc les gens sont chez les uns et les autres. Nous passons devant l eglise sur la place, elle est bondee et il est difficile de jeter un oeil par la porte ouverte. La place est gentiment animee, et si ce n est pas l ambiance des foules en furie en tout cas il flotte dans l air un parfum de decontraction et de bonne humeur bien agreable.
Nous nous promenons une heure, remontant dans le Real de Guadalupe ou les gens s installent tranquillement dans les restaurants. Je recois de Paris un laconique “Joyeux Noel”. Bon… C est un peu court a mon gout mais bon. A 21h15 je souhaite bonne soirée a tout le monde et rejoins Gladys a la posada. Nous partons en voiture. Je ne sais pas trop ce qui m attend, car Gladys m a beaucoup parle – et en mal - de la belle famille de son fils, qui será presente en majorite puisque la grand-mere, les parents et le frere de l epouse d Alex sont loges la-bas depuis le debut de la senaine. Evidemment aujourd hui que je connais mieux Gladys je ne suis pas surprise qu elle trouve a redire sur tout le monde sauf son fils et sa fille. C est simple, ce sont les deux seules personnes qui trouvent grace a ses yeux, il me semble. Et encore, sa fille moins que son fils, car elle prend visiblement un peu plus de distance que lui. Allez savoir pourquoi… bref.
Je suis accueillie a bras ouvert par les beaux-parents de Marika, l epouse d Alex. Gladys se jette sur son petit-fils Joshua, 4 ans, a qui elle reclame des bisous toutes les deux minutes (et ce n est pas qu une expression). Je sais que Gladys ne peut pas encadrer la mere de Marika. Pourtant celle-ci se montre charmante avec moi, et son mari est une creme. On s asseoit autour d une tequila et d un petit aperitif compose de saucisson et de fromage (mon dieu ca fait des mois que je n en ai pas mange, c est trop bon ¡). La soeur de Marika et son mari nous rejoigne, puis la grand-mere. Marika est a l etage, Alex est sorti chercher d autres choses a manger, la fille de Gladys arrivera plus tard avec son boyfriend. Le beau-frere et la belle-soeur sont gentils et droles. Lorsque Marika arrive je me prends a lui trouver l air autain que Gladys m a si souvent decrit et je me rends compte que c est parfaitement idiot de ma part.
Tout ce petit monde est tres accueillant, et me fait l honneur de m integrer dans toutes les conversations et de s interesser a mon parcours. Je me sens bien, je suis heureuse d etre la et suis touchee par cet accueil. Nous sommes toujours a l aperitif, pourtant l heure passe. On mange quand ? Je n ai deja plus faim en tout cas… Sur le canapé, les enfants (les deux d Alex et les trois cousins) discutent tout en regardant la televison sur ecran geant.

Au centre, la grand-mere. Puis, enfaisant le tour de la table par la gauche et sans compter les enfants : la belle-mere, la belle-soeur d Alex et son mari, celui que j appelle le grand-pere mais qui est le beau-pere d Alex, Gladys (avec Joshua dans les bras), Alex, et l epouse d Alex.
Chez nous ils dormiraient depuis longtemps. Ici non. On leur sert l apero a eux aussi, la tequila en moins. Les deux grands-meres se partagent la toute petite derniere, la fille d Alex. Elle a 21 jours, je craque mais n ose pas demander a la prendre dans mes bras quelques instants. Pourtant qu est-ce que je les aime quand ils osnt si petits. Ca me fait penser a Medalia et Anna, que je n aurai pas le plaisir de tenir dans mes bras dans cet age si tendre. Je le regrette, j adore ca, sentir la douceur et le parfum specifique de la peau des nourrissons, entendre leur gazouillements et regarder leurs yeux et leurs petits doigts s agiter dans tous les sens.
J apercois a un moment la belle-mere – l ennemie juree de Gladys – se lever, une cigarette a la main, et chercher son manteau. Ah chouette, une copine ! Je me leve a mon tour, avouant – a la deception generale – mon vice cache !
Nous voila donc toutes les deux, la belle-mere maudite et moi, dehors dans le froid. Et bien sur on papote. Elle me questionne sur ma vie. Un peu plus tot elle m a fait rire, a l interieur. Alors que tout le monde m interrogeait sur mon voyage, elle s en inquietee, bien sur, de savoir si j avais un mari et des enfants. J ai pipote que non j en etais pas mariee mais qu il y avait bien quelqu un en France qui comptait pour moi (bon evidemment a ce moment-la je n avais pas encore percute que de l autre cote de l Atlantique le trait etait deja tire depuis un moment). La belle-mere a continue ses questions : bon mais si pendant votre voyage vous rencontrez un homme vous pourriez vous marier ? Euh, dans l absolu, madame, oui, je n ai rien contre l idee en soi, mais bon, comment vous faire comprendre que je ne voyage pas pour trouver un mari ?… Donc je reponds que c est dans l ordre du possible...
Et dehors elle reprend ce sujet de conversation. J essaie de devier en la questionnant sur les habitudes de vie ici au Mexique. Les femmes se marient-elles jeunes ? Oui, elles ont vite des familles. Est-ce bien vu ou mal vu de vivre ensemble sans etre maries ? Ca depend des endroits. A Mexico city c est commun, dans les Chiapas beaucoup moins ! Jose, un guest adorable qui vivra avec nous pendant deux semaines, me confirmera qu en tant que celibataire a 33 ans il est regarde bizarrement par les gens (il est de Chihuahua). Du genre : mais qu est-ce qu on va bien pouvoir faire de lui ?
De retour a table, son mari, qui est assis a cote de moi, me montre sur son telephone des potos de sa deuxieme fille. Mon espagnol qui progresse de jour en jour mais n est pas parfait me fait manquer une information importante que je ne comprends pas a ce momento-la : sa fille, la soeur de Marika, est morte dans un accident de voiture il y a quelques annees. Maintenant que j ai compris, je m en veux un peu de n avoir pas montre plus d attention aux potos. Bien sur j ai dit qu elle etait tres belle, et j ai admire le recit de ses voyages que m en a fait son pere, mais je n ai pas compris que mon voyage lui rememorait les periples de sa fille disparue si jeune… Il m a montre toutes les photos qu il avait dans son telephone, le pauvre…
Minuit arrive, et nous sommes toujours a l apero, et les enfants jouent toujours sur le canapé. Je passe une excellente soirée, discutant avec tout le monde. Depuis un bon moment Gladys a lache l affaire avec Joshua qui est plus interesse par ses cousins. Elle trompe l ennui en consultant son telephone toutes les deux secondes. J ai loupe une reflexión que lui a faite la belle-mere, qui ne comprend pas pourquoi Gladys est fatiguee. J en entendrai parler au retour, a peine serons-nous montees dans la voiture.
A minuit, des petards eclatent dehors. Tout le monde se leve et on se sert tous dans les bras les uns des autres en se souhaitant Feliz Navidad ! J apprendrai un peu plus tard que les cadeaux n arrivent pas ce soir-la mais le 7 janvier. En effet ce sont les rois mages qui les apportent. Logique !
Par contre c est le diner qui arrive. Je decouvre les plats qui sortent du frigo et du four avec effroi. Oh mon dieu mais je n ai pas faim a minuit, moi ! Bon, je dis merci quand on me tend mon assiette. Au moins c est tres bon et pas gargantuesque. La cuisine est fine. Je me sers vite une boisson petillante pour qu on ne remplisse pas mon verre d une nouvelle tequila ! C est que je ne tiens plus tres bien l alcool, moi, avec l abstinence que je pratique depuis le debut de mon voyage.
Les enfants dinent aussi. Ils tomberont de sommeil les uns apres les autres a partir d une heure du matin. La grand-mere dort la tete presque sur la table. A trois heures, je rate un clin d oeil de Gladys qui souhaite s eclipser : je viens de me lever pour aller fumer une autre cigarette avec la belle-mere. Cette fois-ci elle revient sur mon voyage. Elle veut savoir pourquoi je suis partie, qu est-ce qui m a donne envie de voyager au lieu d avoir une "vie normale". Je lui reponds. Et puis elle me parle de sa plus jeune fille, qui ne leur a pas laisse le choix. Un jour elle leur a annonce, a elle et son mari, qu elle partait pour un voyage en Europe de plusieurs mois. Elle n en a toujours fait qu a sa tete, apparemment. Elle a, semble-t-il, appris beaucoup pendant ce voyage, et ete tres heureuse. Je vois des larmes apparaitre dans ses yeux et je commence a comprendre… “Les petits-enfants me font du bien, me dit-elle. Depúis la mort de ma fille j etais en colere, j etais tellement triste, j etais eteinte. Je commence seulement a avoir envie d etre la pour mes petits enfants.” Et elle pleure… alors je la prends dans mes bras “Sois tres prudente sur la route, fais attention a toi” - me glisse-t-elle affectueusement. Promis…
On retourne a l interieur. Une demi-heure plus tard, Gladys lance le mouvement de repli. Je dis au revoir a tout le monde en les remerciant tres chaleureusement pour cette super soirée en leur compagnie. Dans la voiture, Gladys me raconte les piques de la belle-mere. Je l ecoute en regardant par la fenetre les petits groupes que j apercois ca et la, assis en rond autour de braseros allumes sur le trottoir. Je vais me coucher en repassant mentalement les evenements de la journee… je ne suis pas prete d oublier cette journee du 24 ! Un texto d Isa me ramene aupres de ma famille. Vous m avez manques, ce soir...

Je ne remarque que maintenant que sur la 1ere photo de groupe, le grand-pere etait encore plonge dans la contemplation des photos sur son telephone...

Le 25, je me reveille a peine un peu plus tard que d habitude. Il faut aider au service du petit dejeuner. La journee est ensoleillee et belle, c est bien agreable. Je suis toute excitee de retrouver ma famille sur skype ! Artur et Estelle m ignorent royalement, les goujats ! Mais quel plaisir de voir tout le monde ou presque en live ! La connexion est interrompue prematurement mais ce petit moment passe ensemble m a fait un bien fou. Comme c est bon, n empeche, de ressentir cet amour a distance !
C est dans le courant de cette semaine entre Noel et le Nouvel an que Tusha reviendra nous voir et que nous passerons cette soirée vraiment sympa. Dans le fil de notre conversation tres personnelle, je lui parlerai de ma relation sentimentale particuliere et de mes reflexions sur l avenir. Je lui dirai que mes envíes me portent vers un demenagement de la región parisienne a mon retour, mais que cela implique une rupture definitive. Je me confie sur ma conviction que cette relation n a pas d avenir. Et sur le fait que je suis moi-même consciente de me reposer sur cette relation tout en attendant de rencontrer quelqu un d autre...
Le lendemain de cette conversation, je me reveille avec un pressentiment. Un detail m est revenu à l'esprit. Je relis le message recu a propos des projets pour Noel et le nouvel an. “Je pars quelques jours pour le nouvel an”. D accord. En temps normal j aurais eu les details, a savoir la destination et les compagnons de reveillón. Pas de detail, je sais ce que ca veut dire. J envoie un message pour demander si j ai raison de penser qu il y a baleine sous cailloux. La reponse ne tarde pas trop. Comme je l ai deja ecrit, ma premiere reaction, stupidement, a presque ete une sorte de fierte pour ma grande lucidite et mon 6eme sens infaillible. Et puis la seconde d apres, j ai eu mal, bien sur. Tout s est bouscule dans ma tete. Evidemment je me raconte des histoires depuis mon depart, je sais bien – et depuis des annees – que, selon la formule consacree, on ne vieillira pas ensemble. Je le savais lorsque j ai eu la surprise de ce retour inattendu, six mois avant mon depart, alors que ma decisión de partir etait deja quasiment prise. Je me souviens avoir pense a ce moment-la, incrédule : c est trop bete, je l esperáis depuis si longtemps, et comme par hasard il faut que ca arrive maintenant… Mais la verite c est que j ai plonge tete baissee comme chaque fois dans ce genre de situation.

Assise sur la balancelle de la terrasse, je suis partagee entre deux emotions contradictoires. La colere, parce que c etait bien malin de revenir me chercher si c etait pour que ca se termine encore comme ca. Et puis la gratitude, malgre tout, parce que je ne regrette pas une seconde cette deuxieme partie de l histoire, qui m a apporte tout ce dont je m etais sentie frustree pendant la premiere.
Et puis comment oublier le soutien sans faille pendant la preparation de ce voyage ? Alors oui j ai de la peine, mais je suis bien consciente aussi de m etre accrochee a mes sentiments et a nos souvenirs des six mois avant mon depart. Ca m a aidee, je ne peux pas le nier, et c est bien la raison pour laquelle d un seul coup je sens un vide autour de moi. Chaque fois que j ai evoque son souvenir pendant ce voyage j avais conscience, tout au fond de moi, de me raconter des histoires. Enfin pas sur mes sentiments a moi, mais sur les siens.
Bon, j ai beau realiser que je me suis pris les pieds dans le tapis toute seule, tout de meme c est la colere qui prend le dessus ce jour-la. J ai horreur d avoir a tirer les vers du nez et une fois de plus j y ai ete obligee. Comme toujours, puisque ce genre de scenario n est pas inedit pour moi, la consequence est que je me sens manipulee. Je regrette d avoir envoye une lettre et gache un timbre une semaine plus tot. Une lettre ecrite naivement, dans l ignorance du changement de la situation. J ai bien envie de lui dire de jeter la lettre a la poubelle a reception, sans l ouvrir, mais je sais que ce serait cause de facherie alors je ne dis rien.
Non, je ne suis vraiment pas surprise. Mais bien sur je suis une tete de lard et ne manquerais pas de declencher les hostilites. Oh le bonheur de s engueuler et de se faire des reproches a distance par texto ! Quelle bonne idee… On n y echappe donc pas. Mais ce petit jeu me lasse tres vite et on lache l affaire presque aussitot en se promettant de garder l essentiel.
Ce qui n est pas difficile, en fait, car apres le coup de gueule dont je n ai pas pu me passer je me rends bien compte que finalement on ne peut pas dire que cette nouvelle situation change quoi que ce soit a ma vie quotidienne ! Et puis je sens aussi en moi une envie furieuse de ne surtout pas gacher la dynamique dans laquelle je suis depuis le debut de ce voyage en me lamentant sur mon sort. Oh non alors, je suis partie realiser mon reve, si ce n est quelques difficultes passageres je me sens plus heureuse que jamais depuis mon depart, et je ne veux pour rien au monde laisser filer cet etat d esprit. Alors que je reflechis, sur la terrasse, les deux jours suivants, mes yeux s envolent au-dessus des toits pour admirer les montagnes et les magnifiques couchers de soleil que nous avons ici a San Cristobal, et les etoiles brillantes dans le ciel, et les couleurs chaudes des maisons coloniales et des vetements pittoresques des indigenes, et je realise ma chance d etre ici. Et je ne me sens pas le droit de gacher ca.


Je partagerai quelques confidences avec Jose, et lui dirai sincerement : “c est fou, c est tellement incroyable que je me trouve ici que je n ai pas l energie ni l envie de me sentir triste ou demoralisee. C est imposible !” Et sentir que le bonheur lutte victorieusement contre ma tendance naturelle a la melancolie me galvanise. C est nouveau, ca. J aime bien me victimiser quelques temps, en regle generale, et me complaire dans ma souffrance. Allez, je savais que ca allait arriver, on le savait, je ne peux pas lui reprocher de m avoir donne de faux espoirs, et je suis sure d une chose : je prefere de loin etre a des milliers de kilometres dans ces circonstances !
Et je n avais pas cacher a mes parents que j esperáis que ce voyage me guerirait de cette facheuse dependance qui ne pouvait pas avoir d issue heureuse. C est d ailleurs encore mon grand defi, pas encore gagne ! J espere avoir suffisamment change d ici la fin de mon voyage pour ne pas retomber dans le piege. J aimerais qu une fois pour toute nous arrivions a nous contenter d une amitie forte. Je pense que c est ca notre avenir, et ca vaut deja son pesant d or.
Quant a mon avenir sentimental, je me rends compte que ce sujet ne me preoccupe pas du tout depuis mon depart.
Et le fait est qu a l heure ou j ecris ces lignes, trois semaines plus tard, je suis a cent pour cent dans l instant present et ne souffre plus le moins du monde. La sensation de vide n a pas dure. C est comme si une porte s etait ouverte, en fait, et que j avais commence a explorer le nouveau chemin qui se presente devant moi.
Il n est pas complique de penser vite a autre chose, d ailleurs, car je suis persuadee a ce moment-la que je vais recevoir mes cartes bancaires a temps pour partir le 2 janvier et que je commence a forger des plans pour la suite : Yucatan ? Guatemala ? Je regarde les cartes... et mes plans sont bouleverses par le message d Etienne, mon cousin, qui m annonce qu il envisage de me rejoindre. Quel plaisir de lire ce message ! Et comme je suis persuadee qu on ferait une belle equipe tous les deux !
J ai decide depuis quelques temps de quitter le continent americain au mois d avril, pour atterrir a Moscou et rentrer en France par les pays scandinaves. Et plus les jours vont passer plus je vais me projeter avec un immense plaisir anticipe dans la decouverte de la Russie.
Et puis la vie poursuit son cours a San Cristobal. La saison haute bat son plein. Tous les jours nous refusons des demandes, l hotel est plein et Gladys restera stressee jusqu a la fin des fetes du Nouvel an. Le Credit agricole m a appelee deux fois a l auberge, pour m annoncer une livraison par DHL le 28 decembre. Je suis aux anges, cette fois ca devrait bien se passer. Entre temps, ayant signale mon souci sur Facebook, je suis surprise du nombre de messages super gentils que j ai recus d amis me proposant leur aide. Je ne m attendais pas a ca, et franchement ca fait chaud au coeur de savoir qu on peut compter sur les gens...
Le 28, cependant, je ne vois rien venir. Bon, ca ne m inquiete pas plus que ca. Le 29, toujours rien. Le 30 au matin, je me leve a 7h pour etre a 8h a la tienda ou je peux effectuer un appel longue distance pour la France. La personne que j aie au telephone note mon mail et me promet de m envoyer dans la foulee le numero de suivi de mon envoi pour que je puisse le suivre sur internet. Je retourne sereine a l hotel.
Des que j arrive, j allume le wifi sur mon telephone, et decouvre un nouveau message :
“Madame, nous nous sommes parles il y a quelques minutes au sujet de l expedition de votre carte bancaire. Malheureusement celle-ci a ete envoyee en Argentine. Je vous invite a renvoyer un mail a votre conseiller en donnant a nouveau votre adresse au Mexique”…
Non mais c est une blague ? Je relis le mesage trois fois, ne sachant pas si je dois en rire ou me mettre a pleurer. C est pas posible… Le temps de reprendre mes esprits, j envoie un message a mon conseiller en lui demandant comment il est posible que ma carte se retrouve en Argentine et en le priant d enclencher le plan hors-sec pour la faire rapatrier d urgence a San Cristobal. A peine deux minutes plus tard, je recois une reponse automatique : mon conseiller est en conge jusqu au 4 janvier inclus, merci d appeler un autre numero en cas d urgence. J ecris au gars que j ai eu au telephone. Je n aurai pas de reponse.
Je partage ma consternation avec Georges et Jose, un guest arrive il y a deux jours et avec qui nous commencons a partage des aperos le soir.

Jose est mexicain. Il arrive de Chihuahua, dans le nord. Il parait que les montagnes y sont encore plus hautes, et que l Etat possede un canyon bien plus grand et impressionnant que le Grand Canyon ! Mince alors, si j avais su.. Jose a trentre-trois ans. Les cheveux courts, ses lunettes rondes sur le nez, il est metisse mexicain-libanais. J apprendrais d ailleurs grace a lui que beaucoup de mexicains ont des origines libanaises. La plupart du temps je verrai Jose en pijama ! Il fait des grasses matinees comme s il n avait pas dormi depuis des annees… D ailleurs il me dira que ce sont les premieres vacances qu il prend depuis 15 ans !
C est pendant la nuit du Nouvel an que nous allons faire plus ample connaissance. Et chaque jour qui suivra je me rejouirai que nos routes se soient croisees ici.
Le 31 janvier, les petards nous reveillent tot dans la matinee. Une fois de plus la journee est magnifique. J ai su entre temps que partout en Europe et meme aux Etats-Unis il fait une chaleur inhabituelle. Nous passons une journee sympa avec les guests qui vont et viennent. Une fois de plus l apero commence tres tot, j adore la compagnie que nous avons cet apres-midi la. En plus de Jose, dont j apprecie de plus en plus la gentillesse et l humour, nous sommes rejoints sur la terrasse par Hernan, un jeune mexicain en vacances vraiment charmant et simple, et une jeune fille en vacances egalement mais avec ses parents, et qui est ravie de partager la soirée avec nous ! J ai honteusement oublie son prenon, mais je me souviens encore du bonheur paisible que j ai ressenti sur cette terrasse avec eux. Que des personnes au grand coeur et a la gentillesse toute simple. Nous parlions en anglais la plupart du temps car Georges ne pouvait pas suivre une conversation en espagnol. Les deux plus jeunes parlaient tres bien anglais, tout comme Jose qui en plus se debrouille plus que bien en francais. Ses souvenirs sont lointains et il prend le temps de chercher le bon mot, mais il le trouve.

Georges, une guest mexicaine sympa dont j ai oublie le prenom, Hernan, Jose, et Gladys
J en apprends donc un peu plus sur Jose ce soir-la. Je devine sans jamais lui avoir pose la question qu il est issu d une famille aisee. En fait je me demande un peu ce qu il fait la, car je suis certaine qu il a les moyens de s offrir les meilleurs hotels. Il m expliquera cependant un peu plus tard qu il a cherche sciemment quelque chose de tres simple et qui se rapprocherait plus d une maison familiale que d un hotel-resort.
Il y a quelques annees, il a suivi les cours d une grande ecole de cuisine en France. Il a donc vecu trois ans a Paris, et frequente une jeune femme francaise. D ou son bon niveau de francais. Je decouvrirais egalement qu il connait quelques mots de russe, pour avoir eu une fiancee russe par le passe.
Un peu avant 18h, je fais un Skype avec Julie B et decouvre enfin le visage de Medalia pour la premiere fois. Trop mignon de voir sa petite bouille a l ecran. Alors que nous discutons avec Julie, elle me fait remarquer que j ai un effet soporifique sur sa fille, qui s est endormie dans ses bras. Soan parle bien maintenant, ca me fait toujours bizarre de constater les changements qui interviennent pendant que je suis ailleurs (et je ne parle pas specialement du voyage). C est comme si on appuyait sur avance acceleree sur un film. Impression d avoir rate un episode.
A 18h, Ernesto m appelle alors que nous contemplons le coucher de soleil magnifique depuis la terrasse. Je descends… et decouvre a la reception un coursier DHL. Allelujah ! J ouvre vite l enveloppe et exulte interieurement en sortant ma carte bancaire du Credit agricole. J en danserai de joie ¡ Mais que m ont-ils raconte, ces anes, a propos de l Argentine ? Bon je m en fiche, j ai ma carte, tout va bien.
A 22h Georges n y tient plus, il a envie de bouger et de sortir. La veille, Ernesto m a raconte que Georges etait sorti et rentre avec une fille. Et moi j ai peste interieurement contre Ernesto en me demandant pourquoi cette comeré avait besoin de me raconter la vie de Georges ! Visiblement il s attendait a un commentaire, mais sur ce point je crois que je l ai decu. Quoi qu il en soit, Georges est rentre tard hier et n a sans doute pas beaucoup dormi. Et ce soir il a envie de sortir ! Moi je suis partie dans une grande conversation avec Jose, alors tout me va du moment que nous pouvons poursuivre cette conversation et cette decouverte d une personnalite qui me touche, je le sens.

