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Maroc
18 avril 2015 - 31 juillet 2015

Le depart de mon bateau est fixe a 10h. La traversee ne durera que 45 minutes, et en arrivant il me faudra reculer ma montre d une heure.
Levee de bonne heure, je prends le temps d un bon petit dejeuner puis je charge le velo. C est parti, en route vers le port ! Il fait gris, la brume ne s est pas encore levee, une fois arrivee au port on ne voit pas grand chose au-dela de quelques metres sur la mer.
Je me sens seule et anxieuse.
Pourtant des gens attendent deja sur le port, et un bateau d une autre compagnie est a quai, pour le depart de 9h. Un groupe d espagnols bruyants (cela va sans dire) se rassemble devant les portes. Des employes des deux compagnies qui vont la traversee vont et viennent, reconnaissables a leur tshirt bleu ou rouge. Les miens sont bleus.
Je vois deja des marocains sur le quai. La plupart descendent du bateau qui est a quai. Ca commence a parler arabe autour de moi...
Les passagers de 9h montent, les portes se ferment et les amarres sont larguees. Je me fais la reflexion qu il ne sont quand meme pas bien gros, ces bateaux, pour la distance a traverser. Ca navigue sur les oceans ces trucs-la ?
Bon. Il en part et revient tous les jours depuis des lustres, il n y a pas de raison que justement pour le mien il arrive quelque chose ! On se rassure comme on peut.
J entre dans le terminal et vais au guichet de ma compagnie pour savoir quand on est censes passer dans la salle d embarquement. Je crains de devoir retirer toutes les sacoches du velo, je prefere le faire hors bousculade du dernier moment. La guichetiere prend mon billet et me rend une contremarque et me dit que je peux y aller, les passagers de 10h vont etre appeles dans 5 minutes. Ah bon alors ca tombe bien. Je conduis mon velo jusqu a l entree de la file d attente. Le gars qui vas passer au detecteur nos affaires m aident a decharger et on attend. Lorsque ses comperes arrivent pour ouvrir l embarquement, ils me regardent avec etonnement et me font comprendre que je ne dois pas passer par ici, mais prendre le même trajet que les voitures. Ah flûte ! Je recharge les sacoches et fais demi tour. Je dois sortir, contourner le bâtiment et faire contrôler mon passeport 100m plus loin. Je suis sur le port, mon bateau est deja la. Une seule voiture attend pour l instant devant la porte fermee. Je la rejoins. La porte du bateau s ouvre et les passagers qui viennent de Tanger debarquent. Une fois que c est termine, c est a nous de monter. On ne perd pas de temps ici !
Je monte, et constate que tout l equipage est marocain. Que c est bizarre et agreable de s entendre parler francais ! Bizarrement, ca me redonne un peu confiance. Un employe me montre ou mettre mon velo dans la soute, et il l arrime bien comme il faut. Je monte m asseoir, m installe a cote de la fenetre, en me disant : ca y est... 40 minutes avant le depart. Je bouquine, bientôt derangee par les autres passagers qui arrivent et s installent bruyamment.
J entends enfin le moteur gronder. Aussitot je me leve et sors sur le pont pour regarder Tarifa s eloigner. Au revoir l Espagne, au revoir l Europe encore plongee dans la brume grisatre. Toute a mon observation des manoeuvres, j en oublie mon stress. Moi qui ne suis pas a l aise des que mon pied n est pas sur la terre ferme, finalement j oublie que je traverse l ocean, concentree sur l eloignement de l Europe et l approche de l Afrique.
Les yeux grands ouverts, je guette l apparition des cötes du Maroc. Mais pendant les trois quarts de la traversee on ne verra rien. Tanger est autant enveloppee de brume que l etait Tarifa.J essaie de voir la difference de couleur entre la mer Mediterrannee et l ocean, mais franchement on ne remarque rien. J essaie aussi d apercevoir des dauphins mais en vain.Au bout d un moment, on ne voit plus rien que la mer et le brouillard. J observe les gens, je contemple la mer... ca passe vite. On est pusieurs a guetter l apparition du Maroc !
Je vois que des gens se penchent. Je me penche a mon tour et devine les contours de la côte, ca y est !L ombre grossit a travers le brouillard, puis efin les reliefs deviennent plus nets. Je ne m attendais pas a voir autant de montagnes ici ! Sur la gauche de Tanger ca monte tout de suite. Je commence a redouter les paysages escarpes qui m attendent peut être a la sortie de Tanger.
De loin Tanger n a pas l air tres jolie. Betonne autour du port, et anarchique sans beaute sans l enceinte de la ville. J apercois des minarets dissemines ici et la. Je ne sais pas encore qu au Maroc, chaque quartier a sa mosquee et son hammam, donc pour l heure je suis surprise d en voir autant depuis le bateau.
Presque tous les passagers sont sur le pont pour saluer l arrivee a Tanger. Quelques minutes avant l acostage, je descends retrouver mon velo qui est toujours bien attache. J enleve la courroie qui le fixe a une barriere et attends que le bateau soit tout a fait stabilise et que la porte s ouvre. Mon regard suit la lente descente de la lourde porte, anxieux de voir enfin l Afrique et le Maroc les yeux dans les yeux.




En face de moi, des employes sur le port attendent que la porte soit tout a fait descendue et se positionnent pour contrôler les sorties. Un jeune me fait signe de sortir avec mon velo. Il me souhaite la bienvenue et me montre un policier 5 metres plus loin qui va contrôler mon passeport.
En mode action, je n ai plus peur. J avance tout sourire et tend mon passeport au policier qui ne se deride pas. Il me demande ou est le numero d entree. Plait-il ?
Ah, apparemment je n ai pas vu qu il y avait un officier dans le bateau, qui devait tamponner mon passeport et y inscrire un numero d entree. Bon. Demi tour. Le même gentil monsieur qui avait arrime a l aller mon velo se propose de me le garder pendant que je monte voir l officier. J arrive alors qu il est en train de plaisanter avec des membres du personnel. Distraitement il me demande de remplir une fiche, puis contrôle mon passeport et le tamponne avec le numero d entree 233468IS. A la bonne heure ! Cette fois c est parti ! Je descends du bateau toute contente. Sur le chemin de la sortie du terminal, 4 ou 5 marocains me souhaitent la bienvenue. Et ca ne fait que commencer...
Je m arrête devant ce qu on peut appeler un bureau de change, puisque c est le nom que je peux lire sur le petit cabanon ouvert, dans lequel se trouve deux hommes a discuter devant leurs rangees de pieces de monnaie et de billets, nullement enfermes dans un coffre. Je change mes 60€ contre 626 dirhams, et m etonne interieurement de ne pas recevoir de recu de l operation. J ai pourtant lu dans le Lonely planet qu il faut garder les recus pour prouver d ou viennent les dirhams en notre possession. Mais je suppose que le Lonely est plus alarmiste qu il ne faut. En tout cas on ne me donne pas de recu et je ne demande rien. Je monte en selle et sors du terminal pour me retrouver face a un rond-point. Un panneau indique le centre ville a gauche, un second indique "camping" a droite. Formidable, moi qui veux justement aller au camping c est parfait ! Je prends a droite et m engage dans une deviation qui aboutit quelques metres plus loin a la route qui longe tout le bord de mer.
Mes premiers coups de pedale au Maroc ! Je suis trop contente et trop fiere de moi ! Il parait que les marocains conduisent comme des fous. C est peut-être vrai ailleurs, mais ici je me sens tout a fait en securite. La route est bitumee et longe les courbes de la côte tres loin. Sur cette promenade, je vois sur ma gauche s elever le mur d enceinte de la ville, tout la-haut. Et sur ma droite, les gens se promenent ou regardent la mer et la côte espagnole. Une jeune femme voilee et en jogging court, une bouteille d eau a la main. Des amoureux se comptent fleurette assis côte a côte, des gens marchent seuls, jeunes et vieux. Hormis le voile des femmes, les djellabas et les peaux bronzees, cette promenade pourrait ressembler a celle de n importe quel bord de mer en Europe.
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Conformement a ce que j ai lu sur la tenue vestimentaire, je porte ce que j ai de plus long pour pedaler : mon pantacourt dont j ai rabattu les pattes le plus possible au-dessous du genoux. Pour l instant je suis en sweat a manches longues, le souffle du vent me permet de supporter l epaisseur.
J adore le sentiment de depaysement instantane que j ai eprouve en mettant le pied sur le sol marocain. Je note que certaines femmes ne portent pas le voile. Elles sont minoritaires mais en tout cas il y en a. Quelques voitures me saluent sur mon passage et me souhaitent la bienvenue. Et bien même si aujourd hui - c est a dire apres plus de 3 semaines au Maroc - je commence a être saoulee qu on me souhaite bonjour et la bienvenue tous les 100 metres (j exagere un peu), franchement lorsqu on arrive l accueil est tout de même vraiment agreable ! En tout cas moi il me donne le sourire.
Je commence a trouver la route un peu longue sans indication. Avisant un camion de police qui stationne sur le bord de la chaussee, je m arrête et descends demander si le camping est beien par la. Je cite même son nom. Apres un inevitable "Bonjour, bienvenue", le policier, sans se departir de son sourire mais avec une touche d hesitation dans le regard, me demande de bien vouloir repeter la question. Je m execute. Bon, ca ne lui inspire pas grand chose visiblement, pas plus qu a son collegue dans le camion. Je suis surprise. Je ne sais pas encore que les gens ignorent generalement ou sont les campings, y compris les policiers.
A tout hasard il tente : Cap Spartel ? Je me souviens que d apres mon GPS il fallait en effet tourner en direction du Cap Spartel pour rencontrer le camping. Donc je dis oui. Le voila rassure, et il m indique : au premier feu rouge a droite. Un feu rouge sur cette longue jetee ? Bon... ok.. Choukrane et au revoir ! "On est a votre service, madame". - et bien, que de civilites !
Je poursuis donc. Quelques centaines de metres plus loin, la route contourne un aplomb rocheux et entre a l interieur des terres. Un peu plus haut, elle se divise en deux. Une branche revient vers le centre ville, l autre file vers le Cap Spartel.
Je ne m en rendrais compte que deux jours plus tard, mais juste apres le virage je loupe l indication du camping. Moi pour l instant je cherche un feu rouge, qui se trouve en effet la bas au loin. Au feu, la route qui part sur la droite grimpe mechamment et s en va en effet vers le Cap Spartel. Pourtant sur le GPS il ne me semblait pas devoir aller si loin pour trouver le camping. Flute, ca commence !
Tant pis je vais tout droit, je prends l option centre ville en me disant que je vais bien retrouver un panneau indiquant le camping.
Le centre ville se conquiert lui aussi apres une longue et tres raide montee ! Je dois avoir avale un lion ce jour-la car je peine mais finalement je ne m en sors pas si mal. Par contre j enleve le sweat, tant pis, on verra mes bras nus ! C est tout de même etrange, je me sens dans une espece de faubourg assez desert de Tanger. Pourtant d apres mon GPS le centre n est pas loin. Et en effet je tombe assez rapidement sur une mosquee qui aurait dû me mettre sur la voie si javais un peu mieux etudie le plan de la ville sur ma liseuse. Mais non, moi je cherche le camping et je suis persuadee de me trompee en allant par la. Mon GPS ne veut plus se charger, allons bon ! Il faut donc vraiment la jouer au feeling - ce qui, vu mon pietre sens de l orientation, annonce forcement la catastrophe. Pour me rassurer, comme je ne sais pas du tout ou je suis, je file vers le centre. Je passe même devant un panneau indiquant la Place du 9 avril. Mais comme je ne sais pas encore que c est THE place de Tanger, a l entree de la Medhina, et bien je choisis d aller dans la direction opposee. Forcement je me perds dans des ruelles qui deviennent vite un labyrinthe pour moi. Je repasse sans le vouloir deux ou trois fois dans les mêmes rues. Je ne trouve pas d indice dans cette ville ou je n ai pas encore les codes, tout me paraît desordonne, surtout lorsque je tombe su rles petits marches encombres d etals poses a même le sol et de passants negociant et zigzagant au milieu de ce joyeyx bordel paisible.
Je constate avec plaisir que mon passage ne suscite pas specialement l interet. Moi qui ai tellement entendu parler des moultes sollicitations oppressantes des marocains, me voila bien vite rassuree.
Au moins je peux chercher mon chemin tranquillement !
Je m egare tellement que je redescends quasiment jusqu au port ! Entre temps j ai commence a cogiter. Voila deux heures que je tourne. Je commence a me dire que si je trouve le camping, ok je ne paierai pas cher ma nuit mais je ne suis pas sûre d avoir la force et l envie de revenir a pied jusque dans le centre ! Encore moins en velo car ce ne serait pas pratique. Je commence a surveiller les pancartes signalant les hôtels. J en vois pas mal avec plusieurs etoiles. J ai beau en chercher un pas cher, je finis par lassitude par me poser dans un deux etoiles a 27€, tout proche d un grand axe qui dessert les principaux points d interet de Tanger. Ouf ! Je ne suis pas tres fiere d être a l hôtel mais j oublie vite cet agacement une fois dans ma chambre avec vue sur de moches maisons a moitie decrepies. Je suis au Maroc ! Je le realise dans ma chambre, et j en suis remplie de fierte et de plaisir a l idee que cete premiere journee ne se passe pas si mal, hormis mon echec pour m orienter. La chambre est super grande, j ai de l eau chaude, la baignoire fait pitie mais ca ne me derange pas. Depuis ma descente du bateau je me sens a l aise, et je realise que je n ai même pas eu peu sur le bateau. Je chante "Je suis au Maroc!!" en dansant dans ma chambre.
Je lave quelques affaires, change de vêtements et m apprête a allez decouvrir le coeur de la ville. Je ne sais pas a quoi ressemble une medina, j ai hâte de voir ca !





Je descends a la reception et demande un plan de la ville. On me repond qu il n y en a qu un, alors si je veux bien le rapporter en revenant... Ah bon, ok, je vais tâcher de ne pas trop l abimer alors !
Je suis bien sur un axe central. Il fait grand beau ! Tout en grignotant un sandwich dans ma chambre j ai regarde mon guide a propos de Tanger. D abord j apprends que la plupart des hôtels petit budget se trouvent dans ou juste a côte de la medina. Et... qu il y a bien sûr une auberge de jeunesse. Bon, il faut dire que j avais d abord choisi le camping et que je ne savais pas ou se situait l office du tourisme.
J ai egalement decouvert que j avais de nouveau rendez-vous a Tanger avec Jack Kerouac ! Si j avais lu jusqu au bout toute la premiere partie de mon livre, expliquant un tas de chose sur la biographie de Kerouac et sur l ecriture du roman, je n aurais pas ete surprise. Mais j avoue j ai eu la flemme de lire cette partie !
J ai donc lu que Paul Bowles a elu domicile ici, que William Burrough la rejoint plusieurs fois et que Kerouac a egalement sejourne a Tanger. Je repere les lieux ou ils ont noce et me promets de passer faite un tour.
Je descends vers la medina. En suivant le grand boulevard qui mene au grand Sokho je vois des cireurs de chaussures a l ouvrage, des vendeurs de cigarettes ou de paquets de kleenex a l unite assis sur un tabouret devant de minuscules tables, des aiguiseurs de couteux et ustensiles divers pedalant pour faire tourner la pierre a aiguiser, des hommes assis aux cafes (je ne remarque pas encore qu il n y a jamais que des hommes dans les cafes, pas une femme).,
J entre par la grande porte blanche de la medina. Les petites ruelles etroites se multiplient dans tous les sens, je me perds dans ce dedale avec plaisir. Quel bonheur de sentir ces parfums, de retrouver des senteurs qui me rappellent l Asie. En Espagne deja je m etais fait la reflexion qu en France, a Paris du moins, les rues ne sentent rien. Enfin chez moi a Maisons-Alfort ca sent la levure... Mais ici, comme en Asie, mille senteurs vous assaillent et moi j aime ca. Je retrouve egalement les etals de fruits et legumes disposes a même le sol sur du papier journal, les toutes petites echoppes ou on trouve de tout a l unite et dans un etat de proprete douteux. Ici, sur un papier journal etale par terre, je peux trouver des chaussures d occasion, des ceintures de cuir marocain, des coques de telephones, la je peux acheter un verre de lait stocke dans des glacieres qui n ont plus d âge (mais qui achete ca ??), plus loin c est un chariot plein de fruits secs qu on trimballe de rue en rue pour attirer le chaland.
Je n ose pas trop prendre de photos. Phenomene qui me suit depuis trois semaines d ailleurs.Je voudrais pouvoir garder une image de toutes ces visions fugitives, mais je n ose pas pointer l objectif sur ces gens qui tâchent de gagner leur vie comme ils peuvent ou sur leurs maisons delabrees et qui paraissent ne jamais avoir vu de balai de leur vie.
Je suis etonnee de voir deja plusieurs costumes colores assorits aux chapeaux de paille a gros pompons rouges ou vert, portes essentiellement par les femmes a la peau tres tannee. Quelle est donc la tribue qui se revele sous ces couleurs ?




De toutes petites entrees donnent acces a d immenses boutiques montant sur plusieurs etages, devoilant tapis, djellabas, bijoux berberes, ustensiles de cuisine ou decoratifs, babouches, etc. Quel bonheur de n avoir rien a acheter et de n être la que pour le plaisir des yeux ! Les magasins se melangent aux habitations. Je me laisse entraîner tout de même par un homme qui me montre toutes les beautes de sa boutique. Je fais un tour, je dis c est tres beau et m apprête a partir. - Mais peut-être regarde il y a ceci, il y a cela. Oui mais non. - Si tu veux je t emmene dans la boutique de mon cousin, lui il a des choses encore plus fines, la c est les marocains qui vont acheter, pas les touristes, et il te fera le prix marocain. Et hop on va chez le cousin, quelques boutiques plus lion (inutile de dire que je ne sais plus du tout ou je suis !). Je me balade dans la boutique du cousin, je dis que c est tres beau et choukrane, et je m en vais.Je repars fureter en tentant de me rapprocher de la Kasbah.
En fait de Kasbah,; seul le musee est ouvert. On n apercoit le reste qu a travers des vues furtives au-dessus des toits.
A travers une ouverture dans le mur d enceinte, on a vue sur le port. Je vais jeter un oeil, mais c est en chantier et pas specialement joli.
Un jeune garcon m aborde et commence a causer avec moi. Il me suit dans les petites rues. Y a pas ecole aujourd hui ? Non. Super alors ! Tu habites ici ? Oui, ma maison est juste ici.Je le vois saluer tout le monde. Tu connais tout le monde ici on dirait ! Oui je connais tout ! Tu veux voir la Kasbah ? Et hop, il m entraîne dans le dedale de ruelles. Je reconnais des endroits ou je suis deja passee, mais je me laisse guidee. Cependant, avant toute chose, je le previens : attention je n ai pas d argent. Je sais que dans les medinas petits et vieux s improvisent guides d office et attendent d être remuneres en consequence de quelques dirhams. Mais pour l instant je n ai pas de monnaie, et je n ai pas l intention de sortir un billet pour la circonstance. Pas de probleme, c est juste pour voir - me repond il avec aplomb. Bon. Au moins il est prevenu. S il continue, c est en connaissance de cause. On passe a proximite d un tombeau indique sur l un des rares panneaux qui guident les touristes vers les points d interêt. Tu veux voir le tombeau ? C est un tombeau imperial ! - me dit Mohammed. Pourquoi pas ? Et bing je tombe dans le panneau !
Mohammed me conduit devant la porte d une mosquee, muree. Bah c est ferme ? Sans se demonter, il m indique la porte a côte, sur laquelle rien n est marquee, et qui a l air d être l entree d une habitation. Et il frappe a la porte en me disant : on va demander a l imam pour rentrer. Moi je m inquiete et flaire le coup fourre : ah bah non, ne derange pas l imam ! Trop tard, la porte s ouvre. Un vieil homme dont l oeil droit dit au revoir au gauche, coiffe d un bonnet blanc, et qui semble se reveiller de sa sieste, me regarde impassible. Mohammed lui dit un truc en arabe, puis me dit : entre, c est la le tombeau. Euh, non non, c est pas la peine je ne veux pas deranger. J ai l impression que la piece fait 2 metres carres, je ne vois pas comment un tombeau imperial peut se trouver ici. Mohammed insiste et l imam se pousse. Bon, j entre. En effet il y a un tombeau dans une piece pas tellement plus grande que je l avais imaginee de prime abord. Le soit disant tombeau imperial est recouvert d un tapis. Mohammed me dit que je peux prendre une photo. Ce truc la m horripile au Maroc. Je n ai pas besoin qu on me dise quand je peux ou dois prendre une photo, merci. Et je n en prendrai pas de ce truc. Je dis : non non, c est un tombeau, je ne prends pas de photo. Bon, je sens que maintenant il faut que je donne quelque chose a l imam. Pfff. Je dis a Mohammed : mais je suis embêtee maintenant car je n ai vraiment pas de monnaie, je te l avais dit ! Même pas un euro ? Bon allez, il me reste un euro dans la poche, il sera pour l imam. Allez au revoir !
Tout ca me rappelle furieusement le tour des Bouddhas a Bangkok avec Sophie. On s etait laissees convaincre par un gars d aller visiter de soit disant fameux bouddhas (bouddha debout, bouddha couche, buddha assis !!). Hop il nous a embarquees dans son taxi et on a vu des bouddhas, ca oui ! Mais absolument sans interêt. Et bien sûr on a fini dans la boutique du cousin qui justement se trouvait sur le chemin et blablabla oui oui c est pas pour acheter c est juste pur regarder...
Bon. On m a eue une fois, on ne m aura pas deux fois !
Je dis a Mohammed que je vais continuer ma balade seule. Il me suit pourtant et commente ce que je vois, me montre les portes des anciennes delegations americaines, francaise, anglaises, allemande, hollandaise. Ok ok, super. Au bout d un moment je le remercie une derniere fois et pars de mon côte. Je tombe par hasard sur le petit Sokho, et passe devant le Grand cafe de Paris, qui figure sur ma liste des lieux frequentes par Bowles et Burrough. Je comptais y prendre un cafe mais j y renonce. L interieur n a rien de special, et cette fois je remarque qu il n y a que des hommes attables. Le petit Sokho concentre visiblement tout ce que Tanger compte de touristes dans ses murs ! Les restaurants et les boutiques y sont sans doute pour quelque chose, faits sur mesure pour les occidentaux.
Tanger n a rien d extraordinaire a mes yeux. Je me demande bien pourquoi des artistes et notamment la beatnik generation en a fait un de ses fiefs a une epoque.
Je grimpe sur une placette et regarde la vue d en haut, a côte de canons anciens pointes vers la nouvelle ville. Un jeune homme m aborde poliment, on fait un brin de causette. Evidemment il me propose de me montrer le marche. Je lui dis que je n ai pas d argent. Pas de probleme, c est juste pour regarder, j aime bien rencontrer des etrangers. Euh, ok, ca m interesse effectivement de voir ou est le marche. On remonte la rue la plus touristique J ai du passer a proximite sans voir l entree du marche couvert, en descendant. Hop, nous voila au milieu des fruits et legumes, du fromage frais qui ne m inspire pas, et des lambeaux de viandes qui pendent aux etals des bouchers. Miam... Ca sent fort la-dedans. La aussi typiquement je me retrouve transportee sur les marches d Asie, surpeuples et foisnnant de senteurs diverses, plus en moins appetissantes.
Il y a bien sûr l espace fruits et legumes, la boucherie, les fleurs, les vêtements, et puis le bazard habituel de bric et de broc.
En sortant du marche, je reconnais le grand Sokho. Je sais ou je suis, donc je remercie mon jeune accompagnateur et le quitte ici. Je pars en longeant le mur de la medina, pur aller explorer un coin que je n ai pas encore vu. Je commence a avoir furieusement envie d aller aux toilettes, donc bêtement je cherche un cafe. En voici un, a la mine plutôt honorable pour le quartier. J entre. La tele est allumee. Ce n est qu au milieu de la salle que je realise encore une fois qu il n y a que des hommes. Bon tant pis, j ai envie de faire pipi et puis j ai aussi soif ! Je vais donc au comptoir. Tiens une femme ! Mais bon, elle fait la vaisselle. Et quand je lui demande s il vous plaît un fanta orange, je sens son regard fuyant et elle appelle un homme assis dans la salle. Le gars se leve et prend ma commande. Je m installe. Tous les hommes sont en train de regarder un match de foot a la tele. D ailleurs au bout de trois semaines je peux affirmer que les cafes sont exclusivement des endroits ou les hommes viennent invariablement vibrer devant le foot. C est systematique, et ce, a toute heure du jour et de la nuit. Enfin la nuit je ne sais pas car la nuit je ne vais pas seule dans les cafes ! Il parait que ca fait mauvais genre.
J ai vu qu il y a le wifi dans ce cafe, je demande donc la connexion. J en profite pour me reserver pour le lendemain un lit a l auberge de jeunesse. Je vais aux toilettes... a la turc, avec un saut d eau en guise de chasse d eau. Chouette !
Il est 18h, 19h heure francaise, je commence a avoir une petite faim. Je decide de retourner vers mon hôtel pour manger. Erreur, car il n y a pas grand chose aux alentours a part un genre de snack. Je ne suis pas motivee pour parcourir encore des centaines de metres pur manger. Tant pis, ce sera snack ! Pas tres original mon premier repas au Maroc ! Je rentre a 20h a l hôtel et me retrouve devant France 2 avec Matt Pokora et France Gall pour la soiree de la chanson francaise ! J enchaine avec On n est pas couches. J ai beau être assez fan de l emission, je ne tiens pas la longueur et m endors devant.

Le lendemain dimanche 19 avril je prends mon temps pour preparer mes petites affaires, profitant un peu d une chambre pour moi toute seule. Enfin je prte toute mes sacoches en bas, recupere mon velo pres de la reception, charge et file vers la medina.
Bon. Hier j ai repere que l auberge de jeunesse se trouvait a 150m de l hôtel Continental, et j ai même vu ou etait le Continental. Donc je me sens en capacite de retrouver mon chemin. Mais au bout d un moment je dois bien convenir que je ne sais plus ou est ce foutu hôtel. Je passe devant Abdul, qui se propose de m accompagner. Bon cette fois je dis oui ! Pas envie de galerer dans les petites rues avec mon chargement ! En 15 minutes Abdul me conduit devant la porte. Je n aurais jamais trouve toute seule, c est evident !
Me voici donc au Melting Pot. Un groupe est a la reception. Je m asseois dehors pour attendre tranquillement, et Abdul fait de même. Je lui dis que ce n est pas la peine de m attendre, mais il reste, souriant. Je fais mon check-in, par contre il est trop tôt pour poser mes affaires dans le drtoir, et autre souci : il n y a pas de place pour mettre le velo, je vais devoir le mettre en parking exterieur surveille. Ah. Zut. Le receptionniste, un charmant jeune marocain, m explique ou se trouve le parking et me precise bien que le prix est de 10 dirhams. Si on te demande plus, tu dis que tu sais que le tarif c est 10 dirhams. Youpi. Bon, je laisse mes sacoches a la reception et ressors avec mon velo. Abdul est toujours la bien entendu. Prevyant le coup avec mon velo, il me propose tout de suite de m emmener au parking du Continental, qui a l avantage d être plus pres. En effet c est plus pres mais le gardien me demande 50 dirhams. Allez il veut bien accepter pour 50. Je dis non et repars avec mon vel vers le parking que m a indique le receptionniste. Abdul continue a me montrer le chemin. Il prend même mon velo mais je le reprends, maniere de lui faire comprendre que je m occupe moi-même de mes affaires
Le parking, donc... Juste a l exterieur du mur d enceinte de la medina, côte port, des voitures plus ou moins crades et cabossees stationnent sur un vague file droite sur un terrain vague qui doit surement servir de dechetterie en même temps. Et c est la que je dois laisser mon velo pour la journee et la nuit ?? L angoisse refait surface. Abdul trouve le gardien. On se met d accord pour 10 dirhams. Je lui abandonne mon velo, que j attache avec l antivol. Le gardien ajoute une chaîne autour de mon velo et d une moto, et pse un grand bout de carton contre le cadre. Gloups. Ayons confiance... Je repars en faisant une priere interieure pour que mon velo soit toujours la demain...
Le check-in a l hötel n est que dans une heure. Abdul me prpse d aller boire un the gratuitement chez un ami qui a une terrasse d ou on peut voir tout Tanger. Allez pourquoi pas ! Nous voila partis chez l ami, dans la medina. L ami en question me recoit sans trop prononcer une parole a part bienvenue, et Abdul me guide au 4eme etage sur la terrasse. Entre temps j ai compris. La maison de l ami est une boutique. Donc apres avoir admire la vue sur les toits de la medina et la mer, on redescend d un etage et l ami se propse de me montrer ses splendides tapis. J annonce la couleur en disant que je n acheterai rien. Oui oui, c est juste une demonstration. Et hop, en 10 minutes, le temps qu un the - gratuit en effet ! - arrive, le sol est couvert de tapis autour de moi. J ai pourtant glisse un mot a Abdul pour qu il calme les ardeurs de son "ami" qui va devoir tout replier apres avoir tout sorti pour rien... rien n y fait. Une fois que tout est etale, je repete que c est tres beau mais que je voyage en velo donc je n acheterai rien d encombrant. Oui mais regardez il y en a des petits, et si on les plie ca ne prend pas de place. Et puis on livre a l etranger, sinon. Oui mais non merci. - Bien, nous allons redescendre s il vous plait... Ainsi s acheve la rencontre avec l ami d Abdul !




Avant de revenir au Melting Pot, comme on passe devant sa maison, Abdul m invite a entrer un moment. En fait de maison, c est un vrai bazard ! Les meubles sont sans dessus dessous, empiles dans une piece unique. Dans un reduit a côte des cartons et des outils s entassent. Un cadre est suspendu au mur. Etrange. On s asseoit 5 minutes, il me dit qu ici avec des amis le soir ils fument du chite. Je suis la bienvenue, evidemment. Ah, merci mais je ne fume pas. Pas de probleme, mais parles-en a tes amis. Comptes la-dessus...
Allez, c est pas tout ca mais je vais enfin faire mon check-in et profiter tranquille de la terrasse !
Le dortoir de 8 lits est plein. Je suis accueillie par un irlandais d une quarantaine d annee. Il me propose direct d aller boire un verre avec lui dehors. Euh merci mais la j ai plutôt faim, je vais songer a dejeuner. Plus tard peut-être.
J ai juste besoin d être un peu tranquille en fait, et un je ne sais quoi de depressif chez ce garcon au demeurant sympathique me pousse a ne pas accepter.

Je monte donc profiter du calme de courte duree sur la terrasse. Courte duree, car au bout de quelques minutes demarre le concert d appels a la priere des muezzins de toutes les mosquees de Tanger, relayes par les haut parleurs. Parfois les appels sont melodieux, chantants, inspires. Parfois c est limite angoissant tant la tonalite semble grave et menacante !
Bon j ai faim et n ai pas envie de me faire la cuisine. Je decide de goûter a mon premier couscous ! Je retourne pour ca vers le grand Sokho. Je me fais avoir par le serveur. Sur la carte un tajine couscous est a 40 dirhams. Quand je passe ma commande, le serveur me demande : avec du poulet ou des viandes variees ? Ah bon il y a du poulet avec ? Bon alors poulet. Et hop, on me facturera le poulet en plus, qui est compte a part comme un autre plat. Heureusement ce n etait pas hyper copieux et le couscous est ultra leger.
19 mai 2015
Si je n ai pas vraiment eu l occasion d aller ecrire sur le blog depuis mon arrivee au Maroc, cela va changer et j ai hate de pouvoir avancer dans le recit de cette aventure car je ne veux decidement rien oublier, ni les paysages, ni les rencontres meme furtives, ni les differentes sensations vecues !
Comme en Espagne, depuis un mois que je vadrouille et travaille au Maroc aucune semaine ne se ressemble et il s est deja passe tellement de choses !
Je vais donc reprendre le fil dans l ordre chronologique, mais la premiere chose que j avais envie de dire en ouvrant cet ordinateur c est que je me sens heureuse !! Vraiment heureuse....
Apres mon couscous sur la place du grand Sokho, je decide d aller voir le cafe Hafa. Ce cafe est connu pour sa superbe vue sur la mer et l Espagne, mais aussi parce que les Rolling Stones et Paul Bowles venaient y fumer du haschich... Sur mon plan, c est juste a cote, enfin ce n est pas loin. Je ne sais pas comment je m y prends mais moi, il me faudra plus d une heure et demi pour le trouver ! Alors que je ne mettrai que 20 minutes pour rejoindre le centre ville en repartant...
Je pars donc dans la direction que je pense etre la bonne, et tente de couper a travers les rues grimpantes de la ville pour trouver le cafe. tres vite je me retrouve dans un dedale de ruelles tres pauvres et tres etroites. Je me sens dans un autre monde ! J ai l impression d etre a la campagne. Des enfants jouent en courant dans ces rues aux marches d escalier hyper raides ! J ai un peu l impression de me promener chez les gens. Ils doivent se demander ce que je fiche ici. Je finis par me retrouver sur le versant qui tombe sur le bord de mer. Je ne le sais pas a ce moment-la mais je suis tout pres du cafe Hafa.
Je descends jusqu au bord de mer, pensant apercevoir le cafe d en bas. de fait, j ai forcement du le voir mais bon, sur le moment je ne repere rien et me retrouve a longer le mur d enceinte pendant une heure, pour finalement refaire a pied la boucle que j ai faite en velo lors de ma sortie du bateau. C est la que je m apercois que le camping etait indique et que le jour de mon arrivee je ne l ai pas vu...
Je suis donc la route qui remonte vers le centre ville, et avec l aide de mon GPS je finis tout de meme par arriver au cafe ! Et ca vaut le coup. Le lieu est vraiment tres sympa, et frequente par les marocains comme par les touristes. C est sympa d ailleurs de voir la jeunesse marocaine tranquillement installee au soleil face a l Espagne, riant, discutant, ecoutant de la musique. Je m installe et commence a lire en attendant qu on me serve un the. Je pense que le principe est le meme qu a la Mosquee de Paris. Mais je me trompe, aucun serveur ne viendra, et finalement au bout d une heure et comme je n ai pas soif, je m en vais et retrouve le centre ville bien plus vite qu a l aller. C est dimanche, les gens sont detendus. Les jeunes sont assis en bandes sur le haut des remparts. Les bandes de garcons bien sur. Les filles sont plutot en bas sur la promenade en bord de mer.
Je goute une patisserie au chocolat, un peu seche. Je ne me laisse pas encore tenter par les patisseries ultra riches aux amandes, huile d argan, fleur d oranger, miel, cacahuetes... Trop l habitude de me sentir pleine au bout d une bouchee avec ces gateaux ! Partout ca sent bon les epices, le cumin, le safran, la menthe, la coriandre... Je retourne au marche couvert mais ne me sens pas inspiree par ce que je vois. J achete un ecusson du Maroc que j enverrai a maman pour qu il complete ma collection ! Je tente de retrouver le Melting Pot toute seule mais rate ! Je me trompe. Un homme m y conduit, je lui glisse dans la main 15 dirhams et il rouspete que c est trop peu. Tant pis !
Il est tard, j ai beaucoup marche, je decide de faire cuire des pates. Tant pis pour la cuisine locale. Je fais un peu plus connaissance avec une jeune francaise qui q vecu jusqu a 8 ans a Casablanca et qui prend actuellement deux mois pour ecrire un projet de documentaire radio sur les associations caritatives au Maroc. Je devais vraiment etre encore en mode *faible ouverture* car je me demande aujourd hui pourquoi je n ai pas saute sur l occasion de m intersser un peu plus a ce projet, moi qui aime la radio et le journalisme 9pas les journalistes, mais le journalisme dans ce qu il est cense avoir de noble). Pardon pour les journalistes de qualite que je connais et qui savent que eux, je les aime !!
Bref, en tout cas je la trouve bien courageuse cette jeune fille.Une femme de Hong Kong se prepare une soupe. Elle ne se sent pas bien. Decidemment j en croise des femmes asiatiques qui voyagent seules !
Je tente apres le diner d aller sur le blog mais l ordinateur est beaucoup trop vieux pour supporter ce que je lui demande. deception... Ca va vraiment etre difficile ici...
Je n ai quasiment plus de messages de la France, meme pas de mes parents. La distance se creuse. Une excellente nouvelle se profile cependant, Julie B envisage de me retrouver a Casablanca ! Comme mon futur hote habite pres de Mohammedia et m attend quand je veux pour travailler, je propose a Julie de choisir entre Casablanca et Marrakech ce qui lui plairait le plus.
Je termine ma soiree en bouquinant les Mysteres de Paris, un classique que je n avais encore jamais lu.





Le lendemain je suis reveillee a 7h45. Je goute au petit dejeuner les crepes locales, agrementees de confiture. A 9h je suis prete a partir. Reste a savoir si mon velo est toujours la... L angoisse au ventre, je quitte l auberge en y laissant mes bagages et descends vers le parking en esperant trouver mon chemin. J y arrive sans peine, pour une fois ! J accelere et cherche des yeux l endroit ou j ai laisse mon compagnon de voyage. Ouf ! Il est toujours la, toujours arrache avec la chaine a la moto. Je trouve le gardien, regle les 10 dirhams convenus et remonte jusqu a l auberge. Est-ce mon look, mes cheveux courts, mon pantacourt, ou le fait que je fume ? (et oui, je n ai pas arrete), en tout cas je croise un homme qui me regarde bizarrement et me demande : you are man or woman ? I don t know, what do you think ? - lui reponds-je. Il continue son chemin sans rien dire.
Re-miracle, je trouve mon chemin toute seule ! La journee commence bien ! Le jeune receptionniste me pose un tas de questions sur mon velo et sur mon chargement. Je suis la deuxieme cyclovoyageuse qu il rencontre en peu de temps et ca commence a lui donner envie. Est-ce qu il faut etre tres sportif pour faire ca ? Non, la preuve, je le fais bien, moi ! Qu est-ce qu il faut comme velo ? Et comme sacoches ? Et comment je fais pour dormir ? Et combien de kilometres je fais par jour ? Le jeune est bien decide a tenter l aventure un de ces jours de Tanger a Essaouira. Mais il le fera avec un velo qui ne coute pas cher et des sacoches pas etanches. Je l encourage, evidemment !
Allez, au revoir tout le monde, je charge les sacoches et me decide a quitter la securite de la ville pour commencer ma descente vers le sud du Maroc, m eloignant toujours plus de l Europe.
Je sors de la Medina et reprends pour la troisieme fois en trois jours le chemin qui contourne la ville pour filer vers le Cap Spartel. Je recroise le meme camion de police toujours stationne au meme endroit. Je me demande bien ce qu ils surveillent, eux. Une eventuelle invasion de goelands ??
Je prends le temps de m asseoir sur la jetee pour dire au revoir a l Espagne, que je vois la-bas dans la brume.... Et c est reparti !
J arrive a un rond-point et decouvre sur la droite, c est a dire dans la direction que je dois prendre, deux routes qui grimpent, l une plus raide que l autre. Un policier fait la circulation, je lui demande quelle est la bonne. Bingo, la plus raide ! Damned... Et pour etre raide elle est raide !! Je peine, je suis lente, il fait super chaud deja ! Des conducteurs dans leurs voitures m encouragent et me regardent comme un ovni. Plus ca monte et plus les maisons s embourgeoisent. Il y a des palais, la-haut, caches derriere des murs d enceinte et gardes par des militaires qui ne me sourient pas, eux.
Finalement je ne m en sors pas trop mal. J avance ! La route s enfonce dans une foret dont je ne vois pas le bout. C est joli, et de plus en plus desertique. Un petit vent m oblige a garder le sweat. Au detour d un grand virage, un panneau indique les grottes d Hercule sur ma gauche. C est bien la ou je veux aller, mais j ai repere sur mon GPS une route qui continue tout droit pour arriver aux grottes en longeant la mer de plus pres. J ignore donc le panneau et poursuis tout droit, bien contente qu aucune voiture ne prenne le meme chemin que moi. Ca monte encore un peu, et puis tout a coup voila que ca descend brutalement ! Je prie interieurement pour ne pas m etre trompee et ne pas avoir a faire demi tour une fois en bas !
J apercois enfin l ocean en face de moi ! Que c est beau.... L eau a une jolie couleur. Au bout de la descente, la route s arrete !! Plus rien devant. Cul de sac... Une propriete a droite, un chemin de vache pierreux a gauche. Deux hommes discutent devant la propriete. Mon GPS m indique que ce que je croyais etre une route de bord de mer s avere etre la piste pierreuse qui part a gauche. Les deux hommes me confirment que je peux passer par ici pour aller jusqu aux grottes. Bon. Heureusement que le trajet n est pas long, car je ne vais pas aller vite ! Je m engage sur la piste en poussant mon velo sur les cailloux. Je crains un peu pour mes pneus. Inch Allah, comme on dit ici...




Les couleurs du ciel, de la mer et des rochers sont magnifiques ! L ocean est immense devant moi. Le chemin descend vers la pointe du cap ou les vagues viennent se briser.Je ne me lasse pas de regarder ce spectacle. Un troupeau de moutons arrive en face. Pas genes par ma presence, ils poursuivent droit devant, m encerclent et me depassent.
Je suis impressionnee par la force des vagues. Je croise un militaire qui garde les cailloux et les buissons, il faut croire. Seul au milieu de rien, avec une petite cabane pour se proteger du soleil, je me dis que son travail n est pas des plus desagreables s il s agit de contempler l ocean tous les jours...
J arrive au pied du phare qui est ferme au public et vais admirer la vue depuis la terrasse panoramique sur laquelle s ennuient trois vendeurs de souvenirs pas originaux. Je discute avec l un d eux, qui me souhaite la bienvenue. Il dormait a l ombre d un arbre quand je suis arrivee. Il habite le village a cote des grottes, vers lequel je vais justement.
La route descend vers la plage. J hallucine devant l horizon qui se devoile devant moi. Des kilometres de plage qui s etirent a perte de vue, frappes par de gros rouleaux qui explosent en gerbe un peu partout. Je n ai pas l habitude de voir ce genre de rouleaux, je suis ebahie. Cette vision m accomapgnera pendant une semaine. Je suis sous le charme. La route monte et descend regulierement. Partout les rouleaux deferlent. ici et la des voitures isolees stationnent sur le sable et les rochers. Les marocains sont les premiers spectateurs de cette merveille naturelle et apparemment ils ne boudent pas leur plaisir. C est aussi visiblement le meilleur endroit pour compter fleurette ! Quasiment jamais enlaces, plutot gentiment l un contre l autre.
Je n ai que quelques kilometres a faire pour atteindre les grottes et le camping. D ailleurs je tombe sur les grottes sans crier gare, au detour d un virage. La route vire a gauche avec un joli panneau trompeur indiquant le centre ville. Pour un peu je manquais les grottes ! D ailleurs je les manque, en fait, puisqu elles sont fermees pour cause de travaux. Bon, tant pis. Le camping est en face, c est toujours ca.
Je suis la seule cliente. Ou presque. Un allemand est installe la depuis quelques jours. Le camping est assez grand, mais je vais planter ma tente a 5 metres de l allemand pour me sentir moins seule ! Je suis sur une parcelle entouree de buissons, donc je ne vois personne, mais au moins je sais que mon allemand n est pas loin. Une fois la tente montee, je vais prendre une douche. Je decouvre des sanitaires hyper rustiques. En tole, avec porte en bois au verrou rouille, et eau froide evidemment. Youpi. Les wc a la turc sont tout aussi sympas.
j ai beaucoup de temps devant moi. Puisaue j ai vu indique le centre ville, je me dis qu une petite balade en ville s impose. D ailleurs j ai faim et trois fois rien a manger. Je ne sais pas ou attacher mon velo. Je mets l antivol autour du tronc hyper fin d un arbrisseau. Premiere experience de camping marocain, je suis inquiete sur la surete des mes affaires. Pourtant lorsqu a la sortie je demande au patron si je peux laisser mon velo attache comme je l ai fait, il me repond avec condescendance : Bien sur madame, c est un camping. Bon bon...
Je pars donc vers le centre ville. La route est d abord toute droite, puis decrit de grands virages bien propres, au detour desquels je ne vois pas le debut du commencement d une ville et encore moins de son centre. Je marche comme ca pendant plus d une heure, et toujours rien. Heureusement que j ai tout l apres-midi devant moi ! J ai de plus en plus conscience de m etre embarquee dans une drole de balade. Dire que je pourrais etre tranquille sur la plage si j avais pris un truc a grignoter au snack du camping !
Un chauffeur m interpelle depuis sa voiture. Je vais le voir. On discute un peu. Il me propose de me deposer en ville. Merci mais non merci, je redoute d avoir a payer. Il insiste, dit que ca lui fera plaisir. Bon, j en ai marre de marcher, je dis oui.. Et je constate qu il restait encore un bon bout de route a faire avant d arriver en ville ! Tout de meme pas tres rassuree, des qu on arrive a un grand carrefour de ce qui ressemble au debut de la ville je lui demande de me deposer. Ici ? - me demande t il etonne. Oui oui, c est tres bien ici. Je descends. Pour m apercevoir que je suis encore loin du vrai centre. Je marcherai encore une demi heure pour trouver un resto ! J ai super faim, et j ai conscience d avoir une longue route a faire pour retourner au camping ! N importe quoi ce que je viens de faire !
J engloutis un burger marocain avec frites et ne traine pas pour faire demi tour direction le camping. Je passe devant le centre commercial et decide d aller y faire un tour dans l espoir de trouver du chocolat qui soit bon. Depuis que je suis au Maroc, pas moyen de satisfaire ma deuxieme addiction, le chocolat ! Je me balade dans les rayons en ecoutant Demis Roussos a la radio, quand tout a coup la chanson est coupee et le magasin resonne de l appel a la priere. J apprendrai plus tard que ce n est pas le cas sur toutes les chaines de radio..