Nous allons sur l andador et constatons, comme nous prevenait Jose, qu il est encore trop tot pour les mexicains ! Ils font encore la sieste ou sont en train de manger. Bon et bien tant mieux, on peut se promener et retourner boire un verre au Revolution alors que le bar n est pas encore blinde. Je ne vais pas m en plaindre. Il faut payer 50 pesos pour l entree avec une biere offerte et un verre a moitie rempli de raisins. Nou spayons, recevons le tampón encreur sur le poignet et entrons. Un groupe vient de s installer sur la scene. Chouette, de la musique live ! Enfin j aime, mais en meme temps ca va etre complique de parler. Je constate qu a cette heure-ci la grande majorite du public est de type europeen – enfin pas nexicain en tout cas. Ca changera a partir de minuit. Voici donc les grands dadais et les grandes gigues blancs de peau qui se lancent a corps perdu dans la salsa, le mambo et autres rythmes latino, sans la meme grace que les mexicains mais certains ne s en sortent pas si mal. Moi je croise les doigts pour ne pas avoir a danser sur ces danses a deux et me tourne vers le bar pour eviter toute invitation.
Jose toujours a mes cotes, nous commencons a faire connaissance avec nos voisins de bar. Car tout de suite je sens que l ambiance ici n est pas du tout la meme que celle d un bar parisien. Ici spontanement tout le monde se parle et se salue, personne ne passe devant vous sans faire une petite blagounette ou faire un commentaire sur la soirée. Trop contente de la tournure que prend mon 31 janvier, je sens un grand sourire idiot se plaquer sur mon visage : il ne me quittera pas une seconde jusqu a ce que je me glisse sous les couvertures quelques heures plus tard. Je suis heureuse d etre ici.
Ma voisine doit probablement etre une homosexuelle. Du moins elle en a tout l air. Je me suis demandee au premier regard si c etait un homme ou une femme. Blouson de cuir, chemise d homme, coupe de cheveux plus ou moins en brosse. Et puis on s est parle et j ai compris que c etait une femme. C est fou comme certaines femmes hyper masculine dans leur aspect peuvent avoir une voix douce, parfois ! Evidemment on ne s y attend jamais et ca donne toujours l impression qu il y a erreur de casting dans l attribution des corps. En tout cas sa douceur et j ai presque envie de dire sa reserve parle a mon temperament de – comment disait Vincent, deja, cet enfoire ? - Sainte Bernadette ? Non, c etait pas ca mais l idee est la meme. Mere Theresa ? Bon bref. J engage la conversation, comprenant que – je ne sais pas comment s appelle ma voisine – est assise au bar depuis un bon momento et seule. Nous trinquons avec Jose et discutons un peu, avant que je sois happee par deux francais qui me tombent dans les bras.
Il faut dire que la veille, je les ai deja rencontres. Ils se sont presentes elle et lui avec leur sac a dos sur les epaules, fatigues, et annoncant qu ils avaient reserve une chambre chez nous le matin meme sur Booking. Allons bon, comment etait-ce posible alors que nous etions complets ? Je m inquiete que les calendriers n aient pase te fermes sur le site de Booking. Ils n auraient pas du pouvoir reserver. Deja, le fait que je parle francais les rassure un peu. On va pouvoir se comprendre. Je leur demande de patienter une seconde, le temps que j aille verifier ce qu il s est passe sur les resa. Le garcon part se renseigner dans une autre auberge qu ils ont croisees en arrivant, et la fille reste avec moi. Je vais toquer a la porte de Gladys car je sais qu Alex est avec elle. Je demande a Alex s il a de la place dans son hotel. Il appelle, et bingo c est bon !
Alex a ete super gentil, comme toujours, nous avons attendu que le jeune homme revienne et Alex est parti avec eux pour leur montrer le chemin. Evidemment le couple etait trop content d avoir un hebergement pour la nuit, car San Cristobal etait overbooke de partout pour cette semaine-la. Si Alex n avait pas eu une annulation ce soir-la, je leur avais propose ma tente pour camper dans le jardín.
Voila c est tout ce qu il s est passe la veille. Mais cette nuit du 31 janvier, dans le bar Revolucion, voila que le petit couple (ils doivent avoir la vingtaine) se retrouve a cote de moi, me reconnait, et me tombe dans les bras. Bon, je constate qu ils ont deja un coup dans le nez. Mais ils me font trop rire, ils debordent d amour pour moi ¡ Ils me temoignent une reconnaissance sans borne et maintenant entre nous c est a la vie a la mort. Le jeune homme passe son bras autor de mes epaules et crie dans mon oreille (on ne s entend deja plus trop bien, avec la musique) : tu connais Sylvain Tesson ? Ah bah un peu, mon n veu ! C est a cause de lui que je suis la aujourd hui ! - lui reponds-je, etonnee et ravie de croiser la route d un autre francais qui le connait. Ca ne devrait plus me surprendre, pourtant, il est de plus en plus connu. Il y a vingt ans c etait autre chose. Mon compere est aux anges, et sa passion deborde pour cet ecrivain-voyageur alors il a besoin de la laisser s exprimer. Mais ce qui me surprend le plus c est qu il me declare d emblee qu il adore sa facón d ecrire, son style litteraire. Et alors la moi aussi je suis aux anges. Parce que des voyageurs on en voit et on en rencontre beaucoup, c est vrai, mais ils sont rares ceux qui ont le gout des lettres, du mot juste, du mot qui tout a la fois fera eclore la nuance precise tout en sonnant agreablement a l oreille. Ah ca oui c est rare, et dieu que c est bon ! Et, ma foi, je crois que c est la premiere fois que je trouve chez quelqu un d autre un echo a mon plaisir de lire Sylvain Tesson - je veux dire, pas seulement pour le voyage en soi. Nous voila donc a rire comme des gamins, heureux de partager ce petit secret. Il me fait des bisous, et me glisse a l oreille tout le bien qu il pense de sa copine : oh c est trop mignon, six mois qu ils sont ensemble, c est tout neuf, d ailleurs elle a une rose a la main. Ils me font rire. Ils sont un peu shootes, d accord, mais ils sont mignons. Ils veulent m offrir un verre mais Jose a tire le premier. Je n arriverai d ailleurs pas a depenser mon argent avec Jose. Mes amis francais a la vie a la mort sont happes par la foule qui s est intensifiee autor de nous et danse en sautillant devant la scene. Jose m explique de quelle región provient telle ou telle musique, mais j avoue que j ai du mal a retenir, d autant que j apprecie moyennement en fait. Par contre je me regale a regarder les gens heureux. Ca me rend heureuse aussi !
Nous sortons deux fois voir si un autre bar est ouvert, mais visiblement ce soir il n ouvrira pas. Ceci dit on est bien au Revolucion, meme si on est de plus en plus serres les uns contre les autres. Je croise d autres guests. Tout le monde est de bonne humeur, magie des reveillons du nouvel an. Georges semble accuser la fatigue, ses yeux deviennent de plus en plus petits. Moi j ai repris ma conversation avec Jose, et je suis doublement contente qu il soit la. D abord parce qu il est d une compagnie super agreable, charmant, drole, intelligent, mais en plus parce qu il fait partie de ces tres rares personnes qui suscitent en moi un sentiment de securite. Ca, c est tres tres rare. Je dois pouvoir les compter sur les doigts d une main, les personnes qui m ont fait cet effet-la dans la vie (en dehors de ma famille. Je ne parle pas de cette securite-la). Oui, Jose est une personne rare. Et un cadeau de la vie a ce moment-la de mon voyage.

Minuit aproche dans cette ambiance de franche camaraderie avec le tout-venant. Jose suggere que nous allions sur le zocalo, au cas ou un feu d artífice serait prevu au programme. Nous quittons le bar et avancons tranquillenebt dans l andador qui s est rempli. Sur le zocalo, aux pieds de la basilique, autour de l arbre de Noel et de la creche, la foule se rassemble. Beaucoup de touristes, mais beaucoup de mexicains aussi et bien sur des enfants, pas couches. Il fait bon, a moins que les quatre ou cinq shots de tequila m aient suffisamment rechauffee pour affronter la fraicheur de la nuit. Des vendeurs passent avec des des batons de flammes scintillantes. Georges nous en achete un a chacun. C est joli, on decrit des grands cercles de flammes dans la nuit, et comme une gamine je m emerveille. Tout a coup un decompte commence. 10, 9, 8, 7… Et youpi il est minuit, on est en 2016 ! Tout le monde s embrasse et rit. La tequila a sans doute sa part de responsabilite dans mon allegresse du moment, mais j eprouve un immense bonheur a etre ici en cet instant. 2016, je suis en train de realiser mon reve et je suis au Mexique, passant une excelente soirée avec des gens que je ne connais que depuis tres peu de temps mais que je me sens chanceuse d avoir rencontres. Un peu plus tard, je recevrai ce message de Jim qui me fera eclater de rire : “HAPPY FUCKING NEW YEAR !” Parfois j ai ce sentiment etrange d etre benie des dieux lorsque je songe aux personnes extraordinaires que j ai rencontrees sur la route. Je dis etrange, parce qu en fait depuis que je suis en voyage cette evidence m a sautee aux yeux : il y a des gens extraordinaires partout. Ce mode de vie itinerant me laisse le temps et l opportunite de croiser leurs routes. Mais dans une vie plus sedentaire il ne tient qu a moi d aller a leur rencontre en ouvrant un peu plus mon monde interieur.
Les yeux leves vers le ciel, nous guettons le feu d artífice. Ah, ca y est une belle rouge vient d eclater au-dessus des arbres du zocalo. Tiens, une belle bleue explose de l autre cote, au-dessus des maisons vers l eglise Santo Domingo. De facón tres irreguliere et anarchique, des bouquets ephemeres eclatent un peu partout, dans tous les sens. Des fusees s elevent juste a cote de nous. Des petards explosent. C est parti ! Mais alors c est parti dans tous les sens. Encore une premiere. J ai vu le feu d artífice le plus ridicule a Nantes en 2007 ou 2008, le feu d artífice le plus delirant au Lac Stevens au mois de septembre 2015, le feu d artífice le plus etendu a Marly le Roi en 2006, le feu d artífice le plus court sur la butte Montmartre en septembre ou octobre 2007, j ajoute a ma collection le fuego arteficio le plus anarchique a San Cristobal pour inaugurer l annee de mon retour a “la vie normale”. En effet j accueille avec plaisir cette nouvelle annee qui será celle de mes retrouvailles avec les gens qui me manquent, et puis aussi celle d un changement de vie puisque je me demande encore dans quel secteur professionnel et geographique je vais trouver des opportunites correspondant a mes aspirations. C est plutot excitant en tout cas. Ce qui est drole, enfin exaltant, c est que je me retrouve a la croisee des chemins, dans la zenitude que m apporte ce moment assez exceptionnel dans ma vie : je suis a la fois plus qu heureuse d etre la ou je me trouve dans l instant present et toujours en voyage, mais j envisage avec un egal bonheur de retrouver mon univers familier, les gens que j aime et meme mon chez-moi, et enfin je suis tout aussi heureuse a l idee d avoir a construiré la suite de ma vie, meme si je n ai pas encore la moindre idee de ce qu elle será.

Ca petarade tout autour de nous. Dans un joyeux bordel, les enfants et des jeunes balancent des petards. Pas comme en France, pour agacer expres les gens et les faire sursauter. Non, ici on lance allegrement sans trop prevoir ou ca va tomber. Alors evidemment parfois ca tombe un peu trop pres ou franchement trop pres. Parfois il faut faire un ecart vite fait pour ne pas se prendre le petard dans les jambes. L un d eux eclate tout pres de nous et nous avons la meme crainte pour nos oreilles ! Non, ca a l air d aller.. Mais instinctivement nous reculons progressivement. Cette anarchie me fait un peu peur, mais je ne peux me departir du plaisir que j ai a voir les gens faire la fete et s amuser.
Nous retournons d un pas tranquille vers le Revolucion, encore plus blinde qu a notre arrivee. Qu a cela ne tienne, nous fendons la foule et reprenons appui au bar pour reprendre norte conversation avec une enieme tequila. Nous ne prenons que des shots, aucun de nous ne será reellement pompette. Sauf Georges, qui nous quitte pour aller voir une fois de plus si son bar de predilection est enfin ouvert – mais finalement il rentrera se coucher. Cependant, est-ce la tequila qui donne a Jose ce regard triste ? Ou est-ce parce qu il a en face de lui une personne qui est en train de realiser son reve apres avoir lache sa vie a deux mains (pour reprendre l expression d un ami nantais avec qui j avais avoue mon angoisse d annoncer mon depart au boulot, car cela impliquerait l impossibilite de revenir en arriere). Le voici qui me fait des confidences qui vont profondement me toucher.
Comme toujours je mets du temps a comprendre precisement de quoi il me parle. J ecoute cet homme qui semble avoir tout ce qu il lui faut dans la vie, et particulierement l intelligence, le caractere et la sensibilite pour accomplir ce a quoi il pourrait aspirer. Il est jeune, il a bon coeur, il est bel homme, il est a la tete du restaurant familial, il a deja pas mal parcouru le monde, et il est amoureux du ciel de Chihuahua… Mais son regard et sa voix sont si tristes d un seul coup. On dirait qu il a le monde sur les epaules.
Et en effet, il l a. Pression familiale. C est donc ca. Lui qui pourrait faire tout ce qu il veut et qui semble avoir tout pour etre heureux, il est ecrase par la pression familiale. Il n a visiblement pas la vie qu il voudrait avoir. Je n arriverai pas bien a cerne, d ailleurs, dans les jours suivants, quelle pourrait etre cette vie qui lui ressemblerait vraiment. Je me decouvre un point commun avec lui, par contre. Plus jeune, il a voulu etre seminariste. Pas pour devenir cure ou pasteur, mais pour etre missionnaire.
Quoi qu il en soit, je suis bouleversee par ses confidences et par la souffrance contenue que je ressens dans son attitude et sa maniere de parler. Nous n avons bien sur pas les memes problematiques, mais je partage avec lui mon experience en matiere de pression sociale et familiale. Tout en lui parlant, je prends une fois de plus conscience de la chance que j ai eue d avoir eu des parents faisant passer par-dessus tout leur amour pour leurs enfants. Ah ca non, on ne peut pas dire que je reponds a toutes leurs attentes, mais j ai toujours pu constater que du moment que je suis heureuse ils le sont aussi pour moi. Je comprends une fois de plus ma chance, car visiblement pour Jose ca n est pas le cas. J imagine quel point ca doit etre dur pour lui d affronter sa famille oiur faire valoir ses choix, mais je ne peux qu insister pour lui rappeler que le temps passe et que personne ne pourra lui rendre le temps qu il aura perdu a vivre selon les desirs des autres plutot que d ecouter son coeur.
Pendant toute la duree de son sejour (prevu initialement pour une semaine mais qu il prolongera d une seconde), je ne lui demanderai jamais de details sur les difficultes qu il rencontre avec sa famille. Je pense de toute facon que ca touche a peu pres a tous les domaines. Mais je verrai sur son visage l apaisement du au repos qu il prend ici, et l anxiete se peindre a nouveau sur ses traits les trois derniers jours avant le retour. C est terrible de constater la souffrance de quelqu un a ce point, et de se sentir impuissant. Parce que dans ces situations-la, personne ne peut rien faire que la personne concernee. On voudrait pouvoir transmettre toute la certitude qu on a que le choix de la verite et de la coherence avec soi-meme n est jamais un choix qu on peut regretter. C est le seul choix possible, en fait. Si on ne veut pas etre spectateur de sa vie et la regarder passer.
Nous discuterons jusqu a 3h du matin, avant de rentrer a la posada et de fumer une derniere cigarette ensemble sous les etoiles. Ce soir-la on se sert dans nos bras pour se dire bonne nuit, habitude que nous garderons les jours suivants. Je le remercie d avoir illumine mon Nouvel an. Et je remercie la vie pour tous ces moments inattendus et precieux que je vis depuis mon depart...
Le 1er janvier sera une excellente journee de farniente. Evidemment personne n est leve bien tot dans la posada. Sauf moi, qui suis reveillee a 8h par Hernan qui rentre de sa soiree... Evidemment dans ma chambre aux murs de tissu, juste au-dessus de l entree, je ne peux rien manque des discussions de la reception. Donc je me leve... C est bien calme. Georges est debout. Nous sommes presque seuls au petit dej. Ernesto regarde l aiguille de l horloge tourner avec bonheur : la seule chose a laquelle il pense c est que le petit dej est jusqu a 10h, donc a priori qu il n aura pas a cuisiner ce matin pour les guests qui n ont pas l air de se lever.

Moi je trouve ca mesquin. Il commence a me sortir reellement par les yeux, de toute facon, ce type, et je me rejouis de partir bientot. Je suis persuadee que ma carte de la Banque postale va arriver cette semaine et suis bien contente de ne plus avoir ce gros vicieux mesquin sous les yeux a longueur de journee.
A 11h. un couple d italiens se presentent pour le petit dejeuner. Evidemment Ernesto dit que c est fini. Je ne peux m empecher d intervenir : on est le 1er janvier, Ernesto, c est normal que les gens ne se levent pas tot et tu n as qu eux a servir ce matin. De mauvaise grace, il se met a la cuisine... Je l aurais bien faite, moi, en plus, la cuisine, si seulement il me laissait toucher a la cuisiniere le matin ! Enfin bref. Georges rigole, lui aussi il est bien content de partir demain.
Gladys arrive un peu plus tard, avec une tres mauvaise nouvelle : la grand-mere de sa belle-fille (celle qui s endormait sur la table, le soir de Noel), est dans le comas. Elle ne s est pas reveillee ce matin. La famille a mis du temps a s en rendre compte. Elle vient d etre conduite a l hopital. Gladys va y aller.
J ai du mal a realiser que cette brave vieille femme qvec qui j ai passe Noel soit entre la vie et la mort. J espere reellement qu elle va s en tirer, mais je suis pessimiste.
Au final, apres plusieurs jours de comas, elle finira par se reveiller et sortira de l hopital trois semaines apres, a mon grand soulagement.
D humeur patachon, je vais en debut d apres-midi m afaler sur le canape et cherche un truc a regarder sur l enorme televiseur du salon. Vers 14h, Jose emerge, en pyjama, de sa chambre. Il prendra ce rythme tous les jours. Il a tant de sommeil a rattraper. Et visiblement ici il dort sans etre perturbe par ses soucis. Et c est surtout ca qui lui fait du bien. Il dort... La maniere dont il enonce ce fait, comme si c etait l evenement le plus incroyable, donne la mesure de la polution mentale que creent ses dilemnes en regle generale. Il vient s affaler sur l autre canape, trouvant que c est une excellente idee. Et j adore la facon dont nous passons cette premiere journee de 2016 : tranquilles, affales sur les canapes, regardant Titanic et autres documentaires sur l histoire et les phenomenes etranges. Jose s endort en silence.
Je suis contente egalement que cette periode de fete s acheve. Je la trouve toujours bizarre, cette periode. Elle est toujours autant joyeuse que tendue et cause de plein d anxiete. J aime revenir a la vie normale.
Et pour le coup, je constate aussi que cette annee va demarrer avec un autre etat d esprit que la fin 2015. Je sens que cette pause a San Cristobal, malgre le froid, Ernesto et Gladys, me fait du bien. Je suis arrivee ici en me sentant negative a plein de points de vue. Je ne me sentais a la hauteur de rien. Ah ca non, je n etais pas la grande aventuriere que j aurais aimee etre dans mes reves les plus fous ! Du pipi de chat, ce que je suis en train de faire. Bon allez, je n etais pas a ce point negative, mais ma petite voix rabat-joie interieure n etait pas satisfaite des choix que je faisais depuis quelques temps et trouvait que decidemment je reculais comme toujours devant la difficulte (les montagnes) et la trouille. (trouver du boulot). J eprouvais une sorte de lassitude a voyager de cette facon et sentait peser la solitude malgre les rencontres.
Et bien l air de rien, ou plutot sans m en rendre compte, ce sejour a San Cristobal semblait etre en train de me nettoyer de ces pollutions interieures pour me preparer pour la suite.
Pendant mon temps libre, j ai trouve un bon cyber. Les telechargements etaient si rapides que j ai meme pris le temps de regarder un peu les pages precedentes - ce que je ne fais jamais depuis mon depart. J ai donc pour la premiere fois regarde en arriere, notamment d ailleurs pour finir les parties Canada et Etats-Unis pour lesquelles j avais beaucoup de retard. Et ce que j ai vu m a fait sourire. Waouhhh, tous ces souvenirs, deja, toutes ces rencontres, toutes ces belles surprises... Je regarde enfin avec bonheur mes souvenirs des Etats-Unis et du Canada. Je ne me sens plus si nulle que ca, tout compte fait. Parce que ce qui compte c est d avoir pleinement vecu tous ces instants. Je fais defiler les pages et les photos avec un grand sourire aux levres. Comme ca va etre chouette de feuilleter tout ca plus tard, quand je serai rentree. Je me sens fiere et contente de ce que j ai vecu. Et ca n a pas de prix. Ca n a rien a voir avec les grands periples que j ai lus pendant des annees, mais c est mon aventure a moi !
Et puis sans m en rendre compte, j ai appris l espagnol ! Jose me fait des compliments sur mon espagnol, et en effet je me rends compte que non seulement je comprends bien ce qu on me dit, mais en plus j arrive a m exprimer. Je peux avoir des conversations, et pas seulement demander ma route et trouver a manger. Enfin j ai pris le declic ! Galvanisee, j ai telecharge sur ma kindle des livres en espagnol. Voila encore un point positif, et si je ne m etais pas arretee ici aussi longtemps je n en serais pas la. Je pourrai desormais ajouter "espagnol" sur mon CV !
Enfin, et ce n est pas le moindre point, l air de rien j en apprends beaucoup plus sur la culture mexicaine depuis que je me suis posee ici que lorsque je parcourais les routes le nez au vent. Je vis avec des mexicains - speciaux, d accord, mais tout de meme typiques -, je les vois vivre dans San Cristobal, et je parle beaucoup avec les uns et les autres. Il est certain que cette pause a San Cristobal m aura enseigne beaucoup de choses. Je n ai d ailleurs pas fini d en apprendre sur l histoire et les us et coutumes. Chaque jour apporte son lot de details dont je me souviendrai.
Je realise tout cela sur le canape, ce premier janvier 2016. Mon apprentissage se poursuit,decidemment ce voyage m apporte beaucoup.
22 janvier 2016
J ai pousse le "YOP !" de liberation du Cercle des poetes disparus en quittant le bureau de poste de San Cristobal ! Un peu plus tot je dansais presque dans le les bureaux tellement la poussee d adrenaline a ete forte quand j ai vu sur l ecran du responsable les mots "San Cristobal de las Casas" s afficher. Moi je n ai pas compris tout de suite. "Ca veut dire que la lettre est en transit entre Tuxtla et San Cristobal ?" ai-je demande, habituee a etre decue et donc incapable de me faire de nouvelles fausses joies.


Pour le coup, c est l administrateur adjoint qui s emballe avant moi ! Il se leve et me serre le bras d un geste de vainqueur. Incredule, je lui demande : ya esta aqui ??
Et oui, ma lettre etait bien arrivee. ENFIN !! Par la porte ouverte du bureau des facteurs, je remarque qu ils me jettent des coups d oeil en souriant tout en continuant leur tri devant leurs casiers de bois. Leur radio diffuse Hey Jude. Un des facteurs se met a chanter. Yous les autres eclatent de rire, me regardent et chantent plus fort en constatant que moi aussi je rigole. J ai le sourire en banane et j ai envie de crier de joie.
J ai enfin ma carte ! Juste le jour ou j ai quitte la Casa de Gladys pour aller dans un autre hotel ou je vais payer 80 pesos (4 euros) par jour pour un dortoir dans un endroit bien plus chaleureux et chaud que cette maudite casa. Tout se goupille bien ! Je redoutais de devoir payer une semaine ou deux, mais trois jours c est tres bien. Le temps de m organiser et de nettoyer ma tete du stress et des contrarietes de ces deux dernieres semaines, et c est reparti pour l aventure !
Jose se reveille de sa sieste. Il me raconte que lorsque Titanic est sorti toutes les filles de son age etaient amoureuses de Leonardo Di Caprio. Et oui, ici aussi... Nous aurons une autre soiree tele avec Jose, en fin de semaine. En compagnie de Tarantino et de Jackie Brown.
Nous aurons bien plus de soiree diner - discussions sous les etoiles sur la terrasse. Enfin pour etre precise, diner dans la cuisine (car le soir c est l endroit le pus chaud de la maison), et discussion sur la terrasse (parce qu en bons fumeurs que nous sommes, nous finissons toujours par aller nous geler les fesses dehors.
Nous parlons de religion, de la culture mexicaine et de la culture francaise, de la beaute de la region de Chihuahua (ou Jose trouvera de la neige a son retour de vacances), de Paris, de cuisine, ... Jose est super genereux et il a envie de se sentir comme en famille ici. Lui aussi a remarque que Gladys a une certaine tendance a peter un cable, mais il la canalise par sa douceur. Un soir sur deux, il apportera a diner pour tout le monde (enfin pour lui, Gladys, Ernesto et moi. Et Georges, quand Georges sera encore la, puis Kin, lorsque Kin prendra la place de Georges). Il a envie de nous faire decouvrir la cuisine mexicaine. Et grace a lui je decouvrirais en effet de bonnes choses. Car ca y est, je n ai ´plus du tout envie de manger mexicain. Chaque fois que je passe devant une tortilleria l odeur me donne la nausee. Je prefere me cuisiner des pates ou des salades tomates - avocat. Mais Jose trouve de bonnes choses dont j ignorais l existence. Mole, chile relleno, le pollo en mole, ... Il me fait gouter a la fleur de courgette et aux enchiladas fourrees avec une creme de feves. Nous irons une fois manger des tacos ensemble dans le centre. J essaierai plusieurs fois de payer mais il refusera toujours. Tu es au Mexique avec un mexicain - me dit-il a chaque fois en insistant pour regler la note.
Jose regale donc regulierement la maison ! Et nous passons toujours un bon moment tous ensemble en ces circonstances.
Pourtant l ambiance va considerablement changer apres le 2 janvier.
Le 1er au soir, nous disons au revoir a Georges. Il partira le lendemain tres tot pour le Guatemala. En fin de matinee, Kin arrive avec son sac a dos. Kin vient de Hong Kong. Je crois que j ai oublie de lui demander son age mais il ne doit pas avoir plus de 27 ans, sans doute moins.
Comme pour Georges, Gladys a manifeste de gros doutes sur ses capacites avant son arrivee. Elle a donne des consignes a Ernesto pour qu il lui attribue la cabane au fond du jardin dans laquelle dormait Georges. Kin installe donc ses affaires. Pourtant, lorsque Gladys nous rejoint a la maison elle m annonce qu un autre volontaire va arriver le soir meme ou le lendemain, et du coup elle veut changer l attribution des chambres.

Ernesto, Gladys, Jose, Vanina (guest belge), et Kin
Elle a, m explique-t-elle, une petite dependance dans la cour de sa maison, qui sert habituellement de chambre a sa mere lorsque celle-ci vient la voir. Elle veut que je m y installe. Kin va prendre ma place dans le couloir contre la terrasse, et le nouveau volontaire (un canadien pour qui elle a un meilleur feeling qu avec celui qu elle appellera toujours "el chinito") prendra la cabane. Bon, le souci c est que la dependance dans laquelel je suis censee m installer n est pas du tout prete car elle sert de debarras pour l instant. Il va donc falloir passer la journee a l amenager.
Elle va voir Kin et je l entends lui expliquer froidement qu il va bosser six jours et qu a la fin de cette periode d essai on verra si son travail convient. Une fois de plus je suis scotchee par ce langage. Bordel mais on est des volontaires, pas des professionnels en train de quemander un emploi ! Je ne supporte plus ces manieres. Kin ne dit rien, tout comme je n ai rien dit quand elle m a annonce a mon arrivee que je n aurai qu un jour off par semaine. Il faut bien dire que nous arrivons avec notre bonne volonte et nos espoirs de tomber non seulement sur une activite interessante mais aussi sur des hotes qui auront envie de partager quelque chose, humainement, avec nous. Alors lorsque nous tombons sur ce genre de personne, je crois que notre premiere reaction est la deception. On s en fout du boulot, a vrai dire. On est surtout la pour la relation humaine, l envie d apprendre et de partager la vie des gens.
Je comprends que Kin n ait rien dit. Georges n a rien dit non plus. Je n ai rien dit non plus. Mais on n en pense pas moins. Et Kin dira toujours qu il ne sait pas precisement combien de temps il compte rester. Quant a Georges, il avait fixe deux semaines des le debut.
En plus de ca, Gladys lui demande de demenager de la cabane et de s installer la ou je dormais. Est-ce vraiment necessaire ? - tente-t-il, Gladys semble interloquee qu l lui pose la question ! Si elle le dit, evidemment que c est necessaire ! - lit-on dans ses yeux.
Je sens qu elle m irrite de plus en plus. Oh mon dieu s il vous plait faites que ma carte arrive vite...
Je transfere mes affaires le soir, dans ma nouvelle chambre. Gladys et Ernesto se sont demenes toute la journee pour qu elle soit prete. Evidemment Gladys est maintenant sur les genoux. Mais je sens que j ai pris un virage definitif vis-a-vis d elle. Apres tout il n etait pas urgent de tout installe et de tout bouger dans la journee meme. On pouvait tres bien s en sortir autrement. Mais elle s est reveillee avec cette idee le matin et s est impose un boulot de dingue, du coup. Tant pis pour elle, ca ne m emeut pas. Je transporte mes affaires, puis retourne a la Posada pour passer la soiree comme d habitude avec Jose, et faire plus ample connaissance avec Kin.
Ce jeune homme tranquille en est a peu pres aux trois quarts de son voyage autour du monde en stop. Il est parti de Hong Kong vers la Chine, il y a dix mois. Il est passe par le Kazakhstan, la Georgie, la Russie, .la Republique tcheque (les pays baltes, aussi), l Italie, la France. Seul et a pieds.

Waouhou, alors lui il m impressionne vraiment ! Il me dit que moi aussi je l impressionne avec mon voyage en velo mais alors je ne vois vraiment pas ce qu il peut y avoir d impressionnant entre son parcours bien plus complique et ma balade en velo ! Il a fait du volontariat ici ou la. Il nous racontera des anecdotes sur son voyage, je reste bouche bee. "Je sens qu on a beaucoup de points communs" me dit-il. Ah bon ? Et oui, il n avait pas tort, Au fil des discussions je decouvre en effet des points communs. C est drole comme on s ecoute l un l autre avec beaucoup d interet, racontant nos motivations, nos parcours, nos joies et nos difficultes, nos inspirations egalement. Souvent Jose est la, ecoutant nos echanges, et j ai beau adorer sa presence j ai comme l impression parfois qu on l exclue un peu quand Kin et moi evoquons nos aventures.
Le point commun le plus etonnant, c est le gout de la litterature. Que faisais-tu a Hong Kong ? Etais-tu etudiant ou travaillais-tu ? Je travaillais, comme tous les habitants de Hong Kong, dans la finance. Mais je n aime pas les chiffres !! Kin est un passionne ed litterature, mais il a du mal a trouver une idee de job avec ca a Hong Kong. Nous voila a parler de nos aspirations litteraires. Il ne s agit pas d ecriture, mais ed travailler dans l univers des livres et de l ecrit. Je lui dis que mes etudes litteraires m on t apporte beaucoup de plaisir mais pas franchement d idee de boulot. Du moins jusqu ici. Car il me vient des envies de fraper aux portes des maisons d edition en rentrant. Apres tout qui ne tente rien n a rien. ce serait idiot de ne pas essayer. Lui cherche aussi ce qui pourrait le conduire a la litterature.
Bref, un respect et une estime mutuelle s installe entre Kin et moi. Ce garcon est une perle. Intelligent, gentil, interesse par l humain: Je vais etre profondement blessee par le rejet que je sens chez Gladys. Elle ne lui laissera aucune chance.

L autre volontaire arrivera plus tard que prevu. Nous restons donc trois jours seuls, Kin et moi, avec Gladys et Ernesto. Kin sympathise egalement avec Jose. Un jeune francais arrive pour passer trois jours al a posada. Freddy remonte du Guatemala ou il vient de faire un periple hors des sentiers battus, et il est ravi de pouvoir parler francais avec moi, et anglais avec Kin et Jose. Freddy est arrive au Mexique avec un copain, mais tres vite ils ont prefere faire routes separees. Et on dirait qu il profite vraiment de son aventure. Il a l air de se sentir bien avec nous, et reste souvent a la maison a discuter plutot que d aller se promener dans son coin.
Alors que je suis affectee aux travaux d ordinateur et de reception, Kin est designe peintre. Il passe des heures a repeindre le portail et les portes de fer a l interieur de la maison. Gladys ne cesse de me faire part de ses doutes sur son efficacite, ce qui m agace au plus haut point. En fait je crois qu elle n est pas a l aise avec lui. j ai remarque que Gladys fonctionne au feeling et prefere tres nettement les femmes et les gens qui parlent beaucoup. Kin n est pas une femme et il parle peu. Avec elle, du moins. Mais elle n a strictement rien fait pour le mettre a l aise.
Le 7 janvier, c est l arrivee des rois mages a San Cristobal. Je suis a l accueil et Kin st en train de peindre le portail lorsque nous entendons du bruit et de la musique dans la rue. Tiens, que se passe-t-il ? Je mets le nez dehors (oh mon dieu comme il fait chaud d un coup quand je sors sur le trottoir, alors que je me pele en poncho a l interieur !). A cent metres, nous decouvrons des voitures portant des animaux en papier mache rgandeur nature. Los reis - m explique la commere Ernesto. Ah bon ? Ah oui, en effet il y a des homes deguises en rois mages sur les animaux (un chameau, un cheval et un elephant). Les voitures sont arretees, et entourees de part et d autes par des enfants acompagnes d adultes. Estan comiendo - continue Ernesto. Ah. Les rois mages font, semble-t-il, une pause casse-croute (il st 13h) avant de poursuivre leur parcours dans la ville.
Et en effet, lorsqu ils se remettront en route une demi heure plus tard, les enfants et leurs parents se dechainent tout autour. Ca court le long des trottoirs etroits, et entre les voitures. Chacun guette les mouvements des rois mages, qui lancent de tous cotes des paquets de bonbons.




Mon appareil photo en main, je ne m apercois pas que le roi mage noir sur son elephant me lance un paquet de bonbons. Ernesto le rattrape, evitant que celui-ci atterrisse sur ma tete. Le cortege s eloigne et continue son tour de la ville. Lorsque je sortirais me promener un peu plus tard je retrouverai les rois mages sur le zocalo ou une estrade a ete dressee. La place est envahie par une foule d enfants et d adultes. Les parents font la queue avec leurs bambins pour s approcher des rois qui distribuent encore bonbons et cadeaux en musique. Leurs "animaux" sont gares dans une rue sur le cote et surveilles par la police. La file des enfants fait tout le tour du parc !
Ce jour-la je me promene avec l appareil photo autour du cou pour prendre quelques photos. Depuis que je suis arrivee je n en ai pas pris pris beaucoup. Chaque fois que j ai eu l idee de le faire, le ciel etait nuageux. Et lorsque le soleil brillait de tous ses feux j etais coincee a la maison. Pourtant San Cristobal a des couleurs magnifiques, que mes photos de mediocres qualite depuis quelque temps ne rendent pas aussi eclatantes que dans la realite.
J adore particulierement la lumiere et les couleurs du coucher du soleil, les derniers rayons avant que le soleil disparaisse derriere la montagne. J aime de plus en plus le style des maisons coloniales que je decouvre tout au long de mes promenades dans le centre ville et dans les quartiers moins touristiques. J apercois de tres nombreuses deux-chevaux, ca donne un charme particulier aux rues. Sans compter les camionnettes aux toits de fer decorees d images saintes ou proclamant "Cristo es mi camino". Depuis l entree de la posada, j apercevrai un jour deux enfants rentrant de l ecole, portant toutes les deux des sacs a dos avec ce message imprime : Jesus t aime...


Ah ces mexicains et la religion ! J apprendrais plus tard par Ernesto que le centre est surtout frequente par les catholiques. Lors de ma derniere semaine a la Casa, un jeune homme nous demandera ou il peut trouver une eglise adventiste. Moi j en avais apercu une en dehors du centre ville, un jour ou Gladys m avait emmenee en voiture avec elle. Kin et Grorges pour aller acheter un poulet grille. Mais Ermesto a indique au jeune homme le quartier Palestine, un quartier dangereux - precise-t-il. Le centre est en effet habite plutot par les catholiques, lesadventistes et evangeliques sont plutot vers les quartiers sud plus pauvres et malfames.
Quand je passe devant une eglise, dans le centre, il n est pas rare que j entende le pasteur ou le cure en train de de prier avec une grande ferveur, au bord des pleurs. Une musique chargee d emotion accompagne toujours les sermons.
Un jour, apres avoir ecoute une fois de plus ces exhortations, j ai cherche sur youtube les chansons chretiennes de mon enfance.
Peu de temps auparavant, Isa m avait confie sur skype avoir eu le meme delire.




J avais retrouve les rois mages un peu plus tard dans la soiree, en montant me promener a l eglise de la Guadalupe. Des petits anges les attendaient pour accompagner leur entree dans l eglise, ou le cure les a benis..

Et bien je me suis surprise a eprouver du plaisir a reecouter ces chansons ! Mais finalement ce n est pas surprenant, c est tout de meme mon enfance, et j aime bien ce qu a ete mon enfance. J ai grandi dans le monde des bisounours, plus ou moins. Un monde ou tout le monde il est beau tout le monde il est gentil. Je ne manquais de rien et surtout pas d amour, meme si j ai construit ma bulle tres tot. Dieu veillait sur nous et sur le mond entier. Tout etait possible et j etais immortelle, comme tous les enfants - enfin ceux dont l enfance n est pas marquee par des traumatismes qui viennent ternir ce sentiment d immortalite. Je passais mon temps a rever. Ah que c est bon d avoir du temps pour rever ! En ecoutant ces chansons a nouveau, la-haut sur la terrasse de la posada, toute seule dans la nuit, je retrouve les sensations que j avais a cet age-la. Et ma foi, c est bien agreable.

Lorsque Michel arrive,. ca matche tout de suite, par contre. Evidemment, il a la chaleur communicative des quebecois. Il parle beaucoup et rit beaucoup. Et pour cause, il vient de passer cinq semaines dans un endroit qui aurait ete parfait s il avait eu un peu plus de compagnie. En debarquant ici il est en manque de sociabilite. Bon, en meme temps il s imagine - comme nous tous, d ailleurs, d apres l annonce sur workaway - qu il vient d atterrir dans un centre de meditation ou se croisent des gens sociables et simples, venus mediter et partager. ca n a rien a voir avec la realite. La casa n a rien d un centre de meditation, c est un hotel, point barre. Humide, froid, sale et sombre, manquant cruellement de lumiere et d un endroit convivial facilitant les echanges. On a plutot envie de se refugier sous les couvertures de son lit pour etre au chaud, ou de sortir car il fait bien meilleur dehors.
Mais bon, Michel arrive avec ses illusions et son enthousiasme et Gladys lui fait son numero de charme. En l ecoutant une enieme fois (a lui, elle ne lui sort pas le couplet "on verra dans une semaine si ton travail est suffisant"), je me rends compte que je sature. je ne supporte plus son petit numero et ses rires gras, sa vie en multicolore, ses belles idees sur la vie, les gens, l honnetete, les bonnes et mauvaises ondes, ses connaissances fabuleuses sur la meditation et la spiritualite. mais Michel est tres interesse, et au fond je suis tres contente qu elle ait trouve un nouveau copain a qui raconter ses histoires a dormir debout, ca va me faire des vacances.
;Michel doit avoir le meme age que moi, a peu de chose pres. Il travaille dans la construction et voila maintenant cinq ans qu il a decide de partager son annee en deux saisons. Il quitte le Canada quand l hiver arrive et passe six mois a l etranger, a vadrouiller dans des pays ou la vie ne coute pas chere, ou bien faire du volontariat. Ce qu il amasse en six mois de travail au Canada lui permet de vivre ainsi. Et pendant cette periode de travail, il lui arrive de dormir dans sa voiture, sous la tente, ou de negocier avec son boss du moment la location d un logement. Il n a plus d adresse fixe depuis un bon moment, donc pas de charge, et s en trouve pour l instant tres heureux. Il est tres vigilant sur la qualite de la nourriture qu il achete, pratique regulierement la meditation, prefere passer des heures a discuter gentiment dans le canape plutot que daller s egosiller dans des bars bruyants ou les consommations sont cheres, et commence a se lasser de voyager seul.
Comme tout le monde, il sera surpris par l annonce des horaires de travail. Six jours par semaine, pour un petit dejeuner, une douche et un lit, il trouve ca limite. Mais ca aurait pu coller quand meme, s il n avait pas fini lui aussi par se lasser des exigences de Gladys.

Mais en tout cas il arrive avec son enthousiasme et sa bonne volonte, donc.
De mon cote, chaque jour je deviens plus anxieuse. Habiter chez Gladys m a privee d une part supplementaire de liberte, et je n avais pas besoin de ca. Elle ne confie jamais ses clefs a personne, donc bien sur je n ai pas de double et dois sonner a la porte pour rentrer me coucher. Les deux premiers soirs, je ne change rien a mes habitudes et vais dormir a minuit. Mais les deux fois je la tire du lit... Du coup, le troisieme soir, je prends conge de mes petits camarades a 21h et vais bouquiner dans ma chambre. C est qu avec ses soucis nerveux, Gladys est en general KO tres tot, et ne tarde pas a aller se coucher. J aimerais autant planter ma tente dans le jardin et me sentir a nouveau libre, mais quelque chose me dit qu elle le prendrait mal.

Jose m apporte une veritable bouffee d oxygene. Une fois qu il est sorti de sa chambre, que ce soit en pyjama ou de temps en temps habille, sa zenitude m oblige a faire baisser ma propre pression interieure. Je sens tellement qu il a besoin de se relaxer ici, et puis il a beau etre super sympa c est un "client" a qui je n ai pas a montrer mes etats d ame concernant celle qui tient le role de ma boss, meme si le terme ne me plait pas car dans le volontariat on cherche tout sauf le rapport patron - employe. Alors quand Jose descend, je prends sur moi et je tache d oublier mes recriminations pour m interesser a ce qu il a a me dire en cette nouvelle journee.
Mais je boue interieurement, et ca ne va plus cesser jusqu au premier clash avec Gladys. Celle-ci a decide de me laisser a la posada ´pour gerer la reception, et elle emmene Kin, Michel et Ernesto avec elle dans une autre maison qu elle possede au pied de la montagne, a 15 minutes de voiture.
C est que San Cristobal commence a s exciter a l approche d un evenement de taille : le pape a annonce sa visite les 13 et 14 fevrier prochains. Voila un mois que le bruit circule, et que tous les patrons d hotel tentent d enqueter sur l attitude des uns et des autres par rapport a cet evenement. Tu as deja change tes prix, toi ? Ah bon, les hotels du centre ville sont deja full pour les 14 et 15 fevrier ? Comment ?? Ils vendent la chambre a 6000 pesos ? Ah non, tu crois qu il faut bloquer les calendriers et ouvrir les reservations au dernier moment et appliquer le prix fort car les gens paieront de toute facon ce qu on leur demandera ? Ca n arrete pas de discuter, ca parle avec les chauffeurs de taxis, notamment ceux qui montent sur Tuxtla et qui rapportent des nouvelles de la strategie de cette grande ville.
Gladys s est mis en tete de rehabiliter en un temps record la maison de campagne. Elle veut y faire construire trois salles de bain, et amenager un dortoir de 6 lits et deux chambres de 3 lits doubles. Etant donne que j imagine encore, a ce moment-la, que le courrier va m apporter d un jour a l autre ma carte bancaire, je ne prends pas le risque de quitter la posada pendant la journee. Gladys part donc pour la journee avec Ernesto, Kin et Georges. Je realise du coup que je dois vraiment me debrouiller suffisamment bien en espagnol, puisque je reste seule pour m occuper des guests presents, recevoir les passants qui cherchent un logement, repondre aux questions sur les massages (car Gladys propose aussi des massages holistiques, chez elle), et repondre au telephone. Et le fait est que je m en sortirai tres bien.
En revanche, lorsque les garcons reviennent le soir, ils sont assez depites. Ils ont constate que la "maison est sympa, oui, elle a du potentiel, mais il y a une masse de travail !" declare Michel. Kin, lui, se contente de secouer la tete. Il ne dira jamais un mot de travers sur Gladys et sa maniere d agir ou d etre. Il regarde par terre, soupire ou lache un petit sourire en secouant la tete. J apprendrai plus tard par Michel qu elle a passe toute la journee avec lui a checker les travaux a faire, changer des ampoules et discuter du positionnement des futurs lits a acheter, tandis qu elle a charge Kin de nettoyer les chiottes et de s attaquer a la machette aux racines mortes dans le jardin.
Comme elle a procede avec moi et Georges, elle s est acoquinee avec Michel et lui a confie tout le mal qu elle pense de Kin. Elle n en demord pas, il est paresseux. Du coup elle lui donne clairement des ordres et s adresse a lui comme a un sous-employe. Michel a tente de lui explique que non, il lui paraissait tout a fait travailleur, avec sans doute moins d experience et donc necessitant d etre pilote, mais c est bien normal : nous sommes volontaires, pas professionnels. Gladys ne rientiendra rien de ce que Michel et moi lui dirons sur Kin. Et Kin ne dit rien. Il fait ce qu on lui demande, et lentement se fait a l idee de ne pas rester ici plus d une semaine.
Naviguant au milieu de nous, Jose rafraichit toujours l atmosphere par sa bonne humeur, son calme et sa gentillesse. Le 7 janvier, il est parti faire la balade au lac de Montebello mais il a charge Gladys d acheter pour lui la rosca des reis (galette des rois mexicaine) traditionnelle, pour que nous la partagieons ensemble.

La balade de Montebello est vraiment longue, et Gladys est fatiguee tot en soiree, nous deciderons donc de reporter le partage au lendemain. Le lendemain soir, il descend l enorme carton dans lequel est emballee la rosca dei reis. Freddy est invite a manger la galette avec nous. Pancha a prepare un chocolat chaud sur la demande de Gladys. Pancha nous a rejoints depuis quelques jours. Elle a connu Gladys et travaille avec elle il y a plus de 20 ans, dans la premiere posada. Sourde et muette, Pancha est moitie indigene. Gladys l embauche pour faire le menage chez elle et donner un coup de main si besoin. Elle dormira chez Gladys, dans la piece dans laquelle Gladys fait les massages.
Pancha prepare donc un chocolat, auquel je ne toucherai pas pour ma part car ca ne ressemble vraiment, mais alors vraiment pas a nos chocolats chauds a nous et personnellement ca m ecoeure. A tour de role, chacun doit se couper son propre morceau de rosca de reis. Freddy veut etre galant et m offrir le morceau qu il vient de decouper, tous les mexicains se recrient : surtout pas !!! Chacun choisit de couper la ou il veut. Bon bon... Un des bebes m echoit ! Je previens que je suis mauvaise cuisiniere.. Car la tradition veut que ceux qui trouvent les bebes caches dans la couronne se chargent de preparer des tamales pour tout le monde, pour le 2 fevrier suivant. Je ne sais plus qui d autre trouve un bebe, nous sommes trois. Je me rappelle par contre la consternation de tous, lorsqu apres avoir coupe sa part, Ernesto, comme un petit enfant, a ecrabouille dans ses mains son morceau de rosca, impatient de savoir si oui ou non il avait un bebe ! Sa part etait tellement emiettee qu elle n etait plus mangeable ! Moi je me suis regalee, la rosca a un bon gout de brioche, avec quelques morceaux (mais pas trop) de fruits confits.

A cote de moi, Kin, puis Gladys, Michel, Jose, Ernesto, et Pancha (qui n aime pas etre prise en photo...) Autour de la rosca de reis !
C est le lendemain que le premier petage de plomb a lieu.
Ce jour-la, je reste encore seule a la posada pendant que les autres vont travailler dans l autre maison. Ils mettront un temps fou pour revenir, sabordant au passage - mais j aurais mis ma tete a couper que de toute facon ca tomberait a l eau - notre sortie prevue pour un temezcal. Le temazcal est le bain d'origine préhispanique qu'utilisaient les indigènes du Mexique et de centre Amérique. Il avait des motifs autant religieux que curatif.
La veille au soir, Jose nous en a parle car il a eu une invitation pour se rendre a un temazcal rituel, ce qui n est pas si simple a obtenir. Il nous explique que generalement ca peut prendre deux ou trois heures, qu il faut s y rendre a jeun et que c est une experience qui remue pas mal. Il faut apporter des fruits ou quelque chose a partager tous ensemble, a la fin.
Il est difficile d avoir des precisions sur ce qu il va se passer, mais nous comprenons que le bain a pour objectif de purifier l ame autant que le corps. Des pierres volcaniques et des herbes sont utilisees. Un chaman ou une temazcalera preside au deroulement de la ceremonie. Jose et Kin (qui a rencontre des personnes qui ont fait un temazcal) nous previennent que tout le monde ne supporte pas, la premiere fois, la chaleur intense.
Nous avons tous envie de tenter l experience. Moi ce qui me plait le plus cest l idee de partager cette experience avec des personnes que j apprecie particulierement.
Mais le soir meme je realise que c est tres improbable que nous puissions y aller. Jose, lui, est libre, bien sur. Mais j ai bien entendu Gladys dire qu elle comptait emmener une fois de plus les garcons avec elle le lendemain pour continuer a bosser dans l autre maison. Et je la connais, maintenant, je sais qu elle va essayer de faire un max de choses póur avancer, donc je mettrais ma main a couper qu ils ne seront pas de retour pour 15h - l heure a laquelle nous sommes censes arreter de travailler, et l heure a laquelle il faudrait que nous allions acheter les fruits et que nous nous preparions pour partir au temazcal.
Le lendemain, donc, ils partent et je reste seule a la posada. Jose descend vers 12h, habille. Je lui fais part de mon inquietude pour ce soir. Il est tout a fait de mon avis, lui aussi sait bien comment est Gladys, maintenant. Je l encourage a se preparer póur y aller seul. Mais je crois que dans le fond il n a pas specialement envie de vivre ca seul (il connait deja, par ailleurs). Il sort se promener.
Evidemment les autres reviennent entre 16h et 17h. Je ne vois pas Gladys, juste Ernesto et les garcons. Je sens Michel agace par la tournure que prennent les choses. Nous avons tous du mal avec le fait de bosser 5 ou 6h d affilee, sans pause et avec quelqu un sur le dos sans arret (moi du coup j en profite a mort en ce moment, je suis peinard !) Michel en a deja marre de manger tard. Ceci dit ils vont toujours manger ensemble apres le boulot, aux frais de Gladys qui regale. Mais il aimerait bien manger plus tot que 16h, et puis lui il fait du workaway pour apprendre des choses, et nettoyer le jardin et la maison ne correspond pas du tout a ses attentes. Il trouve que Gladys nous met trop de pression. J apprends que Kin s est attire les foudres de Gladys pendant le dejeuner, en annoncant qu il aimerait prendre un jour off le lendemain. En fait il n avait pas a demander, puisque, en effet, le lendemain etait son jour off. Michel me raconte en riant que les yeux de Gladys sont sortis de leurs orbites et qu elle a failli s etouffer avec la bouchee qu elle tentait d avaler.

Kin rit aussi en me confirmant qu il va probablement nous quitter demain. Apres s etre remise de ses emotions, Gladys a balaye la question et repondu qu ils en reparleraient plus tard. En fait elle voulait attendre de revenir a la posada póur verifier dans son calendrier la date d arrivee de Kin parmi nous, car elle est convaincue qu il veut gruger d une journee, confirmant par la son intuition qu il n est pas seulement paresseux mais "mala onda" et "mentiroso". Je la verrai, un peu plus tard, entrer dans la posada et s asseoir comme une furie au bureau pour jeter un oeil au calendrier, et le refermer en adressant un coup d oeil entendu a Ernesto en lui disant en espagnol "c est bien ce que je pensais". Et elle repart chez elle.
Je suis furieuse et consternee par ce comportement. Visiblement cette femme n a rien compris au volontariat et a sa raison d etre, ou aux raisons pour lesquelles nous souhaitons faire du volontariat.
Je n ai pas envie que Kin parte, mais visiblement il serait bien mieux ailleurs qu ici. Inutile de continuer a offrir du temps gratuitement a quelqu un qui n apprecie meme pas ce que vous faites pour lui rendre service. Si encore on etait gates, mais non, on fait ca pour un petit dejeuner, un lit et une douche..
Pour moi la rupture est consommee egalement. Je ne supporte plus la difference entre les belles paroles de Gladys dans son profil workaway ou dans ses bons moments, et les actes qui transpirent l egoisme, l autocongratulation constante, la mefiance tout aussi constante vis a vis des autres, la mesquinerie, et la secheresse de coeur. Cette femme n a rien de la bele personne qu elle decrit dans son profil, aimant le partage, les valeurs humaines, connaissant sur le bout des doigts les principes les plus eleves de la spiritualite, et blablabla. C est une business woman, c est tout. Et elle fait partie de ces personnes qui ont vu dans le volontariat une occasion d avoir de la main d oeuvre pour presque rien.
Ce soir-la j enrage, je sens que j ai atteint un point de non retour avec elle, et je suis d autant plus furieuse contre la Banque postale car je me sens obligee d attendre ici que ma carte arrive alors que decidemment je voudrais pouvoir me tirer d ici au plus vite.
Je me mefie desormais beaucoup de Gladys. Elle est tellement imprevisible et mauvaise que j ai peur qu elle me joue un mauvais tour avec ma carte bancaire. J ai besoin de rester en bons termes avec elle, pour recupere ma carte.
Kin nous confirmera un peu plus tard que Gladys lui a dit qu elle n avait plus besoin de lui. Il nous rejoint avec Jose sur la terrasse. Jose aussi apprecie beaucoup Kin. On continue a epargner un peu Jose avec nos recriminations contre Gladys. Mais Kin lui annonce qu il partira le lendemain matin. Jose apprevie vraiment Kin et s enquiert de la suite de son parcours. Comme Kin monte vers le nord, Jose l invite a venir chez lui a Chihuahua. Il l hebergera et l emmenera visiter les sites dont il nous a beaucoup parles, comme le fameux canyon. Pour le coup, Kin est aux anges et je l envie drolement ! Mais je suis tres heureuse pour lui.
Nous convenons egalement d aller voir tous ensemble le lendemain soir un spectacle qui se jour presque tous les soirs au theatre de San Cristobal et qui raconte l histoire de Palenque.
En attendant, et totu en admirant le coucher de soleil, Jose nous raconte sa stupefaction quand il est tombe, cet apres-midi, sur un rassemblement sur le zocalo. Attire par la curiosite devant le deploiement des barrieres de securite, il s est approche pour voir de quoi il s agissait.