Avec du mauvais chocolat en poche, je repars pour mon trajet sans fin vers le camping. Apres une demi heure de marche, je vois un taxi s arreter pres de moi pour deposer quelqu un. Tentee de raccourcir mon periple, je demande au chauffeur le tarif. Mais il me repond qu il ne va pas jusque la bas. Zut ! Alors que le taxi s en va, j entends a nouveau qu on m appelle. C est le meme chauffeur qu a l aller, qui se propose de me redeposer au camping ! Je ne sais pas ce qui me pousse a lui faire confiance mais j accepte. Et effectivement il me depose a l entree, et ne me demande pas d argent. Des gens qui ont a coeur de vous rendre service par simple gentillesse ou generosite j en rencontrerai plein.
Je decide d aller faire un tour sur la plage. C est vrai quoi, ca m ennuie un peu que mon apres midi se resume a un aller-retour dans une ville inconnue et sans interet, en marchant au bord d une nationale ! Je redescends donc vers la plage et decide d aller lire sur le sable fin. Mais il etait ecrit que ce n etait pas ma journee. D abord le vent me recouvre assez vite de sable fin alors que je suis assise pour tenter de lire. C est super desagreable. Ensuite je me rends compte que la maree monte et monte vite ! Je dois rapidement m en aller pour ne pas voir l acces a la route coupe par la maree montante. Bon, bilan de la journee tres mitige ! Je rentre retrouver mon velo qui est toujours la, et me faufile dans mon duvet pour lire. Il est encore tot mais je n ai trouve rien de mieux a faire dans ce coin desert !
En pleine nuit, je suis reveillee par un bruit metallique. Je sursaute, pense a mon velo. Je guette, ouvre grand les oreilles et ne bouge pas. J ai la sensation d entendre l antivil bouger. Je commence a stresser. Pire, j entends tout a coup des bruits de pas qui viennent jusqu a ma tente. Cette nuit-la il fait chaud, j ai decide de dormir torse nu dans mon duvet. Autant dire que je suis peu preparee a une contre attaque impressionnante si jamais un intrus se pointe ! Je ne saurai jamais ce qu il s est passe dans ma tete cette nuit-la, mais j ai tres nettement entendu le bruit de la fermeture eclair de la tente, comme si quelqu un ouvrait tout a coup. Je l ai entendu. A ce moment-la je ne sais pas comment j ai reussi cet exploit mais tres silencieusement je me suis redressee et glissee aux trois quarts hors du duvet, lampe de poche eteinte a la main. A vrai dire ma lampe de poche etait la seule arme que je m appretais a brandir a la figure des importuns ! Ce qui m etonne c est qu a aucun moment je n ai panique., Je me suis sentie au contraire determinee et prete a engueuler aussi fort que possible les potentiels agresseurs. A un moment je me suis decidee. J ai ouvert d un coup sec la fermeture de la tente et braque ma lampe devant moi. Absolument rien. La tente n etait d ailleurs pas ouverte. Rien au niveau du velo non plus. Et la j ai tout de meme eu du mal a comprendre comment mon esprit avait a ce point pu deformer les sons que j ai forcement du entendre. Mais bon, l essentiel etant qu il n y ait pas de danger, je me suis recouchee.




21 mai 2015
Je me reveille avec le vent. Celui-ci m accompagnera toute la journee, mais ce n est pas desagreable. Je me remets en selle et retrouve ma petite route tranquille, toujours inquiete de voir surgir un chien ici ou la. Je longe la plage, m arrete souvent pour prendre des photos de ces gros rouleaux ou simplement les regarder.
Je n ai pas beaucoup de kilometres a faire pour arriver a Asilah, et la route est plate ou doucement vallonee. Je pedale joyeusement, pas encore tout a fait detendue mais heureuse de voir que depuis que j ai mis le pied au Maroc tout se passe bien, mes journees sont belles et je me sens tranquille.
A l approche d Asilah, un banc de sable coupe l ocean en deux parties, ca fait des jolies couleurs. Au loin une ville apparait, fortifiee, au bord de l eau. Je passe un pont et entre dans le centre d Asilah, qui me fait l effet d etre bien plus paisible que Tanger la grouillante.
J ai repere une auberge de jeunesse, je sais donc ou je vais et le GPS m y conduit sans difficulte. Un mur d enceinte encercle la Medina, dont la porte principale est ronde, a la romaine. La rue qui borde cette entree est tres touristique, les restaurants s y entassent les uns a cote des autres. Des carioles tirees par des chevaux passent regulierement sur la route au milieu des motos et voitures. Chargees de tapis ou de legumes ou encore de bric et de broc. Guidees par des hommes ou des enfants, parfois par des femmes.
Je m arrete devant l auberge de jeunesse. Je reveille a moitie un monsieur qui ne parle pas tres bien le francais et l anglais. Je demande si je peux avoir un lit dans un dortoir, mais il me repond qu il n y a pas de dortoir. Il me propose une chambre a 200 dirhams, mais c est trop cher pour moi. Je suis embetee. Je m apprete a repartir, Le monsieur appelle a sa rescousse une dame, qui ne parle pas plus francais que lui mais qui reflechit et me propose une chambre a 100 dirhams. Bon ok, je veux bien la voir. On monte deux etages bien raides, et je decouvre une chambre au look assez delabre, a l quipement rudimentaire. Un lavabo crade ne donne pas envie de se laver ici. La douche et les toilettes sont a l exterieur. Ok je prends.
Mon velo reste surveille en bas, je monte mes affaires et prends une douche, froide une fois de plus. Pas grave, je me sens fraiche et pars a la decouverte d Asilah, evidemment sans plan ! Ca a l air complique ici d obtenir un plan des villes. Le receptionniste me fait comprendre que de toute facon la Medina est a trois minutes a pied. Certes, mais apres, une fois dans la Medina, on se repere comment ?? Apres mon experience de Tanger je m attends a tout, et surtout a me perdre.




Je sors et me retrouve vite au coin de la rue des restos qui longe la Medina. J entre par la porte et suis rapidement sous le charme de ce que je decouvre. Une ville tres blanche, aux ruelles plus spacieuses que celles de Tanger, plus propres et plus calmes. Etonnant de voir la difference entre ces deux villes ! Ainsi donc une Medina n est pas forcement une concentration de foule dans des toutes petites rues debordant de boutiques, de motos et bicyclettes, de pietons affaires a faire leur marche ou a negocier les tarifs des souvenirs, et de chats cherchant la fraicheur a l ombre. D ailleurs le receptionniste de mon auberge m a prevenue : Asilah est tres calme, m a-t-il dit. Et de fait, je me sens tout de suite tranquille, d autant que je ne risque pas de me perdre.
Ici personne ne me saute dessus pour me vendre un truc. Limite on m ignore, en fait, et c est plutot agreable ! Qu elles sont jolies, ces maisons blanches bordees de bleu, de vert. Asilah est une ville d art. Des peintures ornent ses facades, et des ecriteaux annoncent des expositions. J arrive au mur d enceinte qui domine l ocean. Je grimpe quelques marches pour admirer la vue par dessus les terrasses. Un peu plus loin je passe devant une ecole aux murs verts bien gais. Des parents attendent leurs enfants a la sortie. Je n ai vraiment pas l impression d etre dans le meme Maroc que celui de Tanger.
Je descends sur le port. De jeunes garcons jouent au foot sur la plage. D autres sont assis sur les rochers et contemplent l ocean. Je commence a discuter avec un homme en anglais. Tres sympa au debut, il finit par devenir collant. Je ne m en debarrasse que dix minutes plus tard. On va dans la meme direction. Pour le laisser prendre un peu d avance sur moi je m asseois un petit moment devant une porte secondaire de la Medina. Un ghaneen s approche et tente de me vendre des ceintures. Je lui explique que je n en ai pas besoin, et une conversation bien sympa s engage alors. Avec lui comme avec les senegalais que je rencontrerai a Marrakech, des qu on laisse tomber le business ils prennent toujours le temps de discuter un peu quand je tente quelques questions. Jusqu a present j ai toujours passe de bons moments de cette facon. Mohammed est arrive ici il y a trois mois avec sa femme et ses trois enfants. Il est musicien et joue de temps en temps, notamment au festival de musique gnaoua d Essaouira.
Je le quitte et poursuis ma balade dans Asilah. Je m arrete pour prendre une photo lorqu un artiste m interpelle. Il realise des peintures sur du papier d emballage de ciment, afin = dit il = de creer du neuf avec du vieux, de redonner une vie aux objets. Et le voila parti a me montrer chacune de ses oeuvres et a m expliquer le theme et les differentes representations. Il est tellement sympa que je finis par lui prendre une peinture pour 50 dirhams.. On ne peut pas dire que l oeuvre soit belle, mais il a represente une femme sur un velo dans un paysage de montagne. La femme transporte de l eau, symbole de la vie.
Je reviens vers l entree principale de la Medina. Il est tot dans l apres-midi. Il fait chaud. Je decide de chercher un cyber cafe. Le temps passe et je prends beaucoup de retard pour le blogJe m eloigne de la Medina. Des qu on sort des axes touristiques, l occidental a la peau blanche est vraiment une curiosite ! Mon sarrouel rouge et noir fascine depuis mon arrivee au Maroc, en plus. On n arrete pas de me dire qu il est joli. Etonnant, il n a pourtant rien de special. Bref, je sens les regards sur moi et je ne suis pas sure d aimer vraiment ca. Je fais profil bas, je regarde le sol. Les boutiques qui ne ressemblent a rien se succedent dans des rues aux trottoirs defonces. Un marche se tient dans la grande rue qui remonte vers la nationale. Sur des papiers journaux, legumes en vrac, paquets de kleenex a l unite, paquets de cigarettes, chaussures d occasion, ceintures, poupees avec bras casse inclus... Je finis par trouver un cyber dont le nom me fait rire : ICI HAUT DEBIT DECONNEXION. . Je tente quand meme.
22 mai 2015
Quel plaisir de se reveiller avec tous ces gentils messages ! Merci beaucoup a tous ceux qui pensent a moi. Je sens que la journee va etre belle ! Ici (a Marrakech) on va faire cine en plein air ce soir, sur la terrasse. Je viens d acheter des patisseries marocaines pour tout le monde pour cette soiree d anniversaire sous les etoiles.
Je m installe donc sur un PC et commence a poursuivre l ecriture du blog. L ordi est tres lent. Je laisse tomber le chargement des photos, c est trop galere. Au bout d une demi heure, la connexion plante. Damned, je n avais pas sauvegarde ! Je n ai plus qu a recommencer. Je m y mets... Mais ca plante a nouveau au bout d une heure !! Cette fois j avais fait des sauvegardes regulierement. cependant, alors que je retourne sur le site voir si mes modifs apparaissent bien, je ne vois rien du tout de ce que j ai ecrit ! Pres de 2h sur l ordinateur pour rien ! J enrage.
Je laisse tomber et m en vais flaner a nouveau pres de la Medina.
24 mai 2015
Ce matin la journee a commence par une proposition qui merite reflexion.
Je suis super bien ici. Et visiblement on m apprecie. On me propose de rester trois mois de plus... Et je me dis "pourquoi pas ?"...
Trois mois sans frais, puisaue je suis logee et nourrie copieusement. Cela voudrait dire allonger la duree de mon voyage.
Ca merite reflexion.





Je me pose sur une des terrasses de la rue longeant la medina. Puisque je vais avoir du mal a tenir le blog a jour, je decide de revenir a la bonne vieille methode du stylo et du carnet. J y tiens, car dans ce voyage plus que pour aucun autre, je ne veux pas oublier les details. On garde toujours un souvenir des villes et des sensations generales eprouvees ici ou la, mais cette fois je veux me souvenir de tout, je ne veux pas juste garder une impression d ensemble. De mes precedents voyages, j ai toujours rapporte des debuts de recit, mais jamais la fin. je finis toujours par ne plus prendre le temps de reporter les faits du jour sur le papier. Il faut dire que la plupart du temps je ne voyageais pas seule. Du coup j avais l occasion de discuter avec des amis des sensations et aventures partagees. Ici il m arrive bien sur de parler avec d autres personnes et de raconter quelques petites choses, mais ce n est pas pareil.
Ici, c est avec moi-meme et via ce blog que je reviens sur ce que je vis.
Alors que j ecris au soleil, un senegalais assis a cote me propose un telephone portable a prix casse. Choukrane, la. (non merci).
Je me mets donc a raconter sur le papier. Et comme j ai deja beaucoup de retard, le soleil a le temps de tourner et de descendre derriere les toits de la medina lorsque j arrete. J ai envie de revoir les ruelles de la vieille ville au coucher de soleil. J y retourne donc et me promene un long moment. Ici et les vendeurs ecoutent a la radio les commentaires d un match de foot. Je retrouverai a la sortie de la medina les cafes blindes de marocains devant des ecrans geants de television pour un match important de la coupe des champions, avec une equipe espagnole. Le foot est encore plus populaire au Maroc qu en Italie !
Je sors et vais gouter un tajine dans un restaurant vide ou les deux serveurs regardent le match de foot sur la television !
La nuit est bien tombee quand je retourne a l auberge de jeunesse. Je reste un petit moment dehors devant la porte pour consulter mes mails car je ne capte pas dans ma chambre. Le petit monsieur de la reception me rejoint et m offre un the a la menthe. Je le remercie. Il m apporte le the, s asseoit avec moi, se releve et va me chercher un gateau a la noix de coco. Je le remercie doublement ! On essaie de discuter malgre la barriere de la langue. Il veut savoir ou je vais apres, me deconseille Agadir en tant que femme voyageant sans son mari ! Il s etonne que j aille travailler dans une ferme pres d ici. Il me propose de m installer a cote de la reception dans un petit espace amenage en salon, avec deux grands canapes couverts de coussins et une television sur laquelle passe un film arabe. Il m offre la telecommande, repart, revient s assurer que je me sens bien. Je n ai pas envie de regarder la tele, je lui demande de m apprendre quelques mots en arabe. Il file chercher a son bureau un petit lexique arabe - francais presentant environ 500 mots par ordre alphabetique. Il me le montre et le voila qui se lance dans la lecture complete du lexique a partir de la lettre A ! Il est gentil ce brave homme ! Il s applique. Assureur, attestation, accord, allergie... Je ne retiens rien de tout ca mais il me fait rire ! Le voila qui part dans un fou rire en me lisant la formule pour dire je t aime en arabe ! Il le dit sur tous les tons, ca l amuse, et moi je ris de le voir rire ! Ca m amuse d etre ici.
Notre seance d apprentissage est interrompue par l arrivee de deux jeunes allemande. Elles reviennent d une excursion pour laquelle elles avaient loue une voiture, mais elles ont creve sur la route et sont persuadees de s etre fait arnaquer sur le prix du depannage. Mon receptionniste prend les choses en main, et moi je monte me coucher. Je souleve la couverture : le drap est plein de trous ! Bon... ca ne m empechera pas de dormir.




Le lendemain matin je charge mes sacoches sous l attentive observation de mon receptionniste et de la dame qui m a accueillie hier. Ils m apportent a nouveau un the et un petit gateau. je leur montre sur le GPS mon trajet de Tanger jusqu ici, et quelques photos de Tanger et du Cap Spartel. Ils sont impressionnes et m encouragent. Vient le moment de partir, et les voila qui tour a tour me serrent dans leur bras ! Qu ils sont touchants tous les deux !
Je dis au revoir et monte en selle pour rejoindre la nationale en passant par le centre ville. Suivant les conseils d Eric, je continue ma route pres de la cote en direction de Moulay Bousselham. C est toujours rassurant de pouvoir se fier a l avis de quelqu un qui connait bien le pays ou on se trouve. Et je me sens encore en mode decouverte, toujours avec un peu d angoisse au ventre car je n ai aucune idee de ce a quoi il faut m attendre. Je ne connais pas la topographie de la region, je ne sais jamais si oui ou non je vais atteindre mon point de chute. Si je n y arrive pas je m arreterai a Larache bien que la ville n ait d apres Eric pas grand interet.
La nationale s eloigne de l ocean et grimpe dans un petit massif. Je me retrouve tres vite en rase campagne ! Des moutons et des brebis paissent a cote des vaches. Des anes, souvent charges, attendent sur le bord de la route, seuls, attaches. Des paysans (hommes, femmes, enfants) gardent les troupeaux, allonges dans l herbe ou en sebaladant au milieu du troupeau. De temps en temps une piste s eleve plus haut dans la montagne pour acceder a de petits villages perches. Je croise des gens qui attendent sur le bord de la route, accroupis, assis ou debout. Je comprendrai plus tard qu ils guettent le passage d un bus ou d un grand taxi. Des enfants attendent aussi pour aller a l ecole. Des femmes travaillent dans les champs, couvertes de la tete aux pieds, souvent de plusieurs epaisseurs. Je ne sais pas comment elles font pour ne pas mourir de chaud ainsi habillees avec leurs jupes multicolores. Des chevaux de trait aident au labour. J apercois un point d eau en contrebas. Une femme vient d y plonger un seau et le fixe sur le dos de son ane. Des enfants jouent a cote. Je sors mon appareil photo. Alors que j appuie sur le declencheur j entends la voix des enfants : ´dirhams, madame, dirhams !"´ Je remballe et je m en vais.
Tres souvent je me retiens de prendre des photos. Je voudrais me souvenir de l aspect de ces villages et de ces gamins de la campagne ou de tous ces petits metiers de la terre, mais je me demande ce que ces gens penseraient de me voir sortir l appareil pour immortaliser ces maisons delabrees, ces guenilles sur leurs enfants, ces routes defoncees.

Dire que j ai vu des villages fantomes en Espagne. Ici c est tout autre chose. Sur ces routes, les villages grandissent autour d habitations en tole multicolores, planches de bois vermoulues, clotures enfoncees sur lesquelles pendent des lambeaux de sacs poubelle noirs. Par contre, contrairement a l Espagne, les rues - si on peut appeler rues les pistes de terre qui separent les habitations - ne sont jamais desertes. Des enfants trainent pieds nus. Des femmes etendent du linge sur des fils qui pendouillent ou directement sur les clotures. Les routes, de maniere generale, ne sont jamais desertes. En fait c est tres curieux car meme lorsqu on se croit seule au monde, il y a toujours un marocain quelque part, en train de marcher la bas au loin, ou bien assis ou couche a attendre que le temps passe, parfois avec un ane a ses cotes, ou bien une mobilette ou un velo. C est d ailleurs si peu desert que je renonce a l idee de poser le velo trois minutes pour faire pipi dans la nature ! Meme dans les recoins les plus improbables je tombe sur un marocain qui se trouve justement la !
Les enfants me regardent arriver de loin et m offrent de grands sourires, temeraires pour les garcons, timides pour les filles. Ils me lancent des Bonjour madame ! ou des Hello ! How are you ? Au debut de la journee, ca me fait rire et je les salue joyeusement de la main. En milieu de journee je commence a fatiguer, il n y en a pas un qui m ignore ! Lorsque je passe aux abords des ecoles c est le dechainement. Ils s y mettent tous et me repetent des bonjour madame jusqu a ce que je disparaisse de leur vue. Ce jour-la, ca me donne le sourire. Le lendemain ce sera pire et je finirai par redouter l approche des ecoles et la meute d enfants joyeux ! A la fin de la journee j ai peut-etre dit bonjour 300 ou 400 fois ! C est epuisant ! Un enfant me court apres, encourage par ses copains. Il court le plus vite possible pour me toucher. Je le tiens d abord a distance, puis prends pitie de lui et cesse de pedaler. Mais le voila qui attrape mon porte bagage arriere ! Ah ca par contre, je n aime pas. Je me contiens, lui dis de lacher tout en continuant a pedaler. Les autres lui crient en riant ce que je pense etre des encouragements. Je finis par m agacer et, consciente de lui faire risquer la chute, j accelere. Il lache, et heureusementne tombe pas.
Ca et la j apercois de loin une bache tendue, et un sachet de cacahuetes qui pend au bout d un fil, attachee a un piquet au bord de la route. Pendant que les vendeurs dorment a l ombre de la tente, le sachet de cacahuetes est cense attire le chaland. Parfois plusieurs tentes se dressent cote a cote, formant un espece de marché de bord de route. Je me plais a imaginer que ce sont les aires de repos marocaines, avec boutiques incorporées. On trouve des fruits, des legumes, du lait conserve dans des bouteilles en plastique ou dans des glacieres, des oeufs.
Je traverse une foret sur les hauteurs puis redescends vers Larache sans difficulté. Arrivée en centre ville, je m installe a un cafe avec vue sur l ocean pour faire une pause - boisson fraiche. J ai de quoi pique-niquer, je vais attendre de trouver un petit coin sympa pour manger mon sandwich. Larache ne me donne pas specialement envie de m y attarder, je passe devant l entrée de la medina et file retrouver la nationale. Apres un petit bout de nationale, je suis censee croiser l autoroute puis prendre une route qui bifurque sur la droite. Quand j arrive au croisement, un panneau me confirme que c est bien la piste a suivre. J ai de la chance, car plus d une fois il me faudra deviner - ou plutot me fier a la fleche sur mon GPS - pour savoir ou tourner. Ici on ne s encombre pas franchement de panneaux de signalisation !
Pour le coup, je m embarque sur une route presque deserte ! Pas une voiture. Peu de monde a pieds, ici ou la. C est a la fois plaisant, mais a la fois stressant. Je me crispe a la pensee des chiens sauvages dont j ai entendu parler avant de venir. J ai lu sur des forums que les cyclistes sont vite la proie des chiens abandonnés et qu il vaut mieux avoir des pierres ou un baton avec soi. Je n ai rien pris et n ai pas envie de m encombrer de trucs lourds, donc je prie et croise les doigts pour qu il ne m arrive rien, et guette le moindre fourré, le moindre fossé.
Les abords de la route sont sales, comme les plages, d ailleurs. Des tessons de bouteille et des bouteilles en plastique trainent partout, des saces poubelle dechirés...Du moins sur les plages il faut franchir un amas de déchets avant d avoir acces a un beau sable carressé par le vent et les vagues.
J oublie parfois la menace des chiens, puis me remets en mode veille quand j apercois des fourrés suspects. Je passe donc mon temps a me crisper puis me décrisper en admirant le paysage. Depuis mon arrivée au Maroc je n écoute plus de musique en pédalant. Tous mes sens sont en alerte, je suis dans la découverte 24 heures sur 24. Mon esprit est bien occupé. Lorsque je crains l apparition d un chien, je rétrograde avec la douce illusion que si la bete apparait je pourrai la semer en pédalant le plus vite possible. Dans les montées je n ai pas cette illusion alors je serre les fesses !
Des déviations apparaissent, la route se courbe et se transforme en champs de cailloux. Les gens sont hyper gentils et devancent mes questions pour m indiquer par ou passer.




Sur une de ces déviations, je trouve enfin un coin tranquille pour faire pipi a l abri des regards. Enfin un peu d intimité, ca fait du bien ! En pleine action je regarde autour de moi et apercois une forme ronde avec ce qui ressemble a des poils noirs et blancs au pied d un arbre, a une vingtaine de metres de moi. Une vache couchée ici ? Etrange... Je me redresse, la forme ne bouge pas. Par contre en regardant autour de moi plus attentivement je découvre juste a 5 metres sur ma gauche la carcasse entiere d une vache qui a du mourir ici il y a bien longtemps ! Charmant. Je m éloigne mais décide de profiter tout de meme de ce moment de calme pour manger mon pique nique. Il y a plus idyllique comme coin mais le silence et la tranquilité font du bien.
Comme j aimerais pouvoir etre en short et débardeur par cette chaleur ! Mais il ne faut pas y penser. Mes mollets sont couverts de boue, tout comme les pneus et le bas du cadre du vélo qui a eu droit a son bapteme de boue lui aussi. Il n a plus son look tout neuf.
Je repars. Il n est pas rare qu une voiture me dépasse ou me croise en faisant coucou, soit par la parole, soit par un pouet pouet joyeux, soit avec un pouce levé qui sort de la fenetre. J entends Bravo ! plusieurs fois. Je n ai pas a me plaindre de l accueil que je recois ici !
Que je suis secouée sur ces pistes de cailloux ! Je tate régulierement mes pneux, inquiete d une possible crevaison. Mais tout va bien. J ai regonfle une fois le pneu arriere a Tanger, depuis rien a signaler. Il résiste aux pistes et c est tant mieux car ce ne sont pas les stations essences qui courent les rues.
La piste fait un détour par une énorme zone de construction de batiments. Des logements qui sortent de terre, j en vois partout depuis que je longe la cote. Je me demande a quoi ressemblera le paysage dans 5 ans...
Il commence a se faire tard. Je ne susi pas inquiete, il fera jour encore longtemps et je n ai plus tant de kilometres a faire pour arriver a Moulay Bousselham. Ceci dit, je suis quand meme contente et fatiguée lorsqu enfin j arrive a l entrée de la petite ville qui s accroche sur un petit promontoire dominant la plage en contrebas. Je n ai jamais roulé si longtemps dans une journée.
Un panneau indique le camping international en bas a gauche. J espere y trouver de l eau chaude et des sanitaires dignes de ce nom. A l entrée du camping, Ali se présente et me demande si je suis intéressée par un tour sur le bras de mer qui s enfonce dans les terres et la visite du parc ornithologique. Merci mais pas ce soir. Par contre Ali me propose une autre idée qui retient mon attention. Le camping est installé a la pointe d une embouchure par laquelle l océan s infiltre a l intérieur des terres. Des barques sont tirées sur le sable, pretes a emmener les touristes visiter le parc ornithologique. Mais de l autre coté du lac, sur la rive en face, une piste démarre a coté du cimetierre et part rejoindre la nationale que j ai quittée pour arriver jusqu a Moulay Bousselham. Deux options s offrent donc a moi demain matin pour reprendre ma route : ou bien repartir en arriere sur quelques kilometres pour récupérer la nationale et reprendre le cheminement le long de la plage, ou bien traverser le lac et récupérer la nationale plus loin sans faire le détour en arriere. J opte pour la traversée du lac. Je donne rendez-vous a Ali le lendemain a 10h pour charger mon vélo sur sa barque.
Puis je vais payer les 60 dirhams du camping et vais chercher un coin pour planter ma tente. Pres de la réception, des allemands jouent aux boules... Un cheval se balade en liberté au milieu des camping cars. Je ne vois pas beaucoup de tentes. Je décide d élir domicile non loin d un couple d italiens retraités, a qui j emprunte au passage un marteau car la terre est dure comme du béton sous les herbes seches. Je discute un long moment avec mon couple d italiens qui vadrouillent dans tout le Maroc avec leur maison roulante. Jusqu ici ils ont toujours trouvé facilement un coin pour dormir, mais bon, ils sont en camping car et peuvent se poser presque n importe ou. Avant que j aille planter mes piquets, le mari insiste : si tu as besoin de quoi que ce soit, on est la. Trop sympa !
Je m installe et file prendre une douche. Oh que ca fait du bien ! Il est presque 20h. Je monte découvrir le centre ville par un grand escalier a la sortie du camping. Moulay n est pas tres grande. Une jolie promenade surplombe la plage. J apercois un cimetiere sur le coté. Les tombes semblent disposées de maniere anarchique au milieu des herbes folles. Je tente un tour sur le petit marché local mais je patauge dans la poussiere melée d une eau dans laquelle trempent des restes de légumes ou des abats. Ca sent le poisson. D ailleurs les petits restos cotés plage proposent tous les memes plats a base de poisson.
Je descends sur la plage. Le sable s allonge sur une longue bande qui vient mourir au bord de l embouchure du lac intérieur. C est joli ici, je me sens bien. Des marocains se promenent sur la plage, et marchent jusqu a la pointe. Les amoureux sont au rendez-vous. Je m asseois pour lire un peu, mais le vent me recouvre vite de sable ! J en ai partout. Je bats en retraite et retourne du cote des petis restos. Je me pose et commande une soupe marocaine et un tajine boulette. En fait la soupe m aurait largement suffit, j ai vu trop gros. Alors que j ai fini mon diner et que je prends mon temps pour lire un peu, j apercois un cafard qui grimpe sur la table et va se loger sous l assiette. Au moment ou le serveur vient débarrasser, je lui dis de faire attention. Sans hésiter, le serveur prend l assiette, récupere le cafard au passage et l écrase par terre. Il revient avec un dessert offert par la maison : des oranges découpées en rondelles et assaisonnées de cannelle.
Je rentre éclairée par la lune. Cette nuit-la, pas de mauvais reves, je dors bien !




Le lendemain, je replie mes affaires, passe dire au revoir aux italiens et pars rejoindre Ali a la sortie du camping. Ali m emmene jusqu a sa barque., qu il tire pour la faire glisser dans les eaux calmes du lac. On charge les sacoches, puis le vélo, et enfin je monte a ses cotés. Moi qui n aime pas l eau, je trouve que la barque s enfonce un peu trop. La barque file paisiblement. Tout est calme, il est encore tot. Nous atteignons la rive opposée en 20 minutes.
30 mai 2015
C est décidé je resterai plus longtemps a Marrakech. Jusqu a fin juillet. Il faut que je m organise pour faire une virée dans le nord jusqu a Ceuta avant le 18 juillet pour sortir du territoire marocain et y entrer a nouveau, a moins qu a la préfecture a Marrakech j arrive a faire prolonger mon droit de séjour ici.
Une colline s éleve sur l autre rive. Un cimetiere se tient ici face a l océan. La foret débute sur la gauche. Hormis le cimetierre, j ai un peu l impression de débarquer dans un coin inhabité. Mais mon GPS m indique bien une route qui démarre un peu plus haut. Je peine a hisser mon vélo chargé sur le sable jusqu en haut de la colline. J ai l impression de perdre un temps fou. Il va etre bientot 11h et je n ai pas fait un seul kilometre.
Enfin j arrive en haut et découvre une piste qui descend légerement a travers la foret. Allez c'est parti ! Je ne roule pas très vite mais que c'est bon de pédaler seule dans la foret ! La route est asphaltée mais rugueuse. Sur ma gauche j apercois les marais du parc ornithologique. Je ne croise pas de voiture avant un bon moment. Rapidement la piste devient sablonneuse et l'asphalte disparait. Je commence a galérer, je tressaute sur les cailloux et zigzag pour éviter le sable. C'est de pire en pire, parfois je dois poser le pied par terre et pousser le vélo sur le sable.
Je guette le bitume. Je crois encore que je vais trouver une route mais non, quasiment toute la journée je vais rouler sur cette piste qui traverse les champs et les villages. Je tente de ménager mes pneus. Peu a peu les villages apparaissent, ainsi que de grandes plantations de bananiers sous serres.
Les villages ne comprennent en général que 3 ou 4 rues, si on peut appeler ces allées de terre entre les maisons comme ca. Les clotures sont déglinguées, des enfants aux vêtements couverts de poussière trainent près des maisons. Hommes et femmes travaillent aux champs. Je croise des charettes, des hommes à pied conduisant des ânes chargés de bois, de bidons vides...
A nouveau je suis assaillie de bonjour madame aux abords des écoles. Where are you from ? What's your name ? Comme hier, au début de lq journée ca me donne la patate. Au fil du temps ca me saoule ! Je suis l'attraction de la journée sur cette route, apparemment. Un surveillant m apercois de loin devant une école. Avec un baton il encourage les enfants a se retrancher près de l'entrée et à me laisser tranquille. Merci monsieur ! Le baton n'était pas nécessaire, mais pour une fois je poursuis ma route tranquillement. Les filles ont toujours un brin de timidité et un joli sourire en me disant bonjour.
A un moment, ma route se rapproche de la côte. Sur ma droite, j'aperçois des dunes de sable blond. Que c'est joli ! Dommage que je ne roule pas plus près.
Je finis par sortir de la campagne profonde. La piste longe l'autoroute sur plusieurs kilomètres. L'autoroute me sépare des dunes, qui me séparent de l'océan. J'approche de l'agglomération de Kenitra. Cette ville ne me tente pas du tout, j'éviterai son centre pour trouver la direction de Mediya plage. Je vais donc longer la ville sur la droite. J'entre tout de même dans la zone urbaine, qui de loin ne me semble pas très belle. Malgré tout, bientôt les grandes allées dégagées et les villas bourgeoises bien propres me portent à croire que je traverse des faubourgs aisés. Je n'avais pas encore vu ce type d'habitation jusqu'ici.
Une longue montée me conduit péniblement sous la chaleur sur les hauteurs de la ville. J'aperçois plusieurs banques et me rappelle que je dois retirer de l'argent. Je choisis d'attendre d'être à Mediya et ignore les distributeurs.
Je ne vois pas le bout de la route ! Je commence à trouver le temps long et consulte régulièrement le GPS pour savoir quelle distance il me reste à parcourir. Je fatigue. Je sors de l'agglomération de Kenitra et longe un complexe militaire très étendu. A un rond-point, une agence immobilière attend les clients pour la vente d'appartement de bord de mer. Ici la route descend sur 3 kilomètres, contournant un promontoire rocheux dominé par une forteresse, et filant vers le port. Qu'il est tristoune ce port moitié réservé aux bâtiments militaires, moitié port de pécheurs. Ca sent le poisson grillé quand je passe devant l'entrée. Des pêcheurs mangent aux buvettes installées au bord de la route.
Voici enfin la route de Mediya plage ! Ouf, il était temps ! Je retrouve des habitations plus pauvres qu'à Kenitra. Des restaurants et des hôtels apparaissent face à la plage.
Je cherche le camping. Aucun panneau ne l'indique. Je finis par aller me renseigner auprès d'un vendeur de glace ? Camping ? Il n'y a plus de camping, ici - me répond-il. Allons bon... Mon guide le mentionne pourtant. Je tente d'aller plus loin, mais bientôt la route tourne et quitte la plage pour remonter vers les hauteurs de Kenitra. Bon... Je fais demi-tour. Je m'arrête dans un hôtel face à l'océan. Je décharge le vélo et demande ou est le plus proche distributeur de billets, car l'hôtel ne prend que les règlements en espèces. Ah, il n'y a pas de distributeur ici, il faut retourner à Kenitra - me répond le réceptionniste. Et flûte ! Je n'ai pas l'énergie de retourner là-bas... mais je n'ai pas le choix.
Une dame m'aide à monter mes affaires dans ma chambre gigantesque (on pourrait y loger à 6 !), et je repars en vélo pour regrimper là-haut en repassant devant le port. Et re-vapeurs de poissons grillés dans la figure au passage ! Je monte lentement. Au niveau de l'agence immobilière, je bifurque à droite et trouve deux banques à une cinquantaine de mètres. Une fois l'argent retiré, je resdescends à l'hôtel, prends une bonne douche et me pose un moment sur ma terrasse privée face à l'océan pour souffler un peu et profiter du coucher de soleil. Je consulte mes mails. J'ai prévenu Aymar, le propriétaire de la ferme ou je vais travailler près de Mohammedia, que j'arriverai plus tôt que prévu. Ca lui va, il m'attend quand je veux. Parfait. J'y serai dans trois jours. Je ne compte pas m'attarder à Rabat, car je pense qu'il me sera facile depuis Mohammedia d'y retourner tranquillement pendant un week-end. Je filerai sur Bouznika, spot ou Eric venait surfer il y a quelques années, puis sur Mohammedia et enfin Fedalate (le village près de laquelle se trouve la ferme).
Je sors dîner dans un mignon petit resto à côté de l'hôtel. C'est joli et pas cher. La nuit tombe vite, je retourne avec plaisir me coucher dans mon immense chambre.




Le lendemain vendredi, je pars donc en direction de Rabat. J'ai quand même hâte de voir à quoi ressemble la capitale du Maroc !
Il fait gris, et la route commence bien sûr par monter pour revenir sur les hauteurs. Je longe un lac sur ma gauche, je l'aperçois de temps en temps en contrebas. Je suis dans un parc naturel, et la route est super calme. Aujourd'hui je n'ai pas beaucoup de route à faire. Je prends mon temps. Après le parc, je retrouve la campagne et ses champs à perte de vue. Bientôt des drapeaux de toutes les couleurs apparaissent de chaque côté de la route bien goudronnée. Ca sent l'arrivée sur la capitale ! Mais j'ai encore plusieurs kilomètres à parcourir. Pour l'instant c'est une moyenne ville que je traverse, un jour de souk - donc très peuplée ! Le marché déborde sur la route, il faut éviter voitures, charettes et piétons. Le contraste entre la belle route et les maisons délabrées est tout de même étonnant.
Quelques kilométres plus loin, j'entre dans la capitale en arrivant par Salé. Je me pose devant une des portes de la vieille medina de Salé. Oh que c'est bizarre de se retrouver dans une ville à l'aspect moderne, avec un tram et un pont gigantesque presque embouteillé ! Je reste un bon moment sur l'esplanade devant le mur d'enceinte de la medina de Salé à contempler les toits de Rabat et le mausolée de Mohammed V tout en haut là-bas.
Je repars et longe la voie du tram, passe le pont sur une partie plus basse réservée aux vélos et mobylettes. Il est tôt. J'ai l'intention de poursuivre ma route en suivant la corniche, espérant trouver un camping avant Bouznika. Je passe devant la medina de Rabat et ne résiste pas à l'envie d'y entrer pour voir à quoi ça ressemble. Cette medina m'a l'air bien calme et tranquille, avec de larges rues. Je flâne un peu mais ressors assez vite avec l'intention de revenir de toute façon pendant mes deux semaines à la ferme. Je me réjouis d'avance de pouvoir la visiter tout à mon aise plus tard.
Je pédale doucement, les yeux grands ouverts. tellement ouverts d'ailleurs qu'en bifurquant toujours en longeant la medina j'apercois un grand panneau en face d'une des portes, annonçant une auberge de jeunesse. Ah tiens, je croyais qu'il n'y en avait pas ici... A tout hasard, je vais frapper à la porte et demande combien coute une nuit en dortoir. 60 dirhams ! Je n'hésite pas une seconde. Après tout j'ai le temps d'arriver tranquille à Fedalate, et il est tôt. L'auberge est idéalement située. Je décide de dormir ici ce soir.
Je m'installe dans un dortoir vide, vais prendre une douche et nettoie mon unique tee-shirt à manches courtes ainsi que mon pantacourt couvert de poussière. Je laisse sécher mes vêtements sur la selle et le porte-bagage de mon vélo que j'attache dans la cour intérieur du riad. Cette auberge est bien agréable, avec son petit jardin frais au centre et ses dortoirs spacieux. Habillée de mon sarouel et de la chemise blanche trop grande pour moi, donnée par Lina, je pars à la découverte de la medina de Rabat.
La réceptionniste m'a mise en garde : tenez votre sac à dos sur votre ventre, car vous savez avec le monde qu'il y a on n'est pas à l'abri d'un vol. J'ai écouté ses conseils et commence ma promenade sur mes gardes. A peine passée la Bab (porte) de la medina, je suis ébahie par ce que je vois : ici, des écrivains publics sont installés avec leur machine à écrire sur une petite table, et rédigent les courriers que leur dictent les clients assis près d'eux sur un tabouret. Mon dieu ca existe encore ces métiers-là ?? Voilà un job que je pourrais faire ! Qu'est-ce que ça me plairait d'entrer dans la vie des gens pour 5 minutes, le temps d'écrire de jolies lettres bien dans les formes...
A peine franchie la porte de la Medina, je tombe sur une vision qui me ravit ! Sur une petite portion de rue, installés sur des petites tables a tréteaux, des inscrivains publics travaillent sous des parasols. Assis devant leur machine a écrire, ils écoutent les clients intallés sur une petite chaise a coté d'eux leur dicter le contenu des courrier. J'adore... Voila peut-etre un débouché pour moi.... ?
J'avais lu qu'à Rabat les vendeurs ne harcèlent pas les touristes. En effet je suis tranquille, et trouve bien plaisant de me promener dans ces ruelles calmes et propres, au milieu de ces magasins colorés. Les rues sont très jolies, les portes en bois très travaillées. Les rayons du soleil filtrent à travers les bambous suspendus au-dessus des allées pour faire de l'ombre. J'aimerais prendre en photo toutes ces couleurs mais je n'ose pas sortir l'appareil par peur de gêner les gens. J'ai vite trop chaud et je me sens super détendue, je remets mon sac à dos sur mes épaules ! On a vite ses repères dans cette medina, je ne suis pas pressée de rentrer avant la tombée de la nuit, je sais que je ne me perdrai pas.
Je décide d'aller faire un saut au Mausolée Mohammed V, ne sachant pas trop à quelle heure ca ferme. Je quitte la medina et m'engage dans les rues de la capitale. Je n'ai pas beaucoup de chemin à faire, ca monte un peu. La tour Hassan II qui domine le jardin face au mausolée est en travaux. Le mausolée est ouvert et les touristes se font prendre en photo à côté des gardes royaux qui veillent sur le tombeau en grand costume d'apparat. Ceux qui sont à côté du tombeau sont à pied, ceux qui gardent les portes du jardin sont à cheval. Bien plus détendus que les gardes de Buckingham Palace, ils sourient et répondent aux questions des touristes.
Le mausolée est gratuit, et aussi joli que sobre. C'est tout petit, je n'y reste donc pas longtemps et monte voir la kasbah des oudayas. Au moment où j'entre, un homme se propose de me guider dans les petites rues. Je décline, mais il décide de m'accompagner quand même et me commente ce que je vois. Je l'ignore et pars sur la gauche. Non c'est par ici le sens de la visite, la terrasse est par là pour voir la vue sur l'océan - me dit-il. Merci mais moi je veux aller par là ! Il insiste. Il me gonfle. ce jour-là je n'ai pas de patience. Ecoutez je ne veux pas vous manquer de respect mais là aujourd'hui je veux me balader tranquille et toute seule. Il n'en démords pas et me suis, continue ses commentaires. je m'arrête. Vous n'entendez pas ce que je dis ? Je veux rester seule, choukrane, bslama (merci, au revoir). Il finit pas comprendre, mais me demande si je peux lui donner quelque chose. Non je ne donne rien, je ne vous ai rien demandé. Il insiste, désigne le bracelet que j'ai au poignet (le bracelet offert par Laurence avant mon départ). Est-ce que je peux lui donner ce bracelet pour sa femme ? Certainement pas, c'est un cadeau, je ne vais pas vous donner un cadeau ! Enfin il renonce et s'en va, et je savoure avec plaisir, enfin, ma balade dans les très jolies petites rues de la Kasbah. Je vais admirer la vue depuis la terrasse, puis redescends vers la medina. J'ai marché longtemps, il fait nuit. Je commence à avoir une petite faim. Je vois quelques petits restos locaux ou ne mangent que des marocains, mais je ne sais pas pourquoi, je n'ose pas entrer. Je trouve des sandwiches à 15 dirhams et en prends un que je grignote dans les petites rues animées avant de retrouver la Bab par laquelle je peux retourner à mon auberge.
Le nouveau réceptionniste de l'auberge est très sympa, on reste un bon moment à discuter sur la terrasse. Il m'encourage à essayer d'apprendre l'arabe, les marocains apprécient beaucoup que les étrangers fassent cet effort.
4 juin 2015





Nouvelle proposition des filles. Rester jusqu au mois d octobre, contre rémunération cette fois. Mais là c'est trop, je le sens. Je ne suis pas prête à rester 6 mois ici. Bien que le projet de l'association soit super intéressant. Mais non. Déjà je commence, de loin, à me languir des routes et des paysages. J'envisage avec plaisir de rester jusqu'à fin juillet, par contre je sens qu'octobre c'est loin, trop loin.
Je quitte l'auberge de jeunesse et prends la route qui redescend vers la corniche et contourne Rabat en longeant l'océan. Je retrouve les plages balayées par les vagues, toujours aussi puissantes et impressionnantes pour mes yeux de parisienne peu habituée aux mers agitées. Partout je vois des pêcheurs guettant les mouvements de leurs lignes jetées à quelques mètres des rochers. Plus je m'éloigne du centre ville de Rabat plus les constructions sur ma gauche sont en ruine ou bien en travaux. La route sur laquelle je circule est en rénovation sur des kilomètres et des kilomètres. Là où les pays occidentaux auraient déjà aménagé des aires de détente,de jeux et de balade, ici dès qu'on traverse la route on est sur les rochers et les cailloux dominant la plage à l'état sauvage. Des voitures stationnent un peu partout, les marocains aiment aller regarder l'océan. Je ne me lasse pas non plus de m'arrêter pour regarder ces vagues puissantes et les gerbes d'écume qui éclatent comme un feu d'artifice continu tout le long de la côte.
Je reste un moment a parler avec le réceptionniste et veilleur de nuit. Il a le sens de l'humour, je passe un bon moment. Puis je reste seule sur la terrasse, surprise du calme qui règne dans ce petit jardin à quelques mètres seulement de l'agitation de la Medina. Il fait bon, je suis contente d'avoir pris ce temps à Rabat aujourd'hui contre toute attente, contente de pouvoir arriver tranquillement et sans stress a Fedalate, contente de me poser bientôt pour ma première expérience de travail à la ferme et de travail au Maroc.
Le lendemain je ne me presse pas pour partir. Je profite encore un peu de la cour intérieure du riad avant de ranger mes bagages. Je prends une douche et dépose ma serviette de toilette ultra légère et compacte sur le dos d'une chaise au soleil tout en me disant que si je ne la mets pas à sécher plus près de mes sacoches je risque fort de l'oublier ici.
Ca ne manque pas. Je ne m'en rendrai compte que le soir en arrivant au camping, ma serviette est restée à Rabat. Ce soir-là je bénirai Séverine de m'avoir offert une petite serviette en plus, ultra absorbante et de la taille d'un petit torchon. Cette mini serviette d'avèrera aussi efficace que la grande, bien que moins pratique tout de même.