""Et bien, nous dira-t-il, c etait tout simplement le president de la municipalite qui celebrait ses 100 premiers jours de travail pour San Cristobal..." Nous en sourions avec lui. Il y avait, parait-il, un groupe qui jouait de la musique. Ben ils doivent avoir des sous, a San Cristobal, s ils peuvent se permettre de s amuser a payer des artistes et faire la fete pour saluer les 100 premiers jours travailles de leur nouveau president !
Le lendemain, Kin part donc apres le petit dejeuner et va s installer dans un autre hotel pour deux nuits, car il a l intention d aller visiter le village de Chamula. Nous nous donnons rendez-vous a 18h a la posada.
Michelet Ernesto partent bosser avec Gladys dans l autre maison. Pancha est missionnee pour bosser avec moi a la posada. Elle fera bien un peu de menage, mais sinon je ne vois pas trop a quoi ca sert qu elle soit la elle aussi. Je soupconne qu elle soit surtout missionnee pour espionner. Et l avenir me le confirmera.
Je m occupe, et remarque qu elle passe beaucoup de temps a envoyer des textos. De mon cote, je n en fais pas trop. Apres tout, je ne vois pas franchement ce que je pourrais faire, donc j assure la reception et ca m arrange qu il n y ait personne, Je peux bouquiner tranquillement.
Jose et Freddy me tiennent compagnie. Freddy est une creme. Il rapporte du marche des zapote, fruit orange a la peau tres fine et a la chaire sucree juste ce qu il faut, excellente. Lorsque Michel revient, il est visiblement contente de souffler un peu et que Gladys le lache. Elle parle beaucoup - me souffle-t-il. Oh oui je sais bien !
Kin nous retrouve a 18h comme convenu. Gladys etant chez elle, elle ne le voit donc pas. Nous partons voir le spectacle. D abord nous achetons nos billets, puis allons faire un tour sur le zocalo ou il se passe toujours quelque chose. Ce soir-la, un jongleur s amuse avec le feu et fait participer le public.
La piece de theatre que nous allons voir me plait beaucoup. Les costumes et la musique mettent vraiment dans l ambiance. Les acteurs sortent du fond de la salle ou des coulisses, un musicien fera raisonner ses percussions pendant toute la piece depuis l interieure de la salle. Je ne comprends pas tout et me promets de lire l histoire de Palenque un peu plus tard, mais c est vraiment beau a voir.

Lorsque nous sortons, il fait un froid de canard. Nous cherchons un endroit pour nous poser et boire un verre, mais Michel n est pas fan des endroits bruyants et nous sommes partis du cote opposes ou se trouvent les bars et restos.
En fait, je ne sais pas ce qu il nous passe par la tete car a posteriori je realiserai que nous choisirons la pire option. Nous revenons doucement vers la rue perpendiculare a la posada car nous pensons pouvoir aller dans un petit resto qui nous plait bien par la. Mais ils ne proposent pas de boisson, Alors nos pas se tournent tout naturellement vers la posada. Un peu etonnee que nous prenions cette direction, je demande en anglais : on rentre et on prend les bieres qu on a dans le frigo ?
C etait une question. Peut-etre les garcons suivaient tout autant que moi le mouvement et ont interprete ces paroles comme une suggestion. Quoi qu il en soit, tout le monde a hausse les epaules et on a effectivement debarque dans la cuisine de la posada ou nous avons retrouve Freddy.
Je sors ma tequila, et vais acheter vite fait un jus a melanger avec. Je reviens et sers les verres. Les gars sont lances dans une discussion avec Freddy.
On a a peine entame nos verres quand Gladys debarque dans la posada et s arrete sur le pas de la porte de la cuisine. A present je suis certaine que Ernesto a du la prevenir de la presence de Kin dans la posada. Nous la sentons arriver et pressentons le probleme. "Please go !"
Ces deux mots me font voir rouge. J ai honte pour elle de son comportement. Je suis blessee pour Kin. Nous sommes tous choques. Kin repond simplement "ok" et revient dans la cuisine prendre sa canette de biere et son sac a dos pour sortir de la cuisine. Je me leve et laisse echapper de fureur, en francais : "non mais ca va pas ? comme ca ? Ok et bien je me casse aussi". Les garcons me regardent vider mon verre dans l evier. Jose sort de la cuisine. Je fulmine : "On parle pas aux gens comme ca, putain !" Je sors de la cuisine a mon tour et vais dire a Gladys, qui est toujours dans l entree : "Gladys, I invited him for a drink". Et bing, elle se retourne et me fusille des yeux, puis me crache a la figure que je sais tres bien qu aucun visiteur etranger a la posada n est admis dans l etablissement. (Oui je le sais mais le fait qu elle considere Kin comme un visiteur etranger alors qu il lui a donne une semaie de son temps me choque !) Et la voila qui me debite tres sechement et avec un regard bien noir que je n ai aucun droit ici, que ce n est pas parce qu elle est gentille avec moi en me gardant encore a cause de mon probleme de carte bancaire que ca me donne des droits. Je voyais deja rouge, mais alors cette bassesse me cloue au mur. Ah putain tu veux la jouer comme ca ! Jose est la, eberlue, et moi j hesite un moment entre envoyer chier vertement cette femme que j execre ou ne pas faire d esclandre. Elle ajoute que je la mets en galere parce qu elle ne peut pas accepter d autres volontaires tant qu elle ne sait pas quand est-ce que je m en vais, alors il serait bon que je n oublie pas les regles ici.
Le simple fait de reporter cet episode me rappelle a quel point j etais en fureur et a quel point j ai meprise cette femme a ce moment-la.
Incapable de me controler plus longtemps, j ai prefere ne pas repondre. Je lâche simplement "oh non je n oublierai pas" en tournant le dos et en attrapant mon sac a dos pour sortir a la rencontre de Kin, qui etait assis dehors en attendant qu on le rejoigne.
Michel et Freddy sont venus deux minutes plus tard. J ai tout de suite compris que Gladys allait pieger Jose en le retenant pour lui raconter tous ses malheurs et se plaindre de tous les maux de la terre. Le pauvre n y a pas echappe. Nous avons compris qu il ne servait a rien de l attendre, et sommes alles finalement dans le peti resto d a cote pour grignoter un bout.
Desolee Michel, mais je me casse demain - lui dis-je d emblee. Ca m ennuie pour lui car il vient d arriver et va se retrouver seul, et je vois deja qu il n est pas super contente d etre la. Mais sur le moment pour moi il n y a pas d autre choix possible. Je dis d ailleurs a Kin que finalement tout ca me soulage, Deux jours plus tot je lui confiais a quel point je me sentais hyppocrite de rester ici en faisant des sourires alors que je ne supportais plus Gladys.

Nous commandons a manger. Je me sens soulagee dune certaine facon car ca y est je peux enfin montrer ce que je pense vraiment. Mais au fur et a mesure que nous discutons, je sens revenir mon inquietude pour ma carte bancaire. Cette nana est une vraie hyene. Je sens qu elle peut agraver ma situation. Me savoir dependante de son bon vouloir me rend folle de rage. Les gars cherchent une solution. Je reflechis. Tu ne peux pas voyager avec une seule carte ? me demandent les garcons. Et si tu virais l argent du deuxieme compte sur celui dont tu possedes deja la carte ? etc...
Au debut du repas je suis decidee a boucler mes affaires le lendemain matin et me tirer d ici.... A la fin, ma raison me pousse a ne pas laisser echapper ma carte bancaire. Mon interet est de la recuperer. Je voudrais etre solidaire avec Kin et partir... Je me sens mal a l idee de rester et de composer avec le caractere ignoble de cette femme. Mais je sens que je vais rester, j ai trop peur de ne pas recuperer ma carte. Je ne peux pas virer l argent de la banque postale sur le compte du credit agricole aussi facilement, car avec ces abrutis de la LBP on ne peut pas ajouter des destinataires de virement en ligne, il faut aller voir un conseiller pour ca ! Meme si le destinataire c est moi !
Je decide donc de me rendre demain matin a la premiere heure au bureau de poste pour leur demander de garder mon courrier avec eux quand il arrivera. J irai moi tous les jours au bureau pour savoir si la lettre est arrivee. Et je vais envoyer un mail a la LBP pour savoir comment proceder pour virer mon argent chez eux sur mon autre compte, depuis l etranger. Et en fonction des reponses qu on me donnera, je deciderai de la suite des evenements.
Une fois le diner termine, nous sortons et prenons la direction de la posada pour rentrer et nous separer. Nous rencontrons Jose, qui vient de reussir a s echapper de sa conversation avec Gladys ! Il leve les yeux au ciel, ravi d en avoir termine avec elle ! Elle lui a tenu la jambe plus d une heure, il est saoul de paroles et il a faim.
Et bien allez viens, tu vas manger ! lui dis-je... avant de realiser que non, les autres vont l accompagner mais pas moi. En effet je dors chez Gladys.. Or elle est partie se coucher. Je dois donc rentrer aussi, si je ne veux pas envenimer les choses en rentrant a pas d heure et la faisant lever du lit pour m ouvrir la porte.
La mort dans l ame, je dis a Kin, Freddy et Jose tout le biein que leur presence m a faite et a quel point je les apprecie tous les trois. Jose part demain, son taxi vient le chercher a 5h du matin. Je sers les trois hommes dans mes bras et, la mort dans l ame, leur tourne le dos pour rentrer dormir.
Pancha m ouvre la porte et je file directement dans ma chambre.





Le lendemain matin, je suis debout tot. Mais lorsque je m approche de la porte d entree pour sortir, je m apercois que c est ferme a clef. Or Gladys dort avec les clefs dans sa chambre. Et visiblement ce matin elle dort un peu plus longtemps... Moi voila coincee a l interieur, impossible de sortir. Je peste et retourne dans ma chambre attendre une demi heure de plus.
Durant le petit dejeuner, que je prends avec Michel, je ne me sens pas tres bien. J ai le ventre lourd. Est-ce le diner de la veille qui passe mal ? Je petite dejeuner malgre tout l omelette preparee par un Ernesto qui calque son humeur sur celle de sa patronne et donc ne dit pas un mot ce matin.
Je sors ensuite vite fait pour aller au bout de l avenue 5 de Mayo, ou se trouve le bureau de poste. Je demande des nouvelles de ma lettre et donne le numero de reference de l expedition. L employee m annonce que ma lettre devrait arriver a la fin de la semaine. Hallelujah ! Enfin un espoir ! Bon, je decide donc de rester jusqu a la fin de la semaine, quoi qu il m en coute de supporter encore cette folle dingue. Apres tout je vais moi aussi profiter de la situation et rester pour l hebergement gratuit.
Gladys arrive un peu plus tard, vers 10h. Une nouvelle volontaire va nous rejoindre dans l apres-midi. Elle est passee nous voir trois jours plus tot, mais Gladys ne l attendait pas si tot et ne l a pas acceptee tout de suite. Felizia est espagnole, elle est prof de yoga.
Ce jour-la, Gladys me demande de ranger le local dans le jardin dans lequel on stock de tout et de n importe quoi. C est ici aussi qu Ernesto lave le linge a la main. Parfait, je vais donc etre tranquille pour faire ca toute seule pendant que Michel demonte des lits car un branle bas de combat a demarre auquel ni moi ni Michel ni Felizia ne comprendront quoi que ce soit. Toujours en prevision de la visite du pape, Gladys a decide de tout changer. Elle veut virer tous les lits de la posada pour les installer dans l autre maison, et acheter de nouveaux lits pour la posada. C est parti, donc, pour un grand demenagement.
Moi je commence le tri et le rangement de ce local fourre-tout. Mais tres vite je m apercois que vraiment je ne me sens pas bien du tout. J ai la nausee et je sens que je vais vomir. Je vais a deux a l heure, et toutes les demi heure je m accroupis et pose ma tete sur mes bras replies sur le dossier d une chaise. Et j attends que ca passe. Lorsque je me sens a nouveau la force de me tenir debout, je me remets a trier et ranger pendant une demi heure, avant de me reposer a nouveau. Ernesto me trouve deux ou trois fois dans ma position accroupie. Je m en fous. Qu ils pensent ce qu ils veulent, ces tordus, je m en tape et la de toute facon je n ai absolument pas la force de m enerver. Gladys ne se soucie pas de moi, et c est parfait comme ca. Vers 14h, alors que visiblement Gladys offre un jus de fruit dans la cuisine, Ernesto m apporte un verre de coca cola et me trouve une fois de plus accroupie. Je l envoie mechamment promener. Cet idiot qui a l habitude qu on le malmene me rapporte un peu plus tard une tasse de the chaud... Je suis tellement mal que cette fois j accepte et dis merci.
Je m asseois a la table du jardin et me laisse dormir quelques temps surla table, la tete sur les bras. Un peu avant 15h, je constate que tout le mond eest parti sauf Ernesto qui vaque a ses occupations. J abandonne le jardin et vais m allonger sur la balancelle de la terrasse, au soleil pour tenter de me rechauffer. Le soleil brille, mais j ai toutes mes couches de vetements sur moi et j ai toujours froid. Je maudis Gladys une fois de plus car elle n est pas chez elle et mes medicaments sont dans la chambre dans sa maison. Je ne peux donc rien prendre.
Je finis par aller m ecrouler sur le canape, et dors... jusqu a ce que je doive me lever tout a coup pour aller vomir ! Ca me fait un mal de chien, ca brule a l interieur et sur le moment j ai peur de tomber dans les pommes dans ces toilettes degueulasses ! beurk.. Ca n en finit pas, je me vide de tout ce que j ai mange depuis trois jours, on dirait ! J en mets sur mes chaussures et par terre, un vrai bonheur ! Une fois que ca va mieux, je constate les degats et, tremblante de froid, je m attele au nettoyage des degats que je viens de causer...
Une demi heure plus tard je retourne m allonger sur le canape, dont je ne decollerai pas jusqu a 20h.




La nuit est tombee quand j ouvre les yeux. J entends en bas dans la cuisine la voix de Gladys, qui discute avec Michel et Felizia. Evidemment elle se deverse en commentaires sur ce qu il s est passe avec Kin et avec moi. J apprendrai plus tard par Michel qu elle n a pas arrete de deblaterer sur moi ce jour-la, esperant que je recoive vite ma carte et que je m en aille. Elle n imagine pas a quel point je le souhaite encore plus qu elle. Elle me reprochera egalement de parler dans le dos des gens, ce qui est assez comique etant donne qu elle ne cesse de faire la meme chose.
Bref, je me rendors et me reveille une heure plus tard. Constatant que totu est calme, je deduis que Gladys a du rentrer chez elle et je vais sonner pour rentrer dormir dans ma chambre. Pancha m ouvre une fois de plus et je m eclipse pour plonger a nouveau dans le sommeil des 21h et ne me reveiller qu a 8h le lendemain matin, en bien meilleure forme heureusement.
La journee reprend comme la veille. Gladys s entend a merveille avec Felizia, qui est tres bavarde et tente tout le temps d apporter de la bonne humeur. Elle lui sert son couplet habituel sur sa vie-son oeuvre. Comme moi precedemment, Michel est content que Gladys dedie toute son attention a quelqu un d autre. Je retourne ranger le local bordelique. Pancha est affectee a la reception, avec mission - etant donne qu elle est sourde et muette - de venir me prevenir si quelqu un se presente a l entree. Tous les aurtes s en vont dans l autre maison. Je passe une journee tranquille, bien contente d etre seule, et pleine d espoir pour ma carte bancaire. Depuis quelques jours je me defoule sur la page facebook de la banque postale. Je leur dis tout le bien que je pense de leurs services. Un administrateur m a repondu de les tenir au courant de l avancee du probleme, ce que je ne manque pas de faire. Tous les jours je signale : nous sommes le tant, toujours pas de carte et pas de reponse non plus aux mails que je vous ai adresses via la banque en ligne... Ce petit jeu ne sert strictement a rien, je le sais, si ce n est a exterioriser ma colere. C est toujours ca. C est que rien n est propice a faire baisser ma rage interieure. Je me sens piegee, j ai l impression de perdre mon temps, je suis extremement frustree par l absence de reponse et d efficacite de la banque postale, j en ai marre de cette ville ou j ai tout le temps froid (parce que je suis souvent a l interieur de la maison), je ne supporte plus la maison humide et obscure et encore moins Gladys, Ernesto et Pancha, la fine equipe de tordus qui me paraissent aussi malsains les uns que les autres, je vois s eloigner la possibilite d aller jusqu au Costa Rica car je n ai pas l intention de courir, et puis je me sens mal a l aise avec le deal que je fais avec ma conscience : j aurais du partir au lieu de rester ici parce que j ai trop peur de ne pas recuperer ma carte bancaire...
Une fois que l espace de rangement est nettoye, je prends donc le temps de consulter internet puisque la reception est calme. Et je me mets a la recherche de billets pour le Perou et la Russie. En effet avec Etienne nous avons evoque le Perou. Mais mes recherches m amenent a constater qu il est plus cher quasiment de prendre un vol San Jose - Lima ou Guatemala City - Lima que de rentrer en Europe. Le Perou s eloigne lentement mais surement de mes projets. Pourtant ne suis-je pas partie pour voir, entre aurte, le Macchu Picchu ? Ah oui c est vrai...Mais face a cette depense, je prefere remettre la decouverte de ce site magique a plus tard, dans d autes circonstances. Et descendre tranquillement l Amerique centrale sans courir. A ce moment-la je m imagine encore avoir le temps, d ici avril, d aller jusqu au Costa Rica. Mais je reviserai mes plans. Oui bien sur je pourrais aller jusqu au Costa Rica, et meme jusqu au Perou si j ai envie. Mais je sens que je prefere voir moins de choses et ne pas depenser autant d argent ni passer mon temps dans les transports longue distance. Au final, nous nous mettrons d accord avec Etienne pour le Yucatan. Et choisirai du coup de descendre d abord au Guatemala puis de remonter par Belize et retrouver Etienne a Cancun.




Et c est aussi de Cancun que je quitterai ce continent pour m envoler vers la Russie.
J ecris a Celine pour lui faire part de mes projets pour Moscou, et lui demande conseil pour le visa car avec Jose nous avons beau eu cherche, nous n avons pas trouve de consulat ou d ambassade russe ailleurs qu a Mexico city. J etais persuadee que je pourrai faire ma demande de visa a Cancun, mais c est rate. Apres quelques recherches, je n ai pas l impression de pouvoir faire de demande non plus a Belize city ni a Guatemala city. Je reflechis donc a la possibilite d atterrir dans un pays voisin de la Russie et d y demander mon visa. Je tiens mes parents au courant de mes recherches, puisque nous tentons de nous organiser pour nous rejoindre a Moscou. Bref, je ne perds pas mon temps et j essaie de remettre ma tete en mode projet !
Gladys fait comme s il ne s etait rien passe, s extasie devant le rangement que j ai effectue et s enquiert de ma sante en rentrant. Je reponds avec juste ce qu il faut de froideur. Pour moi c est fini, il n y a pas de retour en arriere possible avec elle. Je fais ce qu elle me demande, et ca s arrete la. Michel, rassure sur le fait que je reste et sur la tournure que prennent les choses, tente de m expliquer que c est a moi que je fais du mal en decidant de rester fermee et en gardant de la rancune. Il ne comprend pas que je siois choquee a ce point par l attitude de Gladys envers Kin et precedemment avec Georges. Mais ce n est pas ton probleme, me dit-il. Une partie de moi concoit qu il a raison. L autre partie ne desarme pas. Je n oublie pas qu elle a tente de me faire sentir redevable et m a parle comme a une merde. Et ce que je supporte encore moins, c est qu au fond j agis comme si je lui etais redevable. Enfin bref, je ne decolere pas.
L air de rien, la vie reprend son cours plus ou moins normal.. Je ne m en rends pas compte car je ne parle pas beaucoup avec elle, mais Felizia est en train de comprendre que l annonce workaway a laquelle elle a repondu ne correspond pas du tout au job qu elle doit faire. Evidemment, elle s attendait, comme nous tous, a arriver dans un centre de meditation ou au moins un hotel offrant des meditations. Au lieu de quoi, elle se retrouve a desherber un jardin, changer la decoration des chambres et nettoyer une maison qui n est plus habitee depuis deux ans. Au bout de trois jours, Felizia declare avoir mal au dos. C est le premier acte de son abandon. Elle prendra un jour off pour reposer son dos. Gladys l accepte super bien car Felizia a ses yeux est une perle. Il faut dire que cette jeune espagnole a l art et la maniere de lui dire les choses. Tout passe. Une blagounette, un peu d attention quand Gladys parle et le tour est joue. Pas bete ! Moi je ne peux plus jouer a ca, mas j observe le jeu en finesse de Felizia.
Michel, quant a lui, commence a se lasser lui aussi de faire des travaux manuels qui ne lui apprennent rien, pour un petit dejeuner qu il trouve op maigre et une chambre trop froide. La mutinerie s annonce...
Moi je profite, je n ai pas grand chose a faire a la posada. je bouquine et m occupe de mes recherches personnelles. Le mercredi 13 janvier, je me presente au bureu de poste,esperant qu on me confirme que ma lettre arrivera cette semaine. L employee m annonce que ma lettre est a Tuxtla, la grosse ville la plus proche de San Cristobal. Moins de 100 kms. Je jubile. Pourtant l employee m annonce une livraison le lundi suivant. Ah bon, 4 jours pour venir de si pres ?? Je repars, malgre tout toute, guillerette. Elle va arriver, elle va arriver, j y suis presque ! J en parle a Michel, de retour a la posada. Et pourquoi tu n appelles pas Tuxtla, tu leur dis de garder ton courrier, et tu vas le chercher en bus ? - me suggere-t-il. Ah mais oui c est pas bete, ca !
Je retourne a la poste et demande a l employee s il est posible d obtenir le numero ed telephone de l agence de Tuxtla. C est un document tres important que j attends depuis un mois, madame, je voudrais aller le chercher moi-meme a Tuxtla. Non c est impossible, ils ne vous le donneront pas. Ah bon mais pourquoi ? Je peux et veux vraiment y aller... Rien a faire, c est impossible. Et si je paie pour une livraison express demain ? Impossible aussi.
Comme j insiste, elle m envoie voir l administrateur. Je passe dans un autre bureau, derriere. Des casiers en bois remplis de courrier se dressent le long des murs. Des tables qui dates de Mathusalem sont jonchees de papiers divers. Derriere une rangee de casiers metalliques et un comptoir aussi vieux que le reste, j apercois une touffe de cheveux gris. Je toque la porte. L administrateur m invite a contourner le casier metallique. Je lui explique mon probleme. Il saisit la reference de mon envoi sur son ordinateur, attend un peu, puis soupire et me dit gentiment : desole mais votre lettre n est pas a Tuxtla.




Ah bon ? Mais alors pourquoi.... L administrateur tourne l ecran de son ordinateur vers moi. Regardez : votre courrier est en transit, il a quitte Mexico City aujourd hui, pour Tuxtla. Sur l ecran je decouvre une dizaine de lignes, et au bout de chaque ligne, le nom d une ville. San Luis Potosi, Zapoteque, Mexico City.. Mexico City apparait d ailleurs plusieurs fois. En fait mon courrier fait le tour du pays ? Ben euh, oui - repond l administrateur. Donc vous voyez, la il est en voyage entre Mexico City et Tuxtla. Il faut attendre qu il soit a Tuxtla. Je suis consternee. A ce rythme-la, on n est pas rendus... Je suis furax contre la banque postale. Ces abrutis ont vraiment poste mon courrier en service normal. Quelle bande de nuls !
L administrateur veut bien noter mon nom et la reference de mon courier. Je le previens que je reviendrai tous les jours pour avoir des nouvelles. On essaiera d appeler Tuxtla quand mon courrier y sera, mais - me dit-il - c est un centre de tri et pas un bureau ouvert au public, donc a priori ils ne me donneront pas ma lettre en mains propres.
Je quitte le bureau de poste la mort dans l ame. Bon, l accueil du brave administrateur a mis un peu de baume sur on desespoir, mais ce n est tout de meme pas brillant. Je n ai aucune idee du temps que va prendre cette lettre pour arriver. C est pesant.
La semainine s ecoule sans changement. Je m eclip´se de la maison des que je peux. Felizia suporte de moins en moins Ernesto. Michel cherche un autre job de volontariat et en trouve un qui commence le 1er fevrier. Il cherche aussi des infos sur la meditations, le temezcal, et les seances avec l absorption d ayahuasca. Il a envie de tester mais cherche un bon contact pour e faire en confiance. Il passe donc des heures a regarder des documentaires sur internet a ce sujet. Felizia cuisine, sort voire une amie qui est hebergee dans un autre hotel. Moi je me documente pour la suite de mon voyage, sur ce continent et en Europe. Je poursuis le blog et me rejouis de voir que j ai rattrape presque tout mon retard. Et puis je me suis lancee dans la lecture dun livre en espagnol sur ma kindle. On est un peu tous dans notre bulle, en fait.
Vendredi je vais a la poste. Pas de nouvelle, et pas d information supplementaire sur l acheminement de ma lettre. Le samedi, Felizia est off. Le soir, elle danse le flamenco avec son amie israelienne qui l accompagne a la guitare, dans un tout petit restaurant a cote. Nous allons la voir, avec un couple de guests anglais bien sympas.
Nous en profitons pour nous detendre et rire un peu, car le deuxieme clash a eu lieu la veille et cette fois Michel est touche aussi.
Vendredi soir, nous sommes en train de discuter avec Michel dans le salon. Je viens d entamer ma soupe. Ernesto pointe le bout de son nez et demande que je traduise a Michel (qui ne parle pas espagnol) la demande de Gladys : elle l attend dans sa maison pour monter le nouveau lit qu elle a achete pour a chambre dans laquelle je dors. Je ne suis pas sure de comprendre... Il est 21h - dis-je a Ernesto. Ca ne le perturbe pas plus que ca. Vous avez demonte le lit dans ma chambre ?? Oui, Gladys a achete un autre lit, ton lit est parti dans l autre maison. Et c etait urgent, ca ne pouvait pas attendre demain matin ? Ernesto sourit et leve les bras genre "j y peux rien c est Gladys qui commande".

Je lui montre ma soupe : et bien moi je mange.
Michel descend et suit Ernesto chez Gladys. Il revient apres 5 minutes, souriant.Je lui ai dit qu il est 21h et que je suis fatigue - m explique-t-il. Ca ne lui a pas plu, mais je m en fiche.
Un quart d heure pus tard, Ernesto revient a son tour et m annonce que je dois aller chercher mes affaires pour tout transferer dans le dortoir ou je vais dormir cette nuit. Ah bon je demenage maintenant ? Oui, car le lit n est pas monte dans ma chambre. Je n ai pas envie de discuter. Apres tout ca m arrange de quitter sa maison, je vais etre plus libre de mes mouvments. Peu de temps apres notr epremiere engueulade, un soi, je venais aussi de me mettre a manger a 20h, Pancha est venu me chercher en m indiquant la montre et la direction de la maison de Gladys. Quoi je dois rentrer maintenant ?? Elle fait le signe que Gladys est partie se coucher... Je dois donc rentrer moi aussi, a 20h... Je secoue la tete en riant, depitee, et rentre lire dans ma chambre.
Je suis donc tres contente de retrouver une partie de ma liberte.




Je vais donc chercher mes affaires. Gladys est en robe de chambre avec sa tete de victime. Et c est parti, la voila qui commence a se lamenter sur Michel, qui a refuse de travailler a 21h. Elle tente d abord sa tactique habituelle, a savoir se faire des allies dans ses recriminations contre les uns et les autres. Elle est bien decue de Michel, il n a travaille que deux heures aujourd hui et il se plaint qu elle sollicite son aide a cette heure-ci. Or si elle a demande son aide c est pour que mon lit soit pres mais il s en fiche, visiblement, que je dorme par terre ou non. Dire qu elle fait tout dans l excellente intention de m offrir ce qu il y a de mieux, mais il s en fiche, et blablabla. Mais voyant que je reste impassible, elle comprend que son petit jeu ne marche pas et change d attitude. Et allez hop j en prends a mon tour pour mon grade. De toute facon moi non plus je n apprecie pas ce qu elle fait pour moi. Ah elle est bien malheureuse avec les volontaires, qui ne sont plus ce qu ils etaient. On devrait pourtant se rendre compte de notre chance car partout dans San Cristobal les volontaires sont exploites, tandis qu elle essaie de faire pour le mieux. Dire que par le passe les volontaires payaient leur lit et aidaient gratuitement sans rien demander en retour. Mais aujourd hui non, les gens ne savent plus apprecier ce qu on leur offre. Et puis je ne fais pas grand chose, a dire la verite, j attends qu Ernesto me serve mon petit dejeuner le matin, je ne m active pas beaucoup, elle le voit, avec les cameras. J ouvre des yeux tout ronds. Mais qu est-ce qu elle me chante, encore ? C est le job d Ernesto de faire notre petit dejeuner. On a tous propose de faire la cuisine nous-memes car aucun de nous n aime se faire servir, mais Ernesto refuse qu on touche a la cuisine le matin. J hallucine. Evidemment ce dernier trait vient d Ernesto puisque la plupart du temps Gladys ne dejeune pas avec nous et n est donc pas la pour voir ce qu il se passe. Je les imagine, ces deux-la, en train de se complaire a critiquer les defauts des uns et des autres ! Mon dieu quel couple infernal. Quant aux cameras, je sais que c est du bluff car j ai vu qu elle ne savait pas s en servir et elle s est lamente plusieurs fois que l application sur son telephone ne fonctionne pas et qu elle n arrive donc pas a ouvrir le visuel des cameras hors de la maison. Cette femme ne cesse de m epater par sa capacite a se raconter des histoires et a essayer d embobiner les gens. Je remarque que Pancha est a moitie derriere un pot de fleurs et observe la scene, n ayant visiblement rien de mieux a faire. Quelle bande de commeres, tous !
Comme mes yeux doivent dire tout haut ce que mes levres ne disent pas, elle prend son regard de tueuse ecoeuree par mon attitude. Ah je la mets bien dans l embarras car tous les jours elle doit repondre negativement aux demandes d autres volontaires qui voudraient venir, mais elle est bloquee avec moi. Tous les jours ? - je demande avec un petit sourire, amusee par son sens aigu de l exageration encore une fois. Oui tous les jours, je peux te montrer, je ne ments jamais moi, c est la verite je dois refuser des demandes tous les jours car on ne sait pas quand tu vas partir. Et bien ecoute, reponds leur de venir, et moi je vais installer ma tente dans le jardin comme ca tu peux les accueillir quand tu veux. Et je vais meme payer pour le camping jusqu a ce que ma carte arrive, comme ca les choses seront claires. Mais ces volontaires ne peuvent pas venir du jour au lendemain, et la moindre des choses, etant donne qu elle a eu le grand coeur de me garder en attendant que ma carte arrive, serait que j ai a mon tour le grand coeur de rester jusqu a ce que d autres volontaires arrivent. Mais puisque ces milliers de volontaires frappent aux portes tous les jours ca ne devrait pas etre bien long ! Ah mais si ca peut etre tres long car ils sont loin, tres loin, ils attendent ses reponses pour prendre leur billet d avion... Bref, elle me raconte n importe quoi. Je suis furax, elle le voit, et change a nouveau de discours. Ecoute, puisque visiblement tu n es pas heureuse ici, puisque tu n apprecies pas ce que nous t offrons ici, le mieux est que tu t en ailles. Je te remercie pour l aide que tu nous a apportee, je ne garderai pas de rancoeur (sous entendu, car je suis au-dessus de tout ca avec ma grande noblesse d ame), mais apparemment il vaut mieux que tu partes.
Elle se drape dans sa robe de chambre et plaque son air de victime decue de l humanite sur son visage, je hausse les epaules et pars chercher mes affaires dans la chambre en bordel, pour aller m installer dans le dortoir.
Ah le pied de retrouver un peu de liberte, meme dans ce dortoir ridiculement petit et froid ! Je croise Michel et lui dis que je m en vais le lendemain m installer dans un autre hotel. Apres tout, quitte a payer, je prefere donner de l argent a quelqu un d autre.
Michel est desabuse. Ca y est il a vu le vrai visage de Gladys et pour lui aussi c est le debut de la fin.
Je suis bizarrement faite.
J ai toujours beaucoup de mal a controler mes emotions. Je passe de la colere la plus noire a la zenitude en peu de temps.
J explose, et puis une fois que j ai explose ca va beaucoup mieux et l indifference et la raison prennent le relai.
Dans la nuit, je vais donc me calmer et ma raison va me murmurrer a l oreille que normalement ma carte ne devrait plus tarder a arriver, que mon interet est de ne pas payer l hebergement, et que dorenavant la donne a changee. Je suis libre d aider ou non. Et au fond de moi je sais que Gladys acceptera mon aide et m en sera reconnaissante puisque rien ne m y oblige. Apres-demain un groupe de jeunes professeurs etudiants arrivent, ils vont occuper l hotel une semaine. Ils sont en formation et vont aller donner des cours dans des ecoles indigenes des villages alentours. Je sais que ce groupe va donner beaucoup de travail a Gladys et qu elle stresse.
Maintenant que ma colere est passee, je ressens spontanement l envie d aider. Je suis tordue, je sais, et Michel ne comprendra pas mon revirement de situation le lendemain matin au petit dej. "Maintenant que je me sens a nouveau libre de le faire si j en ai envie, ca ne me pose aucun probleme d aider" - lui dis-je pour tenter de me justifier. Tant qu a faire d etre la, autant etre utile. Qu elle me fasse sentir redevable et piegee me rendait dingue, mais maintenant la situation n est plus la meme".
Pourtant tu aurais du entendre tout ce qu elle a pu balancer sur toi le lendemain de l accrochage a propos de Kin ! - s etonne Michel. Mais je sais tres bien que tout n est qu hypocrisie chez elle. Et je m en tape. Tout ce que je vois c est que je me sens plus relax et que je ne vais profiter de la situation pour continuer a ne pas avoir de frais d hebergement.
Lorsque Gladys arrive, je la prends a part et lui dis : je sais qu il y a beaucoup de travail avec le groupe qui arrive, je veux bien aider, mais je peux aussi partir, ca m est egal, a toi de me dire si tu souhaites que je reste. Et bien sur elle soupire de soulagement, me prend le bras et me remercie, en effet si je veux aider ca l arrange.
Tres bien. Je m occupe donc de preparer la maison pour l arrivee du groupe le lendemain. Une fois mon boulot termine, je dresse ma tente dans le jardin. Elle vient me voir : mais tu peux rester dans le dortoir, tu auras plus chaud - non non, c est beaucoup mieux comme ca merci - mais ca me gene, vraiment tu peux prendre une chambre - non, moi je prefere VRAIMENT etre dans ma tente.
Et le fait est que je suis excitee comme une gamine a l idee de retrouver ma "maison". Je n ai plus dormi sous la tente depuis un bail. Les souvenirs du voyage me reviennent en memoire, je suis ravie de sentir ma petite bulle autour de moi et de retrouver mes petites habitudes,
Bon mais si tu as besoin de quelque chose tu n hesites pas - oui oui....

Au petit dejeuner, je retrouve Felizia et Michel dans la cuisine avec Gladys, en train de discuter meditation. L ambiance est visiblement detentdue, essentiellement, selon moi, grace a Felizia qui met de cote tout le mal qu elle pense du job et parait toujours d excellente humeur.
Lancee sur son sujet de predilection, Gladys part dans le recit de ses experiences tellement interessantes et impressionnantes, les cours qu elle a donnes, la specificite de la meditation active Osho et ses bienfaits reconnus. Je suis ecoeuree par cette conversation. Plongee dans mon telephone, je laisse les autres poser des questions et s extasier sur ce qu ils entendent. Moi je ne peux plus entendre cette femme parler des vertus de la meditation et de l amour universel et la bienveillance et le respect, et blablabla, sachant qu a mes yeux elle n applique rien du tout de toutes ces belles theories. Je sors fumer une cigarette mais reviens ensuite pour ne pas donner l impression de faire bande a part.
Les voila partis a parler d amenager un coin dans le fond du jardin pour y preparer un espace de meditation. Gladys s excite : oui on va faire ci et ca, et cet apres-midi je vous initierai a la meditation Osho. On fermera la porte de l hotel, et tout le monde participera, y compris Ernesto et Pancha. Felizia et Michel sont partants ! Toi aussi Paty ? Euh..... comment vous dire que je n ai pas du tout envie de faire ca avec des personnes qui me sortent par les yeux sans casser cette belle ambiance ? Je baratine que je ne suis pas sure d etre dans de bonnes dispositions pour cela, mais je laisse le doute. Dans le fond je ne crois pas vraiment que ca va se faire...
Alors que je m apprete a bosser, je remarque que c est toujours la meme serviette de toilette qui est dans la salle de bain du bas, depuis trois semaines. J appelle Ernesto et lui demande si le placard des serviettes est ouvert. Non, me repond-il, et il part dans le couloir ou se trouve le placard. Il m a vue dans la salle de bain jeter un oeil a la serviette avec degout. Gladys etait dans l entree a ce moment-la et ne pouvait pas me voir. Ca n empeche pas Ernesto de me dire, alors que je le rejoins devant le placard, que je n aurais pas du l interpeler au sujet des serviettes de vant Gladys, car apres il va se faire engueuler. Je reve.... Un gamin ! Un veritable gamin... Tiens donc, et qui donc a pu dire a Gladys que j attendais qu on me serve mon petit-dejeuner le matin ? - lui dis-je, me mettant a son niveau de gaminerie. Il hausse les epaules l air de dire : j en sais rien. Oh mon dieu delivrez-moi de ce cauchemard...
Et effectivement on ne fera pas de meditation. Nous allons travailler dans le jardin tous ensemble et construisons un cabanon. Je fais mon job sans lui adresser la parole ou presque..Quel plaisir, par contre, de bosser pour une fois a plusieurs et dehors. Ca me change. Par contre evidemment il y aura milel choses a faire et a changer, si bien qu a trois heures et demi nous sommes tous morts de faim. Gladys le sent, et commande un dejeuner pour tout le monde. La belle ambiance du petit dejeuner est retombee. On en a tous marre de ses mille demandes contradictoires et on regarde tous les trois hostensiblement nos montres. Lorsque le dejeuner arrive, on va s installer dans la cuisine obscure et... le repas s averera tres silencieux. Gladys a sans doute voulu se montrer gentille en nous offrant ce repas, mais le coeur n y est plus pour aucun de nous trois. On vide nos assiettes en disant merci pour l invitation et on part vite chacun dans son coin vaquer a ce qui nous fait plaisir.
Felizia nous annonce le soir meme, a Michel et moi, qu elle va nous quitter le lendemain matin. Elle va dans l hotel ou se trouve son amie musicienne,. Elle est devenue pote avec le patron et fera un volontariat extremement peinard la-bas pou run lit dans le dortoir. Et puis elle va donner des cours d anglais une heure et demi par jour. Bref, elle est venue ici pour donner des cours de yoga et ne s eclate pas du tout a faire le menage dans la maison de campagne. Elle va pretexter son mal de dos pourprendre soi-disant quelques jours de repos et ne jamais revenir. Ce soir-la je comprends que Felizia a tres intelligemment cache son jeu. Son objectif est de rester en bons termes selon le principe du "on ne sait jamais".
Les profs arrivent le lendemain matin. Ils sont vingt-cinq, viennent de Tapachula (a la frontiere du Guatemala) et sont tres jeunes. Ils sont reserves et moi dans ma bulle, preoccupee par ma carte bancaire et ma lassitude d etre ici, du coup nous laisserons passer la moitie de la semaine avant de commencer a discuter un peu ensemble.
Comme prevu, Felizia a dit tot en matinee a Gladys qu elle allait reposer son dos, et elle est partie en tres bons termes. Gladys a mordu a l hamecon et rien ne semble pouvoir ternir l image aureolee de Felizia. Michel est un peu degoute de se retrouver seul avec Ernesto pour aller bosser dans l autre maison. Au bout de deux jours, il reviendra en me disant : ecoute, moi aussi je m en vais. Ca ne m amuse pas de transporter des meubles et de jardiner, je n apprends rien et je ressens une pression dont je n ai pas envie, surtout pour une pomme et un yaourt en petit dejeuner. Je vais dire que je prends un jour de repos demain parce que j ai mal au dos moi aussi, et je ne reviendrai pas.

Je ne peux que le comprendre, meme si une demi seconde j ai un peu l impression d etre lachee. Il m encourage a faire comme lui. Apres tout dorenavant je passe au bureau de poste tous les jours. D ailleurs tout le monde me connait, la-bas, maintenant. Quand l administrateur n est pas la, c est son adjoint qui m accueille. Des qu ils me voient, ils vont dans le bureau des cartellos (facteurs) qui trient le courrier du jour. Il y a quelque chose pour La Casa de Gladys ? Et oujours cette reponse : non, rien aujourd hui...Lundi je me suis presentee a la premiere heure, convaincue que c etait le grand jour. Mais l adjoint m a montre tous les gros sacs recus, qu il fallait trier a present. Bon ok je repasse dans l apres-midi - ai-je dit, persuadee que ma lettre se trouvait dans l un de ces sacs. Mais en fin d apres-midi : choux blanc... rien..
Je suis retournee voir l administrateur le jour suivant. Il a verifie sur son ecran, et les informations n avaient pas evoulees depuis une semaine. Sur l ordi, mon courrier etait toujorus en transit entre Mexico City et Tuxtla. Desesperant... Mais parfois on a du retard dans la saisie informatique, ca ne veut pas dire que votre lettre ne bouge pas - tente-t-il de me rassurer. Non tout ca ne me rassure pas du tout. Ca fait du bien, humainement parlant, que tous les gars de la poste soient gentils avec moi. Mais concretement je vois que je n ai aucun moyen de savoir si ma lettre va encore prendre trois jours ou trois molis. Ca me bousille le moral.
Michel est egalement parti a cause de l envahissement des profs. Ils sont tous tres gentils, mais forcement un groupe ca fait du bruit et ca occupe tous les espaces. Nous n avons plus un endroit ou nous poser tranquilles. On n a plus de cafe le matin au petit dej car ils squattent la grande cafetiere. Et moi encore ca va pour dormir, dans ma tente, mais Michel est dans le couloir aux murs de rideaux, au-dessus de l entree, donc il entend tous les bruits.
Le mardin matin, le voila donc au petit dej qui me confirme qu il a dit a Gladys la veille au soir qu il partait. Ok, bon. Il insiste pour que je parte aussi. Il va dans l hotel ou se trouve desormais Felizia, Il parait que l ambiance y est bien plus detendue (c est pas difficile, en meme temps). Je lui dis ma difficulte a partir en laissant Gladys seule. J ai conscience que c est contradictoire avec toute la colere que je deverse depuis des semaines, mais pourtant je culpabilise. Michel secoue la tete : tu ne lui dois rien, elle va se debrouiller sans toi. Oui je sais... Mais c est plus fort que moi je ne peux pas. Pas comme ca en totu cas, pas du jour au lendemain et en claquant la porte.
Michel se prelasse un moment, avant de monter boucler son sac a dos. A 10h, il est encore dans sa "chambre" lorsque Gladys arrive, prete a bosser. Ernesto vient juste de me dire qu aujourd hui j allais rester a la reception ici pendant que lui et Michel allaient travailler dans l autre maison. Ah mais... alors visiblement Gladys n a pas compris que Michel partait... Et en effet elle l appelle depuis l entree... et tente de contenir sa surprise lorsqu elle decouvre le sac a dos.

Ah mais tu t en vas ? Oui je vais prendre quelques jours de repos car je suis fatigue, j ai mal au dos. Ah bon.... Mais euh, si tu ne comptes pas revenir dis-le moi car j ai besoin de m organiser, tu sais, avec les milliers de benevoles auxquels je dois repondre tous les jours... Michel hesite une demi seconde et finit par dire que ben non, en fait il ne pense pas revenir, mais merci pour tout, et tout ca.
Gladys fait bonne figure, le remercie pour tout, le sert dans ses bras en lui souhaitant tout le meilleur pour la suite. Michel s en va, nous avons echange nos mails, nous sommes convenus de nous revoir ce soir.
Gladys accuse le coup. Evidemment, maintenant qu elle n a plus que moi, mes previsions s averent justes : je vais redevenir sa meilleure copine dans la vie. Elle ne me cache pas qu elle ne s attendait pas a ca, et m avoue se sentir tres triste car elle ne comprend pas. Elle a pourtant toute la correspondance avec Michel dans son bureu, elle les a, tous les messages qui prouvent qu il etait tres interese par le job, donc elle ne voit pas ce qui n a pas colle... J ecoute, je la laisse parler sans rien dire. De toute facon elle n a pas besoin que je reponde, il faut juste qu elle parle, qu elle lache ce qu elle a sur le coeur.
Elle ne pourra pas se resoudre, cette fois, a dire du mal de lui. Non, pas directement. Mais la voila qui part dans sa complainte des volontaires qui ne sont plus ce qu ils etaient. Ah, avant c etait tellement mieux, les gens avaient du coeur, ils ne venaient pas solliciter un lit et de la nourriture, ils venaient, payaient leurs frais, mais aidaient parce qu ils avaient vraiment une grande ame et aimaient partager. Et puis elle aussi elle en a fait du volontariat, quand elle etait plus jeune. En Inde. Et bien la-bas, on ne leur donnait pas de vrais lits, ils dormaient sur des paillasse. Ah vraiment on ne se rend pas compte de notre chance, nous, aujourd hui. Les gens sont devenus si exigents, Paty, si exigents, et plus tu veux bien faire pour eux, moins ils sont reconnaissants, plus ils se plaignent, ...
Je supporte ces jeremiades, le coeur tranquille. Dans ma tete la decision est en train de se former. Ok, moi aussi je vais partir, mais en fin de semaine, et en la prevenant. Tandis qu elle me parle des volontaires, je glisse prudemment : il faudrait vraiment contacter de nouveaux volontaires le plus vite possible. Elle pince s affale encore plus sur son siege. Ah oui, elle sait bien, mais tu sais Paty en ce moment elle n a pas de demande. Ah bon, mais ne m a-t-elle pas dit deux jours plus tot qu elle devait en refuser tous les jours a cause de moi... Elle ne se rend meme pas compte qu elle se contredit. Bon passons.
Nous allons travailler sur l ordinateur chez elle, et retrouvons le quotidien que nous avions avant que les autres volontaires n arrivent. Ordi et discussions existentielles. Moi je suis detendue a present. Je sais qu elle va desormais etre cool avec moi ´parce qu elle n a pas le choix. Revenant sans cesse sur sa deception par rapport a Michel, elle se tourne tout a coup vers moi : une question, entre femmes - dit-elle soudain. Tu ne crois pas que Michel est decu, en fait, parce qu il s etait fait des illusions sur moi en voyant ma photo sur le profil Workaway ? Non parce que la photo est tres belle mais j avais trente ans de moins ! Parce que vraiment je t assure dans ses courriels avant de venir il semblait avoir tellement hate de venir.. Alors il a certaiement ete decu de voir que j etais plus agee qu il ne pensait." Alors la c est le pompon ! J eclate de rire interieurement. Quel dommage de devoir me contenir... "Et bien euh, je ne sais pas, note bien que je ne lis pas dans les pensees de Michel, n est-ce pas, mais pour avoir parle un peu avec lui il me semble que c est peut-etre plutot le type de travail qui ne lui convenait pas vraiment. Il s est engage avec workaway pour apprendre de nouvelles choses, et il n avait pas l air tres heureux de nettoyer le jardin et de faire du demenagement,. Mais qui sait, qui sait...?"
Et oui, qui sait... Oh et puis pour Felizia, elle a une autre theorie. Moi je crois que Gladys n est pas capable d enregistrer l information qu elle vient de se faire planter coup sur coup par deux volontaires. Alors Michel, bon, elle est decue... Mais Felizia, elle a une explication : c est l accupuncteur qui a fait une mauvaise manip ! Oui car Felizia, se plaignant du dos, est allee voir un accupuncteur. Et Gladys est persuadee que le gars a plante une aiguille la ou il ne fallait pas ! C est evident, car tout allait tres bien avant qu elle ne consulte l accupuncteur. Forcement. Ben oui...
Je suis ebahie par cette force de deni, cette incapacite totale a la remise en question. Voila le genre de personnes avec qui je suis totalement incompatible. C est toujours la faute des autres. Il y a toujours une cause exterieure a soi-meme pour expliquer pourquoi ca ne va pas. Insupportable.
Un peu plus tard dans l apres-midi, Ernesto, revenu de la boutique, m offre une yaourt liquide, Allons bon, ils sont vraiment aux petits soins, maintenant...
Je recois un mail de Michel : son nouvel hotel est top et il y a des places dans le dortoir. "Tu peux venir des ce soir". Et il m invite a une projection de cine le soir meme, a 21h, en ville, dans un bar.
Je lui dis ok pour le cine mais lui confirme que je n ai pas ose partir en claquant la porte. "Mais je vais lui dire que je m en vais a la fin de la semaine"... Et j ajoute que Gladys a parfaitement compris qu il est parti parce qu il est decu de ne pas pouvoir entamer une romance avec elle...
Je retrouve Michel a 19h a l hotel Triece Cielos, dans un autre quartier de San Cristobal. Gladys a ete un amour avec moi toute la journee, evidemment. Le simple fait de me balader dans un autre quartier pour retrouver Michel me fait l effet de regenerer mes neurones. Oh oui je vais bouger de la posada, ca me fera vraiment le plus grand bien. De ce cote-ci, a l est du zocalo, on entend moins les camionnettes qui parcourent les rues jour et nuit pour vendre des bouteilles de gaz et des bonbonnes d eau potable. Les premieres s annoncent avec ce cri aigu sortant de l hygiaphone : El gaaaaaaazzzzz ! Les secondes me rendent folles avec leur petite musique, reprise de ... ah bah le nom de l amusique m echappe, ca me reviendra - jouee sur un xylophone apparemment ! Agua naturale, agua San Cristobal, agua, agua... Toute la journee, on n y echappe pas. Ici, les rues sont plus tranquilles. Les boutiques sont differentes.