J'arrive très rapidement à Bouznika. Je n'ai pas d'info sur le camping, et je ne vois aucune indication. Je vais un peu à l'aventure dans les petites rues mais me perds dans un complexe touristique sans issue. Avant de repartir pour tenter de retrouver le bon chemin, je décide de me poser sur une plateforme rocheuse d'où je peux admirer le paysage. Je sors mon pique-nique et ma liseuse, et profite de ce moment de tranquilité en nature.
Peu de temps après, une voiture arrive et se gare près de mon vélo. Un marocain en descend avec tout son matériel pour la pêche. Il s'approche de moi, me salue et me souhaite - évidemment - la bienvenue, et me propose de venir pêcher avec lui. Oh moi je ne pêche pas mais je veux bien te regarder faire ! Par contre cela veut dire laisser mon vélo chargé sur les hauteurs et descendre avec lui sur les rochers les plus proches de l'eau. Ca ne me rassure pas. Mohammed me montre son ami qui arrive en moto. L'ami en question se gare à côté de mon vélo et se porte garant de sa sécurité. Mohammed est policier. Je me dis que s'il pense que je peux laisser mon vélo ici alors je peux prendre ce risque.
Nous descendons tous les trois, avec cette prévenance limite exaspérante des marocains qui veulent vous aider pour un oui ou pour un non parce que vous êtes une femme - comme si jusqu'ici je ne m'étais pas débrouillée toute seule !
Nous nous installons sur les rochers, à deux mètres du bord de la côte frappée par les vagues. Mohammed vient ici depuis 9 mois qu'il habite dans le coin. Il vient de passer 6 ans dans le sud près de la Mauritanie. Il a trouvé ca dur, le pays est plus chaud et plus désert là-bas, et il y règne une tension continue aux abords de la frontière. Il est content d'avoir été muté ici, par contre il vit pour l'instant chez ses parents en attendant de pouvoir s'acheter sa maison. Pas évident, étant donné la paie des policiers et le prix de l'immobilier.
Tout en me racontant tout ça, Mohammed sort ses deux cannes à pêche, ses hameçons, les sardines, son couteau, mais aussi un jus d'orange frais qu'il m'offre pendant que son ami nous découpe une orange à partager entre nous trois. J'aide Mohammed en tenant la très longue canne à pêche devant moi pour qu'il fasse passer le fil de nylon dans les fixations. Je le regarde préparer l'hameçon, attacher le plomb, couper la sardine et l'attacher autour de l'hameçon. Je suis bien, c'est chouette de passer ce moment inattendu avec eux deux.
Mohammed s'inquiète de savoir où je vais dormir. Il ne connaît pas de camping dans le coin. Ah bon ? Décidemment la police sait rarement où se trouvent les campings. Il me parle de cabanons à louer, mais je lui dit que je ne veux pas dépenser plus de 100 dirhams pour la nuit. Les cabanons sont plus chers. Mohammed me dit que je suis la bienvenue chez ses parents. J'envisage un moment la possibilité de répondre positivement à cette invitation, mais je ne le dis pas tout de suite.
Les cannes à pêche sont prêtes. Je prends les garçons en photo, puis ils jettents leurs lignes à l'eau et fixent les cannes dans les trous des rochers.
A ce moment Mohammed me propose de prendre des photos d'un peu plus bas. Je descends avec lui avec mon appareil. Je prends deux ou trois photos, et le voilà qui me propose qu'on fasse un selfie avec son téléphone. Bon allez, ok ! Mais quand je m'approche de lui, il passe son bras autour de mes épaules et met quasiment sa tête contre la sienne. Mouais, ca j'aime beaucoup moins ! Je me dégage, il m'invite à le suivre sur d'autres rochers pour voir une autre vue de l'océan. Ok. Mais le voilà qui cherche à me prendre la main, à se rapprocher un peu trop. J'aime beaucoup la France et les françaises. Oui oui, je vois ça. Bon mais oh il est tard, il faut que je file chercher le camping et m'installer pour ce soir.
Sans me presser mais bien déterminée tout de même, je range mes affaires, remercie pour ce sympathique moment et dis au revoir avant de regrimper sur le haut du rocher. Est-ce que c'est toujours comme ça partout ? Chaque fois qu'on discute tranquillement avec un homme il faut qu'il se fasse des idées !
Je repars et retrouve la route principale, cherchant le camping. Des jeunes m'indiquent un endroit, mais sur place on me répond que le camping n'est pas ici mais à Mohammedia. Ah zut. Bon c'est pas loin mais je pensais dormir à Bouznika, plus petite que Mohammedia. En continuant à pédaler et à réfléchir, je m'engage sans le savoir dans une rue qui finit en cul de sac. Je m'arrête devant la maison d'un homme d'une cinquantaine d'années assis sur son perron. Savez-vous où se trouve le camping ? Mohammed (encore un !) ne connait que celui de Mohammedia. Il me demande dans un très bon français d'où je viens et ce que je fais ici. Nous voilà partis à papoter. Il est 15h mais Mohammed m'invite à entrer chez lui pour partager un couscous qu'il vient de préparer. J'ai déjà pique-niqué mais la proposition est si gentille que j'accepte. C'est la première fois que je suis invitée chez quelqu'un.
On hisse le vélo sur le haut du perron, et j'entre à la suite de Mohammed. La maison se compose d'une petite cuisine et d'une petite pièce qui tient lieu de chambre et de salon. L'ameublement est ultra simple : un canapé d'angle constitué constitué de deux matelas posés sur des sommiers, une télé posée sur un meuble bas, et une table ronde au milieu. Je m'asseois sur un des canapés, le couscous est déjà servi sur la table dans un grand plat. Mohammed n'apporte pas d'assiette mais juste deux cuillères. Nous mangeons tous les deux dans le même plat. Le couscous est très bon ! Je n'ai pas faim mais je savoure quand même et je pose un tas de questions à Mohammed sur sa vie. Il me répond bien volontiers, il a vécu 17 ans en Europe (France et Italie) et n'est revenu au Maroc que depuis peu, avec suffisamment d'argent pour s'acheter cette petite maison à la sortie de Bouznika, non loin de l'océan. Il me parle de ses enfants restés en France, de ses ennuis de santé, des différences entre la vie ici et la vie en Europe. Puis il m'interroge à son tour : qu'est-ce que tu fais là ? Tu voyages pour apprendre, mais tu veux apprendre quoi ? Pourquoi tu ne choisis pas une vie normale, avec un mari et des enfants ?... Bonnes questions, cher Mohammed. A toutes, je réponds : je n'en sais rien, mais c'est comme ça.
Malgré ces drôles de questions, j'aime beaucoup ce moment avec lui. A bien y réfléchir, je crois que c'est la seule fois ou presque, que je discute vraiment à batons rompus avec un marocain sans qu'arrive fatalement la demande du numéro de téléphone et les indices d'une vague tentative de rapprochement. Que ca fait du bien !
Tout de même l'heure tourne, il faut me remettre en selle ! Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais où je suis. Merci Mohammed, merci pour ce moment de sincérité et de simplicité !
Suivant ses conseils, je retourne un peu sur mes pas pour récupérer la route principale, et reprends la direction de Mohammedia. En dormant là-bas ce soir, il ne me restera que 16 ou 20 kms à faire demain pour arriver à la ferme. Journée tranquille en perspective. Je pédale lentement, la chaleur me fatigue. Je trouve un café - restaurant à l'entrée de Mohammedia et m'arrête pour commander une boisson fraiche. Je m'asseois en terrasse et remarque le panneau indiquant le camping à l'angle de la rue. Chouette, me voilà arrivée pour ce soir ! Tant mieux, j'étais lasse de rouler. Une fois mon fanta bu, je roule jusqu'à la plage, parcours environ 200 mètres de terrain vague et entre dans le camping qui ne paie pas vraiment de mine. Dans un petit cabanon à l'entrée, un marocain enregistre mon passeport et me laisse libre de choisir mon emplacement. J'ai le choix entre cailloux et... cailloux. Hmmm, la nuit va être agréable, je sens ! Des marocains jouent ax boules devant la réception.
Je cherche l'emplacement dont la terre me semble la plus meuble, mais mes piquets ne rentrent pas. Je vais toquer à la porte de mes voisins français qui voyagent dans un super 4 x 4 très haut sur pattes et super beien aménagé. Ils descendent vers le sud qu'ils connaissent bien. Contrairement à mes idées préconçues, ils trouvent le sud du Maroc bien plus tranquille que le nord. Et bien plus dépaysant, mais ça je veux bien le croire. Je ne sais pas encore si j'aurai l'occasion d'aller jusqu'à Agadir et plus bas. On verra.
En attendant je leur emprunte un marteau, ce qui ne changera pas grand chose à la fixation de ma tente sur ce sol dur comme du béton. Je casse même un piquet ! Mais ca ira pour cette nuit.
Je prends une bonne douche et me rends compte que ma mini serviette de toilette est drôlement efficace ! Je songe cependant à demander à Julie de m'en rapporter une plus grande de France. Julie, qui a décidé de me rejoindre à Marrakech. J'en suis très heureuse, j'aurais trouvé vraiment dommage de découvrir cette ville toute seule.




J'ai discuté longtemps avec les français. La nuit tombe quand je sors de la douche. La soirée ne s'éternisera pas. Un petit dîner, consultation des mails près de la réception puisqu'il n'y a que là qu'on capte, et dodo avec un bouquin.
Le lendemain je me réveille à la fois sereine et excitée. Sereine parce que la journée va être tranquille, et parce que la perspective de me poser deux semaines pour travailler me plaît. Excitée à l'idée de quitter l'itinérance pour apprendre un peu mieux ce qu'est la vie quotidienne des marocains, ainsi que la permaculture - dont je ne sais strictement rien. Sur la route, je me rends compte que ça fait une semaine que je suis arrivée au Maroc. Je me rappelle mon angoisse avant de traverser le détroit de Gibraltar, et j'en ris aujourd'hui. De quoi me rappeler le bon vieux dictons préféré de Séverine : ce n'est pas parce que c'est difficile que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas que c'est difficile. En effet aujourd'hui je ne vois pas où est la difficulté ou le danger à découvrir le pays comme je le fais.
Cependant je n'ai pas encore vécu vraiment le regard des gens tel que je vais le vivre pendant les deux semaines qui vont suivre. Mais là encore, finalement tout ça ne méritait pas ma crise d'angoisse d'avant la traversée.
Fedalate est à environ 17 kilomètres de Mohammedia, en direction de l'est. J'appréhendais un peu de devoir affronter les montagnes en entrant plus à l'intérieur des terres. Mais la route doucement vallonnée file à travers champs tout de suite après le bidonville d'Aït Tik'in, qui cotoie Mohammedia. C'est toujours étrange pour moi de voir ces maisons délabrées, ces pistes en terre, ces vieillards assis ou couchés par terre, ces constructions en tôle piteuses, juste à côté des villes de taille moyenne ou de grandes tailles. Au détour d'une rue on change brutalement d'univers. Les regards changent, je me sens plus observée dans ces rues pauvres que dans la ville indifférente.
Je passe Aït Tik'in et retrouve l'asphalte qui s'enfonce à travers champs. Le paysage change vite, je passe de grandes fermes aux batisses peintes de couleurs chaleureuses. Tous les paysans sont au travail, pas un champs n'est laissé en plan.
Je me demande si "ma ferme" ressemblera à l'une de ces belles propriétés. Je surveille le GPS pour vérifier que je suis toujours dans la bonne direction. Fedalate n'est pas mentionnée sur google map, mais je l'ai trouvée sur ma carte routière. Alors que je ne suis plus qu'à 5 ou 6 kilomètres, un vieux monsieur arrive à ma hauteur en mobylette. Il me demande où je vais. Il a dû mal à comprendre le nom de ma destination. D'ailleurs personne ne comprendra jamais du premier coup lorsque je mentionne Fedalate, je dois mal le prononcer malgré mes efforts. L'arabe est une langue difficile à apprendre ! Elle comporte bien plus de sons que la nôtre, et j'ai du mal à mémoriser et reproduire ces sons. Le vieux bonhomme se propose de me guider. Mais deux ou trois kilomètres plus loin, estimant peut-être qu'il m'a suffisamment ouvert la route, il me fait au revoir de la main et accélère.
Au loin j'aperçois un chateau d'eau et un minaret. La route quitte les champs et les vaches pour traverser le village de Fedalate en ligne droite. De part et d'autre de la route, des cafés, épiceries et stands de légumes s'étalent sur 200 mètres. Puis la campagne reprend ses droits.
C'est ça le village ? C'est tout petit ! Il y a pourtant une Poste, une école et deux banques.

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Dès que je m'arrête, je sens tous les regards se poser sur moi. Ces regards-là, je ne l'ai pas encore vus depuis mon arrivée au Maroc. J'ai l'impression de débarquer au milieu de nulle part. Les trois quarts des passants sont des hommes. Je ne me sens pas super à l'aise, ils ont l'air de se demander ce que je fais ici. Aucun sourire, nulle part. Je pose le vélo devant une épicerie qui fait aussi café, à en juger par les cinq ou six chaises qui sont devant, sur le trottoir. Derrière son comptoir, le jeune vendeur tente de comprendre ce que je lui demande. Je réussis tout de même à obtenir un Fanta que je décide de boire tranquillement sur une des chaises avant d'appeler Aymar pour lui dire que je suis arrivée.
Il fait une chaleur de dingue. Je me sens poisseuse et sale. Je me demande si les villageois s'offusquent de mon pantacourt et de mon tshirt à manches courtes. Mais tant pis, je bois mon Fanta ! J'achète également des cigarettes, consciente qu'au Maroc les femmes ne fument pas. Je me rends compte qu'ici tout est bien moins cher qu'en ville. Je peux acheter un paquet de gâteaux pour 1 dirham, soit 10 centimes d'euros. Bon par contre je ne trouve aucun produit que je connais. Adieu Princes, chocolat, consommables connus. Ici je trouve des erzats bien moins bons. On fera avec. Moi qui ne suis pas fan des patisseries marocaines ultra riches et sucrées, et bien c'est l'occasion de perdre quelques kilos !
Une fois mon Fanta terminé, je retourne devant la Poste et appelle Aymar. La ferme est à 800 mètres, je dois prendre la piste en terre qui part à gauche après la Poste. Sur les 500 premiers mètres je passe devant des fermes collées les unes aux autres. Puis je longe une usine abandonnée, dont ne subsistent plus que les murs de béton, et enfin je trouve un long mur gris de 2,50m de hauteur, qui borde la ferme où je vais vivre. De loin, j'aperçois un homme sur le bord de la route. Mais il ne ressemble pas à la photo d'Aymar que j'ai vue sur le site Workaway.
C'est Bouchain (prononcer Bouchaïne) qui m'accueille devant l'entrée de la ferme. Bouchain est grand, mince, et porte une fine moustache sur un visage toujours calme, sous sa casquette. Il ne maîtrise que quelques mots de français. Ce ne sera pas assez pour avoir de grandes conversations, mais ça nous permettra tout de même de nous comprendre à peu près en toutes circonstances.
Je suis Bouchain à l'intérieur de la propriété. Je reconnais Aymar qui nous attend une vingtaine de mètres plus loin, debout à côté d'un amandier. Sur le coup je me demande pourquoi il a envoyé son employé pour m'ouvrir la porte tandis que lui restait dans l'allée à attendre. Cette première question anodine porte en germe l'impression ambigüe que j'éprouverais vis-à-vis d'Aymar pendant les deux semaines où nous nous cotoierons. J'ai souvent l'a désagréable impression qu'il joue les propriétaires terriens, mais parfois je me résouds à penser qu'en fait il se passionne rééllement pour son projet de développement de la permaculture et qu'il plane dans son monde au-dessus de certaines réalités ou principes de base.
Aymar et Bouchain portent tous les deux un pull par-dessus une chemise. Mais comment font-ils pour ne pas mourir de chaud là-dessous ??

Aymar m'annonce que sa famille (parents, frère, oncle, tante et nièces) viennent de débarquer hier et qu'il est donc très accaparé par eux. Ils osnt en train de préparer le déjeuner (ah bon ? mais il est bientôt 14h30...). D'ailleurs si je veux déjeuner avec eux ? Euh, oui pourquoi pas, merci. Aymar me propose de me montrer où je dors, puis la ferme, ensuite il me laissera m'installer. Pas de souci, on y va.
Sur la gauche de l'entrée, un long bâtiment bas de plafond comporte trois portes de fer rouillé. Une allée étroite y conduit. La première porte ouvre la maison où vit Bouchain. La deuxième donne sur les toilettes à la turc. D'ailleurs on me suggère de garer mon vélo à l'intérieur, dans la première salle qui a dû être un jour une salle de bain vu, vu la présence de deux lavabos et d'un miroir. Moi je note surtout la saleté du sol, les toiles d'araignées qui pendent partout.J'aperçois par une porte ouverte les chiottes à la turc. Même de loin, elles ne me donnent pas envie. Il faut vraiment que je laisse mon beau vélo là-dedans ?...
La troisième porte ouvre le logement où je vais pouvoir m'installer.
Deux petites fenêtres, dont une dotée d'une moustiquaire, sont censées apporter un peu de lumière à l'intérieur. En l'occurrence pour l'instant elles sont entrebaillées donc on n'y voit pas bien clair mais suffisamment pour que d'un coup d'oeil la poussière et la saleté me saute aux yeux. Sur la droite, quatre lits sont alignés contre le mur d'en face. Enfin quatre gros matelas très épais, posés à même le sol sur des tapis qui n'ont visiblement jamais été secoués. Des papiers, bouchons de bouteille, trucs noirs non identifiés, chaussettes sales, traînent sur les mêmes tapis. On a à peine la place de passer le long des lits, la pièce est toute petite. Il faudra pourtant que j'enjambe tout ça le soir pour fermer la fenêtre et le matin pour l'ouvrir. Des couvertures miteuses et des sacs de couchage de l'avant guerre sont posés en boule sur les lits. Certains lits disposent même, grand luxe, de coussins dont on n'a jamais retiré les housses pour les laver, j'imagine. A droite de l'entrée, un petit meuble sur lequel repose un ordinateur dont Aymar me prévient tout de suite qu'il n'a pas la connexion internet. Ah, c'est ballot, il a pourtant mis sur son profil que les workawayers pouvaient avoir un accès internet. Bon, je sens que le blog va prendre un retard considérable... L'ordi et le meuble sont couverts d'une épaisse couche de poussière, tout comme les deux autres tables de la pièce. Une grande table ronde noire, qui résistera à toutes mes tentatives de nettoyage pour lui donner un aspect un peu plus propre, avance tellement dans la pièce qu'on a du mal à accéder au coin cuisine. Des oeufs sont posés sur la table., ainsi qu'un bout de concombre sec et un sachet d'olives bien entamé. Je me demande depuis combien de temps ces aliments trainent sur la table dans cette chaleur... L'évier est rempli de vaisselle salle. Trois sacs poubelle superposés ont été entassés dans un sceau en plastique sous l'évier qui abrite - je m'en rendrai compte plus tard - des cafards.
Sur le moment, je garde mon sourire et remercie de l'accueil, mais intérieurement je me demande déjà comment je vais faire pour rester ici deux semaines.
Je remets mon installation à plus tard et suis Aymar qui me propose de faire le tour de la propriété. En sortant du logement que très vite j'appellerai mon "taudis", nous croisons un jeune homme européen aux cheveux attachés en queue de cheval. Josh est anglais, il a une toute petit vingtaine d'année et il est arrivé il y a deux jours via workaway. Ah cool, je ne serai pas seule ! Par contre je comprends aussi qu'on est censés partager le "taudis". Bon, et bien après tout faisons avec ! Sauf que Josh est en fait en train de développer une grosse allergie. Il a très mal dormi les deux premières nuits et ne respire pas dans le taudis. Peut-être cela vient-il des couvertures en laine ? Moi j'ai bien ma petite idée sur la question mais je m'abstiens de l'évoquer...
Josh a été tellement malade hier qu'il n'a pas pu travailler l'après-midi. Il va tenter de dormir sous sa tente ce soir, devant la maison. J'envisage avec plaisir d'être du coup seule à dormir dans le taudis. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai besoin de me réfugier dans la pensée rassurante d'avoir un coin à moi. Ceci dit c'est chouette d'avoir un compagnon de labeur. Et il a l'air très gentil.
Aymar m'emmène dans la basse-cour. Des dindes et des canards se baladent tranquillement. Des bâtiments encadrent leur terrain de jeu. Avant il y avait des vaches, mais plus maintenant. Plusieurs enclos sont vides. Des poules sont sortiés de leur enclos, il faudra boucher le trou par lequel elles sont passées. Aymar me fait entrer dans le poulailler, et le voilà parti à m'expliquer qu'il souhaite voir proliférer les poules. Il en a une quinzaine aujourd'hui. Quatre sont en train de couver. Un petit poussin se balade. Tout en écoutant Aymar, j'observe les poules et les trouve bien grosses. Il va falloir que je les examine tous les jours, que je compte les oeufs que chacune couve, sachant qu'une poule peut couver jusqu'à 11 oeufs, et que je note sur chaque oeuf la date de ponte. Oui oui oui... mais ces grosses poules au gros bec vont-elles se laisser soulever pour que j'observe ce qu'il y a en-dessous ? Et comment puis-je savoir quels sont les nouveaux oeufs, puisqu'aucun n'est daté pour l'instant ? Tout ca n'est pas très clair pour moi.
Après les poules, on va voir les trois chevaux. L'unique vache et son veau sont trop loin dans la vaste propriété en friches pour que je les aperçoive. Alors que nous allons vers la serre, le père, l'oncle et les neveux d'Aymar arrivent. Après les salutations d'usage, on écoute tous Aymar nous expliquer le système d'aquaponing qu'il a mis en place. Je ne retiens pas le nom de la moitié des pousses de légumes et de fruits qu'Aymar fait venir des quatre coins de la planète en les commandant sur internet. Si je comprends bien, cette serre est un laboratoire pour faire germer des plantes et légumes de toutes sortes, afin que plus tard les gens puissent vernir faire dans cette ferme leur marché d'exotisme.
On continue la visite par le réservoir d'eau, les potagers, et je découvre plein de fourmilliers un peu partout. Les bestioles sont rapides comme l'éclair, à peine met-on le pied dessus qu'elles vous grimpent sur les jambes.
Le père d'Aymar se montre charmant avec moi et m'explique que l'économie du Maroc dépend de la pluie. Lorsqu'il pleut, les gens dépensent car ils savent que l'année sera bonne, les cultures vont proliférer en abondance. Lorsqu'il ne pleut pas tout le pays fonctionne au ralenti car les gens ne dépensent rien, étant donné que les affaires vont être moins bonnes.
La visite prend fin, Aymar retourne vers la maison familiale et moi je prends le chemin de mon taudis en me demandant où je vais poser mes affaires pour les protéger des araignées et de la poussière.
Je me sens plombée par la saleté dans laquelle je vais devoir vivre. Bon mais après tout j'ai voulu vivre chez les gens, alors si c'est comme ça que vivent les gens et bien... il va falloir m'y faire. J'ouvre grand les deux fenêtres et pose mes sacoches par terre; Je cherche mon propre produit vaisselle car je n'ai pas la moindre envie de toucher au pot de savon liquide ni à l'éponge dégueulasse qui stagnent sur le bord de l'évier. Je me lance dans un grand ménage : vaisselle, poussière, déplacement des tables pour pouvoir circuler plus à mon aise. Dans tout ça j'oublie que cette pièce n'est pas que ma maison mais également celle de Josh. Certes il va dormir ailleurs, mais c'est ici qu'il va tout de même manger et s'asseoir. Je comprendrai aussi que c'est tout simplement le lieu de vie des employés de la ferme. Même Bouchain vient manger ici pour le déjeuner. Enfin les trois quarts du temps.
Alors que j'ai presque fini mon ménage, j'entends des pas dehors et une voix de femme appelle en arabe. Je sors. Fatna apporte un énorme plat, composé de maïs, pois chiches, pommes de terre, et une viande non identifée, le tout trempant dans une sauce bien épaisse et un peu relevée. Il y en a pour 4 dans ce plat. Je ne comprends pas bien au début, mais quand Bouchain entre deux minutes plus tard je me rassure, le plat n'est donc pas que pour moi !
Josh entre également à la suite de Bouchain. Les garçons remarquent tout de suite que j'ai bougé et rangé des choses. Je me sens confuse d'avoir fait comme si j'étais chez moi. Josh s'excuse pour la vaisselle qu'il a laissée. En fait, ce matin sont partis 4 autres workawayers, je comprends qu'il n'est donc pas seul responsable de ce bordel. Nous nous asseyons à table tous les trois et déjeunons en faisant connaissance.
Josh est vraiment malade. Il ne reste qu'une semaine. Ensuite il rentrera chez lui. Bouchain n'est pas très bavard. Je remaque qu'il n'utilise pas la fourchette que j'ai sortie. Il attrape la nourriture en se servant d'un morceau de pain pour la pousser par petits bouts vers le bord, bien tasser sur le pain avec le pouce, l'index et le majeur, avant de porter la bouchées à ses lèvres. Il m'apprendra bientôt à manger comme ça.
Une fois le déjeuner terminé, je suis Bouchain dans le potager pour le regarder travailler et continuer à faire connaissance. J'apprends qu'il a trois enfants, dont un tout petit de 6 mois. Je ne verrai que Malak d'ailleurs, les deux autres enfants sont chez leur grand-mère paternelle à Casablanca. Bouchain n'a pas été à l'école, et a vite appris le métier d'agriculteur. Il parle peu et lentement, mais toujours avec beaucoup de douceur. Le temps passe alors qu'il me montre les différents légumes qui poussent de façon assez anarchique un peu partout. Sur une même allée, on trouve des courgettes, des salades, des aubergines, des carottes. Et c'est comme ça un peu partout, sauf pour les tomates. Je ne comprends pas bien la logique de tout ça.
Je retourne vers la maison. Josh me dit qu'il compte aller au village pour se connecter à internet dans le seul café qui propose une connexion wifi. Il m'invite à venir avec lui si ça me tente. Ok, je décide de me changer pour mettre mon sarouel et un tshirt propre. En temps normal j'aurais pris une douche, mais quand je découvre que le tuyau de douche est suspendu juste au-dessus des chiottes à la turc et que l'eau est froide, je décide de remettre cette expérience pittoresque à plus tard... J'angoisse d'avance à l'idée d'être constipée avec ces toilettes ! Comment avoir envie d'aller là-dedans ? Pourtant il faudra bien. Gamine, pendant un camp de vacances en été, les toilettes se résumaient à un trou creusé dans le sol. Les odeurs me rebutaient tellement que j'avais fini par être constipée, à tel point qu'il avait fallu me soigner à coup de pruneaux et de massages de la voute plantaire pour que j'arrive enfin à me libérer. Et quelle douleur, mon dieu !! J'ai eu si mal que je crois savoir désormais à quoi peuvent ressembler les douleurs de l'accouchement ! Ce souvenir m'a marquée à vie. Même si les toilettes me rebutent, il faudra bien que je m'y fasse car je ne revivrai pas une telle constipation deux fois !
Nous partons au village avec Josh. Il nous faut 20 minutes de marche pour y arriver. Josh salue les gens au passage, on dirait qu'il connait déjà tout le monde et je me réjouis d'avance de me sentir bientôt aussi à l'aise.


Apres
Avant
9 juin 2015




Cette dernière semaine je douille avec ma dent. Mardi dernier (le 2 juin) j'ai dû me faire arracher la dent qui portait la couronne qui, depuis l'Espagne, n'était plus fixée. La dentiste française que j'ai consultée à Marrakech a confirmé le diagnostic. Je n'ai pas du tout souffert pendant l'heure qu'a duré l'extraction des deux racines. Par contre depuis j'ai super mal et je me shoote aux médocs. Il reste deux caries à soigner sur les deux dents qui côtoyaient feu celle qui a été arrachée. Ce sont probablement ces caries qui me font mal. Ce matin la douleur m'a réveillée à 5h. Moi qui ne prends jamais de médicaments, là je ne peux pas m'en passer, sinon c'est à m'en taper la tête contre les murs. Je viens d'appeler, j'ai rendez-vous à 14h tout à l'heure et j'espère vraiment que ça va me soulager car ma patience arrive à bout. Siham va m'emmener en moto. Elle est aux petits soins pour moi et j'aime monter sur des motos pour traverser la Medina !
Dès que les médicaments agissent, je retrouve mon peps. Mais la douleur revient régulièrement, du coup j'ai du mal à parler, à sourire, et je cherche à m'occuper dans mon coin pour penser à autre chose.
Je commence à me renseigner et à regarder les prix des billets d'avion depuis Marrakech pour aller à Montréal ou New York. Je commence à me projeter dans la suite du voyage, même si je suis toujours aussi bien ici.
Nous marchons 20 minutes pour arriver au village. Aux abords de celui-ci, une dizaine de petits garçons jouent au football avec un ballon dégonflé qui fait "ploc" à chaque fois qu'on shoote dedans. Je verrai ces garçons jouer au foot tous les jours à cette heure-ci. Et tous les jours j'aurais droit aux "bonjour madame" criés bien fort et - évidemment - plusieurs fois. Ca les fait beaucoup rire !
Ensuite commencent les échoppes diverses : les métallurgistes frappent les tôles assis par terre. De longs morceaux de ferraille sont stockés par terre, à côté d'un bus désossé qui doit traîner ici depuis un siècle. Une petite épicerie, des bouteilles de gaz, un âne attelé à une cariole, des voitures défoncées sur le bord de la piste, des poubelles explorées par les chats du village, des enfants qui rentrent de l'école, une maison délabrée sur laquelle figure cette inscription peinte en noir : clinique vétérinaire... tel est le décor quand on arrive au village avant de déboucher sur la nationale qui le traverse de part en part.
Nous allons sur la gauche nous installer dans un café où Josh connaît le mot de passe pour se connecter en wifi. Nous passons d'abord un long moment à discuter autour d'un verre de thé, tout en continuant à nous raconter nos vies.
Ahhhh.... enfin plus d'une heure de répit entre deux crises de douleur ! La dentiste m'a soigné une des deux caries, et depuis je n'ai plus mal. Que ça fait du bien ! Siham a eu raison d'insister pour que j'appelle la dentiste aujourd'hui. Elle m'a emmenée en moto, a tenu a me tenir compagnie dans le cabinet de la dentiste, puis on s'est offert un après-midi de détente ! Jus de fruit frais, balade dans un magasin d'un de ses amis où j'ai trouvé des cadeaux à envoyer, ensuite déjeuner trop copieux mais trop bon près de la place Jemaa El Fna et du café Le Bakchich, et stop dans une boutique de cosmétique pour acheter une couleur pour nos cheveux - elle, blond pour la crête qu'elle se laisse pousser sur le dessus, chatain clair pour moi qui cherche plutôt un truc naturel pour masquer les cheveux blancs ! En rentrant, Samira s'est proposée pour nous appliquer les couleurs. On est donc parties toutes les trois dans un petit délire coloré, Samira décidant d'essayer sur ses cheveux le reste de ma couleur. Evidemment c'est au moment où nous étions toutes les trois les cheveux plaqués sur la tête et en tshirt bien pourris pour ne pas abîmer nos beaux vêtements que des guests sont arrivés. Ils avaient réservé pour demain mais, étant dans le quartier, ils sont passés voir à quoi ressemblait la maison. On a joyeusement fait visiter et les guests sont repartis absolument enchantés et pressés de revenir demain !...
Bref, la journée se termine bien mieux qu'elle n'avait commencé. Et ce soir on sort avec Siham, donc les bons moments ne sont pas finis pour aujourd'hui. Je me suis même vue me reposer la question d'un séjour prolongé ici... mais non. Il faudra bien qu'il y ait une fin, de toute façon. Alors profitons jusqu'au bout et ensuite, place au reste du monde ! Mais que c'est bon de se sentir en famille ici...
Je ne sais plus quelles études fait Josh. Je me souviens seulement qu'à un moment de la soirée que nous passions je l'ai vu baisser la tête sur son téléphone puis lever le point au ciel en contenant un cri de joie. Je lui demande ce qu'il se passe. Il a du mal à se remettre de ses émotions, il balbutie d'abord "excuse-me" puis se mord les doigts d'excitation et serre le poing contre son coeur avec un immense sourire aux lèvres. Une fois qu'il a retrouvé ses moyens, il se redresse et m'explique la bonne nouvelle qui vient de tomber : son groupe de musique est retenu pour participer à un festival en Croatie au mois de juin. C'est leur premier contrat. On fête ça avec un thé à la menthe...
Au bout d'un moment notre conversation se tarit, et tandis que la nuit tombe nous nous connectons chacun à nos mails et restons jusqu'à la fermeture du bar (22h) dans nos correspondances. Je suis bien contente d'être avec Josh pour rentrer sur le chemin sans lumière qui conduit à la ferme. Quand nous rentrons, Josh propose d'aller voir Aymar pour savoir s'il y a quelque chose à manger. Moi je n'ose pas. Dans ma tête de française qui mange à heure fixe, je trouve qu'il est un peu tard pour aller déranger Aymar pour ça, surtout qu'il passe la soirée en famille. Et puis s'il ne nous a rien laissé c'est peut-etre parce que nous devons nous procurer nous-même à manger ? Nous n'avons pas évoqué la question avec Aymar quand il m'a fait faire le tour de la maison. Josh commence à réfléchir à ce qu'il peut cuisiner avec les oeufs qui sont sur la table et que je regarde avec méfiance en me demandant s'ils sont encore mangeables.
Des pas raisonnent dehors. Aymar vient nous voir, un bonnet de laine enfoncé sur la tête. Il s'inquiétait. Le voilà parti à nous expliquer que c'est dangereux de traîner au village après la tombée de la nuit. Il n'a pas l'air de faire confiance aux villageois - Josh me dira que d'après lui Aymar souhaite surtout ne pas avoir de problème et nous savoir à la maison le soir plutôt qu'au village. Bon, en tout cas moi je retiens que d'après Aymar, au Maroc une femme qui est seule dehors la nuit est obligatoirement une prostituée. Me voilà prévenue.
Aymar nous met en garde à propos de la mentalité dans les campagnes. Les gens ne comprennent pas forcément ce que font ces étrangers qui viennent une semaine, deux semaines ou deux mois, qui ne respectent pas tous les règles vestimentaires en vigueur, qui ne parlent pas marocain, et qui vont travailler dans une ferme où les méthodes de culture ne sont pas traditionnelles et suscitent la curiosité.
On va poursuivre la discussion dans la cuisine de la maison où habite Aymar, pour la plus grande joie de Josh qui meurt de faim. Là nous retrouvons la famille installée dans l'immense salon. La mère d'Aymar s'empresse de venir dans la cuisine nous sortir du frigo du amlou - le nutella marocain fait d'huile d'argan et d'amandes -, des msemen - crêpes épaisses - du pain, du lait frais, des fèves cuites dans une sauce un peu relevées, et le même plat que celui que j'ai goûté à midi. Repas gargantuesque, donc. Je commence à redouter d'être gavée comme une oie ici ! Mais en tout cas je ne vais pas mourir de faim.
Nous restons Aymar, Josh et moi à discuter longtemps dans la cuisine. Aymar fume des joints. Si le salon m'a semblé grand, clean et rangé, la cuisine est un joyeux bazard. Sur le bord de la fenêtre, deux récipients servent de compost mais aussi de maison aux fourmis. En fait, celles-ci se baladent allègrement du compost à l'évier où sont entassés les restes de nourriture et la vaisselle sale. Fatna nettoiera tout demain matin, on ne fait jamais la vaisselle ici. Le plan de travail est d'une propreté douteuse, de même que les assiettes qui sont tirées du bas d'un placard où dorment des araignées. Je suis étonnée que ça ne dérange pas Aymar. Mais j'apprendrai que rien ne le dérange de ce côté-là. Après tout c'est la nature - dit-il.
Je laisse les garçons discuter. Si Josh me paraît un petit gars bien sympa, j'ai du mal à cerner Aymar, qui a l'air un peu stone ou dans son monde. J'attends que le couvre feu soit déclaré pour aller dormir, même si je ne suis pas pressée de retrouver mon taudis.
Enfin on se lève et Josh et moi allons nous coucher. Lui sous la tente. Moi j'ouvre du bout des doigts la porte rouillée en espérant ne pas toucher une araignée qui passerait par là. J'allume la lumière. Grosse erreur. Je n'ai pas fermé les fenêtres, et en quelques secondes les moustiques m'ont repérée. Je reporte la douche à demain matin, pas question d'aller dans le noir dans ces chiottes pour me mettre toute nue et me laver à l'eau froide. Je compte mentalement les jours qui me séparent des retrouvailles avec Julie à Marrakech. Je me surprends à me demander encore si je vais tenir ici 15 jours dans ces conditions. Serais-je devenue bourgeoise ? Pourquoi est-ce si rebutant pour moi de me laver à l'eau froide dans un univers crasseux ? Est-ce si grave ? Est-ce si important de vivre dans un environnement ultra-clean ? Non, pas ultra-clean, tout de même, mais je sens que j'aurais eu besoin d'un minimum... Quoi qu'il en soit, je suis ici pour l'instant. J'inspecte mon duvet pour vérifier qu'aucun insect ne s'est glissé dedans pendant que j'avais le dos tourné. Puis je me mets en pyj et me glisse dans le duvet en me contorsionnant pour ne surtout pas toucher le matelas.
Je répèterai la même gymnastique tous les soirs.
Je tente de lire avec ma liseuse, mais les bourdonnements des moustiques me font vite jeter les armes ! J'éteins tous et m'emmitoufle complètement dans mon duvet. J'ai beaucoup trop chaud mais c'est le prix à payer pour ne pas être dévorée ! Malgré tout, j'arrive à m'endormir rapidement.
J'ai mis mon réveil à 7h30. J'aime prendre mon temps le matin, et je suis censée commencer à bosser avec Bouchain à 9h. Aymar ne se lève jamais avant midi. C'est Bouchain qui nous montrera le travail. Ca me rassure. Je me sens plus en confiance et plus à l'aise avec le placide et doux Bouchain qu'avec l'étrange Aymar.
Hier soir Aymar nous a parlé de Bouchain. Il nous a expliqué les relations difficiles qu'ils entretiennent tous les deux. Bouchain a du mal à se plier aux recommandations d'Aymar pour développer un autre mode d'agriculture. Il ne comprend pas la démarche, ne voit pas l'intérêt, et ne fait, d'après Aymar, que ce qu'il veut.
Une fois debout, je prends mon shampooing, ma serviette de 50 cm carrés, et mes vêtements pour travailler, et je sors pour aller me doucher. Souvenir pénible. Je m'enferme dans les toilettes; me rends compte qu'il n'y a rien pour poser ses affaires, ressors et me déshabille dehors pour ne garder que ma serviette et mon shampooing que je suspens à l'attache du pommeau de douche. Pommeau de douche qui a donc une double fonction : douche et chasse-d'eau. Pratique, quand on y pense. Mais là ce n'est pas à ça que j'ai envie de penser. Autant dire que je prends une douche ultra rapide en grelottant et en évitant de toucher quoi que ce soit.
Cette épreuve terminée, je ressors et vais me faire chauffer un thé. Puis j'attends tranquillement. 9h... personne. 9h20, toujours personne. Je vais faire un tour dans le potager, puis reviens attendre. Josh arrive à 9h45 pour prendre un thé. A 10h on aperçoit Bouchain dehors. On le rejoint, prêts à bosser.
Je n'ai pas bien compris le truc des poules et le m'attends à ce que Bouchain me l'explique à nouveau mais non. On commence par s'asseoir tandis qu'il finit son thé à la menthe puis sort du tabac à chiquer. Josh est toujours aussi malade. Sa nuit sous la tente n'a pas amélioré son état. Il tousse et peine à respirer. Des boutons sont apparus sur son visage.
Avec peu de mots, Bouchain nous explique qu'on va travailler sur les plants de tomates aujourd'hui. On va chercher des bambous longs et fins pour les apporter près des plantations. Puis des rondins de bois fins. Josh plante les rondins à égale distance sur une ligne droite, moi j'aide Bouchain à fixer les bambous horizontalement aux rondins. J'apprends à faire le noeud pour fixer solidement bambous et rondins.
Ce travail nous prend toute la matinée. On parle peu, mais on avance paisiblement, pas trop vite tout de même et avec une pause thé. En fin de matinée, le père d'Aymar vient discuter avec moi et Josh, qui crache ses poumons le pauvre. Les femmes de la famille viennent aussi chercher la salade à manger pour le déjeuner, et des escargots - ça ce n'est pas difficile, il y en a partout dans les allées et sur un certain nombre de plantes !
Aymar sort la voiture et nous annonce qu'il va chercher son frère à Mohammedia.
A midi nous arrêtons, et Josh nous annonce qu'il va partir car son état empire. Il est super désolé et tout déçu, mais franchement il n'a pas l'air bien du tout. Je suis déçue aussi de me retrouver seule dans cette aventure. Mais je l'encourage à partir évidemment. Pendant qu'il range sa tente, je vais dormir sur mon duvet. La chaleur m'a assommée et je n'ai pas faim du tout. Bouchain va déjeuner chez lui ce midi. Parfois il viendra manger avec moi, ou moi et Aymar, parfois il déjeuner chez lui.
Josh vient me dire au revoir et s'en va prendre un taxi sur la nationale. A 15h je retourne dans le potager pour reprendre mon boulot avec Bouchain. Entre temps le frère d'Aymar est arrivé. A 17h, alors que je plante les rondins de bois dans la terre, Eric, le frère d'Aymar, vient m'inviter à déjeuner avec la famille. Je me décompose. Déjeuner ? A 17h ? J'hésite. Ca se fait, de refuser ? Devant mon hésitation Eric me dit que j'ai le droit de ne pas avoir envie. Je réponds alors : ben c'est très gentil mais à 17h je n'ai pas faim donc si ça ne vous vexe pas je préfère continuer à travailler. Ca ne vexe pas. Ouf !
Je ne reverrai pas la famille de la journée. A 18h Bouchain me dit d'arrêter de bosser. Je file prendre une douche ultra-rapide (je commence à me sentir crade, tout de même, ça ne pourra pas continuer comme ça !), je me change et file hors de la propriété pour aller au village. J'ai besoin de me sentir en contact avec des amis, j'ai besoin de dire à quelqu'un mon angoisse d'être ici dans la crasse.
Je suis quand meme un peu surprise par ma réaction. Suis-je a ce point snob maintenant ? Ou bien est-ce que j'ai basculé dans la classe d'age ou, d'apres l'adage populaire, on commence a avoir besoin d'un peu plus de confort ???
Je ne sais pas, mais pour l'instant je constate que cet inconfort - la saleté en tout cas - me pese. Je suis toujours dans l'incertitude sur ma prochaine expérience de travail au Maroc. J'ai envoyé deux demandes. Une pour enseigner le francais aux enfants d'un bidonville pres de Rabat. Logement chez l'habitant. L'autre job se trouve a Marrakech. Il s'agit d'aider une association qui vient de mettre en place un site original dans la Medina. A la fois maison d'hotes, espace culturel, lieu d'expression artistique, point de rencontre de voyageurs de tous horizons, et siege d'un projet social également avec des activités pour les enfants et les femmes du quartier. Les deux boulots m'intéressent, et pour l'instant je n'ai eu qu'une réponse positive de Rabat, ce dont je suis déja contente. Mais j'avoue que si j'avais le choix, je choisirais probablement Marrakech car je n'aime pas retourner sur mes pas. Et maintenant, dans le malaise que je ressens a Fedalate, je me demande serieusement si je me sens capable de vivre dans un bidonville en quittant la ferme.
Je relance donc ma demande pour Marrakech, et croise les doigts, meme si a ce moment-la j'ai un peu de mal a comprendre ce qu'on peut attendre de moi si je vais bosser la-bas. D'apres l'annonce il s'agit d'áider a la construction et l'amenagement du lieu.
Je surveille la tombée de la nuit. Josh m'a parlé d'un hammam, je vais le repérer et me sens soulagée a l'idée de pouvoir y aller quand je voudrais pour me décrasser avec de l'eau chaude !! En retournant vers la piste qui conduit a la ferme, je m'arrete devant les stands maraichers et repere des feves. Moi qui adore ca, je ne résiste pas au plaisir de m'en acheter ! Le vendeur, qui ne parle pas francais, me tend un panier en plastic. Je le remplis de quelques feves, de deux tomates et un concombre. Quand le vendeur m'annonce le prix je crois mal comprendre : 1 dirham ! Je peux manger pour 10 centimes d'euros... Qu'est-je que je pourrqis acheter en France pour ce prix ? Un bonbon...
Je rentre avec mes courses, la campagne est jolie sous les rayons du soleil couchant. Le groupe de garcons qui jouent au football ne me rate pas au passage : bonjour madame ! Et ils se marrent...
Je croise des femmes qui rentrent leurs troupeaux de vaches, de chevres et de moutons. Les animaux ont les pieds entravés par des cordes, il sont obligés d'avancer a petits pas. Je n'aime pas ca. Une vieille femme édentée me complimente sur mon sarrouel (elle ne parle pas francais mais désigne mon pantalon et sourit en me disant queque chose que je ne comprends pas).
Il fait presque nuit lorsque j'ouvre le portail. Tout est calme. Bouchain est chez lui. Je décide de laisser la famille d'Aymar tranquille et rentre dans mon taudis pour manger mes feves et me faire une salade. J'ai du pain, et je vérifie que le beurre qui dort dans le placard n'est ni moisi ni liquide, puisqu'il n'est pas au frigo. J'utilise le sel de mes réserves de condiments. Mon petit repas me va bien, et j'apprécie d'etre un peu tranquille et d'avoir un peu d'intimité. Je partage tout de meme l'espace avec des moustiques voraces. J'oublie que j'ai du produit répulsif dans mes sacoches, et passe une partie de la soirée a me battre avec ces sales betes ! Comme hier soir, je m'endors tres tard apres avoir beaucoup bataillé sous mon duvet qui me donne beaucoup trop chaud. Comme les enfants, je compte les nuits qu'il me reste a passer ici avant de retrouver la civilisation et un semblant de propreté...





La journée suivante est encore une fois consacrée aux tomates. Nous continuons a dresser les tuteurs des plants dans les deux potagers, le grand pres de la maison, et le petit derriere. Un peu étonnée que personne ne me demqnde rien a propos des poules, j'interroge Bouchain sur la maniere dont je suis censée procéder. Il me répond que c'est Aymar qui s'occupe des poules. Bon d'accord. Il faudra donc que je revienne vers Aymar a ce propos car il n'a pas l'air de s'en inquiéter.
Nous travaillons en silence le plus souvent. Parfois je pose des questions et Bouchain me répond avec plaisir. Il prendra meme le plis d'interrompre le silence parfois pour me montrer des choses. De temps en temps il chantonne. Pour moi la musique arabe est un mystere. Je ne repere aucune mélodie, je me demande meme comment on fait pour retenir l'air et les paroles tant c'est une suite de sons et de rythmes qui n'ont a mes oreilles aucune logique prévisible. Mais j'aime entendre Bouchain chanter, le sentir détendu. Avec le temps j'apprendrai a repérer ses humeurs derriere son éternel flegme.
Il fait tres chaud. Aymar m'a preté un chapeau de paille pour ne pas prendre d'insolation. Que c'est bon de pouvoir etre en short et débardeur dans la ferme ! Chaque fois que je sortirai je remettrai mon sarrouel et un tshirt, mais ici je me sens a mon aise. Aymar m'a 'dit que Bouchain s'était habitué a voir des occidentales ne pas s'habiller comme les marocaines. Il m'a également dit que Bouchain avait deux femmes, qui ne sortaient jamais de la maison et qu'il n'avait lui-meme jamais vues. Pourtant je ne mettrai pas une semaine a rencontrer la femme de Bouchain et a etre invitée a manger dans sa maison. Je n'y ai vu qu'une seule femme. Aussi grosse que lui est tout fin. Je doute aujourd'hui que Bouchain ait une seconde épouse. Si c'est le cas, elle ne vit pas a la ferme.
La jeune chienne d'Aymar ou les deux chats viennent de temps en temps voir ce que nous faisons. Pour le déjeuner je finirai mes tomates et mon concombre toute seule, toujours contente d'avoir mes petits moments a moi.
Bouchain revient toujours de déjeuner avec son verre de thé a la menthe. Il s'installe a moitié allongé dans l'herbe a l'ombre d'un amandier. C'est leq moment ou il me pose plein de questions. Ou vit ma famille ? Est-ce que mes parents sont en vie ? Est-ce que je suis venue de France en vélo ? Est-ce que j'ai des enfants ?
Un jour nous serons assis comme ca lorsque nous entendrons l'appel a la priere de 17h. Il me demande alors si en France le muezzin lance aussi l'appel a la priere. Je lui explique que non. Je lui dis aussi que le port du voile est interdit dans les écoles, et le port de la burka interdit. Il trouve ca bien. Ah, il n'est donc pas aussi traditionnaliste que me l'a dit Aymar...
A la fin de la journée, je me sens bien crade. Je parle du hammam a Bouchain. Je compte y aller demain apres le boulot. Me laver entierement et particulierement mettre ma tete sous l'eau chaude, j'en reve ! Pour l'heure, je continue a faire des toilettes de chat a l'eau froide ! Je me change et file au village, comme je le ferai tous les soirs sauf une exception, un soir ou nous aurons la visite d'un ami de Bouchain que je prends sur le moment pour la fouine du village. Aymar m'a expliqué que chaque village et chaque quartier dans les villes comporte un fonctionnaire payé par l'état et dont le boulot est d'etre au courant de tout. Quand je rencontrerai cet homme, Ali, je trouverai tout de suite qu'avec sa tete de fouine il avait le profil pour le job. Je me trouverai meme confortée dans mes soupcons lorsqu'il se présentera a la ferme le soir du jour ou je l'ai rencontré alors que je rentrais du souk avec Bouchain. Ce soir-la, apres m'avoir posé quelques questions sur mon boulot a la ferme, Ali est resté boire un verre avec nous deux puis nous avons fait ensemble le tour de la propriété jusqu'a la nuit tombée.
Un autre soir, alors que je rentrai du café, Ali m'a appelée depuis la terrasse en construction de sa nouvelle maison, et il m'a invitée a partager un thé avec deux de ses amis. Finalement je ne suis plus si sure aujourd'hui qu'il a le role que je lui pretais au début de mon séjour a la ferme...
Je sors de la propriété, et alors que je tourne a gauche en direction du village, j'entends ""youyou "" Je me retourne. Une femme me fait signe derriere le muret du petit champs d'en face. Elle surveille ses quatre vaches et ses trois chevres. Je lui fais coucou de la main, contente, meme si on ne peut pas échanger de mot car on ne se comprend pas. Tous les soirs quand elle me verra sortir elle me fera coucou.
Cet échange fait partie des tres rares que j''arrive a avoir la premiere semaine. Sur la route, les enfants me regardent et me saluent, par contre la plupart des femmes évitent mon regard et je trouve toujours une certaine froideur dans le regard des hommes. Je ne me sens pas tres a l'aise, ce n'est pas tres plaisant. Machinalement je regarde mes pieds ou les paysages, feignant d'ignorer les gens.
A vrai dire, ce sentiment de malaise a grandi au long de cette premiere semaine. Je me rendais compte que je regardais mes pieds et je pestais intérieurement : mais qu'est-ce que je fais ? Je ne suis pas venue pour regarder mes pieds ! Alors je relevais la tete et les sourires des enfants mettaient un peu de baume mais ca n'allait guere plus loin et devant les adultes je reprenais ma contenance de ":votre indifférence et / ou votre hostilité ne m'atteignent pas"". Pourtant au fond de moi je ne comprenais pas et j'élaborais mille théories. Etait-ce le fait que je sois une femme seule ? Non voilée ? Etait-ce le fait que j'étais étrangere au village ? Etait-ce que les villageois voyaient d'un mauvais oeil que des étrangers viennent bosser gratuitement la ou ils pourraient etre employés contre rémunération ? Etait-ce une méfiance envers Aymar qui rejaillissait sur moi ? Etait-ce ma coupe courte et mon look masculin, loin des normes de la féminité dans ces pays ?
Par-dessus tout j'avais du mal a croire qu'une seule de ces raisons tienne face a l'évidence que je croyais affichée sur mon front, a savoir : je suis une fille super sympa, ca ne se voit donc pas ?? Comment pouvez-vous ne pas briser votre froideur en ma présence ?
C'est pas drole de se sentir rejetée quand on se croit super sympa.
A la réflexion aujourd'hui, je me rends compte que je n'étais alors pas encore sortie de mes idées recues sur le Maroc, et que j'étais encore tendue, méfiante. Ai-je donc recu ce que j'envoyais moi-meme comme signal a mon entourage ? Peut-etre.... Je constate en tout cas que depuis que je suis a Marrakech et que je m'y sens extremement heureuse et détendue, je n'ai plus jamais ressenti ce malaise. Au contraire je me sens comme un poisson dans l'eau. Mais bon, Marrakech n'a rien a voir avec les villages que j'ai traversés lors de ma premiere semaine au Maroc...

J'achete a nouveau des feves. J'en ferai une cure pendant deux semaines ! C'est tellement bon et pas cher ici ! Je rentre et m'apprete a diner seule, quand Aymar vient me chercher pour m'inviter a diner avec ses parents et son frere. Je ne suis pas ravie car je me sens mal a l'aise, mais évidemment je dis oui merci c'est tres gentil... En meme temps dans le systeme workaway l'hote est censé fournir la nourriture et jusque-la je n'ai pas le sentiment qu'Aymar se soucie de grand chose. Du moins est-ce ce que je me dis a ce moment, et c'est parfaitement injuste envers lui puisqu'il m'a dit au début que pour manger il suffisait de venir voir dans sa cuisine ce qu'il y avait dans le frigo et les placards. Oui mais voila, moi je ne me sens pas a mon aise si je dois entrer dans la cuisine de quelqu'un et ouvrir ses placards comme si j';etais chez moi. De toute facon d'une maniere générale ce gars ne me met pas a l'aise ! Donc je fuis et préfere manger dans mon coin.
Ce soir-la c'est raté, je me change donc et rejoins la famille.
Et contre toute attente, je vais passer une excellente soirée ! Quand j'arrive, le diner n'est bien sur pas pret. J'apprendrai ave le temps qu'au Maroc on ne mange pas a heure fixe mais quand le diner est pret. Chez moi en France je ne suis pas du genre a manger a heure fixe, mais la avec le voyage j'avais pris quelques habitudes. Et puis surtout, passé une certaine heure je n'ai plus faim. Or ici il m'arrivera plus d'une fois d'avoir a manger apres 23 heures.
Encore une fois, avec du recul je rédige ces mots en constatant que tout ca n'est tout de meme pas bien grave ! Mais a ce moment-la tout m'était inconfortable ! J'étais contrariée, un truc n'allait pas.
Bref, revenons a la soirée. En attendant que le diner soit pret, les parents et le frere d'Aymar ont entamé la conversation avec moi et tres vite je me suis déridée et les ai trouvés vraiment charmants. Nous avons parlé a batons rompus jusque tard. Ils m'ont expliqué beaucoup de choses de la culture marocaine, m'ont raconté ce qui les a amenés a investir dans la terre ici, se sont intéressés a mes prochaines destinations et m'ont donné des conseils.
Je leur demande s'il n'a pas été compliqué pour eux, installés en France depuis 40 ans, de devenir propriétaires terriens dans ce village. Ils me répondent que non. Ils sont sollicités financierement et matériellement pour l'organisation du festival Fantasia qui a lieu chaque année. Je ne connaissais pas ce festival. Il s'agit d'une compétition a cheval et par équipe. Chaque escadrille doit partir au galop, réaliser un parcours avec des figures et s'arreter pour tirer une salve au fusil. Le jury note tout, la vitesse, l'élégance, l'harmonie de l'ensemble, la simultanéité des départs, arrets et coups de feu. Il parait qu'il y a dorénavant des équipes de femmes qui participent. Dans la région beaucoup de villages accueillent ces compétitions pendant le mois 6 - Bouchain m'a appris qu'au Maroc les mois ne se désignent pas pas un nom mais par un numéro. Juin est donc le mois 6.
Le pére d'Aymar a décidé de ne pas respecter certaines coutumes locales. Par exemple il refuse de payer un bakchich aux fonctionnaires payés par l'état pour ramasser les poubelles. Du coup les éboueurs ne passent pas sur cette route...
Aymar m'a raconté la veille les échauffourés qu'il a connus en France, a Nice, avec la police ou les gens des beaux quartiers, sur simple délit de sale gueule. Ici aussi il n'est pas vraiment considéré comme un vrai marocain. Comme beaucoup d'enfants d'immigrés, il ne se sent chez lui ni dans son pays d'accueil ni dans le pays de ses racines. En meme temps il accumule les particularités ici ! Issu du secteur de l'audiovisuel, il n'a au départ rien d'un agriculteur. Dégouté par un métier ou les gens lui semblent trop pressés et superficiels, il a voyagé pendant un moment et fait plusieurs pélerinages, puis est tombé malade, a perdu 30 kilos, et a décidé il y a deux ans de reprendre la ferme familiale et de vivre sainement en développant la permaculture sur ces terres. Il emploie des woofers et des workawayers, dans l'espoir de trouver un soutien qu'il n'a pas aupres des villageois qui se demandent ce qu'il fabrique. J'ai déja bien senti a quel point Bouchain croit peu en ce que fait Aymar...

Evidemment Bouchain est extremement frustré de ne pouvoir exp[oiter qu''un cinquieme de la propriété, le reste étant en friches. Aymar expérimente petit a petit des semences sur de petites parcelles, tandis que Bouchain voudrait tracer de longs sillons dans la terre avec son tracteur et vendre des quintaux de patates sur le marché.
Aymar voudrait se marier avec sa copine marocaine qui habite a Casablanca. Mais son pere n'est pas favorable a ce qu'il se marie avant d'avoir une situation financiere stable. Pour l'instant la ferme ne rapporte quasi rien. Aymar vit de l'aide de ses parents - ce que Bouchain me dira souvent...
Eric, le frere cadet, donne moins d''inquiétude au pere mais tout de meme ca n'est pas encore tres rassurant. Certes pour l'instant il gagne bien sa vie dans la boite événementielle de Robert Attias (vous savez, le mari de l'ex de Sarkozy - oui oui, je situe...), il s'occupe des VIP d'ailleurs, mais bon dans ce genre de domaine on n'a pas franchement de garantie sur le long terme.
Ils s'intéressent a mes prochaines étapes, me donnent des conseils, me parlent de Marrakech la cité jardin - je ne sais toujours pas ou j'irai travailler apres.
Bref, je repars contente de ma soirée, étonnée d'avoir passé un si bon moment alors que je craignais de trouver le temps long.
Je vais tout de meme me coucher avec une petite dent contre Aymar. Lui va dormir dans des draps propres pendant que moi je dois m'allonger sur un matelas crasseux en tachant d''oublier les cafards et les arraignées. J'ai du mal a comprendre pourquoi il ne prete pas plus d'attention a nos conditions d'hébergement. Si encore tous ici nous étions logés a la meme enseigne je l'aurais vécu différemment. Mais la j'ai l'impression qu'il se fout un peu du monde... Bon, ca ne m'empeche pas de dormir.
Le lendemain je me réveille avec le sourire. C'est le jour du hammam pour moi ! J'attends ca avec impatience. Hier soir Aymar m'a dit de partir a 16h pour y etre avant 17h, car pour les femmes le hammam ferme a 18h - et oui, puisque les femmes sont censées etre a la maison avant la tombée de la nuit donc avant 20h. Comme les marocains restent bien 1h a 1h30 au hammam, la derniere entrée est a 18h. Aymar, qui a tout de meme pleins de petites attentions, m'a prété un kit pour le hammam. Celui-ci se compose d'un grand seau vide, 'd'un petit panier contenant du savon, un gant pour se frotter, de l'argile et une grande serviette de toilette.
Mais d'abord nous entamons la journée de travail avec Bouchain. Toujours dans les tomates. Cette fois nous attachons tous les plants aux tuteurs, et coupons les feuilles qui prendraient inutilement de la seve. Comme nous coupons chaque plant feuille par feuille puis attachons les plants tige par tige, cela nous prend évidemment un temps infini. Trois jours que je suis la, trois jours a jouer avec les tomates. J'aime beaucoup, mais je suis un peu surprise de la lenteur du processus. Et ca n'a l'air de gener personne. J'ai oublié de parler des poules a Aymar. Personne ne s'en occupe depuis trois jours et ca ne dérange pas non plus.
En fin de matinée les parents et le frere d'Aymar viennent nous dire au revoir, ils s'en vont. Aymar mettra deux jours a se remettre de leur visite. Il est crevé et se sent un peu malade du fait de la cuisine familiale. Lui qui est végétarien et apparemment sensible a plein de choses, il a du mal a digérer les petits plats de sa mere !
Résultat, sur la premiere semaine je ne l'aurais vraiment pas vu beaucoup. Mon quotidien tourne beaucoup autour de ma relation et de mon travail avec Bouchain, et bientot de sa famille. Ce jour-la, il m'apporte un tajine cuisiné par sa femme. Un vrai délice. je suis un peu étonnée qu'on le mange tous les deux dans le taudis plutot que chez lui avec sa femme. Je suis encore conditionnée par ce que m'a dit Aymar, je pense que je ne verrai pas la femme (les femmes ?) de Bouchain. Mais je me trompe, car avant la reprise a 15h il m'appelle. je sors, et le vois devant la porte close de sa maison, avec son bébé dans les bras. C'est le premier pas. Je dis bonjour a Malak, que je prends pour un garcon car Bouchain me parle toujours de ses fils quand il parlent de ses enfants. Fils doit etre un terme générique pour lui. Je verrai Malak pendant 15 jours comme un petit garcon. Ce n'est que le jour du départ de Bouchain (qui devra partir a Casablanca avant la fin de ma période de travail a la ferme) que je découvrirai en allant au hammam avec sa femme et son fils, que Malak n'est pas un garcon mais une petite fille !!
A 16h tapante, je vais me changer et je pars au village avec mon kit sous le bras. C'est super encombrant. J'arrive devant le batiment. J'entre, et a la réception une femme aux trois quart cachée derriere une toute petite fenetre me dit quelque chose en arabe. je ne comprends rien. Elle me fait un signe. Ah, j'ai pris la mauvaise porte ? L'entrée est a coté ? je ressors et m'apprete a ouvrir la porte d'a coté quand je suis arretée par le cri d'un jeune homme. Oups, j'allais ouvrir la porte d'entrée des hommes ! Damned, je suis passée a un cheveu du scandale ! Le jeune homme me montre en riant le kiosque en bois que je n'avais pas vu et ou se trouve le gars a qui je dois payer les 12 dirhams d'entrée. Ah c'est donc ca que me disait la dame ?!! On rigole tous (1er rire au village, youhou !), et j'entre a nouveau dans le hammam. Le vestiaire est directement devant la réception. On se déshabille ici et on laisse ses affaires dans un casier ouvert. J'ai déja mon maillot de bain sur moi. Je garde ma serviette de toilette et prends mon kit, tire une lourde porte en bois et entre dans le vestibule qui précede la salle du hammam. Une deuxieme porte a pousser et me voila dans une grande salle obscure ou 4 femmes nues sont installées et discutent tout en remplissant leurs seaux d'eau ou en se versant de l'eau sur le corps. Mince, ca m'ennuie d'etre en maillot alors qu'elles sont nues. Je les observe vite fait, et m'asseois comme elles sur un tapis de plastique, a meme le sol. Je remplis mon seau, puis commence a commence a me savonner. Que c'est bon de sentir l'eau chaude sur tout mon corps ! Mon dieu je savoure ! Je prends mon temps, verse et reverse de l'eau sur mon visage, mes cheveux mon dos. Au bout d'un moment je décide d'enlever mon haut de maillot de bain pour etre a peu pres comme les autres.
Les parents d'Aymar m'ont dit que je pouvais donner un pourboire a une dame pour me faire frotter et masser. Mais je ne vois personne qui pourrait avoir cette fonction, alors je me contente de me laver. Au bout d'un moment je me sens propre. Mais je constate que les autres femmes n'en finissent plus de se re-savonner et de se re-rincer. Je n'ose pas partir trop tot, alors j'attends, respire les yeux fermés dans la chaleur. Bon et puis je m'en remets un petit coup et enfin je me leve pour sortir.
A nouveau il faut se déshabiller, se sécher et se rhabiller devant la réceptionniste. Je sors toute heureuse d'etre propre ! Je vais m'installer avec mon sceau au café et rentre avant la tombée de la nuit.
Ce soir la je dine seule et j'en suis bien contente. Je n'ai pas revu Aymar de la journée. Il a du sommeil a rattraper visiblement. Bouchain me dira sans arret qu'Aymar passe son temps a dormir.

J'ai besoin de me donner des perspectives d'air pur. je décide d'aller a Casablanca le prochain week-end. je n'en attends pas grand-chose mais ca m'intéresse de voir a quoi cette ville ressemble, ainsi que la grande mosquée Hassan II.
J'en parle a Bouchain, qui me dit comment faire. Je dois prendre un taxi, et pour ca, il faut que j'aille au village sur la grande route qui le traverse. La, je n'ai qu'a attendre qu'un taxi passe et a lever la main. Ok !
Avant Casa, je suis curieuse de découvrir le souk vendredi. Le souk se tient tous les vendredi, et Bouchain y va tot le matin pour faire les courses de la semaine. Je peux l'accompagner, et Aymar a proposé de me préter une djellaba et un foulard pour que je passe un peu plus inapercue.
Mais pour l'instant on est jeudi. Mon quatrieme jour a la ferme. cette fois il faut nettoyer les plants de salade, de courgettes et de haricots, et puis mettre des tuteurs aux courgettes pour que la fleur pousse bien en hauteur. J'ai pris le pli de ces journées a la fois fatiguantes et paisibles. Ce que je fais n'est pas pénible. Je n'ai pas l'impression d'apprendre grand chose sur la permaculture, mais je suis contente d'etre en plein air et de m'occuper des légumes.
Fatna vient tous les jours ou presque. Elle ne parle qu'arabe et vient souvent nous voir dans le potager pour discuter avec Bouchain. Parfois elle s'adresse a moi, pensant que je vais deviner de quoi elle me parle, mais ca ne marche jamais ! Bouchain me dira un jour qu'élle est bavarde et a moitié folle ! Il dit ca pour plaisanter, bien sur.
Aymar vient nous voir en fin de matinée. Il commence a peine a récupérer. Il appelle Bouchain et reste un long moment a lui montrer des choses. Bouchain revient agacé, bien que toujours zen exterieurement. Il se plaindra beaucoup a moi de ses conditions de travail. Il reproche a Aymar de ne pas savoir ce qu'il fait, de passer son temps a dormir puis de se réveiller de temps en temps pour venir lui dire de faire ceci et cela. Je sens que Bouchain n'a pas beaucoup d'estime pour celui qu'il considere un peu comme un fils a papa qui n'y connait rien. Je crois qu'il aurait une meilleure opinion si Aymar mettait la main a la pate de temps en temps. Seulement Aymar ne voit pas les choses comme ca. Lui n'est pas agriculteur, il est le gestionnaire de la ferme. Il développe le projet et donne les directives, il n'est pas la pour travailler la terre lui-meme. Chacun son boulot.
Et puis Bouchain s'estime mal payé (2000 dirhams mensuels), meme si la maison ou il loge avec sa famille lui est pretée gracieusement (il paie l'eau et l'électricité). Et sa frustration est d'autant plus grande que le pere d'Aymar - qui est le décisionnaire sur ces questions - a refusé de lui donner une petite parcelle de terrain pour qu'il puisse y construire une maison a lui. Ainsi donc cette famille possede une grande propriété dont les 4 cinquieme ne sont pas exploités, mais ils préferent laisser le terrain en friches plutot que d'en céder un bout a Bouchain.
Aymar nous invite a venir manger dans sa cuisine. Fatna a préparé un plat de lentilles baignant dans une sauce relevée. C'est tres bon mais je ne comprends pas qu'avec une chaleur pareille on nous fasse manger des plats aussi bourratifs ! Je donnerais tout pour une petite salade verte - tomates - concombre. Aymar me redit que je peux me servir dans le frigo quand je veux. Bon bon, ok je le ferai dorénavant. Meme si je n'aime pas spécialement sa compagnie, il faut tout de meme que je veille a ne pas jeter un froid par mon attitude extremement réservée.
Aymar décide de se lancer dans la préparation d'un pesto aux betteraves et amandes. Ca, c'est typique de lui et ca m'exasperera jusqu'au bout. Alors qu'il est l'heure de déjeuner, le voila qui se lance dans une préparation qui va durer plus d'une heure. Tout juste le temps de ne plus avoir faim. Aymar aime avoir sur la table plusieurs plats différents et picorer un peu partout. Et soit il fait de la cuisine vite fait, soit il s'y met vraiment et ca prend des heures. Quand Aymar vous dit : viens on va manger, il faut comprendre : viens me tenir compagnie pendant que je cuisine et on mangera dans trois heures...
Du coup voila Fatna qui part chercher des amandes, et moi on m'envoie chercher de la coriandre. Je vis alors un grand moment de solitude. Mince... Sur le marché dans le rayon des herbes je sais reconnaitre la coriandre. Mais dans un immense potager ou tout pousse partout de facon anarchique, comment vais-je la trouver ?? Je mets bien 15 minutes a me décider a couper quelques brins d'une plante. Aymar et Fatna se marrent : j'ai rapporté du fenouil.... pffff.... Me voila repartie avec Aymar a la recherche de la coriandre. On perd donc encore une demi heure, explications comprises.
Je retrouverai Bouchain tard dans l'apres-midi apres notre déjeuner qui n'en finissait plus. J'ai parlé a Aymar des poules. a pas l'air tres intéressé par la question, il n'a pas eu le temps de s'en occuper avec la présence de sa famille, d'ailleurs le gros chat a mangé tous les poussins - mon dieu quelle horreur, heureusement que je n'ai pas mis le nez dans le poulailler ! Bref, on verra plus tard. En fait je ne m'occuperai jamais des poules.
Je lis énormément a la ferme. Des que j'ai cinq minutes tranquille, je m'évade dans les livres. J'ai entamé les mysteres de Paris, j'enfilerai tous les tomes pendant toutes mes pauses et le soir. J'ai fini par me souvenir que j'avais de l'anti moustique. Ca ne résoud pas tout mais j'arrive quand meme a lire a la lumiere de la lampe frontale sans me faire dévorer.
Je pensais profiter de cette pause a Fedalate pour écrire des cartes postales, mais impossible d'en trouver ici. Je remets ca a ma virée a Casablanca. Je tente tout de meme l'envoi d'une lettre en France. Elle n'arrivera jamais (enfin a ce jour elle n'est pas arrivée).
Parfois Bouchain enfourche son vélo et file au village. Je travaille alors tranquille toute seule au milieu des légumes. Pour demain vendredi, on convient de partir a 9h pour aller ensemble au souk. Aymar m'a preté une djellaba et un foulard.
Ce soir-la, je décide de me faire un petit plaisir en rentrant du village. J'ai acheté du pain (c''est idiot, il y en a chez Aymar mais décidemment je n'aime pas aller chez lui). Je sors de mes sacoches ma derniere boite de foie gras, et ma flasque de rhum. Et voila, elle est pas belle la vie ?

Le lendemain matin, une idée me vient au réveil en regardant l'énorme couscoussiere dont je ne me sers pas. Je me leve, la remplis d'eau et la pose sur le feu. Et voila ! Plus besoin de sortir me laver dans cet endroit infect ! Oh le bonheur d''avoir de l'eau chaude ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tot ! A quoi tient la gaité revenue ! Ok c''est toujours pas la joie de ne pas pouvoir me doucher et de me laver au-dessus d'un évier dégeulasse au-dessus duquel deux énormes araignées m'observeront tous les jours, les pieds proches de la poubelle toujours aussi pleine et dans laquelle j'imagine que les cafards doivent grouiller. Mais je fais abstraction de tout ca. J'ai de l'eau chaude, c'est le bonheur ! Je me sers du petit récipient du kit du hammam pour m'asperger les cheveux. Que c'ést bon ! Tous les matins je me réveille moite, ca fait du bien de passer de l'eau chaude sur ma peau. Je n'ai plus a danser pour éviter de toucher avec mes pieds les chiottes a la turc ni les murs couverts d'araignées.
Petit a petit, finalementm je m'accoutume a mon existence dans ce taudis et trouve des solutions pour m'y sentir mieux. Un autre jour, je me souviens que j'ai de la musique sur des clefs USB. Je branche la tablette et les hauts parleurs, et d'un coup l'ambiance devient plus légere dans cette piece si muette jusqu'ici. Oh comme je remercie encore ceux qui m'ont choisi des musiques ! Tout a coup les voila pres de moi, j'ai repris contact, ca fait du bien...


Haha, revoila les soucis bancaires !
Il y a deux jours j`ai voulu effectuer un retrait. Sur trois distributeurs différents, les deux premiers m'ont dit impoosible, pas d'argent. Ca ne m'a pas étonnée plus que ca, ces 2 distributeurs sur la place Jemaa El Fna sont souvent épuisés. Mais le troisième distributeur, dans lequel je vais dans ces cas-là, m'a dit : possibilités épuisées. Oh oh... Anormal. Comme je suis d'une nature un peu trop détendue avec ce genre de galère, je ne m'en suis pas occupée tout de suite.
Ce matin je consulte mon compte en ligne, et je découvre que le 10 juin trois retraits de 200 euros ont été effectués sur mon compte. Je ne retire jamais autant d'argent. D'ailleurs la manière dont ces retraits apparaissent sur mon relevé est inhabituelle. Je ne vois pas le montant correspondant en dirhams. Bref, quoi qu'il en soit, je n'ai ja,ais effectué ces retraits.
15 juin 2015
Commence alors un parcours du combattant avec La Banque postale. Après avoir mis une plombe à trouver un numéro pour appeler, je tombe sur une boite vocale, patiente, pour enfin tomber sur quelqu'un... qui ne peut rien pour moi. Il faut que j'appelle mon centre financier. Ok, vous pouvez me donner leur téléphone ? Ah non désolée vous devez le chercher sur les pages jaunes. Quoi vous n'avez pas le listing des centres financiers ? Non, ce serait trop simple ! Je cherche donc sur internet, finis par trouver et appelle. Boite vocale (appels surtaxés, bien sûr, sinon ce ne serait pas drôle), puis voix au téléphone.
Il faut faire opposition. Petite musique pendant 5 minutes le temps que ce soit confirmé. Maintenant je dois écrire un joli courrier confirmant ma demande d'opposition, et la demande de renouvellement de carte bancaire, à expédier à Marrakech le plus vite possible.
Pendant que je vous ai en ligne, pouvez-vous m'aider sur un autre problème ? Juste après mon départ, Pole Emploi (encore des foudres de guerre, ceux-là !) m'a versé trop d'argent. Je le leur ai signalé, et ils m'ont demandé de rembourser le trop-perçu. J'aimerais bien le faire, mais dans les services en ligne àla Banque postale on ne peut pas ajouter soi-meme un destinataire pour des virements. Il faut voir son conseiller financier. Pratique, lorsqu'on est à l'étranger. Au bout de plusieurs échanges infructueux avec La Poste, on m'a finalement dit d'envoyer un courrier pour demander le virement. Ce que j'ai fait il y a 15 jours au moins. Et depuis, pas de nouvelle, et toujours pas de virement. J'ai relancé la Banque postale il y a deux jours par mail pour savoir s'ils avaient bien reçu ma lettre ou non. Madame, puisque je vous ai en ligne, pouvez-vous me dire si oui ou non vous avez reçu mon courrier ? Ah non je ne peux pas. Mais si vous avez envoyé un mail on va vous répondre, ne vous inquiétez pas.
Il m'a fallu un moment pour me calmer après ça. Superbe organisation du travail... C'est bidule qui gère cette question donc moi je ne peux pas vous répondre, vous comprenez. Patientez, on vous répondra un jour. Superbe organisation du travail... Chaque service ses prérogatives, ouais bravo, chacun sait ce qu'il a à faire très précisément, c'est bien, ça roule, et ça ne pose aucun problème de répondre aux gens : je ne peux pas vous aider, c'est pas moi c'est machin ou tel autre service qui doit le faire. Il faut une plombe pour joindre quelqu'un ici et vous voulez en profiter parce que vous m'avez moi au bout du fil ? Trop facile ! Non non, appelez encore quelqu'un d'autre (si vous arrivez à joindre quelqu'un !), dépensez encore de l'argent en appelant des numéros surtaxés, ne me faites pas perdre mon précieux temps en me demandant des services qui sortent de mes attributions.
Ce ne sont pas les employés que je critique. Ils font ce qu'ont leur dit de faire, doivent justifier de leur efficacité sur les points précis sur lesquels on leur demande d'être performants, pas l'temps de faire du zèle ! Pas le temps de s'inquiéter de la situation du client en galère, c'est pas leur faute et ils ne peuvent pas tout résoudre. Non, ce sont les grands penseurs de l'organisation du travail qui me font marrer. Super efficaces, les mecs (terme générique, les femmes ne sont pas plus douées dans ce secteur). Vous êtes contents de votre belle structure ou chacun fait tourner son petit maillon dans son tout petit périmètre d'action ? Moi je le suis moins, j'ai perdu du temps et de l'argent, mais après tout on s'en fout, non ?
Bon en tout cas j'ai bien fait d'ouvrir un autre compte avant de partir, au moins je dispose d'une autre carte bancaire en attendant celle de l'autre compte.
Vendredi, jour de souk ! Et journée de la djellabah et du foulard, pour moi ! Je m'habille et glisse la djellabah pretée par Aymar par-dessus mon tshirt. Oula, je sens que je vais avoir chaud ! Je cherche comment mettre le foulard au mieux pour cacher mes cheveux. C'est pas gagné !


Bouchain m'a donné rendez-vous a 9h pour partir. A 9h moins 10 je suis prete, porte de la maison ouverte - signe pour lui que je suis dispo.
9h05, 9h10... 9h30. Je ne vois et n'entends personne. Mince, on se serait mal compris ?? N'y tenant plus, a 9h40 je pense que Bouchain est déja parti et que j'ai du mal comprendre ce qu'il m'a dit. Alors que je m'avance vers le portail, j'entends une voix féminine qui m'appelle. La porte de la maison de Bouchain est ouverte, et sur le seuil une jeune femme me fait signe de revenir. Je rebrousse chemin, elle vient a ma rencontre. cette jeune fille - qui ne doit avoir que 15 ou 16 ans - ne parle pas francais et je ne sais pas qui elle est par rapport a Bouchain. Elle réussit a me faire comprendre que Bouchain arrive (il est au village) et que je dois l'attendre. Elle m'invite a patienter en entrant dans la maison. Je me souviens qu'Aymar m'a dit que Bouchain ne voulait pas que des étrangers entrent chez lui, je suis donc suprise, mais j'entre quand meme. Je trouve la femme de Bouchain a l'intérieur. La jeune fille est la premiere fille de celle-ci, née de son premier mariage (son premier mari est mort). Il y a aussi Malak, bébé décidemment tres calme et tres souriant. La porte d'entrée donne sur une piece qui abrite une cage avec deux oiseaux tres colorés. A gauche, la cuisine, tout droit les toilettes et une douche, et un peu sur la droite une piece d'environ 15 metres carrés qui tient lieu tout a la fois de salon, salle a manger et chambre pour tout le monde. Dans cette piece sans fenetre, le sol est couvert de tapis, deux gros matelas épais comme ceux sur lesquels je dors sont diposés contre les murs de droite et de gauche. Au fond, un petit matelas fais la jonction entre les deux (je comprends qu'il s'agit du lit de Malak). Sur le dernier mur, un meuble monte jusqu'au plafond et je découvre avec surprise une télé allumée.
On me fait asseoir sur un des matelas, et on m'apporte thé et petits gateaux. Je n'ai pas faim mais c''est super gentil. J'apprends qu'il ne faut pas boire tout son thé, car des qu'on finit son verre on vous le remplit a nouveau. Je ne sais pas encore dire safi - c'est assez, ca suffit en arabe -, donc mes protestations sont vaines, on ne me comprend pas et la femme de Bouchain rit beaucoup de toutes mes tentatives pour dire que je n'ai plus faim. ""Manger !"sera certainement le mot qu'elle prononcera le plus souvent avec moi !
Lorsque Bouchain arrive je suis un peu mal a l'aise qu'il me trouve chez lui comme ca. Mais il sourit doublement lorsqu'il voit Malak sur mes genoux. Il est déja au courant que j'allais partir sans lui. Il m'explique un truc que je ne comprends pas sur l'heure, puis sort son téléphone et me demande de sortir le mien. Moi j'ai 10h, lui 9h... Comment est-ce possible ? Je suis pourtant a l'heure du Maroc ! Bouchain me dit un truc étrange. A la ferme on aurait semble-t-il une heure de moins que dans le reste du Maroc... Mais bien sur... ? Aymar m'expliquera que Bouchain ne change jamais d'heure au cours de l'année. Mais par une drole de gymnastique qu'il s'impose, des qu'il sort de la ferme il compose avec le fait que pour tout le monde en dhors de lui il est une heure de plus que sur sa montre... Par contre a la ferme il ne se fie qu'a son heure a lui. Ohlala.... Bon d'accord, c'est super simple tout ca !
La fille ainée de l'épouse de Bouchain ne vit pas ici, elle ne vient que de temps en temps le week-end ou le vendredi (jour de repos).La plupart du temps elle habite chez sa soeur ainée qui est mariée et vit dans une maison au village. Elle va au college en taxi tous les jours, a Mohammedia.
Il est temps de partir au souk. Je montre ma djellabah a tout le monde. La femme de Bouchain m'en prete une autre car celle d'Aymar est une djellabah d'homme. Puis je pars avec Bouchain. Des que nous quittons la ferme, je remaque que la route est inhabituellement fréquentée. Sans discontinuer, des charrettes tirées par des anes arrivent de la droite de la piste et vont en direction du village. Bouchain a pris son vélo, il le pousse d'une main pour marcher a coté de moi. Il a revetu pour une fois un pantalon et des chaussures de ville, et un blouson fin sur un tshirt bleu sombre. Il porte toujours sa casquette. En approchant du village, nous passons devant une autre ferme ou Mohammed salue Bouchain - celui-ci me le présente comme son ami. Tres vite je trouve Mohammed aussi charmant et protecteur que Bouchain. Il me complimente sur ma djellabah ! Certains habitants me reconnaissent et esquissent des sourires en me voyant ainsi vetue.
Le monde afflue vers le bout de la piste. La route nationale est encombrée de voitures et de charrettes stationnant sur le coté. Les stands se dressent des la sortie de la piste, mais le gros du marché est install'é deux cent metres plus loin sur la droite, sur un terrain vague qui disparait sous les baches tendues au-dessus des marchandises.
Rédaction tres décousue, comme le sont mes journées en ce moment. Je recois de France des mauvaises nouvelles, mais aussi de bonnes. Je suis toujours heureuse, quelle que soit la nature de la nouvelle, que les amis et la famille aient envie de partager avec moi leurs bonheurs et leurs peines. Merci de continuer a m'inclure dans vos vies meme si je suis loin.
Le jour de mon anniv une tres mauvaise nouvelle m'a perturbée. La semaine derniere une autre tres mauvaise nouvelle m'a beaucoup fachée et fait beaucoup de peine. Aujourd'hui c'est une nouvelle heureuse, et c'est chouette !
Je partage ces humeurs avec Siham, Driss, Samira, Hana, et mes amis d'ici qui reconstituent une petite famille autour de moi. Eux non plus, c'est sur, je ne les oublierai pas...
A travers une conversation facebook aussi, SoLeader me revient, encore et toujours. Un des participants de 2012 me dit ce soir : ca y est mon projet voir le jour ! On l'a créé, notre événement ! Et moi je suis si contente que, 3 ans apres, ce jeune se rappelle de moi et soit si fier de me montrer qu'il avance sur sa voie. Je suis super contente pour lui, et toujours autant galvanisée par l'énergie et l'envie d'oser de tous ces jeunes qui m'ont donné une lecon de vie. Dans son message : il est intéressant de noter que tout ça s'est développé via notamment SoLeader. Merci d'avoir partagé un peu de tes reves avec moi ce soir, Thibault ;)
J'ai pris l'appareil photo mais Bouchain me déconseille de le sortir. Le marché est envahi par les familles qui font leurs courses pour la semaine. Les allées sont tres étroites, souvent nous enjambons les marchandises pour pouvoir passer. Les étals sont sectorisés : vetements, fruits et légumes, épices, chaussures, ... Je ne me sens pas tout a fait incognito sous ma djellabah et mon foulard mais tout de meme je ne suis pas disséquée des yeux par tout le monde. J'ai super chaud par contre !! Je reve d'enlever mon déguisement et de me balader en short et débardeur ! Je suis Bouchain et Mohammed vers le secteur maraicher. Les fruits et légumes sont étalés par terre, sur des sacs de papier ou des baches. Les vendeurs sont assis par terre également, entourés de bassines en plastique. devant eux, une balance et des poids de différentes mesures. Bouchain s'arrete, prend une des bassines qu'on lui tend, s'accroupi et choisit chez tel marchand ses aubergines et ses courgettes, chez tel autre les oignons et les poivrons. Il prend tout par kilos ! En fait, il effectue les achats pour sa famille et pour Aymar et moi. Vite, les sacs pleins de kilos de légumes s'entassent a ses pieds, puis il paye et laisse les sacs aupres des vendeurs pour continuer ses courses ailleurs.
Des hommes vetus d'une tunique rouge arrivant aux genoux, et d'un chapeau de paille a grelots dorés, se promenent sur le marché en faisant tinter une clochette. Suspendue a leur épaule, une gourde contient de l'eau. Ils tendent des timballes aux passants et font sonner leur cloche. Mohammed nous offre a tous les trois un verre d'eau. Je prends le mien en prévoyant que ce verre me vaudra certainement d'etre malade... mais il n'en sera rien. Heureusement j'ai l'estomac solide, du moins jusqu'ici.
Je commence a me demander comment on va faire pour rapporter tous ces achats. Bouchain a laissé son vélo sous la surveillance des métallurgistes qui travaillent a l'entrée de la piste de terre. Est-ce qu"Aymar va venir nous chercher en voiture ? Bouchain sourit a cette question. Ca veut dire non ?...
Alors que nous nous dirigeons vers le coin des herbes fraiches, notre chemin croise celui du fou du village. J'ai déja rencontré ce gars, un soir en rentrant du café au village. Il s'était avancé vers moi en roulant des épaules imposantes. Grand, costaud, un tshirt moulant sa tablette de chocolat, il m'avait tendu une main ferme : Hello, american ! - at-il lancé d'une voix forte. Bon, je ne suis pas américaine mais je me suis dit allez je lui serre la main et je m'en débarrasse ! Sauf que ce gaillard a gardé ma main et s'est approché pour me faire un hug. La, ca dépassait mes limites, je l'ai repoussé immédiatement. Tout de suite un villageois s'est approché et a pris le gaillard par l'épaule en lui disant quelque chose que je n'ai pas compris. Intérieurement j'ai remercié ce brave homme de me protéger. Je constaterai ca les deux ou trois fois qu'on viendra m'ennuyer. A chaque fois, un marocain s'est interposé tout de suite, avant meme que je doive en arriver a me défendre toute seule. Témoin de la scene, un autre marocain me glisse au passage et comme pour l'excuser : il est fou !
Revoila donc le fou devant moi au souk. Et rebelote, il me salue d'un puissant Hello american ! Il me tend la main et sourit bizarrement, et cette fois il a une lame de rasoir dans la bouche et joue avec, avec sa langue. Comme une andouille je lui sers la main, et rebelote il m'attire vers lui et mets sa tete contre la mienne une demi seconde. Je le repousse avec mécontentement, et la tout va tres vite. Bouchain s'interpose, lui dit quelque chose que l'autre prend tres mal. Le gaillard bouscule Bouchain, qui répond. C'est alors une droite qui part s'ecraser sur la joue de Bouchain. Je suis sidérée. Mohammed s'est mis entre les deux hommes. La casquette de Bouchain a volé par terre. Il a réussi a donner une claque en retour a l'abruti. Heureusement tout le monde sait que ce type est fou. Les gens s'en melent et embarquent le dingue pendant que d'autres ramassent la casquette de Bouchain et lui tapent amicalement le bras. Moi je suis dépitée que tout ca soit arrivé a cause de moi ! Je suis mortifiée, Bouchain ne dit rien.' Mohammed lui parle, chacun reprend ses esprits. Je suis étonnée du calme avec lequel Bouchain parle, comme a son habitude, pas un mot plus haut que l'autre. Nous nous éloignons.
Nos pas nous conduisent vers le narché aux animaux. Lorsque je le comprends je commence a regarder par terre, je voudrais faire demi tour.... J'ai échappé au pire apparemment, les vaches ont déja été découpées tot ce matin. Des hommes sont en train de passer de grands jets d'eau sur le sol en béton pour chasser les flaques de sang visibles encore ca et la, sous les crochets qui pendent de la toiture en bois.
A droite, les poules sont stockées dans des cages en bois a coté de chaque stand baché. Chaque stand a sa machine, un truc horrible que je n'avais encore jamais vu. Je comprends tout de suite a quoi ca sert mais je ne peux pas en décrire le fonctionnement car je suis incapable de regarder ca. Tout ce que j'apercois, c'est que ca tourne et fait le meme bruit de moteur que les broyeuses de papier des bureaux occidentaux. Mohammed percoit sans doute mon malaise, j'ai meme l'impression qu'il le devance, car il me propose qu'on aille attendre Bouchain un peu plus loin. Oui merfci Mohammed ! Je ne veux pas voir Bouchain choisir le poulet, le tendre au vendeur et le récupérer coupé et déplumé en moins d'une minute ! Quelle horreur !!
On s'éloigne donc, mais du coup j'ai vu sur les moutons aux pieds entravés qu'on malmene pour les faire avancer ou les observer en détail. Beurk beurk beurk, je veux partir d'ici !
Bouchain revient avec un poulet préparé dans un sac plastique sanguinolant. Je ne veux pas manger ce poulet...
On se dirige vers d'autres stands. Nous passons devant des beignets dont la bonne odeur chasse mes visions de bestiaux traités comme du bétail a découper.