Mode, restaurants, epiceries, cafes. Et beaucoup de bars, dans la rue Francisco y Madera. J ai le sentiment de decouvrir une autre ambiance, c est chouette. Michel m ouvre la porte, qui donne sur une terrasse ouverte. L hotel est colore, paisible, plus propre et bien mieux isole que la casa de Gladys. La cheminee fonctionne. Je sers Michel dans mes bras : alors, la liberte, c est bon ? Il a un sourire radieux. Oh oui il est contente d etre la. Un francais, Philippe, se prepare a manger dans la cuisine. L hotel est tout petit, mais on s y sent bien. Il est plus lumineux, plus sec, et le patron est un jeune mexicain vraiment pas stresse.
Je sens qu il faut que j enclenche un changement. Alors sans trop reflechir, je vais voir le patron et lui reserve trois nuits en dortoir a partir du vendredi soir (nous sommes mercredi). Et d ailleurs je paie cash pour les trois nuits. Voila c est fait, je ne peux plus reculer. Je nai plus qu a trouver le courage de le dire a Gladys. Je suis consternee de constater a quel point ca me coute, a quel point je redoute et me sens coupable. Incroyable, tout de meme. Michel se moque gentiment de moi. Bon, tu ne viens pas ce soir mais tu ne restes pas un semaine non plus, tu as choisi le juste milieu, mais vraiment tu lui as deja donne suffisamment de temps comme ca. Ben oui Michel mais que veux-tu, visiblement je ne sais toujours pas fixer mes limites et je me laisse toujours aussi facilement culpabiliser.
Nous sortons et nous rendons dans le bar qui propose chaque soir ou presque des projections de films ou de documentaires. Le l ieu me plait beaucoup. Il faut monter un escalier, et on arrive dans un bar - restau avec terrasse. L endroit est frequente par les jeunes touristes. Peu de mexicains, ici, mais quelques uns tout de meme. A gauche apres le comptoir, un couloir conduit a la salle de cine. Une salle qui ne serait pas autorisee en France. On est assis colles les uns aux autres, il n y a pas d issue de secours, il fait 53 degres la dedans. Nous allons voir un documentaire sur le mouvement zapatiste et je suis bien contente. Je vais enfin mieux comprendre de quoi qu on cause, a propose de Zapata et des zapatistes. Mais que c est bon de sortir au cine avec un copain, egalement !


Le documentaire est en espagnol sous titre en anglais. Je decouvre la naissance du mouvement de revendication des droits pour les indigenes, je vois la ville de San Cristobal occupee par les forces armees de liberation zapatistes, les images de cadavres abattus des deux cotes, idigenes et arme nationale, la marche sur Mexico city, et sans cesse les promesses non tenues du gouvernement et la militarisation des Chiapas et des villes autonomes. Le documentaire s acheve sur un sentiment d inacheve. Mais alors, on en est toujours au meme point ? Toujours pas d acquis et toujours pas d apaisement dans la region ? D ailleurs sur les murs de la ville on voit regulierement des inscriptions telles que "demilitarisation des Chiapas", "stop a la dictature du gouvernement".
Michel est sorti avant la fin, il avait trop chaud dans la salle. Je rentre bien contente de ma petite soiree, un peu plus legere parce que j ai enclenche le processus de liberation en fixant la date de mon depart de la posada, mais anxieuse a la perspective de devoir l annoncer a Gladys. Et pourquoi suis-je donc toujours aussi timoree dans ces cas-la, bon sang de bonsoir ! Bon...
A la premiere heure le jeudi matin, je me presente a la poste. L adjoint verifie, mais secoue une fois de plus la tete negativement. Je repete : vous me la gardez ici quand elle arrive, hein ? Oui oui, amiga. Bon... Combien de jours encore ? C est deprimant..
Quand je reviens a la posada, Ernesto previent Gladys par telephone et m annonce que Gladys et moi allons partir petit-dejeuner a l exterieur. Ah bon. En effet, Gladys arrive avec un grand sourire et nous partons en voiture. Elle m emmene dans un restaurant chic un peu en dehors de la ville. Ah lala mais pourquoi fait-elle tout ca ? Je soupire interieurement. Pourquoi cette femme me donne-t-elle l impression de cotoyer docteur Jekil et Mister Hyde ? Pourquoi peut-elle etre genereuse et affable quand elle est detendue et devenir aussi insupportable et mauvaise quand elle est stressee ? Je regrette, mais tout ce qu elle fera ne changera rien desormais a l opinion que j ai. Elle est trop versatle. au debut, Michel mettait ses emportements sur le compte de sa maladie. Je veux bien prendre en compte sa maladie, evidemment, mais a mes yeux elle est loin d expliquer tout. Ce n est pas a cause d Alzheimer que nous sommes a ses yeux corveables a merci et avant tout travailleurs gratuits. Ce n est pas a cause d Alzheimer qu elle decide que tel ou tel n est pas une personne "buona onda". Ce n est pas la maladie qui fait petiller ses yeux de bonheur quand un client paie bien, et colle une expresion de degout sur son visage quand elle estime qu un client ne paie pas assez. Alors ok, elle est desormais aux petits soins pour moi mais je n oublie rien.
Nous voila installees en terrasse devant un petit dejeuner archi copieux servi par des maitres d hotels en blouse blanche. Je me sens un peu mal a l aise avec mon poncho bariole et mon pantacourt vert, mais tant pis !
Et nous allons passe une matinee... detendue, dans une atmosphere qui n a plus rien a voir avec l agressivite et les emportements des dernieres semaines. D abord au restaurant, puis dans le jardin de la maison "dans la montagne", nous parlons. Enfin Gladys parle, surtout.
Elle commence par me raconter le dernier potin du quartier. Deux jours plus tot, nous avons apercu des policiers devant la posada en face, tenue par son amie Paty. Et bien Ernesto a enquete, et il s avere qu un hote, un jeune touriste, est decede deux jours plus tot dans la posada. Les policiers sont venus evacuer le corps a 2h du matin cette nuit-la, et la posada a ete fermee les deux jours suivants. "Ici tout se fait en toute discretion, me dit Gladys, pour que les touristes ne soient pas au courant. Mais nous on se paarle, entre proprietaires d hotels, et forcement on finit par savoir. C est tres mauvais pour Paty, ca n est jamais bon de savoir que quelqu un est mort chez toi." Apparemment le jeune a fait une overdose. Et apparemment ce n est pas rare, ici...
Et puis on change doucement de sujet, et Gladys me montre une facette encore differente. Oui elle est consciente qu elle pete des cables et qu elle gere mal son stress. Oui elle sait qu elle en fait trop et qu elle se met sous pression sans reflechir aux consequences. Son fils est tombe des nues hier au telephone quand il a compris qu elle se lancait dans les grands travaux avec cette maison dans la campagne. Elle en a pleure au telephone devant moi. Je sais que c est beaucoup de travail, mais je sens l opportunite, Alex, je sais que ca peut marcher, et j ai besoin d argent pour payer les medicaments qui ne sont pas rembourses, pour payer le loyer de la maison, ... Je sais que je ne peux pas etre aux deux endroits en meme temps et qu il faut que je truove un autre employe, je sais, mais je sens que ca peut marcher, Alex. Et je prefere de toute facon aller au bout de mes forces avec ce projet plutot que de me reposer et de perdre mes capacites plus rapidement parce que je ne stimule plus mon cerveau.
J ai tout entendu de la conversation. Et la voila qui se confie sur ses questions existentielles. J ecoute. Et il m est difficile de ne pas comprendre le defi qu elle s impose. Je sais que je pousse mes limites trop loin et que je fatigue mes nerfs, mais je ne connais pas de meilleur stimulant que de continuer a faire ce que j aime faire, me dit-elle. Oui le medecin me conseille des exercices pour la memoire, tiens je devrais faire des mots croises, mais moi ca m ennuie, j ai peur de sombrer encore plus vite alors tant que je peux faire ce que j aime je le ferai.
Bon ok je comprends et a vrai dire ca me touche. Mais elle ne se rend pas compte qu elle rend la vie infernale a tout le monde, dans cette spirale.
Nous discutons peut-etre 4h. toutes les deux. En sortant au restaurant, je remarque des bequills sur le cote d une table. Alors je pose cette question : je realise que depuis que je suis au Mexique j ai vu tres peu de personnes handicapees dans la rue. Ou sont-elles ? C est normal que tu ne les vois pas, elles sont toutes dans des hospices, dont elles ne sortent pas. Au Mexique, lorsque tu n as pas toutes tes capacites physiques ou mentales, tu es exclu de la vie normal et tu n as plus de vie sociale. Tu ne sers plus a rien, et tu tues le temps dans des institutions.
Je me souviens alors de sa conversation avec son fils, au telephone hier, en larmes. Je l ai entendu repondre a Alex : je sais bien que si je ne me repose pas je risque de tomber vraiment malade et d etre enfermee, alex, je sais, mais je dois seulement tenir jusqu a la semaine de la visite du pape et apres je pourrai me reposer.
Je comprends ses inquietudes, et je comprends pourquoi elle s impose de ne jamais s arreter. Mais je ne peux m empecher de penser qu elle marche en equilibre sur un fil et qu elle risque a tout moment de tomber pour ne plus se relever. Elle ralentit peut-etre un processus, mais j ai le sentiment qu elle en accelere un autre.

J aimerais beaucoup pouvoir parler a des personnes comme ta mere, me confie-t-elle. Car au debut de mon sejour je lui ai dit que maman est benevole dans une association de soutien aux familles des personnes atteintes d Alzheimer. Oui ben non, tu vois, tu ne vas pas polluer ma mere, moi je ne tiens pas a te la presenter - me dis-je mentalement. Mais je comprends son angoisse. De telles associations n existent pas ici. Or elle aurait besoin d etre rassuree, de savoir ce qu il va se passer, d etre ecoutee. Je vois bien quelle meurt d envie de poser des questions a des gens qui pourraient l eclairer sur les etapes, sur ce qui l attend.
Elle me parle de son humiliation quans, jeune immigree aux Etats-Unis, en situation irreguliere, elle s est fait mechamment viree par sa patronne japonaise parce qu a l inspection des travaux finis la japonaise avait trouve un cheveux dans la salle de bain. Elle a ete renvoyee sans etre payee pour la journee de travail qu elle venait de faire, et lorsqu elle a reclame son argent la dame l a menacee d appeler les services de l immigration.
Elle me dit aussi la verite sur son fameux voyage en Asie, celui qu elle a pu se payer avec l argent de sa retraite, a 50 ans. Elle est partie pour la premiere fois de sa vie en voyage. d abord en Inde. Et lors d une retraite meditative pour decouvrir la meditation Osho, elle a rencontre un iranien dont elle est tombee amoureuse et reciproquement. Ils sont partis ensemble pour quelques mois a Singapour, au Vietnam, en Thailande. Un voyage de reve, d apres ce qu elle m avait dit jusqu ici. Mais elle me dit maintenant qu en fait ils passe leur temps a se disputer car ils n etaient pas du tout sur la meme longueur d onde, lui appreciant les beaux hotels et le confort, elle mourant d envie de visiter et de decouvrir la culture. Un vrai desastre, a la suite duquel ils se sont separes. J ecoute tout ca, et je vois une femme seule, qui se debrouille comme elle peut. Une femme qui entraine tout le monde dans une vie infernale, mais qui lutte pour ne pas sombrer. Le trio avec Ernesto et Pancha s explique aussi. des marginaux qui sont solidaires les uns des autres. Oh pas d une vraie solidarite profonde venant du coeur, mais pour des raisons de survie.
Je suis touchee, je ne peux pas le nier. Et je m enerve d etre ce genre de personne, capable de vouer quelqu un aux gemonies et ed sombrer dans la compassion deux minutes plus tar. Ceci dit, la pression est totalement tombee entre nous. Oh je ne lui fais pas de grands sourires, ca non, mais je discute avec elle, ce qui est deja beaucoup par rapport a nos relations de ces derniers jours.
Il faut dire qu elle est tellement differente, aujourd hui. Et je sais pourquoi,. C est parce que je ne l ai pas laissee tomber. Mais je ne peux pas me satisfaire de ca. Parce qu elle ne se remet pas en cause pour autant. Elle a juste desesperemment besoin qu on s occupe d elle. Mais c est un tyran, elle ne s en rend pas compte.
Quoi qu il en soit, je profite de l apaisement. Alors qu elle me raconte les deboires qu elle a connus au Vietnam alors qu elle s est fait voler sa carte bancaire, la voila qui m explique qu elle ne peut que comprendre a quel point je peux etre enervee par cette situation et vouloir retrouver ma liberte.
Aors je me lance. Jem en veux de prendre autant de pincettes, mais voila, je lui dis que je n ai pas envie qu ele considere que je ne lui suis pas reconnaissante pour son aide, mais que le fait d etre bloque ici depuis deux mois me rend dingue et que je veux provoquer un changement pour retrouver la joie de vivre que j ai perdue en cours de route. Evidemment je suis trop lache pour evoquer mes incompatibilites avec elle et lui dire franco que j ai besoin de ne plus voir sa tete ni celle d Ernesto et de Pancha tous les jours. Je lui annonce que vendredi soir je partirai m installer dans un autre quartier et que je profiterai desormais de San Cristobal d une autre maniere pour aller faire des balades et decouvrir les villages alentours, histoires de me nettoyer les neurones.
Et ca fonctionne. Bien sur Patita-chula (je ne sais pas ce que ca veut dire, mais quand elle m aime beaucoup c est comme ca qu elle m appelle), bien sur, je comprends tres bien, c est normal et ca te fera du bien, bien sur, et elle se repend en remerciements sur l aide que je lui apporte depuis mon arrivee, et elle m estime beaucoup et sa famille aussi d ailleurs.... Bon, voila c est dit. Je pars vendredi. Au fond de moi je suis en train de danser la samba sur la table. Je pars vendredi, je pars vendredi, a moi la liberte !! Ah comme je suis soulagee !

Apres avoir fait le tour de la maison au pied des montagne, je constate moi aussi qu elle a effectivement du potentiel... mais qu il y a un enorme boulot a faire encore, non seulement pour qu elle soit habitable pour la visite du pape, mais aussi pour la transformer en centre de meditation.
En effet, dans d autres circonstanecs, dans une autre vie, cet endroit pourrait vraiment etre chouette. Mais bon... reste a voir dans quelles conditions les travaux vont etre menes. J essaie de lui proposer qu on fasse une liste de tout ec qu il y a a faire et de totu ce qu il faut acheter, pour estimer les depenses et le temps necessaires, et planifier l urgent et le moins urgent, avoir une visibilite sur quelque chose de realiste plutot que de se lancer tete baissee sans savoir si on va dans le mur ou pas et se retrouver sous pression parce qu on n a pas assez de temps ou d argent. (Un jour elle m expliquera moitie en pleurant qu elle ne comprend pas pourquoi elle n a plus d argent sur son compte. Toute la recette de Noel et du Nouvel an est deja partie, c est pas possible ! - se lamente-t-elle, persuadee que c est une entourloupe de la banque. Mais moi je ne suis pas surprise, vu sa maniere compulsive de se lancer dans les achats de lits, couvertures, bureaux, parce que tout a coup elle a decide que c etait urgemment necessaire...
J essaierai donc de faire une liste et de demarrer un debut de planning, mais je ne capterai pas son attention. Car ca y est, le lendemain elle retombe dans la panique des reservations car nous recevons les premieres reservations pour la visite du pape. Et c est reparti comme en quarante, on retombe dans le meme cirque que pour les fetes de Noel et du Nouvel an. "Quoi ? Il paie 500 pesos par jour ?" Ben oui, c est le prix dont nous sommes convenus toutes les deux vendredi dernier, j ai tout change en fonction de ce tarif sur les calendriers. "Ah mais non ca ne va pas du tout, j ai entendu dire que les autres hotels font la chambre a 700 pesos par personne. Il paie trop peu ! Bon alors on va l envoyer dans la maison dans la montagne, pour ce prix-la je ne le garde pas dans la posada. Ok mais il faut le prevenir, tu ne peux pas le lui dire quand il arrivera, il s attend a etre dans le centre ville, la... Ah oui bon je l appelle.. Et elle appelle, et je l entends debiter ce baratin que je ne supporte plus, blabla, vous savez tous les hotels facturent plus cher alors c est une aubaine, cette maison dans la montagne, etc.
Mon dieu c est pas vrai... Oh que je suis contente de partir le lendemain soir !!
N empeche, la balade pour aller voir la maison dans la montagne m a bien plue, me faisant decouvrir encore une nouvelle facette de San Cristobal. A 15 minutes en voiture du centre ville, on se croirait dans un village au pied des montagnes. Des brebis et des moutons traversent la route. Les murs des maisons sont gris, car ici les gens n ont pas de quoi payer la peinture. La population est majoritairement indigene. Les trottoirs sont quasi inexistants, on se sent vraiment a la campagne.
Le soir, sur la terrasse ou dans la cuisine, je commence a faire connaissance avec les etudiants profs. Je les accueille quand ils rentrent de leur journe de travail. Alors comment ca s est passe aujourd hui ? Ben, pour moi pas bien, le prof principal n a pas voulu que je l assiste, me repond un jeune homme. Ah bon mais pourquoi ? Je ne sais pas, mais on nous a renvoyes. Ah zut.. Un autre m explique que les enfants indigenes ne parlent pas espagnol.. Ah mais vous faites comment alors ?? Ben euh... on essaie de leur apprendre quand meme. Ah bon.. bah ca doit pas etre facile...
Et toi tu preferes quoi ? Travailler avec les touts petits ou les plus grands ? Et quelle matiere souhaiterais-tu enseigner plus tard ? Moi je voudrais etre prof de sport, mais c est complique car il n y a pas de poste. En general il y a un prof de sport par ecole, on est trop a vouloir ces postes.
Et vous, vous etes d ou ? - me demandent-ils, de plus en plus nombreux a venir me parler. Ou avez-vous appris l espagnol ? Quoi, vous voyagez en velo ? Et vous allez ou apres ? Au Guatemala ? Mais alors il faut passer par notre village, on sera heureux de vous accueilir et de vous montrer la region.
Ils sont gentils comme tout, ces jeunes. Leur compagnie sera une des belles surprises de mon sejour ici.
Vendredi, jour de ma liberte retrouvee ! Je me reveille toute guillerette. Il fait un froid de canard. Il n a jamais fait aussi froid depuis que je suis ici. Les jeunes enfilent des gants et des bonnets. Moi je me leve plus tot que d habitude et demonte ma tente en evitant de trop montrer mon grand sourire. Je m en vais, je m en vais ! Je compte bosser puis partir m installer a l hotel Triece cielos, ou je retrouverai Michel et Felizia.
ce matin, Gladys m annonce que le volontaire russe qu elle attendait pour ce week-end ne vient plus finalement, en tout cas pas tout de suite. On repart dans les reservations pour la visite du pape, et le stress monte. Alex appelle et enguirlande sa mere. Il est vraiment contre le projet de la maison et tente de l en dissuader. Et la voila a nouveau en larmes au telephone. Tandis que je l ecoute et que je poursuis ce sur quoi je peux avancer sur l ordi, je prends une decision. Lorsqu elle raccroche en reniflant, je lui dis : ecoute, je pars ce soir m installer dans l autre auberge, mais demain si tu veux je viens t aider. J ai reserve trois nuits la-bas, je peux venir te donner un coup de main demain, dimanche et lundi si tu veux. Et la je pénse que du statut de meilleure copine je passe a celui de sainte !

Quand a moi, je realise ce que je viens de dire et je me demande si je suis completement timbree ou quoi.. je n aurai jamais le courage d avouer a Michel que je continuerai a aider Gladys jusqu a mon depart. Trop honte de moi...
Nous travaillons sereinement jusqu a 15h30, puis j interrompe Gladys : je vais aller faire au saut a la poste avant la fermeture.
Je file donc au bureau de poste Sans illusion. Mais avec l espoir d avoir de nouvelles infos sur l ordinateur du chef.
A lentree du bureau, je toque a la porte.et jette un oeil a l interieur. L amdministrateur n est pas la, et je ne vois pas l adjoint non plus. Par la porte ouverte du bureau des cartellos, j apercois les facteurs assis face a leurs casiers, triant et pointant les paquets de lettres qu ils ont sur les genoux. Ca discute joyeusement en ce vendredi apres-midi. La radio est allumee aussi bien dans leur bureau que dans celui de l administrateur. Des mains se posent sur mes bras. Je me retourne. Que tal, amiga ? me demande l administrateur adjoint, de bonne humeur, en me contournant et entrant dans le bureau.
Il va demander aux facteurs si quelq un a vu passer un courrier pour la posada de Gladys. Une fois de plus, la reponse est non. Je demande si on peut regarder sur l ordinateur si d autres informations sont notifiees. Oui bien sur, me repond-il, et il s asseoit devant l ordinateur, me proposant une chaise egalement. - merci mais j ai ete assise toute la journee. Je reste debout et commente : a me tambien gusta trabajar con la musica . Car l administrateur fredonne l air de musique qui passe a la radio. Ah, oui me dit-il, il adore la musique ! Alors que l ordinateur cherche ma reference dans le systeme, il bascule l ecran sur la liste de lecture. Attends il faut que tu ecoutes ca - dit-il. Je ne comprends pas le nom du chanteur, mais le titre est te pido favor. C est un chanteur mexicain ? Oui ! - repond il. Et au meme moment, il repasse sur l ecran du suivi de mon recommande. Une liste de lignes se deoule sur l ecran. Je me penche, et je sens que mon pote tombe en arret. Sur la premiere ligne je vois enfin quelque chose, pour la premiere fois depuis mercredi de la semaine passee. Je vois le nom de Tuxtla et le nom de San Cristobal de las Casas.
Mon copain se tourne vers moi. De sa main gauche, il indique la ligne sur l ecran. Avec sa main droite, il m attrape le bras avec un grand sourire, mais il ne dit rien. Incredule, je le vois se lever, me contourner et passer derriere le bureau pour retourner vois les facteurs. Ya esta aqi ?? - je demande .
Il me fait signe que peut-etre. Une bouffee d adrenaline explose dans ma tete et dans mon coeur. Non !!! serieusement, c est vraiment la fin de ce merdier ??
L adjoint a un grand sourire. Il revient sans ma lettre du burea des facteurs, mais il decide d aller jeter en oeil dans un autre troisieme bureau. Moi je croise les doigts et serre les mains tres fort, dansant d un pied sur l autre car j ai besoin tout a coup de depenser de l energie ! A cote, la radio diffuse Hey Jude, des Beattles. Un des facteurs reprend le refrein d une voix fluette, tous les autres se marrent. Ca me fait sourire aussi. un des facteurs me voit rire, et l illarite generale reprend. Du coup je n entends pas une seule note de la chanson de l administrateur adjoint, Te pido favor, mais je ne suis pas prete d oublier ce titre de toute facon ! Un facteur m offre un siege. Bon cette fois j accepte, car ils m amusent a etre tous aux petits soins.
L adjoint revient en tenant une liste de feuilles agraphees dans ses mains. Il mne tend la liste : c est ce numero ? me demande-t-il en pointant du doigt une reference en haut de la liste. Je reconnais tout de suite mon numero. Donc je confirme. Cette fois il a un franc souritre de victoire et sert encore mon bras avant de retourner dans le bureau d a cote.
Hallelujah ! Je ne me sens plus de joie et un sourire cretin vient se plaquer sur mon visage pour ne plus le quitter. Oh comme je voudrais danser de joie ! J ai envie de prendre le bureau de poste en photo, mais comme d hab je n ose pas. La gaite des facteurs est contagieuse. De toute facon, la tout de suite, je pourrais aimer tout le monde ! Enfin presque tout le monde...Trois minutes plus tard l adjoint revient avec ma lettre dans les mains. Je signe, lui serre les mains avec gratitude et le remercie póur tout, et sors du breau de poste pour la derniere fois. A peine franchi le palier, je dechirer l lenveloppe et trouve la carte a l interieur. Mon dieu comme c est bon ! La date du 18 decembre 2015 figure sur l enveloppe. Plus d un mois, bande de cretins, je vous deteste ! Ah que c est bon de marcher la tete haute et le coeur leger, enfin liberee de cette angoisse ! Enfin libre !!!

Et puis ca se goupille bien. Juste le jour ou je quitte la posada. J ai paye trois nuits dans l autre hotel, je n aurai pas besoin de rester plus longtemps que ca, c est parfait ! J ai du mal a realiser que ca y est je vais repartir, me remettre en mouvement apres m etre sentie coincee ici pendant de si longs jours. Wahouu, que ca fait du bien !
Ce soir-la, dans les rues de San Cristobal, tout me parait different La vie reprend,je suis a nouveau aux commandes de mon voyage Je rentre a la posada et ne dis rien a personne. Pas envie de partager ma joie avec le trio d enfer. De toute facon je ne croise que Pancha. Alors qu elle me voit sortir mon velo du jardin, elle s inquiete toute a coup. Elle me fait des signes, et je comprends qu elle me demande si je pars pour de bon. Avec des gestes, je lui explique que ce ce soir je vais dormir ailleurs mais que demain je reviens donner un coup de main. Sur mon telephone je lui montre un calendrier et lui indique la journee de lundi, pour lui expliquer que je reviendrai aider jusqu a lundi.
Et aussi incroyable que ca puisse paraitre, Pancha visiblement regrette que je ne reste pas ! A force de gestes, je devine ce qu elle me dit : Gladys est tres stressee, et visiblement je sais la calmer Pancha s inquiete que je parte ! Oh que ce trio infernal me rend confuse ! Aussi tordus et vicieux les uns que les autres, curieux, medisants, et, finalement, contre toute attente, capables de temoigner de la reconnaissance et de l attachement... Ces marques de consideration me prennent vraiment par surprise. Bon. Je suis tout de meme bien contente de partir.
En marchant a cote de mon velo dans les rues de San Cristobal, je reflechis a cette drole d experience, a la posada. Mon dieu que le temps m aura paru long. Je me serai vraiment beaucoup enervee. Ca fait longtemps que je ne m etais pas enervee ! Ceci dit, tout le positif de l aventure me donne le sourire. Tout le benefice que j aurai pu en tirer malgre tout. Mais je sens que j ai tres envie,m par contre, d effacer le visage de ces personnages de ma memoire. Enfin le trio. Car pour tous les autres, quel bonheur d avoir rencontre Jose. Kin. Freddy, Michel, Hernando, le couple autrichien, et tous les autres.
Les profs, egalement, arretent leur discussion en me voyant : vous partez ? Non, je vais dormir ailleurs mais je reviendrai les deux jours suivants, on aura l occasion de se dire au revoir.
Comme chaque fois que je reprends la route, le velo me semble bien lourd ! Je le pousse a cote de moi jusqu au zocalo puis le long de la rue Francisco I Madera La rue monte avant de redescendre de facon abrupte. En face de moi, je vois arriver un autre cycliste dans le sens inverse. La nuit tombe. Le jeune homme s arrete a ma hauteur et nous nous sourions comme deux gamins qui se sentent appartenir au meme monde. Il est allemand, et il s excuse presque de quitter San Cristobal pour aller prendre un bus ce soir, direction Oaxaca puis la basse californie. Je lui annonce qu il va probablement beaucoup aimer Oaxaca et savourer la route et le desert en basse Californie Meme pour un court moment, nous sommes heureux de nous rencontrer Nous nous souhaitons bonne chance, et chacun reprend sa route.
J evite les chiens errants, en quete de nourriture, qui longent les trottoirs deja pas larges des rue de San Cristobal. Et garde l oeil ouvert pour contourner les trous enormes qu on rencontre parfois sur ces trottoirs : de vrais gouffres qui s ouvrent soudain devant les pieds, obligeant le passant a rester toujours vigileant au risque de se casser une jambe en se baladant dans la ville !
J arrive a l hotel Triece Cielos, dans un quartier decidemment plus calme. On est tres vite dans le centre ville, mais ici on se sent un peu plus au calme Le patron m ouvre et me donne les clefs. Je pose mon velo dans la cour interieure, et vais retrouver Michel dans le salon en exhibant ma carte bancaire. Ha ha, je suis libre, doublement libre ! Bon, je ne lui avoue pas que je compte retourner bosser le lendemain, pas plus que je ne le dirai a mes parents d ailleurs, qui suivent de pres mon calvaire. Je n ose dire a personne, en fait, que j ai fait ce choix incomprehensible de ne pas profiter de mes derniers jours a San Cristobal pour aller me balader dans les villages alentours, mais que je vais continuer a offrir mon tempos, totalement gratuitement, pour le coup, a une femme pour qui je n ai ni estime ni amitie. Ceci est un veritable mystere pour moi.
Ok je sais que je n aime pas le conflit. Et puis je sais aussi que j aime qu on me trouve formidable - et alors pour le coup, depuis quelques jours, je suis portee aux nues par le trio infernal. Mais tout de meme, de la a sacrifier mon temps libre ?? Bon. Quoi qu il en soit, j ai dit que je reviendrai donc je reviendrai. Gladys s en est inquietee en voyant mopn velo ce matin : mais tu vas reellement revenir ou ?... Mais oui, ai-je dit en riant. Sinon je ne te l aurai pas dit Ah non par contre je ne me voyais pas pipoter .
En totu cas que c est bon d etre dans ce petit salon, devant la cheminee, avec Michel, dans une ambiance tres calme et sereine, avec une petite lumiere tamisee bien agreable et non pas l obscurite d une lampe qui abime les yeux.
Et puis me sentir totalement libre de mon temps, personne pour me deranger, bref decidemment ca fait du bien de changer d air. Visiblement Michel a rencontre une fille qui il aime beaucoup. Je les vois s appreter a partir, tous les deux. Tant mieux, j ai vraiment envie d etre tranquille ce soir ! Je me fais une petite soupe dans la cuisine, pars une heure et demi ecrire sur le blog dans un cyber que j ai vu sur la route, et rentre tot pour me glisser dans mon lit et lire.Le bonheur, de dormir dans un lit sec, propre et doux ! L atmosphere est bien plus agreable ici Je dors comme un bebe
Au petit matin, je croise Felizia de bonne heure. Felizia se prepare pour aller donner des cours d anglais, a cote. Michel m en a parle. Tu pourrais faire ca toi aussi, m a-t-il dit. Oui, c est vrai que j aurai pu. Desormais je me sens suffisamment a l aise en espagnol pour oser demander du boulot. Seulement voila, meme si gagner des sous aurait ete une bonne idee et une bonne experience, j ai tres TRES envie de quitter le plus tot possible San Cristobal. Jusqu au dernier jour Felizia me tendra la perche. . .

Le jour de mon depart, alors que mon velo est deja pret et qu il me reste cinq heures a attendre pour aller prendre le bus pour Palenque, elle me demandera encore : Pat, tu veux travailler ? A l institut ils cherchent quelqu un pour des cours de francais. Oui mais non, moi j ai besoin de prendre le large, de mettre de la distance avec cet endroit et les personnes qui y sont. Je ne donnerai donc pas de cours.
Je sors toute guillerette de l hotel le samedi matin. J ai ma nouvelle carte, il fait tres froid ce matin mais tres ensoleille, tout me parait beau et joyeux. J attrape un cafe qu passage et une brioche. Ah quel plaisir de ne pas avoir a manger dans la cuisine sombre le petit dejeuner prepare par Ernesto !
Ce jour-la et le jour suivant, je vais faire des photos et passer un temps fou a les retravailler pour les publier sur les sites ou figurent la posada. Gladys est a cote de moi et discute. Le volontaire russe qui devait venir ne vient plus. Dommage car elle aime les russes,. Ils sont habitues a travailler dur, "ils n ont pas mal au dos pour un rien, ils sont rigoureux et disciplines, ils commencent tot". J ecoute sans broncher. Ben ouais, de vrais petits soldtas, les russes, hein ? Une jeune fille de Hong Kong souhaite venir, egalement. "Mais apres ma derniere experience avec le chinito, je n ai pas envie de quelqu un d autre de Hong Kong..." Oui enfin t as pas trop le choix, j ai bien envie de lui repondre... Sinon il y a aussi un couple de lesbiennes, elles sont anglaises "Elles ont l air bien, mais elles sont tres jeunes. Et puis si elles viennent pour faire la fete, qui sait,, ca ne fonctionnera pas". Je suis sur le cul d entendre autant de prejuges. Et si ceci, et si cela... cette femme n arrete jamais de se faire des films. "Bon et puis elles sont trois en fait, elles voyagent avec une amie. Alors je vais leur dire ok mais je ne prends en charge que deux petits dejeuners et pas trois, car tout de meme je ne suis pas riche !" Ben oui, c est sur qu une pomme et trois cuillerees de plus de yaourt, ca va te ruiner... Ahlala, et dire qu elle me demande ce que j en pense !! Mais mon avis n a pas d importance face a sa priorite qu i est de faire bosser un max de personnes en depensant le moins possible.
Mais bon, je m en fiche, je pars mercredi.Et ces trois dernieres journees vont passer assez rapidement.
Michel quitte San Cristobal deux jours avant moi. Il a un autre job volontaire qui demarre pres de Veracruz le er fevrier et il va se faire une etape intermediaire a Puebla car lui aussi a envie de changer d air. En plus il fait vraiment un froid de canard cette semaine

Ma tete est de `plus en plus dans la projection de la suite. Quelques jours plus tot, une russe est venue a la posada pour chercher un hebergement. J etais seule a la reception J ai tente de lui parler en russe, et comme je sollicite mes souvenirs depuis quelques temps j ai reussi a me faire comprendre - et visiblement elle etait ravie de pouvoir echanger quelques mots dans sa langue. J ai telecharge un livre en russe sur la kindle. Quel plaisir de lire dans cette langue ! Ca va reactiver mes souvenirs.
Mes souvenirs de la langue russe, mais encore et toujours mes souvenirs d adolescence. Les chansons apprises en cours, les choeurs de l armee rouge, le docteur Jovago, le surnom que j avais en cours de russe au college, la librairie russe a Paris, et tous les livres que j ai pu lire.
Celine m a repondu On est en train de s organiser, ainsi qu avec mes parents. Je trouve ca extraordinaire qu on se retrouve la-bas pour visiter Moscou et Saintr Petersbourg.
J ai eu l occasion, egalement, de faire enfin un skype avec Helene. Quel plaisir, et que j etais contente de voir qu elle avait si bonne mine ! La communication a tres vite merdouille, mais ca fait vraiement du bien de voir les amis. Et nous voila parties a imaginer nous retrouver en juin ou juillet quelques part sur le chemin du Cap Nord

Je me rends a la gare routiere pour prendre les informations sur les trajets pour Palenque. J entends parler de routes bloquees par les zapatistes en ce moment. Mais apparemment ca n affecte pas les bus touristiques qui vont sur Palenque. Du moin spas les gros. Et moi, avec le velo, je dois prendre un gros bus. Par contre je decide du coup de partir mercredi avec un bus de nuit. Si on est bloques un moment, j aime autant etre en train de dormir et arriver au petite matin plutot qu etre bloquee de jour et arriver a pas d heure dans Palenque.
Gladys m invite a dejeuner au resto thailandais. Decidemment. Je veux payer, mais elle insiste. Nous parlons toujours beaucoup,. Elle se confie enormement, me demande ce que je pense de ceci, de cela, et comme au tout debut de notre collaboration j ai le sentiment qu elle a besoin, decidemment, d une personne qui tempere ses angoisses.
Deux nouvelles benevoles arrivent le lundi soir. Une vient de Hong Kong, l autre de Grande Bretagne. En fin de matinee le mardi, je les retrouve en train de monter deux nouveaux lits que Gladys a achetes pour la chambre 10. Il faut scier les planches, car elles sont trop epaisses pour rentrer dans les trous prevus. Comme une fois sur deux, avec les lits mexicains... Gladys n est pas la. Les filles en profitent pour me poser un tas de questions. Evidemment elles sont surprises de n avoir qu un seul jour de repos. Amy veut savoir comment le temps de travail est gere... Et bien, comment te dire... Fais attention car tu lui donnes le petit doigt et elle te prend le bras entier. Voila ma reponse. Et puis ne vous etonnez pas si vous avez l impression de refaire sans arret les memes choses.. comme de demonter le lit de la chambre 5, pour le remonter dans la chambre 8, avant qu elle decide deux jours plus tard d acheter un nouveau lit pour la chambre 8 et de demonter le lit recemment installe pour l emmener dans la maison pres de la montagne. Ce genre de choses, quoi...Je ne devrais pas car c est personnel, mais je glisse un mot aux filles sur la maladie de Gladys. J estime que ca peut aider a supporter son manque d organisation et ses humeurs fluctuantes. Je leur montre l organisation des reservations. Les filles palissent. Courage, ca va bien se passer !
Gladys arrive en debut d apres-midi et semble abattue, fatiguee. Moi par contre je suis legere comme le vent. Je pars demain, je pars demain, youpi !! J ai loccasion de dire au revoir a Alex, qui souhaite qu on soit amis sur facebook. Oula, moi aussi ca me plairait, mais alors il va falloir que j aille lui bloquer l acces aux messages que j avais postes temoignant de mon exasperation vis a vis de sa mere ! Pareil, Gladys me demandera de lui envoyer l adresse du blog. Oui oui je vais te l envoyer, reponds-je, mais en pensant tres fort :... certainement pas !!
Ce mardi soir, Gladys m invite a revenir a 19h30 pour diner avec elle et les deux jeunes volontaires. Ok, apres tout ca me fera toujours un repas gratuit. Et de la compagnie differente, meme si a l hotel Triece Cielos il y a toujours Felizia. Je reviens donc a 19h30, et nous partageons (uniquement avec Angel (la jeune fille de Hong Kong), Ernesto et Pancha, un dernier repas mexicain. Amy, crevee, est deja couchee. J avais laisse un reste de tequila dans le placard de la cuisine. Evidemment Ernesto l a deja mis dans ses affaires. Je recupere la bouteille et la finis entre nous cinq. Angel est sympa. J espere que les filles vont vivre une belle experience ici. A la fin du repas, je ne m attarde pas. Personne en s attarde, d ailleurs. Je sers tout le monde dans mes bras (sauf Ernesto, car decidemment il me repugne et je ne pourrai pas oublier toutes les fois ou il a souleve son tshirt sale sur son gros ventre pour me montrer ses piqures de puces et d araignees, ou sa jambe hyper gonflee dont sort du pus lorsqu il marche trop... beurk). Gladys m assure encore de sa reconnaissance eternelle et me dit qu elle me fera une tres bonne recommandation sur workaway. Je n y crois pas une seconde, car la connaissant elle va d abord attendre de voir ce que je dis d elle avant de savoir comment orienter son propre commentaire. Pas bete, la guepe !
Je pars le coeur leger. Et voila, tout ca est desormais derriere moi. Place a la suite.

Ma journee de depart est super agreable. Je tente de faire la grasse matinee mais ca ne marche pas, je suis debout a 7h30. Je prends mon temps, vais me chercher un bon petit cafe chez Oxxo (je n ai plus que du the dans mes sacoches, il faut que je refasse le plein !), passe ecrire un peu sur le site, profite d internet pour faire un peu d aministratif, puis rentre bricoler le velo. Ca fait un bail que je ne l ai pas touche, il est grand temps de le reviser un peu. Les freins sont regles, je remets de l huile sur la chaine et nettoie toutes les taches de rouille apparues pendant les deux mois que le velo a passe sous la pluie et dans l humidite du jardin de la posada.
Je teste le reglage des freins, d apres ce que m a montre Matt au Quebec. Ca m a pas l air mal du tout. Je retarde de plus en plus le changement des freins, c est cool ! Par contre j ai un cable de vitesse qui ne demande qu a se rompre. Ca n est pas nouveau, j ai remarque le probleme depuis les Etats-Unis, au moins. Mais je decide de continuer comme ca. On verra bien lorsqu il sera decide a casser ! Je le changerai a ce moment-la.
Lorsque tout est pret, je ressors me promener. Il fait chaud et tres beau. Je rentre vers 17h. Felizia m offre un cafe.
Je dois attendre jusqu a 22h, heure a laquelle j ai dit au proprio que je partirai. Ensuite j irai attendre a la gare le depart de mon bus a 1h05 du matin. Felizia m annonce qu elle a decide de ne plus faire de volontariat mais de louer un studio pour etre independante. Ses cours d anglais lui permettront de payer son loyer (1500 pesos par mois). Elle me redemande si je souhaite donner des cours, mais si l idee me tente, non vraiment j ai surtout tres envie de quitter San Cristobal. Partie pour voyager pendant plusieurs mois, Felizia, elle, se sent bien ici et va s arreter un long moment. En septembre - decembre elle compte monter en Californie pour travailler a la recolte de la majiruana car ca paie super bien. A 19h30, elle part donner sa lecon d anglais et moi je sors aussi pour retourner un peu sur le blog. On se retrouvera a l auberge un peu avant que je parte. Un espagnol m a offert un verre de vin rouge. Je trinque et souhaite bon voyage et belle vie a tout le monde, et je me mets en route, dans la nuit, vers la gare. Je marche lentement, j ai tout mon temps ! La gare est a quinze minutes. J ai du mal a croire que ca y est je ne reverrai plus cette ville. J ai beau etre contente d un tas de choses que j ai vecues ici, j ai vraiment besoin de sentir que je prends le large.
Je vais m asseoir a l interieur de la gare, dont les portes sont ouvertes a tous les vents. J ai mon pantalon noir, mon haut rouge a manches longues, mon sweat bleu et mon poncho. Et j ai le foulard a portee de main. Normalement, je suis paree. Internet fonctionne dans la station de bus. Il est 22h30. Des gardiens surveillent les alentours. Ici dans les Chiapas, il est difficile d echapper a la presence de policiers ou de personnels de securite de tous ordres, qu ils soient payes par la municipalite, l etat ou encore des entreprises privees. Regulierement devant les portes des magasins Oxxo (epiceries ouvertes 24h/24), des policiers en armes font le pied de grue. Devant des bijouteries egalement, des centres commerciaux, des hotels... Partout.
Je veux me plonger dans la lecture sur ma kindle mais je constate que tous mes livres ont disparus. Ah oui je sais pourquoi ! J avais achete sur ma kindle un livre en russe, mais bien sur comme ma cartre bancaire avait change il fallait que j aille sur internet enregistrer les coordonnees de ma mnouvelle carte, ce que je n ai pas fait. Du coup on m a bloque mon acces a ma bibliotheque. Pffff, c est pas le jour pour etre privee de lecture ! Je me rabats sur la musique de mon mp3.
La gare se vide petit a petit. Passe minuit, on se compte sur les doigts d une main. Il fait super froid. J ai rabattu le capuchon de mon poncho et sers mes bras autour de moi. Ca caille ! Je leve les yeux regulierement vers l horloge mais cette fichue aiguille n avance pas !
Que c est long, d attendre dans le froid et l ennui de cette nuit du 27 janvier. Je note mentalement de ne pas oublier d envoyer un message le 31 janvier, jour ou j ai quitte mon boulot et dit au revoir a mes anciens collegues. Doux souvenir. J observe les deux gardes retenir a la porte un jeune chiot qui aimerait bien rentrer se rechauffer dans la gare. Qu est-ce qu il y a comme chiens abandonnes dans cette ville, et au Mexique en general ! Au moins ne les maltraitent-ils pas, mais tout de meme ca fait de la peine.
Enfin l heure du depart arrive, apres une nuit extremement longue !
Je m installe mais ne trouve pas le sommeil avant longtemps. Je regarde par la fenetre et vois les ombres des montagnes defiler sur le cote. Le bus freine souvent pour passer les topes (dos d anes). Nous nous arretons egalement aux check points militaires et para militaires. Mais nous n aurons aucun souci pour avancer. Je crois cependant que nous ferons un detour par Villahermosa, car nous aurons plus de deux heures de retatrd a l arrivee a Palenque.
Lorsque j ouvre les yeux apres avoir fini par m endormir, je decouvre un paysage tres vert et tres plat. Les arbres ont change, les feuilles sont enormes, 6 ou 7 fois la taille des feuilles de nos arbres a nous. Je vois defiler plein d especes d arbres et arbustes que je ne connais pas. Vegetation tropicale. Vert fluorescent. Le ciel est nuageux. Les vaches au coup allonge et au museau aplati paissent paisiblement dans les pres et a flanc de collines. Les montagnes reapparaissent lorsque nous nous approchons de Palenque. Ces paysages m enchantent. Ca n a plus rien a voir avec les Chiapas.




Les arbres se couchent, balayes par le vent. Oula... Vais-je me retrouvee confrontee au vent a present ?? Zut... Apres deux mois sans pedaler, je realise que cette reprise risque de ne pas etre une partie de plaisir.
Nous entrons dans Palenque, qui me parait une petite ville peu etendue. Des ma descente du bus, la douceur de l air me ravit. Ahhhhh, ca y est j ai quitte le froid ! Voila une bonne nouvelle. Les nuages m empechent de cramer, cependant. Je garde mon poncho pour l instant, contente de savourer cette chaleur plus douce que l intensite du soleil a San Cristobal en journee. Je repere la route pour aller camper dans le parc national, a la lisiere des ruines. J ai beaucoup entendu parler de Panchan, je m attends a un lieu exotique et paisible. Apres un petit cafe a la gare, je me mets en route. Oh que ca fait bizarre d etre sur le velo ! Ce n est pas aussi dur que je m y attendais, mais tout de meme je sens que mes jambes sont loin d avoir le dynamisme necessaire. Heureusement la route ondule doucement. Tres vite je sors de la ville et me retrouve dans une campagne verdoyante qui me rejouit le coeur et la vue ! Comme c est bon d etre la... J ai chaud, j enleve mon poncho car les premieres petites grimpettes me donnent des sueurs. J ai 5 kilometres a faire, pas grand chose. Ca monte et ca descend. Je ne me lasse pas d admirer le paysage autour de moi, les lianes qui descendent des arbres et font le tour des troncs, les couleurs vives des fleurs, et le doux contraste entre le vert de la vegetation et le gris-bleu des sommets des montagnes, tout la-bas.
J entre dans le parc et me retrouve en pleine foret. Les cris des oiseaux et des singes m accompagnent. Je tombe plus vite que je ne m y attendais sur le panneau indiquant Panchan, par un chemin de terre partant sur la gauche, juste avant l entree payante du parc. Il est a peine 11h. Je roule jusqu a un restaurant, on m indique l accueil 30 metres plus loin. Ici les gens louent des cabanes dans la foret. Chacun, visiblement, peut avoir son intimite, les cabanes ne sont pas collees les unes aux autres.L atmosphere est humide mais je m attendais a pire car on dit que Palenque beneficie d une chaleur moite, souvent pesante.
Le camping est a 30 pesos. Chouette ! Bon, en meme temps, je decouvre que les tentes sont concentrees sur une dalle de beton, protegees par un toit en bois. Il y a deja 6 tentes collees les unes aux autres, et deux sur le cote, sur la terre. Je decide de m installer sur la terre egalement et choisis un coin un peu plus plat et en retrait. Les douches et toilettes sont sommaires et avec eau froide. On peut faire un feu de bois pour cuisiner. Je plante la tente en compagnie d un chat qui me tourne autour. J ecoute les singes hurleurs et tente de les apercevoir dans les feuillages. Partout la foret s etend, les arbres grimpent haut dans le ciel, les feuilles enormes prennent une place incroyable. Ca me plait de dormir dans cette jungle. Quel changement avec San Cristobal ! Je n ai pas d acces a internet, on s en passera pour deux jours. Je me demande si je ne vais pas rester deux nuits ici...
Apres avoir installe mes affaires, je vais grignoter une excellente torta dans la cabane - resto du coin. J apercois la pancarte d un tatoueur. Et si je me decidais a le faire, ce tatouage dont j ai envie ?... Non, pas maintenant. C est que j ai voulu tester ma carte bancaire de la banque postale la veille a la gare de San Cristobal, et mon code n a pas fonctionne... Sur le moment j ai peste. Ces andouilles m ont change mon code ! J ai envoye un mail a Bogdan pour savoir si le nouveau code etait deja arive par courrier a la maison et j ai ecrit a mon conseiller pour qu il debloque rapidement la situation. Donc tant que je ne peux toujours pas retirter d argent avec cette carte, je ne ferai pas de depenses inutiles.
Il est tot, et une jeune italienne rencontree sur le site me dit qu il y a trois kilomnetres de marche pour se rendre aux ruines. Je demande le chemin a la serveuse du resto. Vous pouvez passer par ici - me dit-elle en me montrant un chemin qui traverse la propriete, et vous eviterez de payer l acces au parc. Ah bon, et bien merci.








Je pars donc le coeur allegre en direction des ruines. Ahhh comme c est bon de marcher dans cette foret ! Bon, je me perds un peu au debut, et on me remettra sur le droit chemin. Il est midi, il fait bon, je me sens libre et je vais visiter les ruines de Palenque ! Ca ne pourrait pas aller mieux !
Il me faut une demi heure pour atteindre l entree. Mais en cours de route, j apercois devant moi, au loin, un couple qui marche egalement vers le site. Et si... ? Je marche plus vite, du coup je les rattrape, et au bout d un moment il n y a plus de doute : c est le couple de jeunes francais qui a sejourne a la posada quelques jours auparavant. Alors qu ils font une pause boisson au detour d un virage qui monte en pente raide, j arrive a leur hauteur. Coucou ! C etait facile de le reconnaitre, lui, avec ses dreads blondes. Ils ont deja visite les ruines hier. Cet apres-midi ils ont decide de retourner se balader dans la jungle, ou de nombreuses ruines non encore explorees affleurent ici et la sous la vegetation. Bonne idee ! Ils partent ce soir, en bus, a 23h. On se donne rendez-vous au bar restaurant de Panchan, On peut y ecouter, parait-il, de la musique live le soir.
Je m approche de la petite place ou se dresse le guichet de vente des billets, ainsi que quelques boutiques de vetements, chapeaux d explorateurs et champignons... que je n ai pas envie de fumer, vu ce qu ils contiennent ! Evidemment, ils sont vendus par des adolescents.
Mon billet en poche, j entre dans le site, en plenie foret.









Une fois de plus, je vais me regaler, car il y a tres peu de touristes sur le site. Je peux donc me promener en toute tranquilite, decouvrir derriere les arbres les temples mis au jour, entrer quasiment toute seule a l interieur de la pyramide dans laquelle les archelologues ont trouve la tombe de Pakal (bon il n en reste absolument rien, enfin si, un sarcophage vide et sans ornement, mais n empeche...) Ah le fameux Pakal ! Celui dont beaucoup d indigenes se veulent des descendants directs, d apres ce que m a raconte Gladys (mais je mets ca sur le nombre infini de cancans qu elle a pu me reveler sur les uns et les autres). Elle n a cesse de me mettre en garde sur le snobisme des habitants de san Cristobal. Il y a deux categories, me disait-elle. Les indigenes, qui pretendent tous etre en lien direct avec Pakal, pour impressionner les touristes, et puis il y a les metisses indiens - espagnols, qui s appellent les "sang bleu", et se veulent plus raffines, plus eduques. Les uns comme les autres n ont pas reserve un accueil tres chaleureux a Gladys, visiblement... En tout cas me voila devant la derniere demeurre de Pakal.
Les points de vue depuis le haut de la pyramide ou du Palacio sont vraiment chouettes. La jungle tout autour est belle. On ne cesse d entendre des cris d oiseaux et de singes.
Je me promene sur les differentes zones, reste assise en haut des edifices un bon moment pour contempler les vieilles pierres, tenter d imaginer la vie ici il y a des siecles, en evitant de penser aux sacrifices... Il fait bon, par contre en regardant les paysages alentours et le ciel, je m apercois qu il ne devrait pas tarder a pleuvoir. A Palenque apparemment on echapep difficilement a la pluie. Doucement, je me dirige vers le chemin qui traverse la foret et passe par une petite cascade pour nous ramener vers le musee qui se trouve a l entree du site.