Bouchain revient avec un poulet préparé dans un sac plastique sanguinolant. Je ne veux pas manger ce poulet...
On se dirige vers d'autres stands. Nous passons devant des beignets dont la bonne odeur chasse mes visions de bestiaux traités comme du bétail a découper. Mohammed m'entraine sous une grande bache abritant des tables en bois recouvertes de plastique dans un triste état. Nous nous asseyons sur des bancs en bois. Des déchets de toute sorte trainent a mes pieds. Sur ma gauche, cinq hommes sont assis par terre directement du des tapis poussiereux. Pendant que Bouchain est en train de nous acheter des beignets croustillants, Mohammed nous commande un thé a la menthe. Bouchain nous rejoint. Il se détend un peu, et nous aussi. Nous savourons notre thé et nos beignets en écoutant la mélodie jouée par des musiciens de rue qui manient le tambourin et la flute. Bouchain et Mohammed se laissent gagner par la bonne humeur des musiciens et tapent dans leurs mains en cadence.
Un ami de Bouchain nous rejoint. Il semble tres jeune. Il tient un stand de fruits secs un peu plus loin. Nous repartons dans les allées du marché. Je m'apercois que Bouchain et son jeune ami se tiennent par la main. Ce n'est pas en France qu'on verrait deux hommes simplement amis se promener comme ca, ce geste d'amitié me touche.
Mohammed me présente son fils de 12 ans que nous retrouvons sur le marché. Puis ils nous quittent tous les deux. Bouchain s'arrete pour regarder des chaussures pour femmes. ce sont des chaussures d'occasion, en bon état. Il négocie le prix et les achete. Je me demande si c'est toujours lui qui achete les vetements de sa famille ou si c'est ponctuel.
Aymar appelle. Nous le rejoignons sur le bord de la route. Je pensais qu'il venait pour charger les achats mais non, il nous dit qu'il part a Casa. Ok ok...
Il nous faudra donc ramener les courses tout seuls. En fait, c'est surtout Bouchain qui rapportera les sacs. D'ailleurs il peste - toujours d'une voix douce, bien sur. Nous embarquons trois sacs pour l'instant. Bouchain ne me laisse en prendre qu'un seul, tandis qu'il porte les deux autres - qui sont énormes - jusqu'a sa bicyclette. Il réussit a caler les deux sacs entre la selle et le guidon, et pousse le vélo jusqu'a la maison. En arrivant, il est en sueur ! Mon sac a moi était léger...
Juste avant de récupérer son vélo, Bouchain a salué un homme, celui a la tete de fouine. Celui-ci, Ali, viendra nous faire un coucou en fin d'apres-midi a la ferme.
Nous rentrons. Je cours enlever ma djellabah et mon foulard et me change pour remettre mon short le plus léger ! Ouf ! Ca fait du bien ! Bouchain arrive avec une bouteille de plastique contenant un liquide blanc mat. Il me fait comprendre que c'est du lait tout juste trait. Oh mon dieu.... Mon estomac a tres mal digéré ce type de lait lorsque j'étais enfant. Je vois donc avec horreur ce breuvage qu'il me tend avec un grand sourire, convaincu de me faire une belle surprise. Bon, allez il faut prendre sur soi... Bouchain me sert un verre, et se sert aussi pour trinquer avec moi. Mince, pas moyen de faire semblant de le boire, donc... Je trempe mes levres, goute une petite gorgée de ce truc qui ressemble a du fromage blanc tiede et tourné, et fais hmmmmm, choukrane ! (merci) avec conviction.... Quelle hypocrite je fais ! Je parle d'autre chose en posant mon verre. Heureusement Bouchain ressort assez vite. Ne sachant pas s'il va revenir tout de suite ou non, je me dépeche de verser la moitié de mon verre dans l'évier.
Il revient 10 minutes apres, avec cette fois deux bols et un grand bol. Le grand bol contient du couscous qui trempe dans le lait frais. Cette fois Bouchain s'installe a table et prend deux cuilleres. On va donc manger ensemble... L'épreuve n'est donc pas finie. Cette fois je pense que je n'échapperai pas a la diarhée ! Pourtant non, toujours pas...
D'apres ce que je comprends, ce plat est tres apprécié au Maroc. Je mets un temps infini a le manger par toutes petites cuillerées...
Aymar rentrera tard ce soir apparemment. Il est parti voir sa copine et sa famille a Casablanca. Apres le déjeuner nous reprenons le travail avec Bouchain. Cette fois nous creusons des tranchées pour planter des pommes de terre. Ca c'est fatiguant par contre, et je n'ai pas franchement le coup de main pour becher. Je creuse deux tranchées, mais Bouchain repasse derriere moi pour peaufiner et j'avoue aque ce qu'il a fait est bien plus propre ! On ne se tuera pas a la tache ce jour-la, malgré tout. On s'allonge dans l'herbe et ce jour-la Bouchain veut en savoir un peu plus sur ma famille. Mama ? Papa ? - me demande-t-il. Attends ! Je cours chercher mon petit livre de photos, celui que Séverine m'a offert en souvenir de la fete des 40 ans du mois de juin dernier. Grace a cet album photo, je lui montre ma mere, mon pere, ma grande soeur, son conjoint, leurs enfants, mes amis. Je lui montre aussi sur mon appareil photo mon départ de Paris, quelques photos d'Espagne. Il regarde avec beaucoup d'attention. On passe un bon moment.
On sonne a l'entrée de la propriété. C'est Ali qui vient nous voir. Sur le moment je me dis que la fouine est venue faire son boulot d'espion. Mais je n'en suis plus si sure. Bouchain nous apporte un thé, on passe un bon moment. Ali ne parle que quelques mots d'arabe mais il se montre charmant.
Les hommes partent voir les chevaux, la vache et son veau. Ils m'invitent a les accompagner. Mince, je ne pourrai donc pas faire mon tour au village comme chaque soir. Tant pis... On y va.
Nous mettrons pres de deux heures a faire tout le tour de la ferme, en marchant dans les herbes folles dont certaines arrivent au-dessus de mes genoux. La chienne nous suit et disparait parfois sous les herbes. C'est immense. Je ramernerai plein de trucs piquants dans mes chaussures, tandis qu'Ali fait de grands pas pour éviter de se piquer les pieds car il est en tongs.
Au retour, je vais me poser "chez moi", pensant avoir une petite soirée tranquille que je compte occuper a laver du linge et bouquiner. Et bien sur préparer mon sac pour demain !!! Je suis trop contente a l'idée de cette virée a Casa ! Deux jours hors de ce taudis, j'en reve depuis le début !
Pourtant depuis le début de mon séjour, quelque chose a changé. J'aime la compagnie de Bouchain. Ce sera d'ailleurs mon plus beau souvenir de la ferme. Je sens qu'il m'apprécie aussi. D'ailleurs j'en aurais une preuve de plus ce soir.
La nuit tombe vite, je m'installe rapidement dans mon duvet avec les Mysteres de Paris. Mais a la lumiere de ma lampe frontale, mes yeux sont vite fatigués. Il est 21h30 quand je ferme les yeux et éteins ma lampe, prete a m'endormir.
Mais queques minutes plus tard, j'entends des pas dehors. On toc a ma porte. Oh non... Je ne bouge pas... Je fais semblant de dormir... Mais on toc a nouveau. Bon. Je me leve et rallume la lumiere.
C'est la femme de Bouchain, tout sourire. "Bonjour, manger !"- me dit-elle alors. Pardon ? A cette heure-ci ? J'essaye de lui expliquer que j'ai déja mangé. Mais elle m'attrape la main : "manger !" Ok, pas le choix... Ceci dit je suis ravie de cette invitation, meme si j'étais bien dans mon lit et que je n'ai absolument pas faim !
Je reste en pyjama - qui consiste en mon collant de laine et mon sweat SoLeader, et entre chez Bouchain. Je le trouve allongé sur un des matelas de la piece principale, regardant la télé, Malak dans ses bras,. Il est pieds nus sur le matelas. J'enleve mes tongs et m'asseois sur l'autre matelas. Je tente vaguement de proposer mon aide a la cuisine mais je n'insiste pas, je suis nulle en cuisine !
Au bout d'un moment, la femme de Bouchain entre dans la piece avec une bassine et une théiere pleine' d'eau chaude. Bouchain se redresse et tend ses mains. Sa femme verse l'eau sur ses mains, qu'il lave soigneusement. Puis c'est mon tour. Ensuite le plat est apporté et posé a meme le tapis. C'est un magnifique tajine aux olives et au... poulet ! Gloups...
La femme de Bouchain m'apporte une fourchette, mais je refuse et prends comme Bouchain un morceau de pain. Aymar m'a expliqué comment faire, et je tente de reproduire les gestes de Bouchain. J'attrape les aliments avec l'index et le majeur, les pousse vers le bord du plat et tasse le tout avec mon pouce. Puis je porte la bouchée a mes levres. Je ne sais pas comment Bouchain fait pour ne pas s'en mettre plein les doigts, moi je n'arrive pas a bien tasser et ca dégouline sur mes doigts. Je m'apercois que j'ai les pieds en direction du plat ! Je change de position, c'est assez inconfortable d'avoir les pieds repliés sous soi mais je n'ai pas le choix. Je plaisante d'ailleurs avec Bouchain a ce propos : comment fait-il pour ne pas avoir mal au dos, plié en deux toute la journée pour bécher, redresser les tomates, travailler la terre. Il tient sans probleme accroupi sans avoir mal aux jambes. Moi au contraire au bout de deux minutes accroupie le poids de mes fesses m'entraine vers l'arriere ! J'ai les cuisses en béton a force de les solliciter, et mon dos réclame d'etre allongé !
Je cale assez vite, mais la femme de Bouchain - qui ne mange pas avec nous - ne me lache pas : manger, manger ! Je tape mon ventre, dis que je n'en peux plus. Elle rit comme une enfant : manger !...
Apres le repas, elle nous apportera de l'eau et du savon pour que nous puissions a nouveau nous nettoyer les mains. Nous restons encore un moment a jouer avec Malak tout en regardant la télévision. Je trouve les parents tres doux et tendres avec le bébé.
Puis je prends congé et remercie chaleureusement avant de retrouver mon duvet.
Samedi !! Grand départ a Casa ! Je suis trop contente ! Je l'ai attendue, cette virée ! Finalement la semaine est vite passée. Plus qu'une semaine et hop je pars rejoindre Julie a Marrakech, la vie est belle ! En meme temps, depuis le début de mon séjour ici, ca va de mieux en mieux et plus les jours passent plus je me détends et me fais a mes conditions de vie. L'inconfort ne me parait plus si terrible, déja. Et puis la gentillesse de Bouchain et de son épouse m'apporte beaucoup.
Le matin c'est en chantant que je fais chauffer l'eau pour me laver. Je ne suis plus assaillie par les moustiques, par contre mon pyjama pue le produit anti-moustique ! Mais tout va bien.
Je suis vite prete ce matin. Hop, mon sarrouel, ma chemise blanche, mon sac a dos Pékin express et zou je quitte la ferme avec un grand sourire. Trop contente de changer d'air. Chaque fois que je quitte la ferme et que je vois ces champs de coquelicots, de blés, les troupeaux qui paissent paisiblement, les travaux de récolte qui avancent, ca me fait du bien. Le soir les couleurs du coucher du soleil sont vraiment belles et je regretterai plus d'une fois d'oublier systématiquement mon appareil photo quand je vais au village. Ce matin, je souris aux anes, aux vaches, aux moutons, et j'avance d'un bon pas pour rejoindre la route nationale. J'ai tout de meme une petite appéhension pour prendre le taxi. Ca va se passer comment ? Faudra-t-il que j'attende longtemps avant qu'un taxi passe ??
En arrivant au bout de la piste, je ne vois aucune voiture. Je tourne a droite en direction de Casa et guette le bruit des voitures. Je passe devant le terrain vague sur lequel le souk était dressé hier. Comme c''est vide aujourd'hui ! L'image des animaux me revient en mémoire.... brrrrr

Tres vite j'entends une voiture et me retourne pour apercevoir le panneau Taxi sur le toit. Je leve la main comme Bouchain me l'a montré, l'index tendu. Le taxi s'arrete. Il est plein, mais apparemment ca ne pose pas de souci. Le passager avant ouvre la portiere et me fait signe de monter. Bon, on va donc etre 4 a l'arriere et 3 a l'avant. Je monte et ferme la porte en essayant de ne pas me coucher sur mon voisin ! C'est parti ! Quel plaisir de voir les paysages défiler. Petits villages, campagnes, paysans au travail. Les mercedes ont vraiment de bonnes suspensions. Le taxi colle au cul de tous les véhicules qu'il rattrape, et rebondit en souplesse sur tous les trous de la route !
Je guette Casa. Nous y entrons par un grand boulevard bordé de maisons en plus ou moins bon état et de boutiques plus ou moins délabrées. Ce jour-la, je ne fais pas attention aux bidonvilles. Pourtant quand je repasserai par Casa en vélo une semaine apres, leur vue tout autour de la grande ville me choquera.
Le taxi nous dépose a un grand carrefour, pres d'une station essence. Je demande au chauffeur si c'est ici que je devrai prendre le taxi pour repartir a Fedalate. Encore une fois il faudra quelques minutes et l'avis de plusieurs autres chauffeurs pour etre surs qu'on parle bien du meme village. Le chauffeur m'ecrit le nom du village sur un papier en arabe, pour demain apres-midi.
Il me faut maintenant prendre le tram pour aller dans le centre de Casablanca. L'arret est juste la. Il y a environ 8 stations a parcourir, je compte m'arreter au niveau du Marché central, qui se trouve tout pres de la porte principale de la medina. Je m'approche d'une machine automatique et tente de comprendre combien de sous je dois mettre la-dedans. Deux femmes attendent derriere moi. Il faut acheter une carte de voyage pour 1 dirham + un billet simple pour 6 dirhams. Je fouille mon portefeuille mais je n'ai pas de petite monnaie. Derriere moi, la plus jeune des femmes me demande si j'ai besoin de monnaie. Je lui montre que je n'ai que des billets, et la machine ne rend pas le change. Est-ce que ca fonctionne avec la carte bancaire ? La jeune femme sort 7 dirhams de son porte-monnaie et les glisse dans la fente de la machine. Mais je ne peux pas vous rembourser ! - lui dis-je. Elle fait signe que ca n'a pas d'importance. Qui, enFrance, m'aurait payé mon ticket dans les memes circonstances ?...
Le tram arrive un quart d'heure plus tard. Je monte dedans et composte mon billet. Par la vitre, je regarde défiler les grandes rues. Alors c'est ca, Casablanca ? Me voici plongée dans la modernité ! De hauts batiments au style colonial, tout blancs, se dressent de part et d'autres de la route. J'imaginais un blanc plus éclatant, plus propre et neuf, mais c'est un blanc pale abimé par le temps. Nous passons a coté des anciens abattoirs, immense structure bétonnée, qui accueille désormais des événements culturels. Je descends a l'arret Marché central, qui se trouve justement en face de la délégation régionale de toursime. Je jette un oeil a l'intérieur du batiment mais ne trouve qu'un tout petit plan et n'obtiens qu'une proposition de réserver un guide pour me montrer la ville pendant 3heures pour un peu plus de 45 euros. Non merci ! Je sors et suis la voie du tram en découvrant les noms francais des hotels et des bars. Casablanca a été construite par les francais, on ne peut pas en douter : Caf'e Versailles, Hotel Mon Reve, Caf'e Alsace Lorraine, Caf'e Marcel Cerdan... J'apercois un peu partout des affiches pour diverses 'ecoles et instituts, publicit'es pour obtenir son BAC a coup sur, pour apprendre l'anglais, le francais, et je vois meme des librairies assez bien fournies en livres scolaires et romans. Ca fait longtemps que je n'ai pas mis le pied dans une librairie, je ne boude pas mon plaisir. Je cherche meme un guide de conversation en arabe. J'en trouve un a 6 euros. Un peu cher, mais le petit format m'a convaincue.
Je tombe sur une grande avenue qui borde la medina. Grandes enseignes d'hotels bien connus, Mac Do, Pizza Hut, et des bureaux en construction dont le style n'est pas sans me rappeler un certain Bouygues... Juste en face de la Medina, c'est totu de meme plutot pittoresque.
J'arrive sur la place des Nations Unies. Je pensais qu'avec un nom pareil la place serait jolie mais franchement la structure ronde en m'etal rouge qui occupe le terre-plein central est a mes yeux sans int'eret. Je trouve Casa ultra touristique et tres occidentale dans sa conception ou son am'enagement. On n'est pas d'epays'e, tant avec les enseignes que par l'agencement des restaurants et terrasses aux endroits strat'egiques.
Mon hotel est dans la medina. J'entre par une porte de cote, pas par la porte principale. Le port borde le mur d'enceinte, mais de ce cot'e il n'a rien de joli. Il fait tres industriel et surtout il est tres b'etonn'e.
Evidemment je me perds, mais j'arrive a me remettre dans la bonne direction avec mon GPS. Je d'ebouche sur une petite place, qui pourrait presque ressembler a n'importe quelle petite place en France : construction carr'ee, un arbre et des bancs au milieu, et des terrasses de caf'e tres similaires aux notres. Hotel central. Le nom s'affiche en grand et en bleu sur la facade de mon hotel. Ah zut, je d'ecouvre que l'auberge de jeunesse se trouve aussi sur cette place. Je ne l'avais pas rep'er'ee sur internet, c'est idiot. D'autant que je d'ecouvrirai une semaine plus tard qu'elle est tres chouette et pas chere du tout.
Mais pour l'heure, je r'ecupere ma clef de chambre a l'hotel. Le r'eceptionniste est un grand gaillard qui aime plaisanter d'un ton bourru. Bon, pour une soir'ee je devrais m'y faire.
Je monte au deuxieme et d'ecouvre avec ravissement un vrai lit, une vraie douche, de l'eau chaude et des toilettes occidentales. Il n'en fallait pas plus pour mon bonheur ! Je revis. J'enleve mes chaussures de marche et mes vetements, prends une bonne douche, et seche tranquillement sur mon lit en regardant la t'ele. Puis je me rhabille, mets mes tongs, et monte voir la vue depuis la terrasse. Le port n'est d'ecid'ement pas beau. Pas plus que le reste de la vue, en fait. J'apercois la Mosqu'ee Hassan II.
J'ai l'intention de de visiter la Mosquee, de trouver un jouet pour Malak (car je n'ai pas trouv'e de meilleure idee pour faire un cadeau a Bouchain), de voir la ville, mais aussi de trouver un cyber pour avancer dans la r'edaction du blog.




17 juin 2015
Le ramadan demarre officiellement demain, mais deja aujourd'hui j'ai senti une sorte d'excitation dans l'air. Des musiques aux rythmes joyeux resonnaient ici et la dans les rues. Il a fait une chaleur ecrasante, j'ai eu envie de dormir toute la journee ! Et depuis ce matin il m'est devenu impossible de savoir l'heure qu'il est en ecoutant les appels a la priere. J'ai passe la journee a entendre les haut parleurs psalmodier des extraits du coran. Ces interventions sont bien plus douces et melodieuses que les appels habituels des muezzins.
Cette nuit nous nous reveillerons a 3h30 du matin pour manger, avant de nous rendormir jusque vers 8h pour commencer la journee. Il faudra attendre l'appel du muezzin de 20h pour pouvoir a nouveau manger et boire. Tous me disent que les deux ou trois premiers jours sont durs, mais ensuite on prend le rythme. Je ne suis pas musulmane et je n'aime pas observer des rites qui pour moi n'ont pas le sens que leur attribue les personnes croyantes. Je trouve que ce n'est pas respectueux de singer des rituels sans y mettre le sens qu'ils sont censes avoir et en general je prefere donc m'abstenir. Il ne s'agit pas pour moi de vivre un folklore local, cette fois encore. Mais les personnes avec qui je vis et travaille vont tous se lever aux aurores puis s'abstenir de manger et boire jusqu'au soir, et je ne veux pas vivre differemment, me lever a 8h et aller prendre mon petit dej, bref vivre en decalage avec eux. Donc ce soir, dodo tot car je sens que le reveil va faire mal !
Je sors de l'hotel et prends la direction de la Mosquee Hassan II. Je passe par les petites rues de la medina, dont je ne sais pas trop quoi penser. Beaucoup d'echoppes a touristes, queques maisons d'un style architectural particulier et original, mais surtout, a mes yeux, beaucoup de delabrement. Je rejoins vite des souks bondes de monde, et la pauvrete me saute aux yeux. Quoi c'est ca Casablanca, le centre economique du pays ? Je ne doute pas qu'il y ait aussi des quartiers riches, propres, pleins de bureaux et de vitrines etincelantes, mais je ne m'attendais pas a cette etroite cohabitation avec les bidonvilles ! Je passe d'un quartier miteux a un autre encore plus miteux. Je suis un cap qui doit me conduire jusqu'a la Mosquee, je n'ai pas cherche s'il y avait un itineraire touristique pour s'y rendre par de jolis sites. Je me sens meme presque mal a l'aise en traversant ces rues pauvres. Des garcons jouent au foot, comme partout au Maroc, sur des bouts de terrains vagues dissemines ca et la entre deux constructions qui tombent en ruines. Au detour d'une rue ou je presse le pas tellement j'ai l'impression d'arriver dans la zone, je tombe sur un carrefour et, sur l'esplanade en face, la Mosquee. Qu'elle est grande et belle, pour le coup ! Elle est tellement immense et son minaret si haut que je dois prendre beaucoup de recul pour la photographier. Des passants de promenent sur l'esplanade, et sous ses arcades. Je vais regarder le prix et les horaires de visite. 12 euros, aille ! Mais je veux la voir. Je reviendrai demain matin pour la visite de 10h.




Je repars par le bout de l'esplanade, par laquelle arrivent les cars de touristes. Je passe entre la graqnde bibliotheque et le musee, de construction aussi recente que la Mosquee. Quasiment en face, de l'autre cote de la rue, un terrain vague avec de petits cabanons en tole rouillee. Decidemment quel constraste ! Je tente de rejoindre le centre de la medina en passant par une rue principale qui s'enfonce bientot dans un autre souk tout aussi anarchique que les precedents. Sur la droite, de longues ruelles etroites grimpent sur plusieurs etages de maisons, du linge pend a toutes les fenetres. L'espace d'un instant je me crois a Naples avec ses cordes a linge suspendues aux balcons ! Seule difference : les fleurs multicolores peintes sur les murs de ces pauvres maisons delabrees.
Je ne prends aucune photo de cette pauvrete. Trop mal a l'aise pour sortir l'appareil et immortalise les murs en ruine et les guenilles qui sechent au soleil.
Je suis bientot prise au piege d'un souk ou la foule se presse autour des etals tandis que les vendeurs, hisses sur les tables et les charrettes, crient a qui mieux mieux les tarifs derisoires de leurs marchandise a prix casses. Seuls les marocains sont aglutines autour de ces etals, je ne croise aucun touriste.
Je mets un temps fou a revenir dans le centre. Je retrouve les grandes allees du tram. Je decide de remonter le parcours du tram jusqu'a la place Mohammed V, ou je contemple les batiments administratifs de style colonial. Je ne leur trouve pas le meme charme que ceux de Bombay, ou mon imaginaire m'avait transportee dans un autre siecle. Je traverse un parc pour aller vers l'eglise catholique qui semble etre un bloc de beton blanc grossierement taille. Un homme au regard un peu fou m'aborde et commence a vouloir discuter avec moi. Tout en poursuivant mon chemin je lui reponds. Assez rapidement il me dit qu'il aimerait se marier et qu'il cherche une femme. Oui oui oui. Ben c'est bien. Moi justement je vais rejoindre mon mari, la.... D'accord mais tu ne veux pas que je te laisse mon numero de telephone ? Ah non, je crois que ce n'est pas respectueus pour mon mari, ca ! Je profite de l'eglise pour le lacher et entrer visiter. Mais je ressors assez rapidement car l'eglise a ete transformee en centre d'exposition et ne sert plus de lieu de culte. heureusement le barjot est parti. Certaines personnes me disent que la religion rend les hommes fous, trop brides ils sont parait-il tres chauds. Je ne vois pas le rapport, ou en tout cas je trouve ca completement cretin. En tout cas j'ai toujours envie de les baffer quand ils insistent alors que l'image d'un mari se profile. Mais ca, ce n'est pas une caracteristique exclusive des marocains !
Je ne suis pas d'humeur a continuer ma visite en marchant jusqu'a la corniche pour aller voir les quartiers modernes. Je retourne a l'interieur de la medina et tente de retrouver la rue de mon hotel. En passant devant le marche installe devant l'entree principale de la medina, je m'arrete pour acheter de l'huile d'argan. Je compte l'envoyer en France pour un cadeau. finalement je n'en ferai rien car un professionnel du massage me dira, a Marrakech, que mon huille est pourrie, moitie huile d'argan - moitie huile de table. On essaiera un echantillon sur moi pour un massage et il rigolera bien de mon achat. Super... Un gars m'aborde pour me faire visiter la medina. Je decline la proposition mais bien sur il me suit. On passe devant un hotel, il me propose de le visiter pour la prochaine fois. Je jette un oeil. Pas terrible, mais 100 dirhams la nuit. Avec eau chaude ? Non ! Ca sert a quoi d'avoir une douche avec eau chaude ? Tu peux aller au hammam juste a cote, ca coute 12 dirhams. C'est moins cher que de payer une chambre avec eau chaude. Oui evidemment, vu comme ca...On ressort. Je poursuis mon chemin, toujours avec mon accolyte a mes trousses. Mais voila un autre type qui interpelle mon guide. Ils echangent quelques mots en arabe. Finalement mon "guide" me dit qu'il doit me laisser car il sort des limites de son quartier, mais il me tend la main pour avoir quelques dirhams. Ah non, desolee mais je n'avais rien demande, vous m'avez suivie sans que je ne vous demande rien. Il n'est pas tres content mais tant pis je le laisse la et retrouve seule ma rue non loin de la.
Je cherche un cyber, mais n'en trouve pas dans les petites rues. Je me rappelle en avoir vu un sur le trajet du tram, pas loin d'ici. je retourne donc sur le grand boulevard. A un moment, un homme me croise, parlant en francais sur son telephone portable. 'Tu es ou la ? ... Alors tu es encore trop loin..." Je m'eloigne et n'entends pas la suite. Je trouve mon cyber, au sous-sol d'un cafe. je commence par prendre un coca au cafe, puis je descends. Au moment ou j'ouvre la porte, un gars arrive derriere moi. C'est le type qui parlait sur son telephone portable. Il me reconnait et m'aborde en francais. Salut mom amie ! Tout va bien ? Oui merci. Une petite partie ? - propose-t-il en designant les billards installes au sous-sol. Non merci, je dois aller ecrire un mail. Ah ok, c'est par ici. Il me montre un gars derriere un bureau. Je vais voir le gars, qui me designe un poste pour m'installer. Le PC est eteint, mon chevalier servant intervient pour demander qu'on me l'allume. Il s'asseoit a cote de moi. je peux te demander un service ? Tu peux regarder pour moi le numero d'appel d'urgence du consulat francais a Casablanca ? Sans meme demander pourquoi, je reponds oui bien sur. En deux minutes je lui trouve le numero. Et le voila parti dans une histoire a dormir debout. Ah merde, c'est le meme numero que j'avais deja. Ahlala, je suis dans la merde, qu'est-ce que je vais faire ?




Je sens le plan foireux. J'écoute et lui demande ce qu'il lui arrive. Alors voila. Ce monsieur prétend etre venu a Casa pour bosser avec des associations culturelles. Mais il lui est arrivé un truc de dingue. Un coup classique en fait. Un piéton se serait jeté sous son 4 X 4. Plusieurs témoins étaient présents. La police est arrivée, a embarqué le chauffeur et le piéton. La-dessus mon bonimenteur prétend etre resté 3 jours en prison, les témoins ayant disparu, personne n'ayant quoi que ce soit a dire en sa faveur. Et puis il est sorti mais la police a gardé sous scellé son véhicule, et ses papiers et son argent sont dans le véhicule, donc la en fait il ne sait pas ou dormir et il n'a pas un rond sur lui....
Je reste impassible. Il me débinera ses lamentations pendant 5 minutes, cherchant a m'attendrir, mais rien n''y fait. Et tu peux pas me dépanner de 20 dirhams pour que je ne dorme pas sur un banc ce soir ? Ah non désolée j'ai juste assez de dirhams pour payer le cyber ce soir.
Il finit pas partir. Enfin tranquille, je me connecte et avance sur le blog. Je reste tard, puis sors diner. Je mange assez mal dans un petit resto pas cher en face de l'hotel, puis je retourne dans un petit cyber que j'ai apercu juste dans la rue d'a coté.
Quel bonheur de retrouver mon lit et une douche dans ma chambre d'hotel ! Consciente de devoir savourer, je ne boude pas mon plaisir !
Le lendemain je ne traine pas pour plier bagage et repartir en direction de la Mosquée Hassan II. Je traverse les rues de la medina au petit matin. Les boutiques ne sont pas encore installées, c'est tout calme et on a de l'espace pour circuler. Je prends un autre chemin que celui de la veille, qui ne m'inspirait pas. La encore, les taudis qui se dressent dans les petites rues, si proches des grandes avenues bien plus classes, me surprennent et me mettent mal a l'aise.
Dans les petites rues, je passe devant plusieurs enseignes de dentiste qui me rappellent que je dois encore faire soigner ma dent ! Mais je ne le ferai pas ici.... Pas plus que je n'ai eu envie de le faire au souk de Fedalate ! Au milieu des étals de légumes, je suis en effet tombée sur un petit stand délimité par une bache et 4 piquets. En dessous, deux chaises a l'avant du stand, et une petite table de bois abimée sur laquelle le dentiste a posé un dentier en plastique. C'est tout. Et un metres plus en retrait, un tissu tendu sur deux metres de long cache le praticien et sa victime ! Il parait que le soin coute 20 dirhams au souk...
Un peu plus loin, un autre stand proposait des dents de toutes sortes. En fonction de celle qui vous manque, il n'y a plus qu'a faire son marché, un gars est la pour coller la dent choisie. Bouchain en a trois comme ca qui viennent du souk. Bref, les devantures de Casablanca ne me donnent pas plus envie que le souk !




J'arrive a la Mosquée et patiente un peu avant qu'on nous autorise a descendre l'escalier conduisant au guichet. Ici, on prend un sac plastique pour y mettre ses chaussures avant d'entrer dans la salle de priere. Et on attend son guide sous le panneau ''En francais''. Le guide marocain arrive et nous emmene pour une visite qui s'averera tres agréable. La Mosquée est tres jolie. Les hammams du sous-sol ne sont la que pour le décor, ou, disons, la démonstration (a vide) de ce que peut etre un hammam. Ils ne sont pas utilisés a l'heure actuelle. D'ailleurs, hormis a Paris, les Mosquées n'ont pas de hammam. Les deux sont deux choses bien distinctes.
La visite dure une heure, le guide est sympa, la Mosquée tres belle, je ne regrette pas mes 12 euros. J'en garderai un souvenir pour la journée : alors que nous observons les arcades extérieures, un pigeon me chie dessus (sur le bas de ma chemise blanche), apportant la démonstration de ce que le guide nous explique justement, a savoir que ces volatiles sont une vraie calamité et envahissent tous les espaces et moindres recoins des décorations pour s'installer et laisser des traces partout...




En repartant vers le centre ville, je tente de nouvelles rues dans l'espoir de trouver un jouet pour Malak. je n'ai pas vu grand chose pour l'instant. Je marche beaucoup, et finis pas trouver un magasin de jouet. Le vendeur veut me convaincre de prendre un parc avec des mobiles, mais il n'y aurait pas la place chez Bouchain ! Je finis pas prendre un gros biberon en plastique dans lequel je vois une dizaine de hochets et jouets différents. Je sors toute contente, avant de me rendre compte que tout de meme, rapporté au cout de la vie quotidienne, mon cadeau a 20 euros est beaucoup trop cher !! Comme d'hab je n'ai pas été tres futée... J'espere surtout que ca ne va pas géner Bouchain et sa femme. Tant pis, c'est fait !
Je n'ai pas envie de prendre plus de temps pour explorer Casablanca. ce que j'ai déja vu me suffit. Je préfere retourner au cyber pour renouer le contact avec le blog. J'y retourne donc, y passe trois heures, avant de retourner tranquillement vers la station de tram du marché central pour repartir vers le lieu ou je dois reprendre le taxi. Cette fois j'ai fait de la monnaie pour pouvoir payer mon ticket. Le tram arrive assez rapidement.
A la station de taxi, je montre mon petit papier sur lequel le chauffeur avait griffonné hier le nom de Fedalate. Un gars lit mon papier et appelle un chauffeur. Je monte dans un voiture vide, a l'avant. Il nous faudra attendre un petit quart d''heure pour que la voiture se remplisse. Evidemment je ne reste pas seule devant, une femme monte bientot a coté de moi. Et nous voila partis en direction de Fedalate.
Ce dépaysement m'a fait du bien ! A tel point que je suis toute contente de revenir a la "maison" a la ferme. Le paysage défile, je regarde la campagne avec le sourire, je discute avec le chauffeur du taxi, le temps passe vite. Je reconnais la route que j'ai faite en vélo pour arriver, j'apercois de loin le chateau d'eau du village. Avant de revenir a la ferme, je passe un peu de temps au café. Je me sens chez moi, c'est un sentiment agréable.
Cette deuxieme partie de ma vie a la ferme sera plus agréable. Mes neurones tout neufs me font voir les choses sous leur meilleur aspect. je trouve les villageois plus détendus, aussi. Ca commence avec les serveurs du café, qui m'accueillent dorénavant avec le sourire. Je ne rentre plus dans le café en baissant les yeux, je dis bonjour a tous les hommes assis en train de regarder les sempiternels matches de foot.
Je reprends la piste pour rentrer a la ferme. Quel plaisir de retrouver les troupeaux, les enfants qui jouent au foot, la couleur du coucher du soleil sur les champs. Tout ces détails me sont familiers maintenant. La chienne d'Aymar m'accueille au portail. Je rentre directement dans ce que j'appellerai jusqu'a la fin dans mon for intérieur "mon taudis". Je ne trouve plus si insupportable la saleté, en meme temps je sais que je n'en ai plus que pour quelques jours. Dans une semaine je m'en vais, et le 13 j'accueillerai Julie a l'aéroport de Marrakech. Encore une nouvelle experience a vivre. Ma premiere visite, le premier visage ami depuis bientot 3 mois. Je suis super contente, bien qu'une partie de moi redoute l'apres - Julie. Est-ce que ca ne va pas me donner un coup de blues de retrouver ma solitude ? On verra. Pour l'instant je suis super impatiente a l''idée de pouvoir parler de visu avec une amie, et non plus seulement par mail ou texto.
Je n'aurais pas longtemps a attendre pour offrir son cadeau a Malak. Vers 21h45, la femme de Bouchain vient me chercher pour diner avec la petite famille. Je prends le cadeau et également des gateaux que j'ai ahetés pour les parents. Quand je donne le biberon a la mere de Malak elle me sert dans ses bras avec le naturel dont elle ne se dépareille jamais ! Bouchain a été chez le coiffeur. Ils ont l'air bien tranquilles tous les trois ce soir. On dirait un dimanche soir comme n'importe ou en France. Fin de week-end, repos en famille. Bouchain me dit qu'il a travaillé un chouia seulement aujourd'hui. Aymar est toujours a Casa, apparemment il rentre demain.
Pendant que nous dégustons un tajine au citron, je dis que moi aussi il faudrait que j'aille chez le coiffeur. Bouchain et sa femme discutent un moment, puis m'expliquent que cette semaine on va organiser une virée hammam - coiffeur avec sa femme. Cool ! Ils respecteront cet engagement malgré les circonstances qui vont changer le programme de la semaine.
Je décide de ne pas profiter de mes jours de repos et annonce a Bouchain que je travaillerai 7 jours, jusqu'a dimanche donc, puis je partirai le lundi. je veux arriver a Marrakech mardi, soit un jour avant l'arrivée de Julie. Je m'installerai a l'auberge de jeunesse et irai la chercher le lendemain sans mon vélo et mes sacoches. Lundi soir je compte dormir a l'auberge de jeunesse de Casa, et prendre un bus de Casa a Marrakech mardi matin.
Le lendemain matin, je suis prete a bosser et de la meilleure humeur qui soit a 9h. J'ai dit a Bouchain que j'ai acheté un guide de conversation francais - arabe. On va essayer de le mettre en pratique, mais ce ne sera pas évident ! En attendant, je retrouve mes tomates et mes courgettes sous le soleil.



Ce jour-la, je ne vois pas rentrer Aymar. Il a du revenir pendant notre pause déjeuner. Je ne le verrai que le soir, alors que je rentre du village. Il est en train de faire un tour du potager. Je viens vers lui et lui explique ce que nous avons fait ces derniers jours avec Bouchain. Il soupire. Visiblement Bouchain n'a pas planté ce qu'Aymar lui avait demandé. Je suis Aymar dans la serre. Il me montre des pousses d'un genre de salade. Cela fait une semaine qu'il souhaite que Bouchain les transplante dans le potagers. Dans des caisses, je vois de toutes petites pousses de plantes différentes. Ce sont les échantillons qu'Aymar fait importer via internet, pour tester la culture ici au Maroc. Détendu, il m'explique qu'il voudrait pouvoir se promener un jour dans son jardin en observant toutes les variétés de légumes et de fruits possibles. Pendant qu'on se promene, je le sens plus "présent" qu'il ne l'a été jusqu'ici. Moins retranché dans son monde. A un moment, il me fait remarquer, sans que ce soit vraiment un reproche, que je suis extremement discrete. Je ne releve pas, je parle de mes soirées avec Bouchain, de nos projets pour le hammam et le coiffeur, de mes allers et retours au village (malgré ses recommandations). Il me propose qu'on aille diner. J'accepte et le rejoins a la cuisine apres avoir récupéré un sweat (plus pour les moustiques que pour la fraicheur). Je sens que je dois faire un petit effort, je vais essayer d'etre d'une compagnie agréable...
Cette soirée sera un total fiasco. Mais alors une des pires soirées de ma vie en termes d'ennui et de vacuité absolus. Que s'est-il passé ?... Pour commencer, Aymar propose qu'on cuisine. Bon, je me rembrunis. La soirée va donc etre plus longue que prévue.... Aymar ouvre le frigo et sort quasiment la moitié de ce qu'il contient. Je tente de l'arreter : si tu comptes sur moi pour manger tout ca c'est raté, je n'ai pas une grande faim ! Lui non plus, mais il aime avoir plein de bonnes choses sur la table et picorer ici et la. Nous voila donc partis a braiser toutes les courgettes, poivrons et aubergines, a piler des amandes, cuire des betteraves, couper des carottes et du choux blanc, cuire du pain, etc. Il n'est pas super bavard, et moi j'épuise vite les sujets de conversation que je cherche pour tromper mon ennui. Rapidement, nous sommes chacun a nos fourneaux sans plus rien nous dire. C'est long, tres long.... Je commence a bailler a 23h, les légumes sont a peine sortis du feu. Aymar allume un joint, me le propose. Allez, je tente une bouffée en espérant que ca me donnera plus de conversation. Mais non, rien ne se passe. je me perds dans mes pensées, lui dans les siennes. Tant que nous sommes chacun dans nos préparations culinaires ca n'est pas encore trop grave. Mais lorsqu'a minuit on s'installe enfin a table, le fossé se creuse, l'ennui envahit tout ce qui restait d'espace libre. Evidemment a cette heure-ci je n'ai plus faim. Je grignote vite fait un tout petit quelque chose. Je ne sais plus sur quels sujets sociétaux - politico - écolo on s'embarque, mais j'ai le souvenir tres net de la pensée qui m'a traversé l'esprit a un moment donné : je ne me suis jamais autant ennuyé de ma vie, je ne me suis jamais entendu dire autant de platitudes dans une seule soirée ! Mais que c'était long... Petit a petit on est arrivés au bout de nos platitudes. Les yeux d'Aymar étaient gonflés de sommeil. J'ai fini par dire merci et bonne nuit, et suis sortie en poussant un énorme soupir de soulagement !
Le joins a tout de meme eu un petit effet sur moi, car cette nuit-la, en rentrant sans lumiere, j'ai eu la sensation de marcher 10 minutes pour arriver jusqu'a mon taudis (au lieu des 2 minutes habituelles). Je n'en voyais plus le bout et ne comprenais pas pourquoi le chemin me paraissait si long ! A peine arrivée, je me suis glissée dans mon duvet et extinction des feux immédiate !
Le lendemain, une mauvaise nouvelle tombe. Le frere de Bouchain est tombé d''un échafaudage et souffre de plusieurs fractures. Il est a l'hopital et y restera un bon moment. Bouchain va s'organiser pour aller le voir a Casablanca. Ce voyage suscitera de nouvelles tensions avec Aymar. Bouchain me dira qu'apres avoir consulté son pere sur la question, Aymar lui accordera de partir une semaine sans solde. Bouchain partira vendredi. Je n'ai plus que 4 jours avec lui. Je sens déja qu'il va me manquer sur la fin de mon séjour. S'il y a une chose que j'ai vraiment vraiment aimée a la ferme c'est bien ma relation avec lui. En peu de mots, on s'est tres bien entendus tous les deux, ainsi qu'avec son adorable femme.
Pour l'heure, nous allons nous attaquer a des travaux un peu plus fastidieux que ce que nous avons fait jusqu'ici. Rien de compliqué, mais le job sera un peu plus fatiguant. Bouchain arrive avec un sac de petites pommes de terre et trois petits sachets de graines de carottes et de radis. Nous creusons des tranchées, plantons les graines et les recouvrons de terre puis de paille, avant d'installer les tuyaux d'arrosage au plus pres des plants. je manie un peu mieux la beche mais je n'ai décidemment pas le coup de main de Bouchain pour faire de jolis rangées bien aplanies.
Bouchain se lamente de planter si peu de carottes, meme pas une rangée entiere. Il ne comprend pas qu'Aymar souhaite tester ses nouvelles plantations avant de lancer de la production un peu plus conséquente.
En écoutant la démotivation et les récriminations de Bouchain envers son patron, je me dis parfois que tous les employés du monde se ressemblent. Depuis que j'ai mis un pied dans le monde du travail, je n'ai jamais été a l'áise avec les aigreurs exprimées en boucle. Je me souviens de la premiere fois que j'ai travaillé dans un bureau. Enfin la deuxieme, en réalité.
La premiere fois, j'étais avec une petite équipe de jeunes femmes du meme age que moi. On avait des préoccupations de notre age. Personne n'était posée, installée, tout restait a imaginer et a construire. Sauf pour l'une d'éntre nous, qui venait de se fiancer et ne parlait que de son mariage sans se douter que j'écoutais ca avec consternation. Je n'y peux rien, j'ai toujours été consternée que des jeunes ne revent que de mariage, d'enfants, d'achat de la maison et de la voiture familiales. A cet age-la, lorsque je rencontrais des jeunes qui m'étourdissaient de leur bonheur préfabriqué a venir, j'avais la sensation horrible d'etre face a une personne qui avait déja un pied dans la tombe ! Ca ne m'a pas empechée d'aller au mariage de la collegue en question et d'y passer un tres bon moment ! La pauvre, si elle savait comme j'ai pu etre horrifiée par son absence d'intéret pour tout ce qui ne touchait pas de pres ou de loin son "homme", ses futurs enfants et sa future maison ! Elle regretterait surement de m'avoir invitée a son mariage !
Mais bref, la n'était pas la question ! Quand je suis entrée dans ma premiere boite de transport international, ce que j'ai toujours considéré comme ma véritable entrée dans le monde du travail, l'ambiance était toute différente ! Un bureau de femmes, encore, mais dans des ages plus diversifiés. J'ai beaucoup aimé mes collegues. Pourtant c'est la que j'ai découvert qu'on pouvait se retrouver coincé au travail. Démotivation, frustration, sentiment d'etre piégé par une vie'dont on ne tient plus les renes. Et ca se lamentait, ca se lamentait ! Ca ralait contre ceci, ca pestait contre cela. J'avais déja moi aussi mon propre boulet au pied, mais je ne me sentais pas piégée de la meme maniere. Meme dans ma situation bien merdique de l'époque, au moins mes décisions n'engageaient que moi. Pas d'enfant a charge, pas de maison a payer. Libre de partir si je le voulais, sans imposer de risque a qui que ce soit d'autre que moi. Elles m'ont marquée, ces femmes courageuses qui assumaient leurs choix, mais qui semblaient si insatisfaites de leur sort ! J'avais beau comprendre leur difficulté a partir, j'ai trouvé ca tellement déprimant de les entendre se plaindre a longueur de journée que je me suis juré de ne pas devenir comme elles. Si ca ne te convient plus, pars ; si tu ne peux pas partir, fais en sorte de trouver un intéret a ce que tu fais : cette pensée m'a toujours guidée depuis. Hors de question de devenir aigrie ! Les quelques fois ou je me suis vue aigrie, je ne me suis pas regardée avec plus de complaisance que ces anciennes collegues ! Avec le temps j'ai tout de meme modéré mes grands jugements a l'emporte-piece sur les gens. Et je réalise toujours plus le luxe que représente la liberté de pouvoir agir sans culplabilité ou crainte pour les risques qu'on pense faire prendre a sa famille.
Bref, tout ca pour dire que je me sens vite mal a l'aise face aux aigreurs qui tournent en boucle. Je demande a Bouchain s'il pourrait trouver du travail ailleurs. Il me dit qu'il se renseigne a gauche et a droite depuis quelques temps. je lui souhaite de finir par s'accorder avec Aymar sur des méthodes et des conditions de travail, ou bien de trouver une autre place ou il sera plus satisfait.
En tout cas, en écoutant Bouchain qui me renvoie a toutes mes expériences professionnelles jusqu'a la plus récente, je prends conscience avec un immense plaisir que je suis pour l'instant affranchie de toute considération de ce genre ! Et j'ai bien l'intention d'en profiter !
En profiter jusqu'a quand, et pour faire quoi apres ? Je n'en ai pas encore la moindre idée...
Tandis que je vivais chez Lina et Franck, en Andalousie, en cherchant des vidéos a regarder je suis tombée sur un passage de Sylvain Tesson dans l'émission On n'est pas couchés. Ravie, j'ai vite cliquer sur le lien pour voir comment se porte cet écrivain voyageur qui a son insu a déclenché mes envies de voyage autour du monde. La nouvelle de son accident m'avait beaucoup touchée.
Petit retour en arriere.
J'ai peut-etre 18 ou 19 ans. Je suis dans ma chambre, c'est le début de l'été. Je m'adonne a une de mes passions, le puzzle, en écoutant la radio. J'ai toujours adoré faire des puzzles. Un peu comme en randonnée, les paysages se révelent a vos yeux petit a petit, au fur et a mesure qu'on avance sur le chemin. Et pendant que les yeux contemplent, l'esprit est libre pour penser, imaginer, rever.
J'avais trouvé par hasard une émission de radio qui chaque jour m'emmenait dans un autre univers. La premiere émission nous faisait prendre un vieux train qui traversait les montagnes du sud de la France et décrivait la vie des villages. J'avais pris autant de plaisir a écouter que si j'avais eu dans les mains un bon livre bien écrit.

Je ne rate pas la seconde émission. Et cette fois, j'entends le journaliste présenter Sylvain Tesson et Alexandre Poussin, deux jeunes hommes qui avaient a l'époque une toute petite vingtaine d'années. Ils revenaient d'un tour du monde en vélo d'un an. Bien sur a l'époque je ne connaissais pas la filiation de Sylvain Tesson. A ce moment-la, j'entends juste le récit de deux garcons qui sont partis sur des vélos pour voir le monde et aller a la rencontre des gens en toute simplicité. En amour on appelle ca le coup de foudre. L'évidence qui 'vous pénetre tout a coup sans crier gare. Et bien il s'est passé la meme chose ce jour-la, dans une dimension différente. Pendant que je cherchais parmi les 2000 morceaux épars sur la moquette bleue de ma chambre, ceux par lesquels j'allais commencer a reconstituer l'image d'un chateau au milieu d'une foret. L'évidence est entrée dans un petit coin de ma tete : voila, je sais ce que je veux faire dans la vie. Voyager.
Dans On n'est pas couchés, je découvre un Sylvain Tesson portant les séquelles de son accident. Mais son esprit est toujours aussi vif, tout comme son amour des mots nuancés, précis, justes, ceux que j'ai plaisir a lire dans tous les ouvrages qu'il a écrit depuis On a roulé sur la terre. Ce jour-la, face a Ruquier, j'entends Tesson parler de ce qui le motive a voyager depuis toujours. C'est, dit-il, sa maniere de vivre la vie intensément, La ou d'autre savent rendre intense une vie quotidienne plus classique, lui qui n'y arrive pas recherche cette intensité d'une maniere différente.
En l'écoutant, je me souviens etre partie le 15 février en me demandant si cette portion de vie itinérante allait me donner un jour le gout d'une vie intense plus classique. On m'a beaucoup dit, au moment du départ comme depuis, que ce que j'entreprends en ce moment est courageux. J'ai toujours pensé en retour que s'investir dans un quotidien moins aventureux me semblait tout autant courageux. Jusqu'ici je n'ai pas vraiment su faire. Pourquoi poser ses valises ici plutot qu'ailleurs ? Pourquoi se contenter d'un paysage toute sa vie quand il y en a tellement a découvrir ? Pourquoi s'investir dans tel ou tel secteur d'activité et se fermer a la découverte de tant d'autres choses qui peuvent révéler un intéret jusqu'ici ignoré ? Bon, je n'ai aucune légitimité vraiment dans ces questionnements car ma curiosité est tres relative. Je suis une reveuse, pas une chercheuse et encore moins une batisseuse.
D'ailleurs il est temps de mettre un point a ces considérations de comptoir pour en revenir a du concret !
Ma deuxieme semaine a la ferme passera tres vite. Les jours qui défilent me rapprochent toujours plus de mes retrouvailles avec Julie avec qui j'échange plein de messages. Un matin, Bouchain m'emmene vers la grange pour l'aider a sortir le tracteur. A tour de role nous actionnons la pompe a pied pour regonfler un des énormes pneus de la remorque. Puis il va chercher la voiture d'Aymar pour en retirer la batterie et la loger dans le moteur du tracteur. Il recule, et je souleve l'attache de la remorque pour la fixer au tracteur. D'une seule manoeuvre précise, Bouchain sort le tracteur et la remorque de la grange, puis il s'arrete et me dit : photo. Je cours chercher l'appareil pour le prendre en photo sur son véhicule. Mais il descend et me fait signe de monter. Ah bon d'accord. Alors je monte et il me prend en photo sur le tracteur, que bien sur je ne vais pas conduire ! Sur une grande route avec rien autour j'aurais bien essayé, mais la je n'ai pas assez d'espace pour manoeuvrer !
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Les journées qui précedent le départ de Bouchain passent a toute allure. Je mangerai encore une fois avec Bouchain et sa femme. Je cherchais le moyen d'éviter de retourner au souk, mais vu le changement de programme je n'aurai pas a y aller. Bouchain et sa famille partiront vendredi en fin de matinée. Ils tiennent cependant a respecter l'engagement qu'ils avaient pris a propos du hammam et du coiffeur. J'essaie de faier entendre que ce n'est franchement pas indispensable, mais rien a faire, ils y tiennent.
Aymar filera sur Casa une fois de plus pendant la semaine. Décidemment on ne se sera pas beaucoup vus, entre ses escapades et mes fuites.
Vendredi matin, je suis de bonne heure au travail dans le potager lorsque je vois Bouchain arriver en costume et sans casquette pour une fois. Toute la famille s'est levée tot ce matin. Sauf Malak, qui se réveille a peine. Bouchain m'invite a préparer mes affaires pour le hammam. Je vais chercher tout le nécessaire dans mon taudis et reviens patienter chez eux. Une fois prete, sa femme attrape Malak et hisse l'enfant sur son dos. Plíée en deux pour offrir une assise horizontale stable a Malak, la femme déplie un grand chale et, d'un mouvement sur, l'envoie par-dessus ses épaules. Malak ne bouge pas. Habitué, l'enfant attend sagement que le foulard se serre autour de lui. La femme se redresse et la petite crevette dans son dos trouve tout naturellement sa place, assis dans le chale, plaqué contre le dos de sa mere. Nous nous chargeons du nécessaire pour le hammam et d'un gateau que nous allons déposer au passage chez un épicier qui va le vendre par morceaux a 1 dirham piece.
A la suite de Bouchain, nous empruntons un nouveau chemin qui quitte la piste pour couper a travers champs jusqu'au village. Bouchain me déconseille de prendre ce chemin sans etre accompagnée.
Il marche vite, sa femme peine derriere lui. Je découvre que le village est plus étendu que je ne le croyais. Certaines maisons paraissent meme plus cossues que celles que j'ai vues jusqu'ici. Je compte deux écoles. Nous arrivons au centre du village et entrons dans une petite maison ou habite la fille ainee de la femme de Bouchain. Elle et son mari sont en train de ranger la piece qui leur tient lieu de chambre. Ils disposent d'une piece supplémentaire ou des tapis sont disposés par terre. C'est la que Bouchain s'installe pour attendre que sa femme finisse les préparatifs du départ. Il a l'air préoccupé. J'apprendrai plus tard qu'Aymar lui a demandé de faire les courses de la semaine avant de partir pour l'hopital. sa matinée va donc etre chargée pendant que nous serons tranquillement en train de nous faire "belles"...
Enfin nous y allons. Et c'est dans le vestiaire du hammam que je découvre apres deux semaines que Malak est une petite fille, et non pas un petit garcon. Nous restons en petites culottes et entrons dans la piece chaude. La femme de Bouchain prend les choses en main et me montre comment faire. D'abord on lave le corps avec de l'eau chaude. Puis on se frotte avec du savon noir. Premier rincage. Ensuite on passe a l'argile. Deuxieme rincage. La troisieme étape consiste a prendre le gant rugueux et a frotter aussi fort qu'on peut pour faire partir la peau morte. A ce moment, la femme de Bouchain se charge de me frotter le dos (et elle n'y va pas de main morte !), avant de me demander de faire de meme pour elle. Nouveau rincage. Et on finit avec un savon doux, et un ultime rincage. Il ne reste plus alors qu'a se laver les cheveux et les oreilles, et au bout d'une heure c'est fini.
Avant d'entrer dans le hammam, nous sommes allées frapper a la porte de la coiffeuse pour lui dire que nous viendrions d'ici une heure. Du moins c'est ce que j'ai supposé de la conversation en arabe entre la coiffeuse et la femme de Bouchain. Ce qui j'ignore par contre, c'est que la femme de Bouchain a en fait tout organisé et précisé a la coiffeuse que je voulais.... un brushing !
Lorsque nous arrivons chez la coiffeuse apres le hammam, celle-ci me fait asseoir dans un siege face a un miroir. Aucun point d'eau dans la piece. Sans rien me demander (puisque tout est déja convenu), la coiffeuse pulvérise un peu d'eau sur mes cheveux et s'empare de son instrument de torture : le seche cheveux ! Je passe une bonne demi heure a me faire bruler le dessus du crane et les épaules, tellement elle tient le seche cheveux trop pres de ma tete et de mon cou ! Je lui dis a plusieurs reprises que c'est trop chaud mais ca la fait sourire... Au bout d'une demi heure, j'ai une charlotte sur la tete et les épaules rouges !

Je patiente ensuite pendant que la coiffeuse s'occupe de la femme de Bouchain. Il lui faudra bien pres d'une heure et demi pour lisser les cheveux longs, puis la maquiller a outrance. Epilation des sourcils, poudres et crayons, rien n'est oublié. La visite familiale a l'hopital nécessite d'etre sur son 31, d'ailleurs pour la premiere fois Malak a été habillée en petite fille avec une belle petite robe.
Enfin nous sommes pretes, et nous sortons. Mon simple brushing ne m'a couté que 15 dirhams. Bouchain arrive en vélo, et c'est la premiere fois que je le vois visiblement agacé. On a pris beaucoup trop de temps, ils se sont mis en retard et Bouchain redoute de ne pas trouver de taxi de Casa jusqu'a la maison de sa mere. Tout le long du chemin de retour jusqu'a la maison de la fille de sa femme, il rouspete. Mais il rouspete en répétant sans arrete les memes choses, sans crier, sans hausser le ton. J'ai de la peine pour sa femme qui cavale derriere lui avec Malak sur le dos.
Nous arrivons chez la belle-fille de Bouchain. On m'invite a manger quelque chose, mais les sachant pressés je décline et dis que je vais repartir a la ferme. Bouchain m'accompagne jusqu'au début du chemin qui traverse les champs. Sans effusion d'émotion mais avec un vrai pincement au coeur, nous nous serrons la main et échangeons avec nos quelques mots de francais mélés d'arabe, des adieux sinceres et souriants. Il repart a grandes enjambées. Heureusement j'ai pensé a le prendre en photo ce matin. Dommage par contre, je n'ai pas eu l'occasion de prendre en photo sa femme et Malak.

J'aurais vraiment passé de bons moments avec Bouchain. La veille de son départ, notamment, agacé par Aymar, il n'avait pas envie de bosser. Il était allé chercher une feuille de papier et un crayon. Allongé dans l'herbe, il s'était mis a m'expliquer des moyens mnémotechniques pour me rappeler le nom des jours de la semaine, ou encore m'apprendre a compter.
Je rentre a la ferme, déjeune vite fait (de feves, bien entendu !), et me remets au travail. Aymar, qui est finalement rentré entre temps, me rejoint rapidement. J'apprends qu'un remplacant arrive, pour palier l'absence de Bouchain. Il est un peu en retard.
Lorsqu'il arrive, je reconnais le jeune ami de Bouchain rencontré sur le marché. Aymar accueille Mohammed et l'emmene pour lui montrer des choses. Mohammed connait la ferme, il a déja remplacé Bouchain.
Avant sona arrivée, Aymar m'a dit qu'il voudrait que nous profitions de l'absence de Bouchain pour faire le paillage que celui-ci n'a jamais eu envie de faire.
Ce travail n'a rien d'excitant mais puisqu'il faut le faire... Je passe donc l'apres-midi a charger des brouettes de paille coupée, et a répartir la paille sur tout le sol des potagers. Je suis couverte de poussiere de paille de la tete aux pieds. Mohammed me rejoint et me demande ce qu'il faut faire. Il ne parle pas francais. Je suis un peu surprise : ce serait plutot a lui de me donner des consignes, et non l'inverse... Je lui explique ce que Aymar attend de nous. Il sourit, hausse les sourcils d'un air interrogateur, mais se met au boulot sans discuter.
Nous passerons trois jours ensemble a revetir les sols de paille ! Nous parlons tres peu a cause de la barriere de la langue. Et puis dans ma tete je suis déja presque partie. Je compte les heures qui me restent ici, je pense a notre programme a Marrakech, je reve déja de ma premiere nuit a l'auberge de jeunesse a Casa. Quitter la saleté que j'ai supportée pendant 15 jours. Bientot c'est fini, je ne pense plus qu'a ca !




Samedi matin, je commence le paillage sans Mohammed, qui arrive un peu plus tard. La copine d'Aymar doit arriver aujourd'hui de Casablanca. Elle arrivera en fin de matinée. Toute menue et gentille, je me sentirai bien plus a l'aise avec elle qu'avec Aymar. J'apprends au détour d'une conversation que deux autres workawayers arrivent des USA lundi midi. Je suis surprise, car Aymar m'avait dit qu'en raison de l'approche des élections (un peu l'équivalent des municipales, si j'ai bien compris), il ne prendrait pas de nouveaux volontaires pendant quelques mois. Ceci pour éviter tout climat de suspiscion. Ce changement fait partie des choses qui sans cesse m'auront fait douter de ce que peut dire Aymar... Quoi qu'il en soit, j'entends qu'on demande a Fatna de faire le ménage dans le taudis en prévision de l'arrivée des américains. Et de sortir les poubelles. Je suis ravie'de voir que pour certaines personnes l'accueil est donc un peu plus soigné. Dommage pour moi !
Pendant ma pause de midi, je sors le vélo des chiottes et le nettoie soigneusement. Je passe en revue la mécanique, et découvre qu'un cable du dérailleur est en train de sortir de sa fixation. Il faudra que je fasse réparer ca avant que le cable casse. J'aurai le temps de le faire a Marrakech. Je checke le reste de mes affaires, tout est pret. Je serai contente de faire une vraie machine a laver, également. J'ai lavé tous mes vetements dans la casserole qui m'a servie pour ma toilette. Un bon rafraichissement leur fera du bien.
L'apres-midi, nous finissons le paillage avec Mohammed. A 17h, alors que nous avons fini le paillage et que je m'apprete a aller au village, Mohammed semble me demander par quoi il peut poursuivre son travail. Ben.... j'en sais rien, moi ! J'essaie de lui expliquer que le boss, c''est pas moi. Mais évidemment on ne se comprend pas. Il me suit jusque chez Aymar. Mais j'appelle et personne ne répond. On n'insiste pas, et j'abandonne sans scrupule Mohammed a son sort pour m'en aller au village.
En rentrant, je décide de faire bande a part. Je ne me manifeste pas aupres d'Aymar et de sa copine, qui ne viendront pas me chercher non plus.
Dimanche, je me réveille toute guillerette. Dernier jour ! Je suis en pleine forme ! La liberté est proche, et la compagnie de Julie aussi ! Je me mets au boulot avec plaisir, et decide de m'occuper des tomates puisque je n'ai pas de consigne. Mohammed arrive et fait comme moi. Je ne comprends pas bien pourquoi il a l'air de ne pas savoir ce qu'il faut faire. Mais comme on ne peut pas communiquer... En tout cas il est gentil.
La copine d'Aymar vient nous voir. On ne vous a pas vue hier soir... Ah non en effet, je suis rentrée tard, j'étais fatiguée. Ouh la menteuse !! Les parents d'Aymar vont probablement venir ce midi, je suis invitée a manger avec tout le monde. Ah zut... Bon. Je propose mon aide pour la cuisine. Nous allons donc rejoindre Aymar a la maison. Il regarde un vieux film japonais sur son PC. Je papote avec sa copine en faisant la cuisine. Au moins je trouve plus facilement des sujets de conversation avec elle. La venue des parents est retardée, finalement je mange sans les attendre car on ne sait pas a quelle heure ils vont arriver et Aymar et sa copine vont les attendre.
J'entends Aymar s'enerver au telephone avec son frere. Je m'eclipse et retourne dans le potager pour les dernieres heures de boulot qu'il me reste. Puis je file au village, car j'ai envie de voir une derniere fois la piste de sable a cette heure-ci, et les couleurs du coucher du soleil dans les champs. Demain je pars regagner la ville, j'ai donc bien conscience de savourer pour la derniere fois avant un moment le calme et les beautes de la campagne.
27 juin 2015
Journee bien sympa. Crevante mais rythmee par de tres bons moments. Je suis parfois etonnee par les gens que la vie met sur mon chemin...
Si la journee a ete tres sympa c'est avant tout parce que j'ai passe un moment en famille et que c'etait trop chouette de voir les parents, mais aussi Danielle, Pierre, David et Anna ! Ca fait si longtemps pour la plupart ! Qu'ils etaient beaux, tous (quand l'image n'etait pas floue !) et que c'est bon de les entendre rire. C'etait meme frustrant de ne pas etre parmi eux pour en profiter un peu plus. Et puis il y a eu Julien, aussi, plus tard. Merci mon beau-frere pour ton soutien :) Et puis il y a eu Stanou au telephone, avec son coeur gros comme ca et son grand sourire que j'entendais au bout du fil. SoLeader, rendez-vous fin aout ! Je ne sais pas encore ou mais le rendez-vous est pris !
Et puis il y a eu la folie de la preparation du ftour pour 22 personnes a Priscilla. Qu'est-ce qu'on rit ici, n'empeche ! On rit, on chante, on ne se prend pas au serieux et je me sens entouree de gens genereux et bons. C'est vrai que ma tete commence deja a se projeter dans la suite du voyage, mais n'empeche, je sais qu'ils vont me manquer, Siham, Samira, Babou, Driss, Hana. Siham m'a demande hier de rester jusqu'en decembre, jusqu'au nouvel an. Je reponds non, mais ce n'est pas sans un pincement au coeur car ils ont fait leur place dans mon coeur instantanement.
Hier j'etais sur le point de cliquer pour acheter mon billet pour Montreal. Mais au dernier moment j'ai renonce. J'irai a l'aeroport demain pour verifier le montant total du voyage, frais inclus pour le transport de tout mon materiel. Trop peur d'arriver le jour du depart et de connaitre des galeres pour des bagages hors normes.
Je cotoie depuis 10 jours une femme ecrivain, australienne, qui a mon age ou a peu pres. Etonnante rencontre. Plus le temps passe plus on se livre. Evidemment je lui ai parle de mon desir d'ecrire. Je ne vais tout de meme pas laisser passer les occasions de parler de mon 2eme reve aux ecrivains que je rencontre ! Bon pour l'instant je n'ai pas ecrit une ligne de ce recit auquel j'aimerais donner naissance un jour. Mais pour la premiere fois depuis mon depart des inspirations viennent. Qui vivra verra...
Je voulais avancer un peu sur le blog ce soir, mais je suis KO. Au lit pour le moment ! J'ai dit a Siham qu'avant mon depart j'aimerais retourner avec elle et Hana danser dehors. Ca m'a fait du bien, la derniere fois. ca faisait longtemps. Allez, au dodo ! Il n'est que minuit mais je me leve a 3h alors zou au lit !

28 juin 2015.
L'info du jour : ca y est j'ai clique. J'ai pris mon billet Casa - New York pour le 1er aout, apres bien des tergiversations. J'ai finalement opte pour une depense moins elevee - donc New York. Je devrais en avoir pour 150 euros de supplement pour le velo et l'excedent de bagages.
Je prends un vol tres etrange avec Qatar airlines. Il y a une escale... a Doha ! Etonnant ce detour par le Qatar avant de repartir vers l'ouest. Mais bon, le tarif est vraiment interessant.
J'ai super hesite avant de valider ma commande... et me suis sentie super contente une fois que le point de non retour a ete franchi ! La perspective de repartir sur les routes me rend toute joyeuse. Ce qui ne veut pas dire que je suis heureuse de partir d'ici et de quitter ma petite famille chez Priscilla.
Mais visiblement pour l'instant l'appel de la route est plus fort. Envie d'aller voir comment c'est ailleurs.
29 juin 2015
De retour 'chez moi', je prepare mes sacoches, range un maxium de choses, puis me dirige vers la maison d'Aymar. Ce soir bien sur j'ai l'intention de diner avec lui et sa copine. Last day... Lorsque je m'approche de la maison, ils s'appretaient tous les deux a venir me voir. La copine s'en va, elle doit etre au bureau tot demain matin. Ah flute, un nouveau tete a tete s'annonce... Je dis au revoir et attends devant la piscine qu'Aymar ait raccompagne sa copine au portail.
Lorsqu'il revient, je le trouve detendu. Nous decidons de diner dehors. Pas de cuisine a faire, tout est deja pret. Les parents ne sont finalement pas venus, il y a de la nourriture a foison. Aymar a la bonne idee de mettre de la musique electro. Il allume un joint. Je suis plus detendue que jamais, moi aussi. Et contre toute attente, nous passons une soiree vraiment sympa. Cette fois nous sommes l'un et l'autre dans un vrai echange. Nous parlons a coeur ouvert de nous, de nos vies, et puis aussi du systeme workaway, de ses avantages et de ses limites. Un homme comme lui, avec un projet aussi lourd, aurait selon moi besoin de filtrer un peu les profils des gens qui demandent a bosser avec lui. Moi par exemple je n'y connaissais rien en permaculture, je le lui avais dit. Resultat : j'ai ete une bonne executante mais il ne fallait pas compter sur moi pour prendre des initiatives et faire des propositions pour lui apporter une aide efficace. J'aurai la meme discussion avec Hana a Marrakech sur le systeme workaway. Il y a du bon, et du moins bon. Pour les hotes comme pour les volontaires.
Quoi qu'il en soit, je passe une tres bonne soiree. J'en ai meme quelques scrupules a posteriori. N'ai-je pas ete un peu expeditive et trop fermee avec Aymar ? Lui ai-je vraiment donne une chance ? Il m'a mise mal a l'aise, mais ai-je cherche a en savoir un peu plus sur lui ? Bon, apres tout, on ne peut pas avoir des affinites avec tout le monde. En tout cas je repars ce soir-la contente de la maniere dont ca se termine avec lui. Il me demande de le reveiller demain pour se dire au revoir.
Cette nuit-la je ne dors pas beaucoup. Je me reveille a 7h du matin. Je ne me presse pas car j'ai dit a Aymar que je le reveillerai vers 9h30 au plus tard. Je savoure donc mon the en regardant mon velo charge. Le sentiment de liberte revient. J'aime ca... A 9h30 tapantes je suis chez Aymar. Nous nous disons au revoir, il me recommande de l'appeler en cas de besoin pendant la suite de mon voyage au Maroc. Je repars a grandes enjambees joyeuses vers mon velo qui m'attend devant le portail. A moi la liberte ! Vive le retour sur les routes !
Aymar m'a indique un raccourci pour retrouver la nationale qui mene a Casablanca. Je ferme le portail derriere moi et prends une piste a peine visible a 5m sur la droite de la ferme. La piste court a travers champs pendant 20 minutes. Je m'elance, comme mon velo est confortable et solide ! Je suis a nouveau en route ! La vie est belle...




Je retrouve la campagne jusqu'a Mohammedia, je traverse a nouveau le bidonville d'Ait Tikin, puis tourne sur la nationale en direction de Casa. J'en ai pour moins de 30 kilometres. Que c'est bizarre de rouler sur ces grandes routes au trafic plus intense que ma petite route conduisant au village ! J'appuie avec bonheur sur les pedales, le paysage defile.
Plus je m'approche de Casa, plus j'apercois des bidonvilles. On n'en voit que les murs exterieurs. Rien ne transparait de la vie interne de ces villes de toles et de murs delabres. Alors que je grimpe sur un pont enjambant l'autoroute, presque a l'entree de Casa, mon regard est attire par un rassemblement sur la droite. Je m'arrete, et decouvre un attroupement autour d'un cercueil en bois. De la ou je suis, il me semble que le corps et pose simplement dans une sorte de brancard en bois, et recouvert d'un drap colore. Je ne vois que des hommes. Tout a coup le groupe bouge. Le cercueil est souleve par des hommes et porte vers l'entree du cimetierre, suivi par le cortege. Cette vision est etrange. Comme un moment d'intimite vole aux portes d'un bidonville, au bord de l'autoroute...
Je remonte sur le velo et entre dans Casa par les grands boulevards, si je puis dire. Le cote populaire, pas les grandes avenues bien propres. Je discute avec un vendeur de boissons fraiches qui a travaille pendant de nombreuses annees en Italie et parle italien avec un tres bon accent. Je retrouve le rond-point ou j'avais pris le tram, et suis le trajet du tram jusqu'a la place des nations unies. Me revoila de retour a la medina de Casablanca. Je fais un detour par le port, apercevant le panneau de la gare ferroviere. Je suis sur le point d'entrer dans la gare pour prendre les infos sur les horaires des trains pour Marrakech quand un policier m'arrete. On n'entre pas dans la gare avec un velo. Mais je veux prendre demain le train pour Marrakech... Le policier me repond que ce n'est pas la bonne gare. Bon, tant pis je vais a l'auberge de jeunesse et me renseignerai plus tard sur les horaires des trains.
Je retrouve sans probleme la place de l'hotel central et, de l'autre cote de la place, l'auberge de jeunesse. Un jeune francais barbu et vetu d'une djellaba blanche est assis sur les marches du perron. Il roule une cigarette. A mon approche il se leve et propose de m'aider a monter les marches avec mon velo. Je suis suprise par sa voix toute douce. J'apprendrai dans la soiree qu'il est chti, et musulman. Alors que je vais me signaler a la reception, je vois un homme d'une cinquantaine d'annees s'approcher de lui. Je pense que c'est son pere et ne prete pas plus attention que ca a eux.
Je decouvre avec etonnement que l'auberge est tres grande et vriment tres sympa. je suis aux anges. J'ai un dortoir de 6 lits pour moi toute seule. je trouve tout super propre ! Grand luxe ce soir !! Je suis en train de decharger mes sacoches du velo quand le gars que je prenais pour le pere du chti vient vers moi. Le voila qui se lance dans un laius qui a le don de m'agacer alors qu'il voit que je suis occupee. L'objet de son intervention : il a une amie au Senegal qui a grandement besoin qu'il lui envoie 100 euros. Seulement voila, ici au Maroc 'c'est impossible de faire un virement au Senegal'. Allons bon... Pour l'aider il faudrait, me dit-il, que j'appelle un de mes contacts en France pour demander que ce contact se rende dans un bureau de tabac et se fasse remettre une carte gratuite dont j'ai oublie le nom depuis. Cette carte contient un numero que je n'aurai plus qu'a lui communiquer par mail. Et lui me remettra 100 euros en cash, bien sur. Oui oui oui.... Mais Casablanca est donc le lieu de rendez-vous de tous les mythos ?! Ecoutez non, la je suis en train de decharger mes affaires., comme vous le voyez... Je reverrai le gars trainer au cyber dans lequel je me rends en soiree pour avancer sur le blog. Je sors me balader une derniere fois dans la medina avant de me poser au cyber un moment. Lorsque je rentre a l'auberge, je rencontre deux francaises. Elles me proposent de partager un the avec d'autres guests sur la terrasse. Je passerai la fin de la soiree en leur compagnie. Les deux francaises, le chti musulman et un japonais qui fait le tour du monde.
Le lendemain je me prelasse dans mon lit ! Je fais mes bagages tranquillement, prends mon petit dej, et file vers la gare Casa voyageurs. Je laisse mon velo dans le hall et fais la queue prendre un billet. Mais quand je montre mon velo, je me heurte a un refus. Pas de velo dans les trains ! Je suis decue, j'aurais aime tester le train marocain. Je remonte en selle et repars vers la gare routiere. J'ai un bus dans 20 minutes. Je laisse mon velo a la bagagerie. Je demande si je dois enlever les sacoches mais on me dit que ce n'est pas la peine. Oh oh, etrange... Ils vont glisser mon velo charge dans la soute ?? J'ai peur... Dans quel etat vais-je retrouver mes affaires ?...
J'achete deux kit-kat, je monte dans le bus, et ne peux m'empecher de sourire comme une gamine quand nous demarrons : je pars pour Marrakech ! Je vais bosser la-bas et je vais y retrouver Julie !!
J'ai su que j'allais bosser a Marrakech deux jours avant de quitter la ferme. J'avais une reponse positive de Rabat, et toujours pas de news de Marrakech. Par acquis de conscience j'avais fait une relance, et la bonne nouvelle etait tombee au dernier moment. J'ai saute de joie en lisant le mail.

Je n'en reviens pas d'avoir trouver cette opportunite. Je suis tout de meme anxieuse. L'annonce parle de donner un coup de main a la creation d'un espace d'expression artistique et culturelle, un lieu d'activites sociales et egalement de rencontre de voyageurs. C'est a la fois vaste et vague, je ne sais pas trop a quoi m'attendre. L'endroit, Priscilla Queen of the Medina, est tenu par deux femmes - ce qui a tendance a me mettre plus spontanement a l'aise. Il se situe au coeur de la Medina, a 10 minutes a pied de la place Jemaa El Fna. C'est Hana (l'une des deux femmes) qui communique avec moi. je la sens overbookee, ce qui a la fois me stresse et suscite mon interet. En fait je stresse parce que je suis tout sauf une artiste, et je me demande ce que je vais pouvoir apporter a ce projet. Mes vieux demons reviennent, comme je le dirais le lendemain soir a Julie. Spontanement je ne me sens pas a la hauteur. Mais je suis partie pour me confronter a mes demons, justement. Alors une toute petite partie de moi est tout de meme contente et confiante. Je ne sais pas ce qu'on va me demander de faire exactement. J'e comptais rester 15 jours, mais Hana m'a dit qu'elle souhaitait un sejour d'au moins un mois. Je vais donc vivre un mois a Marrakech. ce sera la premiere fois que je m'arreterai aussi longtemps, je ne sais pas encore comment je vais le vivre. Mais pour l'heure, je suis heureuse de bouger et heureuse de m'offrir 4 jours de vacances avec Jule. je lui ai laisse le choix du programme, a priori elle souhaite rester sur Marrakech et pas forcement bouger. Pour Aymar, il n'y a pas tant de choses a faire ou voir dans la ville et une excursion s'impose. Pour moi ce qui prime c'est que Julie fasse ce qu'elle a envie de faire, j'aurai tout le temps de bouger apres.
Par la vitre je regarde les grandes rues commercantes de Casablanca. Puis le paysage change et fait place a de grands champs dores tres secs. Comme le Maroc semble peu peuple et sec en dehors des grandes villes. Pourtant il y a toujours au moins une personne dans chaque champs.




Le voyage dure 3h30. Il fait chaud, parfois je ferme les yeux et j'ecoute ma musique. Au bout d'un moment j'ouvre les yeux et decouvre la-bas au loin une petite chaine montagneuse. Je deplie ma carte routiere pour voir par ou on passe. J'aime la sensation d'entrer toujours plus a l'inerieur du Maroc. J'ai envie de voir autre chose que oes decor de bord d'ocean. Je suis servie ! Champs arides et chaine montagneuse, voila qui me plait ! Et de temps en temps, une ville delabree...
Enfin j'apercois des maisons ocres et rouges. C'est meme un peu etrange au debut cette couleur uniforme. Ca fait presque decor artificiel. Nous passons par de grandes avenues hyper larges, bordees de parterres de verdure. C'est ca Marrakech ? Je ne savais pas a quoi m'attendre, n'ayant pas regarde de photos. Je sais que la gare routiere n'est pas tout a fait dans le centre. Le bus s'engage dans un espece d'entrepot isole. La gare routiere est dans un genre de cul de sac. Le bus s'arrete. Je suis prete a descendre le plus rapidement possible tellement je suis inquiete pour l'etat du velo. Lorsque la soute s'ouvre devant moi, je decouvre le velo couche avec les sacoches attachees. Une des sacoches arriere est a moitie arrachee du porte bagae. je peste interieurement. Je retire le velo et crierai presque de rage en croyant qu'une des fixations des sacoches est cassee. Mais je me mets sur le cote et reussis a remettre la fixation correctement. Ouf ! Par contre j'ai subi un choc thermique en sortant du bus ! Je suis tout de suite enveloppee d'un souffle d'air tres chaud. Je n'ai encore pas bouge que je transpire deja ! Il fait 43 degres, bienvenue a Marrakech 1
Tous les passagers sont partis quand j'ai fini de refaire mon pacquetage sur le velo. Mais qu'on etouffe ici ! Je mets mes lunettes de soleil et monte en selle. Je demande ma direction, et c'est parti pour le centre ville. Je mets bien 15 minutes pour approcher de la Medina. Un drole de mur d'enceinte presque rose se dresse devant moi. On dirait du carton - pate. Je suis tres surprise, ca fait toc. Les murs sont perces de trous. Nous menerons une enquete avec Julie pour savoir a quoi servent ces trous. Pas convaincues par les explications, nous retiendrons qu'ils servent a refixer les echaffaudages pour les travaux de renovation...
Je suis le panneau indiquant la place Jemaa El Fna. J'ai beau trouver que le decor fait toc, je me sens gagnee par un sentiment de bien-etre. Je suis heureuse d'etre ici. J'ai un bon pressentiment. Il se degage de cette ville une sensation de chaleur humaine et de gaite. Je passe le long des murs du palais royal et tombe presque sans prevenir sur la Koutoubia qui se dresse en ligne de mire devant moi. Entouree par des jardins, faisant face a la place Jemaa El Fna, la Koutoubia est un lieu de priere mais aussi un lieu de detente - du moins ses abords.




Je suis toute excitee ! Je suis a Marrakech ! C'est magique... Je traverse et me dirige vers la place Jemaa El Fna. Alors la voila donc, cette fameuse place ! Je pense a Catherine qui aime cette ville. Je passe d'abord par une sorte de grande allee qui conduit au centre de la place. Des caleches de chevaux stationnent sur ma gauche, attendant les touristes pour leur faire decouvrir la ville. Je m'attendais a ce que la place soit plus a l'interieur du coeur de ville. Mais en fait cette medina, par certains aspects, est plus aeree que d'autres. Julie aura le meme etonnement que moi. Ici on ne se sent pas encore dans la medina, parce que la representation que nous en avons est bien plus concentree et etroite.
Des vendeurs me proposent des chapeaux, des montres, des telephones, des ceintures. Je decline et mets pieds a terre pour prendre le temps de m'impregner de tous les sons et de toutes les images. Devant moi des singes sont assis sur l'epaule de leurs maitres qui les baladent au bout d'une laisse pour tenter de se faire prendre en photo avec leurs petits compagnons.
J'entends le son des flutes des charmeurs de serpents. Cobras et viperes semblent hypnotises devant eux. Mais le charme ne dure pas franchement : quand les musiciens posent leur flute pour faire une pause, les serpents restent tout aussi bien dresses sur leur queue enroulee. On dirait qu'is sont shootes, en fait. Ca n'a rien de tres excitant. Et en ce qui me concerne je ne trouve aucun interet a contempler des animaux, serpents ou singes, exposes toute la journee au soleil devant des badauds. En plus je trouve la musique tres moche, limite irritante. Mais bon, mes gouts musicaux sont tres particuliers ! En parlant de ca, je suis surprise d'entendre a la radio dans les boutiques Tizziano Ferro, Mike Brant ou encore Demis Roussos ! Ambiance touristique et France profonde.
N'empeche, me voila tout de suite plongee dans le decor ! Je retrouve egalement mes vendeurs d'eau tout vetus de rouge avec leurs chapeaux a grelots. Des femmes voilees jusque sous les yeux harponnent au passage les touristes, assises sur leurs tabourets, vaguement protegees de la chaleur par des parasols. Elles vous appellent, se levent et tendant vers vous un petit livret contenant des photos de tatouages au hene. Dans l'autre main, elles tiennent une seringue remplie de hene, pretes a en faire usage. D'ailleurs la plupart du temps elles vous forcent la main et hop, on se retrouve avec un affreux dessin surcharge de fleurs sur le dos de la main. Moi je cache mes mains !
Je m'avance vers le centre de la place. Je m'apercois tout a coup que mpn pneu arriere est a plat ! Bah mince alors ! J'ai roule sur un gros clou ou un truc bien pointu. Bon. Heureusement que je ne suis, d'apres la pub de l'Equity Point (auberge de jeunesse) qu'a 10 minutes a pied. je decide de me rendre a l'auberge et de reparer la-bas. Je traine mon velo dans la direction que je crois la bonne d'apres mon GPS. Au passage j'admire les couleurs de la place qui est encore assez vide a cette heure de l'apres-midi, la devanture du Cafe de France qui sera mon point de repere pour aller a Priscilla (mon prochain travail), les stands de babioles touristiques devant lesquels des danseurs et musiciens attirent l'attention pour se faire prendre en photo dans leurs costumes traditionnels. Dans des especes de stands - roulottes, des hommes interpellent joyeusement les passants pour leur vendre des verres de jus d'oranges pressees a 4 dirhams. Tout de suite je trouve Marrakech tres gaie, tres vivante. Ca me plait. Une bouffee de bonheur m'envahit a l'idee que cette ville chaleureuse et joyeuse sera mon univers pendant un mois. Je me sens extraordinairement chanceuse.