La balade est vraiment sympa. Et decidemment ca me fait beaucoup de bien de me retrouver dans la foret. Lorsque les petites gouttes de pluie commencent a se faire sentir, je sors ma veste impermeable de mon sac a dos. Une eternite que je mne l avais pas portee ! La jungle me protege cependant assez bien de la pluie ! Mais au moins l appareil photo est tout a fait au sec avec ma veste. D ailleurs il faut que je change les reglages que j ai fait sur l appareil depuis quelques temps, car mes parents m ont signale que les dernieres sont vraiment de mauvaises qualite. Trop pixelisees. Papa n a pas pu les faire developper. Car papa continue a developper de temps en temps des photos pour se constituer un album. J ai hate de rentrer pour voir en images ce voyage dune maniere differente. Entre maman qui reecrit tout sur word, et papa qui s est lance dans un album photos, ils ne manquent pas de travail tous les deux ! Et ils ne manquent pas une virgule de ce que je vis... Je trouve ca touchant.




Je rentre fatiguee, et me pose un peu sous la tente pour piquer un petit somme avant de rejoindre Geraldine et son boyfriend au bar - resto sous les toits de paille, a la nuit tombee. Nous dinons avec Manu Cao, et puis un musicien arrive avec une guitare a la main, un sarrouel et les cheveux longs coiffes en queue de cheval. Bien. On aura beau se concentrer, impossible de comprendre dans quelle langue il chante ! Espagnol ? Anglais ? Espanglais ? Angnol ? Parfois ca sonne bresilien mais pas vraiment... Bon et puis il braille mais l emotion n aest pas au rendez-vous. Par contre le gruope suivant me donne une patate d enfer ! Ils sont locaux, portent d ailleurs les tenues colorees de rigueur, et jouent des percussions, de la flute de pan, de droles de guitares modele reduit, et plein de choses qu ils secouent et qui font des sons differents, y compris le baton de pluie. Et franchement, des les premieres notes je suis emballee. Ahhhh, voila la musique que j aime entendre ici. Plus originale que El condor pasa, mais tres entrainant et tout aussi typique. Je decouvre au fil des discussions que mes comperes francais sont tres branches danses regionales. Toutes les danses regionales francaises n ont plus de secret pour eux. J apprends qu il existe une danse de l ours, par exemple, qui se danse un peu comme la bourrree mais en criant "ours" de temps en temps. Bien bien.... En tout cas je passe un excellent moment en musique avec eux, et reste jusqu a la fin apres qu ils soient partis en courant prendre leur bus car ils allaient etre en retard.
Le lendemain matin, je demonte la tente pour aller me poser en centre ville. Mon but est de passer un coup de fil aux aurores le lendemain matin, a ma banque, pour savoir ce qu il se passe avec mon code. Dans l histoire, j oublie que le lendemain on sera samedi et que personne ne me repondra au telephone. En tout cas ce vendredi matin, je range mes affaires, bataillant un peu avec un des chatons de la propriete qui a decide que ma tente etait tres confortable pour faire une sieste. J ai beau plier la tente tout autour de lui, il ne bronche pas, ca lui va bien. Ca me fera de la peine de le renvoyer a la terre humide et tirant ma tente finalement. Mais qu a cela ne tienne, il ira s installer sur le tapis de sol de mon voisin.
Je roule jusqu au centre ville et prends une chambre toute simple dans une posada correcte, en face de l agence ou j ai l intention de passer mon coup de fil demain matin tot.
Je vais m informer des horaires de bus et des prix pour aller de Palenque au Guatemala. Et la, mauvaise surprise : il faut que je repasse par San Cristobal, impossible de passer par Ocossingo comme je le voulais. Du moins j aurais pu, si je n avais pas eu de velo ! On ne charge pas les velos sur les collectivos. Psychologiquement, repasser par San Cristobal me pese. Mon dieu faites que je n y reste pas encore coincee !! Je biaise, et prends un billet pour Comitan directement. Comitan est un peu plus au sud, a mi-chemin entre San Cristobal et la frontiere avec le Guatemala. Je vais donc passer par San Criostobal, mais je continuerai dans la foulee.
Apres ca, je vais dans un cyber et ecris un joli courrier a la banque postale pour leur demander de virer de l argent sur mon compte au credit agricole. Non mais sans blague. Je veux etre le plus possible independante vis a vis d eux a present. Et puis je me mets en quete d un bureau de poste. J en trouve un dans le centre ville. Justement ils sont en train de decharger des sacs de courrier arrives par camionnette. Ca me rappelel vaguement les sacs entreposes dans le bureau de poste de San Cristobal, arrives un lundi matin, et dans lesquels j esperais que se trouve ma lettre...
J entre et explique que j ai un courrier urgent a envoyer en France. Le brave monsieur pince les levres, desole mais franc... et bien, avec nous ca vous coutera 60 pesos, et ca prendra 15 jours. Avec une estafette ou DHL ce sera plus rapide mais ca coutera plus cher. Bon, mais vous c est sur pour les 15 jours ? .... Ben euh, non, ca peut etre 20, peut etre plus, avec la douane vous savez... D accord. Oublions le courrier normal. Je le remercie et vais chercher le bureau DHL. ALors eux, ils peuvent expedier en 5 jours, mais ca coute plus de 860 pesos. Aie... Je decide.. de reflechir. Je ne vais pas depenser pres de 45 euros pour un courrier, meme urgent, tant que je ne suis pas archi sure de pouvoir me servir a nouveau de ma carte bancaire de la banque postale.
Bon, bon, bon...En tout cas je prends le bus demain pour Comitan, depart a 8h45 du matin. Le trajet dure 4h, parait-il. Parfait.
Je flane le reste de la journee, vais ecrire sur le blog, bouquine au soleil, dine a une heure raisonnable et rentre a l hotel ecrire quelques mails. A 21h, une femme sort de sa chambre. Mexicaine, elle s asseoit sur une chaise a cote de moi et entame la conversation. Je suis en train de me faire bouffer par les moustiques. Heureusement, leurs piqures ne demangent pas trop. Ma voisine est de Veracruz. Elle vient ce week-end faire une intervention dans le cadre de son engagement benevole pour les alcooliques anonymes. Le fait est que pendant que je m ennuyais en regardant passer les minutes dans la gare de San Cristobal, j ai vu un documentaire sur l alcoolisme et les violences sur les femmes. Le journaliste enquetait sur un homme qui, rentre une fois de plus saoul a la maison, a tue sa femme. Toute la famille passait devant la camera pour temoigner des ravages de l alccol. Et a la fin un homme tres bien, tres propre sur lui, expliquait que tout avait change pour lui le jour ou il avait rencontre dieu. Maintenant il ne boit plus, et il va a l eglise. Amen.
Ma voisine compte aller retrouver une amie ce soir, et aller ecouter de la musique. Tu veux venir avec nous ? Ah bah ca c est tres sympa. Mais je prefere rester tranquille ce soir, etant donne que je compte me lever tot. Et il est deja presque 22h. Je lui raconte ma soiree tres chouette de la veille. Et justement c est a Panchan qu elle va ! Elle retourne se reposer encore un peu dans sa chambre, je lui souhaite une bonne soiree et vais me glisser sous la couette dans mon lit a moi.
Le reveil me tire de mes reves a 7h. Je remballe mes affaires, sors boire un cafe, puis reviens prendre mon velo et le hisse en haut de l entree de garage. J arrive tranquillement a la gare routiere a 8h, et demande si le bus pour Comitan part bien ce matin a 8h45 et si ca pose un problemee que j ai un velo )mieux vaut demander deux fois, et, par securite je n ai pas achete mon billet des hier). Oui enfin, il partira a 8h45, par la, quoi. Des fois il peut avoir du retard - me repond l employe de service. Ok super... Lorsque je veux acheter mon billet, le gars appelle son collegue charge de la maintenance des bagages. Celui-ci me dit qu on verra a l arivee du bus s il y a assez de place pour charger mon velo. Sinon il faudra que j attende le suivant. Ah bon... Mais si je paie mon billet et que je ne peux pas prendre ce bus, est-ce qu on me remboursera ? Non - me repond-il. Bon, alors je vais attendre, et je prendrai mon billet quand je serai sure de monter dans le bus !
Et j attends... 8h40, aucune annonce concernant Comitan. Il a du retard - m annonce-t-on. Youpi. Je me plonge dans ma musique.




J attendrai jusqu a 11h... Et pour un trajet qui ne va pas durer 4 petites heures, mais 11h... Mais bon, fataliste, je monte dans le bus, m assure que le velo y est aussi, et commence a regarder defiler les paysages que je n ai pas bien vu a l aller. En effet la route de montagne de Villahermosa a San Cristobal, nous l avons faite de nuit. De Palenque a Villahermosa je verrai donc la fin de la jungle et les grandes etendues campagnardes tres vertes, parsemees de villages aux maisons en bois et bambous ici et la. Au bout du compte, la montagne n apparait que sur les deux dernieres heures de voyage. Les nuages gris accrochent les sommets. Et revoila les check point militaires... Plongee dans mes pensees ou dans le film qu on nous diffuse, je remarque a peine que nous entrons dans San Cristobal. Je descends le temps de fumer une cigarette a la station, puis je remonte pour les deux dernieres heures. Je me concentre sur le film pour ne pas voir le temps passer. Pour la deuxieme fois de mon voyage, je vais arriver en pleine nuit a destination. Mais cela ne m inquiete pas. Je sais qu il y aura des posadas ouvertes quelque part.
Et le fait est que lorsque je decharge le velo et monte les sacoches dans la gare de Comitan, a 22h15, je ne me sens pas stressee. La gare est calme. Il y a des gens mais tout parait tranquille. Je sors et me fais indiquer le centre ville. Deux cents metres plus loin, je trouve une voiture de taxi sur le bas cote. Le chauffeur discute tranquilement avec quelqu un, dehors. Il m indique le chemin pour trouver le zocalo et trois ou quatre posadas dans mes prix, pas loin. Je roule de nuit, vraiment a l aise parce qu il y a decidemment dans l air comme une atmosphere tres paisible, ici. La seule chose qui m inquiete un peu c est de ne pas etre visible de front, car j ai oublie de rebrancher les fils de la lumiere avant lorsque j ai refixe la roue avant que j avais du demonter pour charger le velo dans le bus. Je prends une rue qui descend par palier vers le centre ville. Et me voila face a une grande descente ! Je dois freiner en bas car deux rues se croisent et sans lumiere on ne me voit pas arriver. Mais c est tout calme. Je mets pieds a terre et pousse le velo jusqu en haut car evidemment apres le carrefour ca remonte... Le chauffeur de taxi m avait indique 5 cuadras pour trouver le zocalo. Et pour une fois, il a bien indique le nombre exact. Generalement le nombre de rues est tres approximatif.
4 fevrier 2016
J ai souvent dit que j avais des parents formidables. Mais, alors que j approche des un an de voyage, je n ai sans doute pas assez dit a quel point j avais des amis precieux egalement, et a quel point les messages que je ne cesse de recevoir depuis le premier coup de pédale me font du bien et me donnent a chaque fois un coup de pouce, un regain de bonheur et d energie. Depuis un an, j ai sans aucun doute profite de la vie comme jamais jusqu ici. Mais il ne s est pas non plus passe un jour sans que je realise la chance que j ai d etre si bien entouree.

A la cinquieme rue, donc, je me trouve en vue du zocalo. Un joli edifice en pierres de taille et arcades (je me rendrais compte le lendemain, a la lumiere du jour, qu il s agit de l eglise), est illumine par des projecteurs. Je m approche et decouvre une place tres calme, animee juste ce qu il faut par la musique des bars qui en font le tour et qui, pour une fois, ne se concurrencent pas par le nombre de decibels. Des spots verts, jaunes, roses, bleus, eclairent les arbres, le kiosque et les batiments qui encadrent le zocalo. Les arbres ont presque tous la coupe au carre ! C est joli, en fait...
Je ne vois pas d hostal. Je pousse le velo jusqu au serveur du bar le plus proche. Il discute avec un ami. Je lui demande s il connait un hostal economique dans le coin. Lui ne sait pas, mais il appelle a la rescousse une serveuse, qui m indique un hostal dans un passage couvert qui part du milieu de la place.
Et en effet je trouve la reception. Le prix est un peu plus cher que ce que je voulais depenser, mais je suis eblouie par la proprete de l etablissement ! Ca fait longtemps, une eternite je crois bien, que je n ai pas mis les pieds dans un endroit aussi propre ! Et si je crois ce qu on m en dit, le Guatemala sera pire que le Mexique.
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Alors c est decide, je paie et m installe avec bonheur dans ma grande chambre au carrelage impeccable, aux murs immacules, a la salle de bain reluisante. "Si la chambre n est pas assez grande pour y mettre votre velo, vous pouvez le laisser dans le hall, je le surveillerai" m a dit le receptionniste. Mais il rigole ou quoi... non seulement je peux mettre mon velo dans la chambre mais il me reste encore la place pour danser autour du lit double si ca me chante ! Je sens que je vais me plaire ici... Et jen ai qu a faire 30 metres pour me trouver en plein centre ville, sur le zocalo. Bref, difficile de regretter la depense quands on se sent aussi bien.
Je sors et vais m acheter un sandwich et un coca, avant de faire encore un tour de la place pour delasser mes jambes dans la douceur de la nuit chaude. Puis je rentre m allonger sur mon lit tout doux et regarde la tele sur ecran geant. . Bon, dommage tout de meme qu il n y ait pas un seul programme valable ! Et comme les telefilms mexicains sont niais, mon dieu ! Je suis un peu decalee car j ai un peu somnole dans le bus. Du coup je regarde un film sur mon telephone via youtube, puis sors fumer une derniere cigrette. La porte du hall est fermee.




Le gardien se leve et sort de derriere le comptoir ou il doit avoir un matelas pose par terre. Le pauvre je l ai reveille.. a 2h du matin ! Je penseais qu il devait etre aux alentours de minuit...

Je dors comme un bebe et me reveille avec le bonheur de quelqu un qui a la journee devant elle pour flaner. Malgre tout mon horloge naturelle m a reveillee a 7h. Et c est tant mieux, car je vais du coup profiter de la chaleur du matin pour aller boire un cafe sur la place. Les mexicains prennent aussi leur petit dejeuner, assis sur les murets sur lesquels ils ont installe tomates. concombres, oignons, sauces et tortillas. Mais comment font-ils pour manger ca des le petit matin ?... Ils sont la en famille. Cette place a vraiment l air de representer la douceur de vivre des habitants. On s y sent bien.
Je me sens en grande forme. Je pars a la station de bus pour me renseigner sur les horaires et le prix pour partir au Guatemala demain. La chaleur endort les rues toutes calmes en ce dimanche matin. J ai a peine marche un quart d heure que je me sens proche de la rase campagne. D ailleurs on distingue au-dessus des toits les montagnes environnantes. Les rues montent et descendent de facon abruptes. On voit qu a vingt minutes d ici, les gens vivent avec les animaux tout autour, chevres et moutons. On entre vite dans les champs.
A la gare, j apprends que le premier depart pour la frontiere est a 13h40.
Ah bah je vais avoir le temps de faire la grasse mat ! Je prends mon ticket. Ca, c est fait ! On est le 31 janvier, demain je quitte momentanement le Mexique pour passer au Guatemala. J ai relance Etienne pour savoir s il allait venir me rejoindre ou non, car j ai besoin d organiser la suite du programme. En tout cas demain le bus me posera a Ciudad Cauhtemoc, la derniere vile avant la frontiere. Ensuite il me faudra pedaler les 4 ou 6 kilometres de no man s land por enfin franchir la frontiere. Ma grande reprise avec le velo. Je sens que ce ne sera qu une toute petite reprise, d ailleurs, car je n ai aucune envie de pedaler dans les montagnes, et surtout, surtout, j ai envie de m eloigner le plus vite possible de San Criostobal et de Gladys et Ernesto. C est idiot mais cette experience, qui a plein d aspects positifs par ailleurs, m a tout de meme laisse des marques. Pas seulement a cause de Gladys, mais aussi a cause du stress vecu grace a la Banque postale... et au sentiment de perte de ma liberte, qui m a vraiment pese.
Toute joyeuse de sentir que je retrouve ma serenite et renoue avec la chaleur et la douceur de vivre, je me promene dans les rues de Comitan. Je prends le temps de remarquer les details. Cette inscription sur un mur "No te olvides de ser feliz", cette annotation en bas d une publicite pour un restaurateur "y el mundo pasa, y sus deceos, pero el que hace la voluntad de Dios permanece para siempre !. J en verrai plein d autres comme ca, au Guatemala. Peut-etre ne les avais-je pas remarquees plus tot, ici au Mexique.
Je passe devant la maison du pharmacien Rodriguez, heros de la ville, parti faire ses etudes en France et revenu pour prodiguer ses soins avant tout aux plus defavorises et aux indigenes. Je contemple a nouveau et en plein jour les jolies arcades sur le zocalo. Je descends vers le marche, le nez au vent. Quand tout a coup un bruit familier attire mon attention. Un sifflet... Je ne reve pas, on joue au volley tout pres d ici ! Oh faites que je ne me trompe pas, j adorerais voir un match ! Je longe le batiment d ou me parviennent les coups de sifflet et trouve l entree, betonnee, grise et sale, de ce qui doit etre un gymnase. Une jeune fille sort a l instant, et si ce n est qu elle ne porte pas de genouilleres, je reconnais la tenue du volley ! Chouette ! Ni une ni deux j enjambe les marches et entre dans le gymnase.
Un match masculin se deroule en ce moment. De petit niveau, mais franchement ca m est egal, quel plaisir de voir du volley ! Ce sport restera toujours une passion pour moi. Instantanement, j ai envie d etre sur le terrain, de sentir l odeur de cuir du ballon, de le faire rebondir sur mes doigts, et de retrouver mes sensations. Le gymnase ressemble a tous les gymnases du monde entier un dimanche. Ambiance familiale. Apparemment c est un tournoi car je vois plusieurs maillots differents et des equipes attendent dans les gradins en grignotant babanes et barres de cereales. Les parents et freres et soeurs regardent le jeu en piochant dans des paquets de chips. Les gradins sont absolument degueulasses, d ailleurs. Peaux de clementines, gobelets et sachets vides trainent partout.
Les deux arbitres sont tres jeunes, mais prennent leur role tres a coeur. Comme c est drole de voir partout les memes reflexes. Ca surveille les permutations, ca combine, et bien sur ca se tape dans les mains ! Universalite des tics de chaque sport... Je me retourne vers mon voisin de derriere, un joueur, pour lui demander s il s agit d un championnat ou d un tournoi. C est bien un tournoi offficiel, de niveau departemental. Les filles ont joue plus tot ce matin. Dommage.
Ca fait une demi heure que je regarde, en secouant la tete ou grommelant dans ma barbe des commentaires sur le jeu car il m est difficile de rester impassible, lorsqu une femme, qui s etait assise une marche plus bas quelqus minutes auparavant, se retourne vers moi. Tu joues au volley ? me demande-t-elle en espagnol. Oui ! Ou ca ? En France. Oh, tu ne voudrais pas jouer dans mon equipe ? Et elle appelle trois filles de l equipe qu elle entraine, pour me presenter et leur dire que je joue moi aussi au volley. On rigole. Et nous voila parties a discuter de ce sport qui est notre passion commune.
5 fevrier 2016
Demoralisee.
Je pensais que mes problemes bancaires etaient solutionnes depuis hier. Mais non. "Madame ca y est votre carte est active" m a-t-on dit hier. Mais le retrait que j ai tente tout a l heure m a encore ete refuse, code incorrect.
J en ai ras le bol de ces problemes, je n ai plus assez de rage contre la Banque postale, je suis juste sonnee, la. Envie de prendre un billet d avion pour rentrer et en finir avec ces merdes qui me pourrissent le voyage depuis deux mois.
Vraiment envie de rentrer.

Comme c est bon de partager sa passion. Nous sommes toutes les cinq excitees comme des gamines. Je suis bien, la, dans cette ambiance familiere. J aimerais pouvoir jouer avec eux. Le tournoi est officiel, mais les qupies me paraissent bnien mal equilibrees. Des veterans se retrouvent face a des petits jeunes, ils vont se aire demolir les pauvres gamins ! Mais la bonne humeur regne. Les filles ont un entrainement a 16h de l autre cote de la ville, nous devons nous quitter. Je reste encore un moment a discuter avec un jeune qui vient de perdre avec son equipe. Mais il est tout content. Il a commence le volley il y a deux ans et lui aussi est mordu maintenant.
Lors de mes coups de pedale entre Guadalajara et Guanajuato, j ai eu des flashes sur mes moments de gloire au volley. en ai parle a Catherine dans une lettre ou un mail, car je sais qu elle comprend ce genre de souvenirs boostant. J espere avoir longtemps la forme pour pouvoir revivre des moments intenses comme ceux de mes matches de N3 ou encore les jeux de Cologne. Je me prends a rever de vite retourner a l entrainement a mon retour pour pouvoir faire partie d une belle equipe en vue de Paris 2018. Ah comme le sport fait planer, tout de meme, et donne des sensations fortes, a aucunes autres pareilles... Et je ne me lasserai jamais des liens que cree ce sport collectif.
Je finis par quitter le gymnase et poursuis ma balade. Je vais manger du riz sur la place - je n en peux decidemment plus des tortillas ! Je passe devant des banques, mais je n ose pas tenter le diable en essayant d effectuer un retrait. Je passe verifier dans un cyber si j ai eu une reponse de la banque a proos du deblocage de ma carte. Rien... Je ne tenterai pas de faire un retrait sans avoir eu de reponse de leur part. J ai trop peur de gaspiller mes cartouches, car si je fais trois tentatives infructueuses pour cause de code incorrect, ma carte va encore etre bloquee ! Cette histoire me pese. Quand cela va-t-il finir ? Ca me plombe le moral.
Le soleil brille, je discute a la porte du cyber avec le jeune qui s occupe de la reception. Il s interesse a mon parcours. Il voudrait apprendre l anglais. Quand il apprend que je faisais un job administratif, ses yeux s agrandissent et un petit sourire s esquisse sur ses levres. "Moi aussi j etudie pour travailler dans l administration". Il est mignon. Je l encourage dans son envie d apprendre l anglais, ca lui ouvrira certainement plus d opportunites.
Le soir, en rentrant de ma balade, je passe devant le kiosque du zocalo et remarque des petites bougies posees sur les marches, au pied de deux grands portraits. Un homme et une femme. Journalistes. Et les affiches proclament "nous reclamons la justice", "plus de disparition, plus de meurtres d activistes !", "Nous savons". Ce n est pas la premiere fois que je vois ce type de messages au Mexique, et particulierement dans les Chiapas.
Le lundi premier fevrier, je prends le temps de faire la grasse matinee puis d aller savourer une fois de plus un cafe au soleil sur le zocalo. Je retourne au cyber a 10h pour vor si j ai des nouvelles de la Banque postale. Evidemment je n ai rien. J ene compreds pas, je ne comprends vraiment pas pourquoi ils ne repondent pas quand on leur signale des urgences. Ni via la banque en ligne ni mon conseiller financier, d ailleurs. Qu est-ce que ca me mine ! Je susi sur la fin de mes ressources au Credit agricole, je le sais. J ai betement l impression, chaque jour qui passe, que ca va se resoudre, forcement. C est pas possible que je me dirige droit dans le mur, on va me repondre, ils vont debloquer ma carte, forcement...
Je quitte l hotel a 11h, et marche tranquillement vers la station de bus. Enfin tranquillement... peniblement, puisque ca remonte severement pour aller jusqu a la station.
J ai deux heures devant moi. Il fait super chaud. Je m installe avec la kindle que j ai pu recharger entre temps. Le bus a bien sur un peu de retard. Pour pas changer.




Le type qui controle l embarquement des bagages et a qui je vais demander deux fois si mon bus arrive bientot ne me previent pas que je dois passer au bureau d enregistrement des bagages. D habitude je n ai pas a le faire, je passe directement avec mon velo. Et lorsque que le bus arrive enfin, apres une heure d attente, et que tout le monde se met a faire la queue pour passer le portique car l embarquement ne traine pas, mon gars m indique le comptoir des bagages. Ah bah c est malin ! Je peste. J attends car d autres personnes font enregistrer leurs cartons et valises. Finalement, estimant sans doute que je vais retarder le depart, le gars me rappelle et me dit de passer directement. Faudrait savoir, monsieur... Bon. J embarque !
Et voila ! C est parti pour deux heures et demi de route en direction de la frontiere. J ai du mal a croire que ca y est, je quitte le Mexique. Pour une fois je ne suis que tres moyennement angoissee a l idee de franchir la frontiere. Je suis trop perturbee, je crois, par mes soucis bancaires et par mon desir de m eloigner vite de Gladys qui continue a hanter mon esprit. Je me demande aussi a partir d ou je vais recommencer a pedaler. Car j aimerais bien reprendre le velo, mais je constate que tout autour de moi il n y a que de la haute montagne. Et j avoue que ca m enchante moyennement... Mais on verra, je recommencerai peut-etre a partir de La Mesilla, le premier village guatemalteque apres la frontiere. Je ne sais pas pourquoi je m imagine que ce sera plus facile la-bas. Je n ai pas franchement etudie la topographie et si je l avais fait j aurais vu que l altiplano est encore extremement etendu et que je file droit vers une region de volcans ! En tout cas pour l instant, je devore les paysages des yeux, musique dans les oreilles, et souris a l idee de franchir la frontiere du Guatemala !