J'ai un coup de coeur pour Marrakech et je le dirai tres vite a mes parents, avec qui je communique tres regulierement. Alors que je regarde le spectacle vivant de la place Jemaa El Fna, un marocain s'approche et me signale que mon pneu est a plat. Et m'indique ou est le reparateur de velo le plus proche. Ca c'est vraiment le bon cote du Maroc. Impossible d'avoir un souci sans que de toute part l'aide vienne a vous. Bon, le moins bon cote c'est qu'il est un peu difficile qu'on vous fiche la paix.
Je m'engage dans une des rues etroites de la medina et tente de suivre mon signal GPS. J'ai le nom de la rue, tout va bien. Je traverse les rues des souks, et recoit au passage de multiples offres d'achat pour mon velo ! Ben non je ne vends pas, j'en ai encore besoin ! Mon velo est lourd a trainer avec son pneu creve, et bientot le pneu sort de la jante sur les paves. Quelle galere ! Ce n'est pas bon pour la jante que je roule comme ca. Je croise des jeunes garcons qui me proposent leur aide. Ils vont me guider jusqu'a l'auberge. Ils ne la connaissent pas mais ils vont trouver la rue. Remarquant ma roue crevee, les voila qui prennent les choses en main. D'habitude je ne suis pas fan mais la il faut reconnaitre que ca m'arrange. je leur confie ma pompe. Ils regonflent un peu le chambre a air, remettent le pneu dans la jante et le tour est joue. A la fin ils ont les mains noires ! On part en direction de la rue derb el Hammam. Ca devait etre a 10 minutes de marche, le temps me parait long. On finit par arriver rue Derb el Hammam mais on ne trouve ni le bon numero ni le nom de l'auberge. Oh oh... Les garcons se renseignent. On verifie mon adresse... et ils comprennent que nous ne sommes pas dans le bon quartier ! Et moi j'apprends qu'a Marrakech un nom de rue peut avoir ete attribue a 3 voire 4 rues differentes ! Si on ne mentionne pas d'abord le nom du quartier on peut faire le tour de la ville avant de trouver la bonne rue.
Hop nous voila repartis, et mon pneu se redegonfle. Mais on arrivera quand meme a bon port au bout de 20 minutes. Je n'aurai jamais trouve toute seule, car au bout d'un moment on quitte une des rues principales pour entrer dans un dedale de ruelles qui conduisent chez les gens. Les murs rouges se ressemblent, il y a des croisements tous les 10 metres, et rien ne ressemble a une entree de riad.
Enfin me voila devant l'Equity point ! Je toque a la porte et donne un pourboire aux garcons qui pestent un peu car ils attendaient plus...
L'auberge est grande et super chouette ! J'avais vu des photos mais je ne pensais pas que ce serait aussi bien. Apres le check in, j'installe mes affaires dans un dortoir de 8 lits quasi plein, ou un garcon et une fille font la sieste. Je n'ai qu'a faire deux pas pour etre dans la piscine, au bord de laquelle se prelassent quelques guests. Tout est tres calme. Il fait super chaud. Je decouvre avec ravissement tous les espaces du riad qui est vraiment grand et s'etend sur deux corps de batiments. Sur la terrasse j'admire la vue sur les toits de Marrakech et les montagnes qui apparaissent au loin. .
Demain je changerai de dortoir, pour les 4 nuits a venir il n'y avait plus de dortoirs a 8 lits (les moins chers). Je descends demander a la reception comment on va a l'aeroport. C'est super simple. Bon, alors c'est parti, je pars a la decouverte de Marrakech ! Je retrouve les rues des souks envahies de boutiques. Partout les vendeurs incitent a jeter un coup d'oeil a leur marchandise. Je sens qu'ici je vais prendre le temps de trouver des cadeaux a envoyer a ma famille. Par contre je ne vois pas encore quoi, car je ne suis franchement pas fan des babouches, tapis et autres plats a tajine ou bijoux berberes. Mais pour l'instant je trouve ca super joli, toutes ces couleurs dans les rues plus ou moins plongees dans une certaines obscurite - et beneficiant donc d'un chouia de fraicheur. Il fait plus de 40 degres et je le sens bien, tout de meme !
Les epices et les fruits secs s'etalent sous mes yeux. Ca sent bon partout. La negociation des achats se deroule souvent autour d'un verre de the a la menthe, on voit passer regulierement des hommes transportant un plateau, une theiere et des verres remplis de feuilles de menthe. La foule se densifie dans certaines rues, et particulierement a l'approche de la place Jemaa El Fna ou je finis par deboucher. Les stands s'ouvrent au fur et a mesure au centre de la place. Une grande partie reste vide, laissant un grand espace libre pour les spectacles de rue qui prennent vie en debut de soiree a grand renfort de musique. J'apercois des cireurs de chaussures. Je suis toujours etonnee que des gens paient pour ce service plutot que de frotter eux-memes leurs chaussures. Mon regard tombe sur la devanture d'un coiffeur. Tiens au fait, mes cheveux ont pas mal pousse et avec cette chaleur c'est tres inconfortable. Je constate que les coiffeurs sont rarement mixtes. Je tente quand meme un coiffeur pour homme, me doutant que les femmes ne sauront pas quoi faire de mes cheveux courts. Mais je me heurte a un refus. Le gars m'indique la direction de la rue prince pour trouver des coiffeurs pour femmes. Bon bon. J'y vais. Toujours sur la place, a l'entree d'une longue rue menant aux tombeaux saadiens, je vois un homme assis sur les marches de ce qui ressemble au seuil d'une maison. Au rez de chaussee, une boutique de babioles touristiques. Au-dessus de l'entree, un panneau annonce "coiffeur hommes - femmes". Je monte a l'etage. J'ai l'impression d'arriver chez les gens, et en fait c'est tout a fait ca. Je passe devant une porte entrebaillee par laquelle j'apercois un homme en train de faire sa priere. Sur ma gauche, une autre porte ouverte donne sur ce qui devait etre avant le salon de l'appartement. Deux femmes sont assises, les pieds replies sous leurs genoux, et papotent. La plus agee se leve a mon entree. Je ne le remarque pas tout de suite mais il n'y a aucun point d'eau dans la piece, dont la fenetre donne sur la place Jemaa El Fna.
J'explique que je souhaite faire une couleur et une coupe. Les deux femmes discutent entre elles et finissent par me dire que c'est possible. Bon tres bien. On m'invite a m'asseoir - la coiffeuse ne parle quasiment pas francais, je sens qu'on va s'amuser ! Je choisis la couleur, la plus naturelle possible. Alors la jeune femme prend son foulard et sort de la piece.. pour aller acheter la couleur dans une boutique a l'exterieur ! Ah bah si j'avais su je l'aurais achetee moi-meme et je me la serai appliquee, ma couleur ! Pendant ce temps, la plus agee se met a tenter de papoter avec moi. Nous trouvons vite nos limite. 1ere fois a Marrakech ? Oui. Inch'Allah, pas derniere fois. Son francais s'arrete ici.
La voila qui me demande si je veux qu'on coupe les cheveux d'abord ou qu'on applique la couleur en premier. Ah. C'est donc moi qui dois decider comment ca va se passer ? Bien bien. Alors c'est parti pour la coupe, ne perdons pas de temps. Avec un peu de spray elle m'humidifie les cheveux, et passe a la coupe. Son mari entre et s'installe sur un fauteuil. Lui parle mieux francais. Pendant que sa femme travaille, il commence a papoter avec moi. Je ne sais plus comment le sujet est arrive sur le tapis, peut-etre ai-je demande combien de prieres les musulmans font par jour en entendant l'appel du muezzin de la Koutoubia. Mais le voila parti a m'expliquer le nom et le nombre de prieres, ainsi que les noms des cinq prophetes dont les ecrits constituent le coran. Je l'ecoute tout en regardant dubitativement sa femme couper un cheveu par-ci, une poignee par-la. Sa technique n'a pas l'air super au point, je la sens bien embetee... Elle participe aussi a la conversation, son mari lui traduit de temps en temps nos echanges. La coiffeuse me lisse bien les cheveux sur le crane et les tire tous en arriere. Enfin la jeune revient avec la boite. On passe a l'application de la couleur. Avec un peigne rond a dents en plastique dur, la coiffeuse me lisse a nouveau les cheveux apres l'application, enlevant du meme coup une grande partie du produit. Il me faut patienter 30 minutes a present. Gentiment, la coiffeuse me propose de m'asseoir dans un autre fauteuil qu'elle place en face de la fenetre, afin que je patiente en regardant la place ! ce que je fais, donc...
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J'observe les touristes, les vendeurs, les caleches qui traversent la place, le ballet des taxis qui entrent et sortent de la place. Les stands de nourriture s'installent petit a petit sous les tentures rouges et vertes. Tout se met en place pour la grande animation du soir.
Au bout d'une bonne demi-heure, il faut passer au rincage. Je suis la coiffeuse dans la salle de bain. Elle place une chaise dos contre le lavabo, et je dois me casser le cou en deux pour qu'elle arrive a me rincer les cheveux dans le lavabo ! Mon supplice dure bien 5 minutes. Puis retour dans la piece principale, et je reprends ma discussion avec son mari pendant que la coiffeuse ajuste encore de quelques coups de ciseaux la drole de coupe qu'elle est en train de me faire. Le mari pense que mon coeur est pret pour l'islam. Ah bon.
Je partirai tres contente du moment passe avec ce gentil couple, mais un peu depitee par ma coupe. Je sais deja que les cheveux sont coupes de maniere tres anarchique et que rien n'est egalise. Julie m'apprendra en plus le lendemain que la couleur est tres inegalement repartie !
Je reprends ma balade, pars fureter dans les magasins, a la recherche d'idees de cadeaux. Quand vient le temps de diner, je me laisse convaincre par les restaurateurs endiables de la place, qui rivalisent de choregraphies et de blagounettes pour attirer les clients chez eux. Je mange un couscous en observant l'animation tout autour de moi. Puis je vais voir les spectacles de musique, les conteurs entoures de marocains qui reagissent a l'histoire et eclatent de rire a certains moments. Je prends une photo d'un groupe de danseurs, de loin. Tout de suite, une danseuse voilee qui etait dans la foule s'approche de moi et me tend la main. Mais ce n'est pas toi que j'ai prise en photo. - Oui mais je travaille ici, me dit-elle, un peu agressive. Je donne une poignee de dirhams et m'en vais. Que c'est penible de ne pas pouvoir prendre de photos sans etre sollicite.
Je rentre a l'auberge et monte sur la terrasse profiter du calme, de la fraicheur de l'air, et de la vue sur Marrakech by nigth. Je me sens super bien. Il fait bon, je sens que je vais me plaire ici, et j'accueille Julie demain. Que demander de plus ?...





Le lendemain je prends mon petit dej sur la terrasse. Je suis toute excitee. Il fait deja extremement chaud et j'envoie un message a Julie, qui s'est levee super tot pour aller prendre l'avion a Girone, pour l'avertir de la canicule. Elle me repond qu'elle sait deja... Elle arrive assez en avance a Girone, et m'envoie un dernier message avant de partir.
Avec ma crainte d'arriver en retard, je decide de partir bien trop tot. Je vais prendre le bus en face de la Koutoubia. En attendant le shuttle airport, je discute avec une jeune fille qui part aussi a l'aeroport pour rentrer au pays. Je ne rencontre pas souvent de femmes seules en voyage. J'apprends que cette jeune fille compte aussi partir en velo un jour pour un periple autour du monde. Je la sens pleine d'assurance et lui envie son aisance.
A l'aeroport, je vais patienter dans une aire de detente bien amenagee, tres agreable. J'ai pres de deux heures d'attente. Quand l'aterrissage est annonce, je vais me poster en face de la porte, appareil photo a la main ! J'attendrai bien une demi heure comme ca avant de voir enfin sortir Julie, tout sourire et deja tres enceinte..
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Nous ne nous attardons pas et sortons prendre le bus. Julie constate la chaleur et m'interroge sur les fruits qu'on trouve a Marrakech. Ah, bonne question, je n'ai pas trop fait attention. On decide de s'acheter des fruits et de quoi manger une grosse salade pour ce soir.
Julie n'en est pas a son premier voyage depaysant et je la sens tres a l'aise, un peu comme chez elle. Nous arrivons a l'arret de bus en face de la Koutoubia et descendons dans les effluves de plantes aromatiques, puisque juste au niveau de l'arret se trouvent un grand nombre de vendeurs.
Lors de nos echanges par mail, la tendance avait ete plutot a rester sur Marrakech les 4 jours. Entre temps Julie a change d'avis, elle se laisserait bien tenter par une excursion. On verra bien laquelle, on va chercher des infos.
Je pensais pouvoir nous guider dans la medina et retrouver l'Equity Point toute seule mais je me trompe de rue des le debut, et nous tournons un petit moment avant de finalement suivre quelqu'un qui nous remettra dans la bonne direction.
Julie a tout de suite plus de reperes que moi. Seule, je me debrouille tranquillement avec mon mauvais sens de l'orientation. Accompagnee, je m'agace interieurement de ne pas m'y retrouver comme les autres s'y retrouvent. Je deviens suiveuse, car j'ai rarement les memes intuitions que les autres.
Nous nous installons dans notre nouveau dortoir. Pour l'instant nous sommes seules, mais le soir nous decouvrirons deux nouvelles locataires. Par contre pour la suite nous serons chanceuses car personne ne viendra troubler notre tranquillite. Julie decouvre les lieux. On prend le temps de se poser un peu, puis nous decidons de partir voir les jardins Majorelle. La chaleur est accablante, nous sommes vite degoulinantes. Nous partons en direction de la gare routiere, puisque les jardins sont a l'exterieur de la medina a proximite de la gare. En chemin nous entrons dans quelques boutiques, discutons les prix. Julie a des cadeaux a faire et des vetements a acheter a sa fille. Moi je cherche aussi mais ne trouve pour l'instant pas les cadeaux que j'aurais envie d'acheter.
C'est tres etrange pour moi de voir le ventre de Julie deja bien gros. Je ne m'y attendais pas. Entre le moment ou j'ai appris sa grossesse (sur skype en Andalousie) et nos retrouvailles, un petit mois est passe, je ne realise pas que la grossesse est deja bien avancee. Le bebe s'annonce pour l'automne. Je vais louper sa naissance. Je vais louper deux naissances et deux mariages, c'est nul...
Nous sortons de la zone tres touristique et retrouvons les marches de rue, les boutiques un peu moins frequentees et un peu plus calmes. Parvenues a la gare routiere, nous sommes deja crevees et mortes de soif ! Nous nous offrons un verre de jus d'orange presse. Il nous faudra encore un bon moment pour trouver l'entree des jardins. Je les voyais plus grands, et le memorial a Yves Saint Laurent nous laissent songeuses, mais nous apprecierons beaucoup cette balade sous la fraicheur relative des arbres !





Le cafe a l interieur nous semble par contre hors de prix. Nous repartons et faisons un nouveau stop au stand de jus d orange presse. Un peu plus loin nous descendrons nous rafraichir dans un super marche pour y acheter de l eau.
La gare routiere est sur notre chemin, nous allons chercher des infos sur les tarifs pour Essaouira, Ouarzazate, Ouzoud, etc. Aparemment les tarifs des bus locaux se negocient ! Nous repartons vers la place Jemaa El Fna en furetant parmi les magasins des souks.
Je suis toujours mal a l aise avec le marchandage, Julie negocie ferme. J ai toujours eu horreur de ce petit jeu du #qui couillonnera l autre le plus#. Alors evidemment si le vendeur vend c est qu il y gagne. D ailleurs la reaction est immediatement plus fermee lorsqu on demande un prix trop bas. Mais decidemment je ne serai jamais a l aise avec ce systeme, qui comporte d autres aspects enervants a mes yeux. Quand je me rens compte que je negocie pour 1 ou 2 euros. Ou quand on s apercoit apres qu on a vraiment achete de la camelote et que ca ne les derange pas de vous vendre de la merde. Ce qui me gonfle au plus au point egalement ce sont les gens qui prennent les negociations de haut, comme si le vendeur etait manifestement un voleur. Dans nos pays on pense souvent que les magasins sont des voleurs, mais quand on a vraiment envie ou besoin d un produit on achete et on la ferme, on ne se permet pas de parler aux vendeurs comme certains le font parfois ici.
De retour a l auberge, Julie est la premiere dans la piscine ! Quel pied de pouvoir se relaxer ainsi. Nous nous reposerons un bon moment avant de laver legumes et nos fruits et de preparer deux bonnes salades. Nous portons le tout sur la terrasse, ou nous passerons la soiree a discuter tranquillement. La place Jemaa El Fna se fait beaucoup plus discrete que la veille, je n entends pas la musique aussi fort qu hier.
Le bebe, nos amours, nos projets, nos envies, le mariage de deux amies communes, tout y passe. Ca fait du bien. L espace d une soiree je pourrais me croire dans son jardin a l heure de l apero...




Le lendemain la chaleur est vite accablante sur la terrasse ou nous prenons notre petit dej. Nous avons decide de faire les tombeaux saadiens, le palais Badii et me quartier Mellah.
Il nous faudra un bon moment pour arriver aux tombeaux. La visite est sympa, nous tentons de reperer qui se cache sous quel tombeau (pas evident lorsqu il n y a pas de nom grave sur la pierre !)
Alors que nous sortons du site et contournons un edifice dont nous ignorons a ce moment qu il s agit d un palais, je me fais interpeller de loin par un policier qui me voit prendre une photo. Je fais ok et me tourne pour prendre la place vide en photo, et re - remontrance virulente. En fait, n ayant pas compris que je n avais pas le droit de photographier quoi que ce soit ici, je n apprecie pas du tout le ton du policier. Donc je lui reponds (il est loin), et lui fais signe que ok ok je pars mais doucement, sans me presser. Le gars n est pas content, et moi ca m enerve de me faire engueuler comme du poisson pourri juste pour ca. Un taxi s arrete a notre hauteur et me dis vite fais : pas de commentaires, il ne faut pas faire de photo. Et il s en va. Nous sommes a cote de la porte de la place, nous partons donc mais c est tout de meme penible.
Apres ca nous nous perdons dans le mellah (quartier juif) et ses nombreuses ruelles et echoppes d epices. La synagogue est introuvable si on ne vous invite pas a y entrer. Elle est toute petite et forme comme un havre de paix dans ce quartier.
En revenant vers Jemaa El Fna, nous passons devant une agence de voyage et prenons a nouveau le temps de poser des questions. Au bout d une demi heure, nous optons pour un depart le lendemain pour Ouarzazate. Excursion d une journee comprenant deux arrets sur la route de l aller pour prendre des photos sur la route du col de Tizi n Tichka, la visite du village de Ait Benhaddou, et la visite de Ouarzazate. Nous avons bien precise que le musee du cinemq ne nous interesse pas a Ouarzazate, et on nous a garantit que nous aurions 2h30 de temps libre pour visiter. Nous repartons contentes. Ouarzazate, voila un nom qui fait rever ! Bon, ca fait beaucoup d heures de transport pour une journee. Mais n empeche, on va voir Ouarzazate !
Nous decouvrons les Fondouks, dans lesquels j essaie d imaginer la vie des caravanes s arretant ici pour faire une pause et vendre leur marchandise.
Ce soir la avec Julie nous decidons d aller sur la place voir un peu l ambiance. Nous regrettons de ne pas comprendre ce que racontent les conteurs, tant les marocains ont l air attentifs. J aime l ambiance de fete, meme si le style musical n est pas vraiment a mon gout.












Evidemment avant de ressortir nous avons fait une pause salade et piscine a l Equity Point. Cette auberge sera vraiment un havre de paix.
Sur la place, Julie est harponnee par une dame qui lui fait un tatouage sur la main. Ces manieres de vente forcee sont assez insupportables. Julie reussira a enlever le soir meme tout le relief de matiere sur sa main, par contre le tatouage restera plusieurs jours.
Nous allons diner sur la terrasse d un resto d ou nous pouvons observer la place. La cuisine n est pas excellente. Plus tard je ne saurai jamais quoi conseiller aux clients de Priscilla pour bien manger dehors, car moi je n ai jamais si bien mange qu a Priscilla, avec la cuisine de Samira, Driss ou Siham.
Nous ne nous couchons pas trop tard car demain le reveil est a 6h. Le soir Julie tombe de sommeil plus vite que moi, qui reste un petit moment seule sur la terrasse. Le matin en revanche elle est reveillee plus tot que moi.
9 juillet 2015
Deux jours que je me traine a Fes. Je suis malade, et c est la premiere fois depuis deux jours que je quitte ma chambre. C est idiot j ai laisse tous mes medicaments a Marrakech, du coup ce matin je me suis decidee a aller racheter de l immodium. April (une australienne ecrivain rencontree a Priscilla) devait me rejoindre hier a Fes mais elle a annule car elle aussi est malade. Heureusement j ai visite un peu Fes lors de mon arrivee, et j espere avoir la force de bouger demain avant de prendre un bus ou un train de nuit pour rentrer sur Marrakech. Ca fait deux jours que je ne fais que dormir dans ma chambre ou ne circule pas le moindre souffle d air.
Ouarzazate nous voila ! Nous attendons quelques minutes notre guide, qui nous emmene sur la place Jemaa El Fna ou nous montons dans un minibus.qui s arretera 10 minutes plus loin pour attendre le reste du groupe. Nous sommes 9. Le chauffeur nous adresse a peine un bonjour, et c est parti !
Les yeux grands ouverts au debut, nous regardons defiler le paysage. Tres vite nous sortons de la ville. A un moment nous nous endormons, pour rouvrir les yeux un peu plus loin et constater que nous sommes deja dans la montagne ! Nous ferons deux pauses pour prendre un cafe et des photo pendant le trajet aller. Nous prenons de la hauteur, la vue est magnifique. Evidemment les boutiques ne nous interessent pas mais prendre l air et admirer ces grandes perspectives arides fait du bien.




Julie est toute contente, et moi je suis toute contente de la voir contente. Ce voyage au Maroc ravive de tres vieux souvenirs, puisqu'elle y est deja venue, bien plus jeune, avec ses parents. Pendant que je somnole ou regarde la route, elle prend des photos et observe inlassablement le paysage. Nous tentons de deviner lesquels de ces arbustes qui defilent sous nos yeux sont des arganiers, avec le secret espoir de voir des chevres sur les branches ! Ca nous parait incroyable que des betes aussi grosses grimpent sur des arbres. Nous n'en verrons pas ce jour-la, par contre j'en verrai plus tard sur le chemin d'Essaouira.
J'aime ces grands espaces secs, ces belles montagnes calmes. Les creux des vallees sont parfois parcourues de ruisseaux qui donnent naissance a une vegetation plus verte au bord des rives. Au bout de 4 heures, pauses comprises, nous apercevons les abords du village d'Ait Bennhadou. Entoure d'une oasis splendide, demarrant au pied d'une colline pour etirer ses maisons jusqu'qu sommet, le village offre une vue magnifique digne d'un decor de cinema. D'ailleurs il a accueilli de nombreux tournages parmi lesquels Lawrence d'Arabie, Jesus de Nazareth, Le diamant du Nil, La Mommie, Gladiator, Babel, Un the au Sahara, etc. Je suis sous le charme, c'est super joli et tres pittoresque.
Le minibus s'arrete. Un homme en djellaba blanche nous ouvre la porte et se presente : Je suis votre guide pour visiter le village, c'est un supplement de 25 dirhams, merci de me suivre. Julie et moi nous braquons : comment ca en supplement ? Ca n'etait pas prevu et je ne suis pas du tout d'accord avec la maniere de faire. Nous nous renseignons sur le point de rendez-vous pour repartir une heure plus tard, et decidons de ne pas suivre le groupe. Le guide tire une tete de 3 metres de long. Tant pis, nous partons de notre cote et descendons vers le fleuve qu'il nous faut traverser avant d'entrer dans le village. Les groupes passent par l'entree principale sur la droite, nous reperons une autre entree sur la gauche. Un marocain tente de nous remettre sur le chemin de l'entree payante et nous invective alors que nous poursuivons vers l'autre entree. Aussi bornees l'une que l'autre, nous ne nous detournons pas de notre chemin.
De fait, nous nous apercevrons qu'il est tout a fait possible de visiter le village seules, sans guide et sans payer. Ce n'est pas que nous cherchions absolument a resquiller en bonnes francaises que nous sommes, mais les bobards sont assez insupportables. Pourquoi nous mettre devant le fait accompli d'un guide dont il n'a jamais ete question ? Pourquoi nous faire croire que le paiement est obligatoire pour visiter alors que ce n'est pas vrai ? Cette maniere de faire ne me donne pas envie de rentrer dans les clous.
Nous voila donc parties a decouvrir les petites rues toutes plus mignonnes les unes que les autres, sans echapper bien sur aux incontournables boutiques..









16 juillet 2015
Ca fait plus d'une semaine maintenant que je suis malade. J'ai tout de meme retrouve beaucoup d'energie et suis capable de m'activer dans la journee, mais je mange tres peu et ne garde pas grand chose dans l'estomac. Mon pantacourt n'a plus de forme, du moins je ne le remplis plus aussi genereusement ! Depuis deux jours ca va mieux, je pense donc que la guerison totale ne sera plus longue a venir. Nous sommes plusieurs a Priscilla a avoir fait les frais d'une gastro severe, la maison s'est presque transformee en clinique ! Sur les photos prises dans la maison de Driss il y a deux jours, j'ai les traits tires et les rides bien marquees. Je fais mon age, quoi :)
Nous surveillons l'heure et reperons notre groupe, inquietes tout de meme (surtout moi en fait) qu'on ne nous attende pas. Finalement nous nous retrouvons sur le parcours, et convergeons tous vers le point de rendez-vous qui est un restaurant. Nos guides ont reserve ici pour nous. Voila une fois de plus une chose qui n'etait pas prevue. Nous jetons un oeil sur le menu : trop cher pour nous. Nous avons repere un petit snack au bord de la route, nous quittons donc a nouveau le groupe pour aller dejeuner la-bas. Il n'y a pas grand chose mais le vendeur peut nous preparer des salades, ce qui est tout ce dont nous avons envie par cette chaleur.
De l'autre cote de la route, Julie repere une robe qui lui tape dans l'oeil dans la boutique d'en face. Elle part l'essayer, mais reviendra finalement avec un pantalon.
A l'heure dite, nous sommes de retour au minibus. Comme tous les groupes s'arretent ici, le repas est long. Nous attendons un long moment notre groupe au soleil, assises sur des gros cailloux inconfortables.

Enfin nous repartons ! Non sans un dernier petit echange avec le guide impose pour le village. Je le surprends en train de parler de nous en tant que raleuses. Je ne peux pas laisser passer et lui fais remarquer qu'il ne s'agit pas de ca, mais d'etre mises devant le fait accompli sur des choses qui n'etaient pas prevues. Bref, peu importe, on repart.
Au bout d"une petite vingtaine de kilometres nous approchons de Ouarzazate et decouvrons avec curiosite les decors de films et batiments des studios de cinema. Ici on pourrait se croire en Egypte, la dans la Rome antique. C'est etonnant et amusant. Puis nous entrons dans la ville, dont les grandes avenues temoignent de l'impact economique de l'industrie du cinema. D'ailleurs le minibus stoppe devant le musee du cinema et nous annonce que nous avons 45 minutes pour le visiter avant de repartir vers Marrakech. Allons bon ! Nous precisons a nouveau que nous avions specifie que cette visite ne nous interessait pas. On passe definitvement pour des frenchies raleuses a mon avis, mais pour le coup je suis vraiment agacee. Et ce qui m'enerve le plus c'est que 45 minutes pour se balader dans la ville au lieu d'aller au musee, c'est vraiment trop court ! On a sans doute pris du retard dans le parcours de la journee mais je trouve ca super agacant que le point culminant de l'escursion soit bacle. Je trouve clairement que c'est du foutage de gueule. Ca laisse parfaitement de marbre notre chauffeur qui nous rappelle l'heure de depart du minibus et nous laisse partir vers la Kasbah en rouspetant interieurement.
Bon, pas de temps a perdre. Les murs exterieurs de la Kasbah sont splendides, nous nous depechons d'aller la visiter. A l'entree nous decidons de prendre les services d'un guide, ce qui s'averera une excellente idee. Le type est absolument passionnant et nous aurions pu l'ecouter pendant des heures, meme si regulierement il se perd dans les details de ses explications et retrouve le fil de ses pensees en ponctuant ses digressions d'un "en tout cas comme je le vous le disais vous etes les bienvenues a Ouarzazate". De ma vie entiere on ne m'a jamais autant souhaite la bienvenue en si peu de temps !
Le voila donc qui nous fait entrer et commence ses explications. Je le previens que nous avons rdv dans 45 minutes. Pas de probleme, on est larges ! - nous assure-t-il. Sauf que 15 minutes plus tard nous n'avons toujours pas bouge de la premiere piece vide et il en est toujours au preambule sur les berberes. Je commence a m'inquieter, puis a trepigner interieurement. Je glisse a Julie au bout de 20 minutes que l'heure tourne. Beaucoup plus zen que moi et tres concentree sur les explications du guide, Julie ne s'affole pas. Je finis par perdre patience et jouerai jusqu'au bout le role de la chieuse rabat-joie pour accelerer un peu la visite. Enfin au bout de 25 minutes nous quittons la premiere piece et entamons le parcours dans la Kasbah.
Au final, nous ne verrons que tres peu de pieces. Je trouve moi aussi le guide extremement interessant et m'excuserai de mon impatience, ceci dit ce brave homme ne sait pas vraiment gerer son temps et je quitterai Ouarzazate avec le sentiment de n'en avoir quasiment rien vu. Tout ca est bien dommage, autant pour toutes les histoires que ce guide vraiment super aurait pu nous raconter, que pour toutes les beautes de la ville a cote desquelles nous sommes passees. Au bout d'un moment je "lache l'affaire" et cesse de regarder hostensiblement l'heure sur mon telephone. Julie finit par s'apercevoir que nous avons plus d'une heure de retard sur le rendez-vous. Nous repartons au pas de course et nous faisons engueuler par le chauffeur qui nous fait remarquer que le groupe nous attend depuis 1h30. Nous repondons du tac au tac que nous n'etions pas censees avoir 45 minutes pour visiter mais 2h30. Nous montons et nous excusons aupres du groupe, et le voyage retour commence.




Qu'il est long, le voyage retour ! On essaiera encore de reperer les arganiers. A un moment on pense les avoir trouves, mais je ne suis pas sure du tout qu'on ne se soit pas trompees ! En tout cas, pas de chevre en vue !
Lorsque Marrakech est en vue, on n'en peut plus ! Il etait temps qu'on sorte de ce minibus, nous sommes repues de fatigue. Nous retrouvons l'ambiance animee de Jemaa El Fna et nous arretons a l'un des petits stands exterieurs au milieu de la place pour diner. J'aime beaucoup ces restos a ciel ouverts, tres simples, On n'y mange pas une nourriture excellente mais j'aime l'ambiance et la gaite qui y regnent. Un homme et sa fille s'installent bientot a cote de nous. Je ne sais plus comment demarre la conversation, mais nous passerons un tres bon moment avec eux. Installe depuis toujours (si j'ai bonne memoire) en France ou il a son entreprise, cet homme est venu avec sa fille ainee pour trouver la maison dans laquelle toute la famille va venir s'installer avant la rentree prochaine. Ce demenagement est la consequence du malaise que ressent ce marocain d'origine vis-a-vis du racisme croissant en France (il habite en region Rhone Alpes si je ne me trompe). Julie, qui a une fille metisse et qui a touche de pres le racisme d'un petit village du sud de la France vis-a-vis de son compagnon et de sa fille, juste apres l'attentat contre Charlie Hebdo, echange longuement avec lui sur ce sujet et l'attitude a avoir face a ces cironstances.
La soiree sera vraiment sympa. Le pere et sa fille quittent la table un peu avant nous, et nous nous apercevons avec surprise qu'il a regle notre note ! Merci encore...
Nous rentrons, et comme d'habitude je laisse Julie s'endormir pendant que je vais lire mes mails sur la terrasse. J'ai en tete de devoir m'occuper de mon soucis avec Pole Emploi, qui traine depuis plus d'un mois. Des mon premier mois de voyage je m'etais apercu que Pole Emploi m'avait verse beaucoup trop d'argent. Au lieu des 2 seules journees de fevrier ou j'ai ete declaree en recherche d'emploi avant de me desinscrire tout de suite en annonccant que je quittais la France pour un an, l'agence m'a verse une indemnite pour le mois entier. Je leur ai tout de suite signale le probleme, et il fallait que je leur reverse trop percu. Mais avec ma banque les choses ne sont jamais simples. Ne pouvant ajouter a ma seule initiative un destinataire pour mes virements en ligne, il aura fallu plusieurs echanges pour savoir comment regler le trop percu depuis l'etranger. En attendant que les choses se resolvent avec ma banque je commencais a recevoir des relances de Pole Emploi, jusqu'a etre mise en demeurre. Formidable, tout de meme ! Bref, je commencais a m'inquieter serieusement de ne pas reussir a rembourser. Il fallait absolument que j'ecrive a ma banque demain.




Et c'est ce que je ferai.
Apres un bon petit dejeuner sur la terrasse, notre programme de balades se concentre d'abord autout de notre quartier. Ca commence par une belle maison dont le nouveau proprietaire a entrepris la restauration et permet la visite pour en observer les decorations d'origine et l'avancee des travaux. Puis nous allons voir la Medersa, qui est d'une grande beaute. Nous sommes un peu decues de ne pas voir de salles de classe, mais en tout cas le batiment est superbe. Nos pas nous conduisent ensuite vers les jardins de la Koutoubia. En sortant de la Medina nous envions les enfants qui se baignent dans une grande fontaine au centre du rond-point de la route qui conduit a la vallee d'Ourika. Il fait si chaud, on en ferait bien autant !
Tout en nous promenant, notre shopping se poursuit et les achats de Julie avancent. Nous nous mettons aussi a la recherche d'un cadeau de mariage pour nos amies communes qui se marient le 18 juillet. Dire que je n'y serai pas... Julie, Caty et moi nous sommes connues a l'age de 15 ans, grace a notre passion commune du volley. Je suis vraiment decue de rater cet evenement. Mais j'ai choisi de partir...
Je ne sais plus a quel moment c'etait, mais a un moment, a l'auberge je crois, Julie m'a fait sentir les mouvements du bebe dans son ventre. Je trouve toujours cette sensation incroyable !
Bref, nous nous posons un moment dans les jardins, puis rentrons doucement a l'auberge pour nous reposer pres de la piscine. Je me demande d'ailleurs si ce n'est pas a cette occasion, sur les transats, que Julie pose ma main sur son ventre.
Pour feter mon 41eme anniversaire par anticipation, Julie a decide de m'inviter a un repas gastronomique dans un bon petit restaurant ce soir. A l'heure dite, nous nous rendons au point de rendez-vous devant une Mosquee. Un guide du restaurant nous y attend et nous conduit au riad ou nous allons diner. Nous montons prendre l'apero sur la terrasse, puis descendons dans le tres joli patio ou les tables sont dressees. Le menu est super copieux et nous permet de decouvrir des saveurs vraiment fines. Nous mangeons en ecoutant un musicien chanter en s'accompagnant du ud. A la fin du diner, des danseuses font leur entrees.












Merci Julie pour cette super soiree gastronomique ! Voila bien quelque chose que je n'aurai jamais fait seule, et qui m'a permis de gouter a des plats delicieux ! Je me demande si depuis tu as essaye de reproduire quelques unes des briouades originales que nous avons pu tester...
Nous rentrons a l'auberge pour notre derniere soiree ensemble sous la lune de Marrakech. La ville est tellement eclairee qu'on ne voit pas beaucoup d'etoiles dans le ciel. Je redoute un peu de mal vivre le depart de Julie. Apres plusieurs mois de solitude, ces quatre journees partagees avec une amie vont peut-etre me laisser un vide qu'il sera difficile a combler. Et puis tant que quelqu'un n'est pas encore venu vous voir on peut toujours rever au moment ou peut-etre il nous rejoindra. Qui sait maintenant dans quelles circonstances nous nous reverrons la prochaine fois ?
Le lendemain matin nous faisons toutes les deux nos sacs. Julie ne part qu'en debut d'apres-midi, nous avons le temps de profiter encore un peu de la piscine. Je ne sais plus quand je me suis attaquee a la reparation de mon pneu arriere, qui etait toujours a plat depuis mon arrivee. Sans doute apres le depart de Julie car je ne me rappelle pas l'avoir laissee seule pour cela. Nous prenons donc le temps de vivre. Un dernier tour de shopping nous permet de trouver enfin le cadeau de mariage pour Caty et Celine. Il rentrera avec difficulte dans le sac a dos de Julie mais il rentrera ! Un petit tour a la patisserie Princes pour rapporter des gateaux aux collegues, et Julie est paree ! Nous rentrons et bouclons les sacs. Je laisse mes sacoches en garde a l'auberge, et nous commencons a nous hater vers le bus. A force d'avoir le temps nous sommes un peu trop justes. Une course angoissee commence, d'abord en trepignant dans le bus qui n'avance pas assez vite a notre gout. On arrive vraiment a la derniere minute a l'aeroport, Julie descend en courant et je tente de la suivre avec mes tongs qui glissent. Elle me lance un au revoir en courant et s'apprete a passer la porte d'embarquement lorsqu'on lui refuse l'acces : il faut qu'elle fasse valider son ticket a l'enregistrement ! La voila qui repart dans l'autre sens. Je fais de mon mieux pour la suivre ! A l'enregistrement, la responsable lui signifie : madame vous etes en retard, c'est termine. Et elle se desinteresse de nous. Nous patientons, insistons, et finalement Julie recoit sa carte d'embarquement. Hop elle me fait un bisou rapide et repart en courant pour embarquer. Je la vois disparaitre sans se retourner, en une seconde voila elle est partie. Je decide de rester jusqu'a ce que son avion ait decolle. Mais quelques minutes plus tard elle me rassure : elle est dans l'avion ! Ouf, c'etait moins une quand meme.
Bon ben voila, je suis a nouveau toute seule. Je retourne prendre le bus pour la place Jemaa El Fna. Je pars chercher mes affaires et recharge mon velo pour faire le trajet a pied : 15 minutes pour aller de l'Equity Point a Priscilla Queen of the Medina. Qu'est-ce qui m'attend la-bas ? Je cogite, j'apprehende. Les quelques contacts que j'ai eu avec Hana, la femme qui a repondu a ma demande, me laisse imaginer une communaute ou la vie est intense et bien remplie. En tout cas Hana a l'air constamment surbookee, et jusqu'ici je n'ai pas une idee bien claire de ce qu'on va me demander, ni de ce que je vais pouvoir apporter a cet endroit ou le DIY (Do It Yourself) est la regle. Je prends mon velo et mon courage a bras le corps et je vais a la recherche de la rue Derb El Ferrrane, dans le quartier Azbezt. Sur les derniers metres je reconnais les images que j'ai vues sur la video faite par Priscilla pour indiquer comment s'y rendre.
J'arrive devant la petite porte bleue et toque a l'aide d'un anneau de fer fixe sur la porte. Au bout de quelques secondes, Samira vient m'ouvrir. Samira ne parle que quelques mots de francais. Je me presente en tant que Patricia, Workaway. Avec un franc sourire elle m'invite a entrer. Je laisse le velo charge dans le couloir et entre dans le patio. Je suis accueillie par les guests qui sont presents. Hana n'est pas la. Je trouve quatre gars en train de discuter sur les sofas orange et jaunes bricoles avec des palettes. Mickael, un americain qui voyage aussi en faisant du workaway (mais qui est de passage ici a Priscilla en tant que guest), se charge tres spontanement de me faire visiter la maison. Je decouvre alors cet endroit magique, dont les ondes positives ne tardent pas a me penetrer pour me faire sentir que je viens de mettre le pied dans un lieu magique...
Chez Priscilla, on se sent vite comme a la maison. Pour moi cette atmosphere decoule essentiellement des personnes qui en sont l'ame, a savoir Hana et Siham. Mais a ce moment-la je n'en suis pas encore consciente. Le lieu est extremement detendu et paisible. Tout est fait a partir de recuperation, d'ingeniosite et de generosite. Tout le long du patio, les banquettes en palettes offrent un espace de repos tout le long du mur recouvert de zelij bleu, jaune, marron et noir. ce motif se retrouve sur tous les murs au rez de chaussee et au premier. Les tables et les tabourets sont confectionnes en bois. Les contours des portes et des fenetres sont peints en bleu. Au centre du patio s'eleve un puit de lumiere montant jusqu'a la terrasse, deux etages plus haut. D'une poutre fixee a la terrasse, une corde descend jusqu'en bas, attachee autour d'un fin pilier rond en metal revetu d'une peinture doree.
Un escalier etroit et raide monte au premier etage. Au passage, une porte ouverte donne acces aux toilettes rebaptisees "the terrible Art room". Un rideau a ete fabrique avec des boites de lait en carton agraphees les unes aux autres. Une salle de bain a ciel ouvert est installee dans l'angle du premier etage. Un gros bidon en plastique bleu a ete decoupe en deux pour former deux lavabos. Les deux dortoirs de 9 places sont a cet etage, ainsi qu'une petite chambre double, le "bureau" et l'acces a l'appartement de Hana et Siham. Par un escalier en colimacon raide on monte sur la terrasse ou sont disposees sieges en palettes, plantes, hamac. C'est aussi sur la terrasse qu'on va prendre sa douche a ciel ouvert. Sur un large pan de mur, un artiste a laisse son message en vert : CAPITALISLAM s'etale en grand sous le soleil.
Pendant que je fais le tour de la maison avec Mickael, le sentiment d'etre au bon endroit se confirme. Tout me plait, je suis enchantee. Ici, tout est bricole et en constante amelioration, renovation, ca se sent. On dirait que chacun a mis sa patte. On sent la somme des contributions volontaires.
L'annonce sur workaway parlait de construire un espace culturel et de rencontre, mais je vois bien qu'il n'y a plus grand chose a construire et je me demande quelle sera ma contribution.









Personne ne sait me dire quand Hana rentrera. En attendant, Mickael continue a jouer l'hote et nous retournons nous installer en bas pour discuter. Il y a aussi Dominik, un jeune allemand qui sejourne ici et se montre egalement tres accueillant. Il se degage de ce lieu quelque chose d'unique. J'ai tres vite l'impression qu'ici tout le monde est super detendu et naturel. Au bout d'une demi heure j'ai oublie mon statut de volontaire. Je suis aau milieu de personnes sympas et decontractees, et j'aime ca.
Un ouvrier entre, suivi d'une tornade. A ce moment-la, j'ignore l'existence de Siham. Mes seuls contacts avec Priscilla Queen of the Medina ont ete avec Hana et elle ne m'a pas parle d'elle. Beaucoup de monde circule dans la maison. La fille qui entre et argumente en arabe avec l'ouvrier ne me semble pas etre une guest. Visiblement elle travaille ici. Casquette blanche enfoncee sur ses cheveux coupes tres courts, en debardeur et short, repondant aux hommes d'une voix autoritaire et n'appelant aucune contradiction, Siham est en train de gerer l'installation d'une pompe pour augmenter la pression dans la distribution d'eau. Elle m'apercoit et me dit bonjour vite fait. Ce sera mon seul contact avec elle de toute la journee.
D'emblee, quelque chose me plait chez cette femme. Enfin je ne peux pas dire exactement ca. Disons plutot que d'emblee je sens que Siham est le genre de personne qui va droit a l'essentiel, qui ne tourne pas autour du pot, une femme "cash", avec qui on sait toujours ou on en est. Rien de tordu chez Siham, elle est foncierement entiere et directe. Noir ou blanc, on sait tout de suite la couleur avec elle. Et j'aime ca car je sais que je pourrai avoir confiance en elle.
En tout cas pour l'instant j'ai juste le temps d'avoir cette sensation fugitive, et je sais d'emblee que c'est quelqu'un d'important dans la maison. Tout le monde semble lui obeir au doigt et a l'oeil. Je poursuis ma conversation avec Mickael et Dominik. Je m'apercois que Mickael a fait un bref passage a la ferme de Fedalate ! Il semble aussi peu enthousiaste que moi sur Aymar, meme si lui aussi a malgre tout beaucoup apprecie ce travail agricole.
L'apres-midi s'ecoule tranquillement. Je suis deja tres loin de l'aeroport et de mes 4 jours passes avec Julie. J'ai bascule sans transition dans un autre univers qui me happe toute entiere. Toute a mes discussions bien sympas avec tout le monde, je remarque a peine l'arrivee d'Hana. Mais mon attention se reveille quand je vois cette jeune femme aux dreads locks atypiques ici aussi, discuter a son tour avec les ouvriers, puis attraper un morceau de bois et le couper avec une scie electrique. Je comprends que ce doit etre Hana. Je suis rassuree, elle est jeune. Elle aussi ne m'accorde aucune attention tout d'abord. Concentree sur ce qu'elle est en train de regler, je sens que ce n'est pas le moment pour venir faire les presentations. J'attends donc que ce soit le moment en continuant a discuter. Mes affaires ne sont toujours pas deballees, je ne suis pas installee, mais apres tout rien ne presse.
19 juillet 2015
J'ai beau avoir pris la decision de partir, que c'est dur de voir approcher la fin de cette experience si riche humainement... Comme je les aime, toutes ces belles personnes avec lesquelles je vis ici ! Voila bien longtemps que je n'avais plus vecu ce genre de coup de foudre amical. Je mets ces mots aujourd'hui sur ce que je ressens pour Hana et Siham. Et que c'est bon de ressentir ca ! Sans parler de la grande tendresse que j'eprouve pour Samira et Driss. Et sans oublier chacune des personnes qui sont venues a Priscilla pour un jour, une semaine ou un mois. J'aurai tisse des liens tres speciaux avec plusieurs d'entre eux.
Pas plus tard qu'il y a une demi heure j'etais presque en train de danser de joie tellement j'etais transportee par un sentiment de plenitude et de verite dans ce que je vis ici. Il va d'ailleurs m'etre difficile de decrire ce qu'aura ete mon experience a Priscilla, tant les mots me semblent impuissants a exprimer l'intensite de chaque instant (meme pendant le ramadan qui aura ete un mois de somnolence !)
Alors pourquoi partir ?
Hier soir, une nouvelle discussion prolongee tard dans la nuit avec Hana m'a conduite a me poser une enieme fois la question. Hana qui laisse les portes ouvertes - Siham aussi, d'ailleurs. Comme je me sens chanceuse de les avoir rencontrees, ces deux-la ! Hana qui me fait envisager le futur de maniere differente... Hana qui a elle-meme vecu librement sur les routes et qui comprend tres bien ce qui me pousse a partir voir ce qui m'attend ailleurs.
Nous avons aussi eu une franche discussion sur ce que peuvent devenir des liens tels que ceux que l'on a tisses une fois que la distance physique s'installe. On se promet tellement sincerement qu'on ne s'oubliera pas, qu'on se reverra, qu'on gardera en tete les possibles projets a realiser ensemble.... que restera-t-il de ces belles intentions dans un mois, six mois, un an ? Nous sommes aussi realistes l'une que l'autre a ce sujet. Insh'Allah, on verra bien. Cette fois-ci, comme lorsque j'ai quitte a Paris la personne que j'aime pour realiser ce reve, mon leitmotiv est : si on doit se retrouver, on se retrouvera. En meme temps, cela ne veut pas dire grand chose... Au fond c'est moi qui decide de rester ou de partir. J'ai quitte Paris avec le desir de voir le monde et le secret espoir de trouver quelque part un endroit, un environnement, ou ma petite voix interieure ne soufflerait a l'oreille : ta place est ici. Pourquoi cette place ne serait-elle pas la ou je me trouve maintenant, avec les personnes avec lesquelles je vis aujourd'hui ? Que me manque-t-il pour rester ici ? ........
Non la question ne se pose pas en termes de manque ou de desirs combles. Le moment de me poser n'est pas venu. Voila tout. Je chasse le dilemne et les questions sans reponse, je mets la musique a fond et je danse de joie, envahie par un sentiment immense de gratitude envers la vie pour ces instants precieux que j'aurai eu la chance de vivre. Bob Marley chante don't worry, everything is gonna be all right. Que demander de plus ?...

Oh qu'il est difficile de revenir sur le debut de cette aventure.... Si j'avais le temps, je ferai une compilation de chansons qui retranscriraient l'ambiance et les emotions partagees. J'engrange d'ailleurs pas mal de chansons sur mon MP3, elles feront revivre ces merveilleux souvenirs pour me tenir chaud pendant la suite de mon parcours.
Mais revenons a ce premier jour, enfin essayons.
A un moment donne, les presentations se font tout de meme avec Hana. Tres rapidement elle me souhaite la bienvenue et me dit qu'elle prendra le temps en debut de soiree pour qu'on parle du boulot et des mille projets de l'association. Elle repart vaquer a ses occupations du jour, et je repars dans mes discussions avec les guests presents. Je ne sais plus a quel moment on m'indique que je peux m'installer dans un des deux dortoirs. Tard, je crois. Je detache mes sacoches et installe mon petit coin sur un lit en hauteur.
En debut de soiree, Hana me propose d'aller prendre l'apero sur la terrasse, et de discuter boulot. L'entreprise n'est pas aisee. Comme tout le monde se sent tres a l'aise ici, nous sommes d'abord derangees par des guests qui ne comprennent pas que nous sommes en plein entretien. Siham est toujours occupee avec les ouvriers. Hana me sert un verre de rose. Elle est marocaine par son pere et allemande par sa mere. Elle a grandi en Allemagne et vit au Maroc depuis peu. Elle n'est pas musulmane et elle apprecie le vin et surtout la liberte.
Que dire de cet entretien ? Je suis tout de suite sous le charme du personnage, fascinee par le projet et par la passion qu'y met Hana. Les ondes positives sont palpables dans l'atmosphere. Toute la force de conviction et la passion d'Hana rejaillissent dans l'intensite de son regard. Grace a mon boulot a la fede, je suis en terrain connu par rapport a ce qu'elle me decrit. Mon job revet des aspects assez heteroclites. Prioritairement Hana doit etre soulagee de toute la gestion de l'activite "maison d'hotes". Mais viennent ensuite les multiples projets pour developper les activites socioculturelles et artistiques de l'association. Et la necessaire structuration de l'association (MAC : Maroc Artists Collectiv). Je decouvre qu'Hana porte tout a bout de bras. En tant qu'intiatrice du projet, elle voit loin et se trouve forcement debordee par la gestion quotidienne qui lui laisse peu de temps et d'energie pour avancer aussi vite qu'elle le voudrait. Je decouvre aussi le role de Siham, qui s'eclipse en debut de soiree et ne m'adressera pas un mot de plus que son bonjour du debut d'apres-midi. Je sens une tension dans l'air. J'apprends que les filles sont encore sous le coup de la fatigue liee au principal evenement organise par l'association, le MAM (Maroc Artists Meeting). Cet evenement rassemble pendant deux semaines entre une quinzaine et une vingtaine d'artistes marocains et internationaux. Installes chez Priscilla, les artistes vivent tous ensemble, partagent leur vision des choses et creent ensemble pendant 15 jours. Leur territoire de jeu est Priscilla et le Musee Dar Siana, a Marrakech. Cette quinzaine a visiblement epuise les filles, qui me paraissent avoir besoin de souffler un peu. Je commence a peine a entrevoir en quoi je vais pouvoir les aider, je sens qu'il y a mille choses a faire. C'est a la fois excitant et deroutant car pour l'instant j'ai du mal a cerner les priorites.
Nous parlons longtemps. Il me semble que le courant passe tres bien et que la confiance s'instaure de maniere assez naturelle. Hana me demande de ne pas me formaliser pour l'accueil distant de Siham et, d'une maniere generale, son temperament tres tranche et peu dans la nuance. Je la rassure, franchement cela ne me pose aucun souci, on apprendra a se connaitre et je ne suis pas froissee du tout.
Lorsque je quitte Hana et que je me retrouve seule un moment, je m'apercois que le temps a file super vite cet apres-midi, sans que je m'en apercoive. Qu'il est loin mon reveil avec Julie ce matin ! Ca fait bizarre. Je me rappelle aussi mon impression en arrivant a Marrakech, 5 jours plus tot. J'ai tout de suite senti que j'allais me plaire ici, et ce soir-la sur la terrasse de Priscilla je sens que mon impression etait une prémonition.
Avant de me laisser, Hana m'a dit que je pouvais aller manger au Cooli Cool, le restaurant tenu par Priscilla juste à la sortie de l'impasse dans laquelle se trouve la maison. Je file car Driss, le cuisinier, était sur le point de fermer. J'arrive dans un tout mignon petit restaurant, et rencontre Driss ainsi qu'un de ses amis qui lui tient compagnie. Driss a 23 ans, et toute la curiosité du monde dans les yeux. Il est d'une gentillesse et d'une politesse extreme, assorties d'une avidité d'apprendre qui m'impressionnera jusqu'au bout. Il est insatiable. Nous nous présentons, et il me demande tout de suite de lui apprendre l'anglais tandis que lui m'apprendra l'arabe. Sa douceur et sa candeur me touchent, il sera pendant tout mon séjour à Priscilla un peu comme mon petit frère.
27 juillet 2015
Et voilà. J - 5 avant le grand départ et je n'ai rien raconté de ma vie à Priscilla. J'ai deux mois et demi de retard !! Mais la vie a été si intense, chaque jour (meme les jours mous du ramadan !), il fallait tellement vivre avant tout l'instant présent et les rencontres multiples que le blog est passé après.
J'ai décidé que ce n'était pas grave. Les dernières journées sont aussi tellement importantes que je ne vais pas courir pour essayer de me mettre à jour. Tant pis. Je vais me lancer dans un patchwork de photos, et je prendrai le temps de revenir plus tard, au calme, sur tout ce que j'ai pu vivre ici, sur toutes les personnes merveilleuses qui m'ont accompagnées, durablement ou pour quelques jours seulement...
Hana, Siham, Samira, Driss, Babou, Suzanna, Adil, April, Patricio, Willie, Rachid, Yacine, les enfants du quartier, Haga, Simon, Ser-Ser (j'ai jamais su comment il fallait l'appeler ni comment s'écrit son surnom !), Nourredine (les deux), Pierre, Kinga, Djora, Morgane, Karim et Justine, Antoine et Adrien, Cihan, Anouk, Elliot, Hana et Anita, Paola, Claudia, et tant d'autres..
J'ai dit à Hana il y a deux jours, un soir sous les étoiles, une bière à la main, que mon coeur déborde tellement souvent d'émotions fortes ici que dans le fond je compte parmi les raisons de mon départ le besoin de prendre du recul sur toute cette intensité affective. Bon, je ne sais pas ce que vaut cette réflexion. Mais il est vrai que parfois je me sens dépassée par tout ca. N'empeche, comme j'aurais été heureuse ici !... qui sait. On verra si ma route doit repasser par là. Quoi qu'il en soit certaines personnes font désormais partie de ma vie et je n'imagine pas ne pas les revoir.
Les amis, si vous avez un jour l'occasion de venir à Marrakech, arretez-vous chez Priscilla Queen of the Medina. Cet endroit vous fera du bien.






















A un moment où un autre, face à ce grand patio à ciel ouvert, on finit toujours par se demander : mais quand il pleut, ca se passe comment ??
Et bien quand il pleut... il pleut ! Certains en profitent pour danser sous la pluie, d'autres en profitent pour offrir un bain de pluie aux plantes.




Priscilla's family
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20 aout 2015
Tres vite quelque chose s`èst passe ici...
Tres vite jài eu lìmpression d`ètre entree au sein d`ùne famille.
Tres vite un lien tres special s`est tisse entre moi, Hana et Siham.
Mais il a d`abord fallu que je gagne la confiance de Siham.
Apres notre premiere soiree sans un mot, il aura fallu encore 2 ou 3 jours pour que la situation se detende entre nous. J`apprendrais plus tard que c`est son rythme. Il faut qu`elle se fasse son idee, et elle prend le temps.
Mes tous premiers jours a Priscilla, je fais le tour de la maison et j`essaie de comprendre comment fonctionnent les choses. Un aspect gene rapidement mon esprit `rossettien`` : je trouve de tout partout, je n`arrive pas a comprendre la logique de rangement et de stockage. Il y a de tout a tous les etages. Des bouts de bois derriere les portes, des outils dans les moindres recoins de la maison (ils trainent en general la ou la derniere personne qui les a utilises les a laisses). On voit ici et la des debuts de rangement de materiel de construction, de recyclage, d`objets de recuperation, de materiel pour les ateliers avec les enfants. En dehors de la gestion des `guests` (les personnes qui viennent dormir a Priscilla via Airbnb ou par le bouche a oreille), je trouve la un premier domaine dans lequel je sens que je pourrai apporter quelque chose. Faire de l`ordre, j`aime ca et j`en ai besoin pour y voir clair.
Mais a vrai dire, avec le temps je m`apercevrai qu`il n`y a que moi (et Hana, mais Hana n`a pas le temps de s`occuper de ca) que le desordre gene. Je m`acharnerai a ranger, en vain ou presque dans certains domaines car finalement ceux qui se servent le plus souvent du materiel s`y retrouvent tres bien. J`essaierai X fois de ranger les sacs poubelle dans la cuisine a une seule et meme place, pour les retrouver invariablement dispatches dans de nouvelles cachettes improbables (coinces entre le frigo et la machine a laver, par exemple). Moi je m`arracherai les cheveux a chaque fois que je chercherai un sac, mais Driss et Samira - qui s`en servent tous les jours - les trouvent sans probleme, eux, et bien mieux que lorsque c`est moi qui les range.
Suzanna, jeune workaway anglaise de 20 ans qui arrivera debut juin, tentera avec encore plus d`obstination que moi de mettre de l`ordre dans la cuisine et fera les memes constats. Moi je laisse vite tomber. Du moins dans la cuisine, qui n`est pas mon domaine. Je rangerai 1000 fois les memes objets retrouves ailleurs qu`a leur place, mais en m`interrogeant sur mon systeme d`organisation. Je ne suis pas maniac, mais j`essaie d`etre pragmatique. Quand on a besoin d`un outil ou de materiel specifique, il me parait plus simple de pouvoir aller le chercher la ou il devrait etre, plutot que d`avoir a trouver la derniere personne qui s`en est servi afin de lui demander ou elle l`a laisse. Mais visiblement on ne fonctionne pas tous avec la meme logique. Pourquoi dans ce cas vouloir imposer ma logique a moi... Apres tout je ne suis que de passage, en plus.



J`ai beau essayer de me temperer, interieurement je peste, souvent apres Driss, quand je trouve des choses qui selon moi ne sont pas rangees. Ma tolerance est vraiment tres limitee ! La seule personne aupres de qui mes pensees trouvent un echo - en dehors de Suzanna - est Hana. Nous aurons de longues discussions a ce sujet, comme sur tout ce qui concerne l`organisation sur laquelle nous avons des points de vue communs. Hana appreciera d`ailleurs tres vite mon gout de l`ordre et du rangement. Elle m`eclairera cependant sur les habitudes marocaines et m`expliquera que lorsque des gens vivent avec leurs affaires posees la ou on peut et stockees dans des sacs plastiques, il est complique de leur demander du jour au lendemain d`observer des regles dont l`utilite n`est pas flagrante a leurs yeux.
De meme, nous tenterons un jour de clarifier pour tout le monde les roles et taches quotidiennes ou ponctuelles de chacun. Que c`etait drole, quand j`y pense ! Hana avait prepare le travail avec deux amies allemandes qui ont sejourne 10 jours a Priscilla. Des heures de reunions pour ecrire sur des post-it de couleurs differentes tout ce qu`il y a a faire, qu`il s`agisse de la gestion de la maison, de la gestion du restaurant Cooli Cool, de l`association Maroc Artist Collectiv, etc. Un jour nous nous sommes tous retires dans la cuisine transformee pour l`occasion en salle de reunion. A grand peine, Hana puis Siham ont colle les post-it sur une grande feuille de papier craft, sous le nom de la personne a qui incombait la tache. Mais qu`il a ete dur d`obtenir la concentration et l`attention de tout le monde ! Et comme les yeux de Samira et de Driss semblaient perdus loin, bien loin de nous.... J`ai ensuite ecrit dans chaque colonne, pour chacun d`entre nous, les taches listees. Mais je pense que personne n`a plus jamais relu cette grande feuille censee nous aider a nous rappeler qui fait quoi, ou qui doit faire quoi...
Bon. Faut-il faire une liste simplifiee par personne... Faut-il, pour Driss qui s`eparpille et oublie la moitie des choses en route, faire une liste numerotee (en 1 tu fais ca, en 2 tu fais ca, en 3.... et quand tout ca est fait alors tu peux aussi faire ceci et cela...). Ou bien laisser tomber les listes et s`asseoir 5 minutes tous les soirs pour checker le travail a faire le lendemain...
Combien d`heure avons-nous passees, avec Hana et Siham, a discuter de tout ca !
Je me sentais parfois dans une position bizarre et inconfortable. Driss et Samira etaient employes, moi benevole. Notre travail commencait tot le matin. Hana et Siham ne se montraient pas avant 11h. Tant que les `boss`n`etaient pas visibles, on me demandait souvent ce qu`il fallait faire. Du moins, meme si chacun avait son boulot, il fallait rappeler a Driss ce qu`il avait a faire, ou Samira - bien plus autonome - avait besoin de consignes (qui part, qui arrive, quels sont les lits a refaire, etc) ou se plaignait de Driss qui selon elle lambinait. Bref, j`ai eu du mal a situer quel etait mon role et ma position dans tout ca. Ca me faisait bizarre en tant que benevole d`avoir a rappeler a un employe qu`il n`avait pas fait ci ou ca, ou que ce serait bien qu`il se reveille pour aller faire les courses pour le petit dejeuner, etc. Le mode de fonctionnement n`etant pas toujours tres clair, il m`est arrive X fois de pester et de perdre patience. Et bien sur de le regretter en comprenant que je m`y prenais mal.
Quoi qu`il en soit, innocente et naive, je me lance les premiers jours dans le rangement des stocks et des materiaux en tous genres, outils, materiel electrique, etc.
Je suis couverte de poussiere en sortant du nettoyage des `chambres de la terrasse`, deux petites pieces dans lesquelles sont amassees bouteilles de verre, de plastique, rouleaux de cartons, morceaux de bois, de fer, de polystyrene, terreau pour les plantes, ciment, enduit, pots de peinture, etc.
Siham est peu presente. Elle sort dans l`apres-midi et toute la soiree, pour faire des courses, regler des affaires administratives, gerer ses affaires ou voir ses amis. Hana se met en mode `boulot`des qu`elle sort de sa chambre, son cafe a la main, pas encore habillee. Elle est souvent occupee et passe beaucoup de temps sur sa tablette ou au telephone. En debut d`apres-midi, entre 13h et 15h, on m`appelle pour manger et nous dejeunons tous ensemble dans la cuisine autour d`un plat commun. Driss travaille au Cooli Cool mais il dort dans le meme dortoir que moi.
J`apprends a gerer les reservations sur le site Airbnb, je vais chercher les guests sur la place Jemaa El Fna.
J'adore sortir les mains dans les poches et saluer au passage les vendeurs qui me reconnaissent et petit a petit comprennent que je vis ici. L'un d'eux me suprendra un jour en me disant : toi ca fait dix jours maintenant que tu es ici. Je calcule mentalement... et il a raison ! Mais ils n'ont que ca a faire, a tout observer et tout epier ?? C'est tout de meme assez fascinant. En fait, tout au long de mon sejour je serai partagee entre le plaisir de vivre au milieu de gens qui ne connaissent pas l'indifference, qui vous saluent toujours, qui se parlent et font attention les uns aux autres, et la fatigue - voire l'exasperation - de ne jamais me sentir invisible, de ne jamais avoir la paix, de ne pas pouvoir etre tranquille deux minutes et d'avoir l'impression que tout le monde sait tout sur tout le monde.
Bientot on me saluera par des Salam Marrakchia, labas ? Et j'aime ca. Plusieurs m'invitent a m'asseoir et a discuter ou prendre le the. Je ne prends pas toujours le temps de m'arreter, surtout lorsque je sors chercher des guests. Mais de temps en temps je m'assierai et discuterai. Je sers les mains au passage, je prends des nouvelles, que c'est bon de ne pas se sentir juste touriste. Quelle liberte ! Je me trouve un sarouel leger, noir (a mon grand desespoir mon super sarouel rouge et noir presente une dechirure a un tres mauvais endroit... d'ailleurs, depuis il est reparti en France pour une ultime tentative de sauvetage dans les mains experts de ma mere). Je me fais faire une tunique bleue dans la boutique d'un des vendeurs que je croise tous les jours. Celui-ci me fera monter sur la terrasse de la boutique et prendre un the en contemplant les toits du quartier Azbezt.

J'apercois aussi les montagnes au loin. Trop beau ! Ce que j'apprecie dans le fait d'avoir change de statut aux yeux des marrakchis - en tout cas des vendeurs -, c'est qu'on peut dorenavant parler d'autre chose que de ce qu'ils ont a vendre. D'ailleurs ils veulent savoir ce que je fais la, pour quel riad je travaille. J'essaie d'en dire le moins possible, car je ne sais tout de meme pas jusqu'a quel point ce n'est pas de la curiosite pour les activites de Priscilla. S'ils veulent avoir des infos sur Priscilla ils n'ont qu'a demander directement a Hana et Siham.
Un sujet vient souvent dans les conversations : tu vas etre la pour le ramadan ? Je leur dis que je vais esayer - et je le pense vraiment. A vrai dire j'ai surtout le souhait de vivre comme mes hotes vivent. (Hana ne fera pas le ramadan mais Samira, SIham et Driss le font). Jeuner ne me fait pas peur. Mais je doute reussir a ne pas fumer, et donc a ne pas boire. En tout cas je suis ravie de vivre un mois de ramadan en pays musulman, et de voir en quoi le pays s'en trouve marque.
Evidemment, dans les conversations et les rencontres, arrive toujours (plus ou moins vite, ca depend de la finesse de l'interlocuteur) la fameuse question : tu es mariee ? Aussitot suivie de : tu as des enfants ? A la fin de mon sejour au Maroc, excedee, je finirai par dire (a la mauvaise personne, bien sur, car c'est toujours comem ca que ca se passe !) : tu sais que ca ne se fait pas, dans mon pays, de demander a une femme que tu viens de rencontrer il y a deux secondes si elle est mariee et si elle a une famille ?! On ne pose pas de questions de ce genre, c'est du domaine prive, ca ne te regarde pas. Bon, ce n'est pas l'exacte verite mais j'en avais tellement marre de ces questions a la noix !
J'ai aussi vite dechante sur les rencontres super sympas, au cours desquelles, bonne pate, je laissais mon numero de telephone pour eventuellement se revoir - et promis crache jure sans une once d'arriere-pensee de ma part (moi je fonctionne a l'inverse. Si je vous demande votre numero vous pouvez etre surs que je n'ai aucune idee en tete. Le jour ou une idee me vioent en tete, je n'oserai jamais vous demander un numero de telephone - et puis quoi encore ? pour que vous deviniez tout de suite ce que j'ai en tete ?!). Bref. Naive, innocente (comme quoi, a 40 ans on peut l'etre encore), je laisserai mon telephone a trois ou quatre personnes. Puis j'arreterai, degoutee. Alors que je pensais me faire des amis, je tombais sur des gars qui tentaient le coup. Je dis des gars, car je n'ai quasiment jamais pu discuter avec une femme rencontree comme ca dans la rue. Uniquement celles qui tatouent des dessins au hene sur les mains et les pieds des passants, sur la place Jemaa El Fna. Dans la rue, je ne croise pas les regards des femmes. Ou alors ce sont elles qui ne croisent pas mon regard. Seuls les hommes parlent et vous regardent. Les femmes ont toujours un truc a faire ou ne vous regarde pas. Donc je suis tombee sur des gars qui m'ont harcelee de coups de fil auxquels bien sur je ne repondais pas. L'un d'entre eux m'a appelee 13 fois en deux jours. Deux jours pendant lesquels je n'etais pas censee etre a Marrakech (bon en fait j'avais du rester, mais il ne pouvait pas le savoir). On etait convenus de s'appeler a mon retour, mais cet ane bate a commence a me harceler le soir meme du jour ou on a echange nos numeros. La premiere fois qu'on s'est recroises dans la rue (Hana m'accompagnait vers la place Jemaa El Fna ce jour-la), je me suis arretee pour lui dire que son attitude approchait la maladie mentale grave...
Hana et Siham ont bien ri de ma naivete...



23 aout 2015
Bon, tout ce que je raconte est assez decousu, mais je suis rarement posee pour ecrire. Donc ca sort comme ca vient, sans suite logique et avec certainement des repetitions. Des choses mal dites, aussi, surement. Parce que j'ecris avec un sentiment d'urgence - celui de ne pas laisser les souvenirs s'echapper - et pas toujours avec le recul necessaire pour choisir tel mot plutot que tel autre.
Mais peu importe. J'y vais quand meme.
Hana et Siham m'ont procure une carte SIM marocaine qu'elles recrediteront quand il le faudra. Je recevais sur ce numero une copie des messages envoyes par les guests sur Airbnb. Et du coup j'etais joignable egalement, si besoin.
J'ai vraiment aime aller cherchedr les guests sur la place Jemaa El Fna, leur montrer le chemin, leur expliquer deux-trois choses sur la vie ici. Il m'est arrive d'attendre, voire de rentrer bredouille car les personnes etaient finalement en retard. Le vendeur du stand de jus de fruit numero 57, en face du Cafe de France, nous appelait parfois pour nous signaler que des gens attendaient. En patientant devant ce stand, j'ai fait la connaissance de plusieurs senegalais. Ils vendent des montres, telephones, sculptures de girafes, montres, oeuvres artistiques realisees avec des ailes de papillons... L'un d'eux, le premier que je rencontre, Ismail, est vraiment sympa. Cultive, simple et gentil, il appreciera de mettre le blabla de cote pendant quelques minutes pour avoir une vraie discussion. Lui ne m'a pas demande mon telephone et ne m'a pas laisse le sien, il n'a rien voulu savoir de ma vie sentimentale, il a simplement discute de sa vie a Marrakech et s'est interesse a ce que je faisais ici. On s'est recroises une semains plus tard, la veille de mon anniversaire, par hasard. J'ai ete nous chercher deux canettes de coca et lui ai promis de l'inviter le lendemain a boire un verre pour feter mon anniv. Mais le lendemain je suis arrivee en retard, et quand je l'ai cherche sur la place, il n'etait plus la. Je ne l'ai plus revu. Dommage. Suzanna s'est fait plein d'amis senegalais. Je lui ai demande si elle connaissait un Ismail, mais non, pas d'Ismail parmi ses amis.
Ma premiere semaine a Priscilla est intense. En relisant vite fait le blog alors que j'etais pres du depart, en juillet dernier, j'ai ete frappee par le nombre de fois ou j'ai ecrit le mot heureuse a partir du moment ou je suis arrivee a Marrakech. Un tourbillon de bonheur et d'intensite m'a enveloppee a peine franchi le seuil de cette maison.
En premier lieu, je trouve a Priscilla une vie familiale et sociale. Je n'avais pas particulierement le sentiment d'en etre privee jusqu'ici, en tout cas cela ne me manquait pas. Mais d'un seul coup j'ai bascule dans un monde ou plein de gens se croisaient sans arret, et ou en plus beaucoup de sentiments chaleureux etaient partages. La semaine ou je suis arrivee. un couple d'amies d'Hana venaient de poser leurs valises pour 10 jours de vacances. Voila qui donnqit tout de suite un air de gaite et de familiarite dans la maison. Sans compter la gentillesse des guests d'une maniere generale, la bonne humeur quasi quotidienne de Samira, et - je le decouvrirais bientot - les eclats de rire et le rayonnement de Siham dans la maison quand elle est d'humeur joyeuse. Siham... j'y reviendrai.
Je fais connaissance avec le couple d'amies, donc. Hana et Anita sont allemandes elles aussi. En realite ce sont des amies d'amis. Les filles ne se connaissaient pas avant, mais le courant passera tres bien et elles apporteront meme une aide precieuse a Priscilla. D'abord en s'interessant a l'asociation et en travaillant avec Hana d'une part sur l'organisation, d'autre part sur la comptabilite. Ensuite, en se mettant avec bonne volonte a la preparation d'un evenement qui va devenir regulier a Priscilla : le karaoke du mercredi ! Elles teclechargent des chansons, creent des listes, et lancent l'animation le premier mercredi avec deguisements a l'appui. Ahhh ces soirees karaoke... toute une histoire, tou un rituel. Je deviendrai addict ! Evidemment je suis timide, et on a beau etre nombreux pour la grande premiere je n'ose pas me lancer mais j'encourage les autres. On a le video projecteur, les deguisements, les micros, la sono, l'ambiance. Ca demarre doucement, mais les filles y mettent tant d'enthousiasme que ca prend. Je decouvre Hana en mode je m'amuse - c'est que je n'ai pas si souvent l'occasion de la voir reellement detendue ! Et c'est drole, et c'est chouette a voir. Siham s'y met aussi. Hana et Anita jouent le jeu a fond. Driss boue d'impatience contenue. Toujours dans le fond de la salle, je le verrai souvent, lors de ces soirees karaoke, en concialiabules avec Siham, Babou, Ser-Ser ou encore Rachid. Ils cherchent sur leurs telephones des chansons en arabe, les trouvent sur youtube, se mettent d'accord. Pendant qu'on chante en francais ou en anglais, allemand ou italien, on ne les voit pas tapoter sur leurs claviers, repeter trois secondes, se mettrent d'accord. Et puis d'un coup, a la fin d'une chanson, la voix de Siham couvre tout le monde tandis qu'elle se leve et ordonne : A nous, a nous ! Passez les micros, branche le telephone sur la sono !
Ce soir-la, pendant le 1er karaoke, je decouvre une des deux chansons qui desormais me ramenera toujours dans les murs de cette maison du bonheur. Bon, c'est une chansoin d'amour, mais peu importe. Je ne comprends rien aux paroles mais j'aime tout de suite la melodie, Elle est douce. Et puis surtout je vois tous les marocains reprendre en choeur le refrain, et c'est trop beau. Que je suis contente d'etre ici a ce moment-la !
Des les premiers jours j'ai senti qu'il y avait des tensions, comme dans n'importe quelle famille et n'importe quelle entreprise, mais j'ai surtout senti que cette maison etait un cocon de bienveillance, de tendresse, d'amour. Il y aura des prises de tete, il y aura des tristesses, des coleres, des soucis, des recriminations, mais dieu que les gens ont un bon fond, ici ! Comment ne pas les aimer en retour, ces personnes en qui on ne trouve pas la trace de mechancete, de faussete, de sournoiserie ? Je les regarde chanter, je les regarde s'amuser, et ils sont beaux, ils sont touchants. Ils prennent le micro avec enthousiasme et volonte, mais au moment de chanter on ne les entend plus ! Ah mais c'est qu'ils sont aussi timides que moi, en fait ! Driss regarde le texte par en-dessous, la tete baissee. Il se leve et bouge, marche pour trouver sa decontraction, mais rien n'est moins facile. On voit pourtant qu'il aime ca, et je l'encourage du regard. Vas-y chante, tu la connais ! Leve la tete, tu as une belle voix alors vas-y ! Rachid, lui, baisse son chapeau sur ses yeux et fait le pitre ou prend des airs de crooners. Reda nous bluffe en etant le seul a pouvoir chanter sur Snoop Doggy Dog. Il s'en sort tres bien en plus. Il kiffe, et pour le coup on l'entend !
Siham... Siham prend le micro comme un chanteur, pouce en arriere. Elle va s'asseoir juste devant l'ordinateur, dos tourne au public. Casquette vissee sur la tete, epaules rentrees, coudes sur les genoux, elle se lance. Elle a une tres jolie voix, bien que sa timidite l'empeche de se lacher. Mais elle aime ca, elle aussi, et nous aurons de grands moments elle et moi en l'absence d'Hana, pendant le ramadan.
On me collera les chansons francaises, bien sur ! Hana me branche sur Georges Brassens et les bancs publics. Mais elle n'est pas si facile a chanter en fait. Je m'en sortirai mieux sur Celine Dion malgre les notes hautes, ou encore Porque te vas sur laquelle je me trouverai un partenaire atitre en la personne d"Adil.
















Les soirees karaoke... j'y reviendrai. Mais depuis le temps qu'Hana voulait programmer cette animation, elle est ravie. Et moi qui adore chanter, je le suis tout autant !
Un autre couple d'amies d'amis, Anouk et Elliot, debarque bientot. Elles voyagent au Maroc en camion et se proposent de venir passer 4 - 5 jours et de donner un coup de main. Le matin du jour ou elles doivent arriver, il est decide - comme on a beaucoup de monde dans la maison a ce moment-la - de les installer dans la chambre dediee aux artistes residents. Elle n'est donc pas louee en general Cette chambre se trouve au rez-de-chaussee. Elle est grande et dispose d'un grand lit en mezzanine. Pour l'instant, des matelas, couvertures et deguisements y sont stockes, ainsi que la machine a coudre et la bibliotheque. Il faut la ranger un peu et faire le lit. Siham donne les consignes a Samira. Mais je sais que Samira m'aime pas faire les lits en hauteur, et monter aux echelles en bois. Je propose donc mon aide. Je grimpe la-haut et recupere les draps et couvertures que m'envoie Siham d'en bas.
Depuis le debut de mon sejour, Siham ne me parle toujours pas beaucoup. J'ai vaguement tente de m'adresser a elle pour des questions logistiques mais elle me repond evasivement. Je n'ai pas encore trouve la porte d'entree. Ce matin-la, je decide de plaisanter. Elle m'envoie les coussins a deux reprise. La premiere, ca ne passe pas - pas assez haut. La deuxieme est la bonne. Je soupire alors : Tu vois, quand tu veux... Cette fois c'est la bonne. En fait Siham aime qu'on la taquine. J'ai droit en retour a un :"On joue, on joue, hein ! Et elle sort de la chambre, mais j'ai entendu le sourire dans sa voix.
Un peu plus tard, alors que j'evoque une idee de partenariat avec un un grand evenement sportif qui aura lieu a Paris, je mentionne pour les besoins de la conversation que suis volleyeuse. Siham releve : Ah ouais, tu joues au volley ? Ah alors il faudra qu'on joue ensemble. Bingo. Siham adore le volley. Autre point de rencontre.
Petit a petit nous allons nous decouvrir. Pour devenir franchement amies.
Il faudra deux evenements pour briser definitivement la glace.
D'abord, au bout de deux semaines, une journee difficile ou Siham se met tres en colere et se blesse a la main. Tard dans la soiree, alors qu'elle s'est isolee avec une bouteille de rose et que je discute sur la terrasse avec Djora, elle m'appelle pour que je l'aide a remettre correctement la bande que lui a posee dans l'apres-midi l'infirmiere qu'elle a vue a la clinique. Et pendant que je nettoie la plaie et m'applique a remettre le bandage, elle me parle. Elle me raconte beaucoup de choses tres personnelles, et nous voila parties a discuter toutes les deux longuement. A partir de ce moment, on echangera beaucoup sur un mode tres personnel. La confiance et l'estime se sont installees.
Et puis le depart d'Hana pour l'Allemagne, trois semaines apres mon arrivee a Priscilla, nous laissera tout un mois pour nous rapprocher encore plus. Responsables toutes les deux de la maison, on a forme un duo franchement sympa. Ca n'etait pas gagne, tant les humeurs de Siham sont imprevisibles quand on ne sait pas quelles sont ses preoccupations du moment. Pourtant rien n'a ete plus simple. Je crois qu'on etait faites pour s'entendre. Et en dehors de notre complicite, chacune veillait a ce que l'autre soit en forme et de bonne humeur.
J'ai quand meme su juste avant ca que c'etait gagne. Un matin, vers la fin de ma premiere semaine, alors que j'etais en train de travailler sur la terrasse, Hana est sortie de chez elle enroulee de sa serviette de toilette. On a echange quelques mots, et juste avant de retourner dans sa chambre, elle m'a dit avec son sourire malicieux : au fait, Siham est d'accord pour que tu restes un mois de plus... Ces mots m'ont fait tres plaisir, Ils voulaient dire que les filles m'appreciaient et appreciaient mon boulot. Et ca ne pouvait mieux tomber, vu le plaisir que j'eprouvais a etre ici. J'ai souri, parce qu'a ce moment-la nous n'avions encore jamais evoque le fait que je pourrais rester plus longtemps finalement. J'etais arrivee avec l'idee de bosser un mois puis de quitter le pays. Deux mois au Maroc, ca me convenait. Mais la, une porte s'ouvrait. Tiens... je suis si bien ici.. pourquoi pas prolonger un peu ?... En definitive cette question est arrivee a la fin de la premiere semaine et n'a plus cesse d'etre posee jusqu'a mon dernier jour a Priscilla !
Ce soir-la, nous nous sommes retrouvees sur la terrasse le soir, autour d'un verre de rose, Hana, Sihma et moi. Et pendant cet apero Siham a commence a me poser des questions. *Cest vrai, quoi, tu dis rien sur toi !* a-t-elle ose me dire !
Siham... Lorsqu' April etait la et m'encourageait a ecrire, j'ai note dans un coin de ma tete qu'il faudrait que je decrive Siham. Elle m'inspirera un personnage, c'est certain. C'est une force de caractere. Une personne franche, comme on en rencontre rarement.
Pendant que j'etais a Priscilla, j'ai rattrape sur le blog le retard que j'avais jusqu'a mon arrivee dans cette maison du bonheur. Je sentais aussi qu'il me serait difficile, sans recul en tout cas, de raconter ma vie extraordinaire dans ce lieu extraordinaire. Je l'ai dit aux filles, vers la fin de mon sejour : cette fois-ci je n'ai pas envie de tout raconter, car c'est trop intime. Et puis les mots me paraissent bien pauvres pour decrire ce que j'ai vecu, et les gens merveilleux que j'ai cotoyes. Je raconterai mal, c'est sur.
Mais aujourd'hui je suis a nouveau portee par le desir de ne rien oublier, et la reconnaissance a chacun pour tous ces petits et grands bonheurs qui ont fait ces instants magiques a Priscilla.
Oh je sais bien que la situation exceptionnelle qui m'a portee la-bas amplifie certainement le ressenti. Peu importe. Sur le moment, et j'en sens encore les effets aujourd'hui, la vie et les sentiments etaient intenses. C'est un fait, que rien ne changera.
Qu'en restera-t-il dans 6 mois ? 1 an ? 5 ans ? Je ne sais pas. Pour l'instant c'est important.
Siham
Celle que desormais j'appelle ma soeur. Parce que lorsqu'elle ouvre son coeur elle donne tout, avec une generosite touchante. Une ame sensible, comme toutes les personnes qui ont ete confrontees tres tot a la violence, a la solitude, aux responsabilites. Un coeur fidele qui donne tout, tant qu'on ne la trahit pas. Une fille curieuse, dans le sens ouverte, interessee par les differences, qui aime apprendre tant qu'elle voit l'interet du sujet et que ca ne lui donne pas mal a la tete ! Une personne ancree dans le respect de sa culture, et cependant toujours disposee a discuter et a envisager de nouvelles idees. Quelqu'un pour qui le mot respect a du sens.
Une femme qui, pour s'imposer dans un modele patriarcal, se donne des allures viriles. Combien de fois Hana sourira de son habitude de ne sortir qu'en moto pour aller voir ses amis. Sortir en velo ou a pied ? La honte !
Siham parle fort. La plupart du temps elle crie dans la maison. C'est vrai que souvent ca exaspere Hana, et parfois meme moi aussi, quand il faut cesser toute activite et repondre aux injonctions ici et maintenant ! En meme temps, quand on ne l'entend plus parler fort, ca cache une humeur sombre...

Elle en impressionne plus d'un ! Elle intimide. Parfois elle s'en satisfait - son armure est au point. Parfois ca l'agace. Elle aime bieon qu'on lui tienne tete, qu'on ait du repondant. Quand nous l'entendons parler dans la cuisine avec Samira, Driss ou Babou, on a toujours l'impression qu'ils s'engueulent ! Mais non. C'est leur maniere de communiquer. Ils se charrient tout le temps, et ca finit la plupart du temps en grands eclats de rire.
Quand Siham est de bonne humeur, toute la maison est remplie de rires et de joie de vivre. Elle a cette aur incroyable. A double tranchant, puisque lorsqu'elle est maussade, personne ne moufte ! On est tous plombes. Mais quand elle se leve heureuse de vivre, Siham lance des idees et hop, la folie s'installe, contagieuse. Un soir, elle rapporte un ballon de volley. A la fin du diner, nous poussons tables et chaises et nous voila partis, avec Hana et Younes au debut, dans un 2 x 2 au milieu du patio. Ca fait des lustres que nous n'avons pas joue, mais quel plaisir ! Nous resterons bientot toutes les deux en piste. en nage mais les yeux petillants et le sourire en banane. Un vase et le front d'April feront les frais de notre surexcitation, mais peu importe, quel plaisir ! (pour le front d'April, qui etait en pleine partie d'echecs avec Adil, ca n'etait vraiment pas grand chose, meme pas un bleu, mais je reconnais - puisque je suis la coupable - qu'on ne se sent jamais tres malin dans ces moments-la).

Elle se mettra en quatre pour organiser les ftours (premiers repas du ramadan le soir en fin de jeun), pour que tout le monde soit content - c'est beau a voir et c'est delicieux. Elle cuisinera pour mon anniversaire un tajigne aux pruneaux et amandes - le tajine de fete. Elle nous quittera tot l'apres-midi de notre excursion dans la vallee d'Ourika pour preparer en catimini un festin et une soiree avec tous les amis d'Hana, pour son anniversaire.
Elle insistera autant qu'elle pourra pour que je reste. *Elle saoule, elle, aussi !* - l'entends-je pester X fois sur la fin de mon sejour. *Ecoute, vas a New York, fais ce que tu as a faire la-bas, et apres tu reviens, Reflechis-y.* ... Je suis tellement touchee par toutes ses marques d'amitie....
Lorsque je n'en peux plus d'avoir mal a ma dent arrachee, elle insiste pour que je rappelle ma dentiste et m'emmene en moto. Elel surveille la dentiste et - elle me le dira apres - fait des signes a l'assistante quand elle voit que j'ai mal a en pleurer. *C'est une brute* dira-t-elle de ma dentiste en sortant. Elel me conduira boire eun super bon jus de fruit en sortant - je le bois de travers a cause de l'anesthesie, mais qu'est-ce que c'etait bon ! Et puis on a encore beaucoup parle ce jour-la, et j'aime mes petites discussions en tete a tete avec Siham. On se confie, on se conseille mutuellement. Lorsque je skype avec mes parents elle veut les voir. La famille, ca n'a pas de prix a ses yeux.
Un soir pendant le ramadan, en l'absence d'Hana, elle m'emmene en boite. On y retrouve Ser-Ser et Nadine pour un moment. D'abord on ecoute un groupe jouer en live, puis on danse. Que ca fait du bien ! Je n'avais pas danse depuis longtemps. Bon d'accord il y avait des prostituees dans la boite et j'avoue que c'est bien la premiere fois que je danse a cote de prostituees, mais n'empeche j'ai adore cette soiree, et la viree en moto dans la nuit pour y aller et pour en revenir. Au retour, on s'est arretes dans le riad ou travaille Ser-Ser et on a mange a 5h du matin les restes d'un excellent tajine aux olives qu'il avait cuisine lui-meme.
Lorsque j'apprendrais une tres mauvaise nouvelle a propos d' une amie, l'ayant sans doute appris par Hana qui m'a surprise dans la chambre en train de pleurer, elle viendra sans rien dire me prendre dans ses bras chaleureux. Quand je serai malade elle me donnera une cuilleree de cumin, son remede miracle. Le soir de l'anniversaire d'Adil, une vingtaine de jours apres mon arrivee a Priscilla, j'aurai mon 1er et seul vrai coup de blues en pensant a la personne que j'aime en France. Elle me prendra dans ses bras et me ramenera a des pensees plus positives. La veille de mon depart, depuis son telephone portable elle appellera sur le nouveau telephoine fixe de la maison et deguisera sa voix pour me dire : *malheureusement votre vol est annule, il n'y a plus de depart pour New York*. - Ah... bon alors je prendrai le bateau. *C'est pas possible, il n'y a plus d'eau non plus...*
J'ai le sentiment de l'abandonner et je n'aime pas ca. Je sais qu'elle ne m'en veut pas, mais elle pense aussi que lorsaue les gens s'en vont vivre autre chose, ailleurs, ils ne reviennent pas. Je me suis promis de lui prouver le contraire.
Le soir ou elle etait tres mal, apres s'etre blessee a la main, alors que je nettoyais sa plaie elle m'a dit une tres jolie chose. Les semaines precedentes avaient ete tres eprouvantes pour elle comme pour Hana, avec l'organisation tres prenante du MAM. Elles etaient toutes deux a cran et tres fatiguees physiquement et nerveusement. Et le precedent workaway n'avait pas ete d'une grande efficacite, semble-t-il (meme Samira et Driss en rigolaient). *Hana m'a rappele quelque chose que j'avais dit* - a-t-elle commence. *J'avais souhaite que la prochaine personne qui viendrait en workaway soit quelqu'un qui apporte de la serenite. Tu vois, c'est le mektoub*. Moi je ne crois pas non plus au hasard dans la vie.
Les premiers jours, je le vois bien que les filles sont overbookees et tendues. Je les pousse a profiter de ma presence pour aller se balader, souffler un peu, se prendre un jour ou deux pour elle. Ce qu'elles ne feront jamais. Le soir, elles sortent, tout de meme. Vont voire leurs amis, boire un verre, assister a des conferences ou des vernissages.


Mon deuxieme soir a Priscilla, je suis d'ailleurs bien embetee. Je suis seule avec Driss (Samira rentre chez elle le soir) quand nous voyons debarquer un *ami musicien*, venu accompagne d'un autre ami musicien et de leurs deux guitares, Les gars s'installent, branchent leurs gruitares et demarrent un concert improvise pour nos guests, a minuit... Je ne connais pas encore vraiment les us et coutimes de la maison. Ce gars-la est parait-il deja venu faire une prestation, en echange du gite et du couvert. Bon bon, tres bien, Trois ou quatre de leurs amis arrivent d'ailleurs pour ecouter aussi la musique. Dans le fond, tout se passe bien, si ce n'est que je ne suis pas a l'aise avec le bruit qu'ils font alors que certains des guests sont deja partis se coucher. Les filles rentreront tard. Entre temps, tout le monde est parti sauf le soi-disant ami, qui s'est installe sur un des canapes du patio apres avoir demande a Driss de lui cuisiner un repas (son ami guitariste, lui, a carrement picore dans l'assiette de Driss). Bon, ce gars-la s'avere etre un squatteur, en somme. Le lendemain, le voyant toujours sur la terrasse en debut d'apres-midi et visiblement pas decide a partir, apres avoir sonde Hana sur la question, Siham sort de la cuisine et appelle d'en bas : Maintenant tu prends tes affaires et tu t'en vas. Voila... Le probleme est regle.

Si la bonne humeur de Siham est contagieuse. elle n'est pas constante.
En revanche, Samira apporte une joie de vivre quotidienne qui fera mon plus grand bonheur ! Elle n'a pourtant pas eu la vie facile, le deces premature de son mari il y a sept ans, dans un accident de voiture, l'a laissee seule pour elever son unique fille - dont nous feterons ensemble les 14 ans. Les filles iront chercher pour l'occasion un gateau au chocolat en forme de coeur et organiseront un karaoke prive avec Babou, Driss et moi.
Samira chantonne tout le temps ! Elle me fait penser a ma mere, en tout cas a l'epoque ou maman faisait tout en chantant. Consciencieuse, Samira s'occupe de tout, fait le menage et les lessives, la couture, et nous prepare tous les jours tajines, couscous, msemenes, et tous les autres plats dont j'ai oublie le nom (avec des epinards berberes, des lentilles, ou encore le plat du petit dejeuner avec des tomates, du pain et de la graisse dont se regale Siham et qui fait horreur a Hana qui tente de garder sa ligne sportive dans une maison ou on mange si bien et si copieusement !)
Quand elle ne chantonne pas, Samira passe son temps a faire des plaisanteries ou a repondre aux sarcasmes de Siham qui adore la taquiner. Ces deux-la s'entendent comme larrons en foire. Des qu'elle est levee, Siham descend prendre son cafe dans la cuisine et ca papote, et ca papote avec Samira ! Je ne sais pas ce qu'elles se racontent mais elles ont toujours un tas de trucs a se dire. Parfois, quand Hana n'est pas la, apres le dejeuner je les entends toutes les deux discuter dans la chambre de Siham.

Quand elle n'est pas avec Siham, c'est sur un canape dans le patio que Samira fait la sieste en debut d'apres-midi. Elle branche souvent la musique de son telephone quand elle fait le menage, mais elle veille a ce que personne ne fasse trop de bruit tant que les filles ne sont pas levees. Elle parle peu le francais mais on se debrouille ! Et quand quelque chose l'agace, elle s'exclame *oh merde !* - ce qui fait rire tout le monde. Elle raffole du coca et dit ne boire que ca - ce qui lui vaut les mises en garde d"Hana sur les risques de diabete. Tant que je ne serai pas guerie, elle me demandera tous les jours comment va ma dent. Elle, elle supportera la douleur sans rien dire lorsqu'elle soufrira a son tour d'une dent, en periode de ramadan. Elle ne prendra pas le medicament que je lui donnerai, a cause du ramadan. Elle ne chantonnera plus pendant cette periode. Et puis un jour elle me montrera en riant qu'elle aussi, dorenavant, elle a une dent en moins !
Samira sourit tout le temps (sauf quand elle soupire apres Driss, qui lambine selon elle). Elle participera avec nous (et avec application !) a l'atelier tampographie, d'abord avec les enfants, puis avec nous et sa fille. Elle prepare les jus de fruits et les gateaux pour les enfants les jours de projection de films ou d'ateliers. Comme toutes les mamans du monde, elle sera fiere de nous annoncer les brillants resultats de sa fille a l'ecole, et se montrera inquiete lorsqu'elle apprendra qu'Hadja est asthmatique, puis lorsque son pere fera un malaise cardiaque. Parfois elle se fache, notamment une fois lorsque Babou et Siham commentaient le fait que sa fille, vivant avec sa grand-mere et sa tante, ne frequente pas d'amis de son age. Mais ses facheries ne durent pas. C'est une nature gaie. Une enfant dans la peau d'une maman. Elle me dira souvent de me reposer alors qu'elle travaille dix fois plus que moi, me remerciera pour le moindre coup de main. Me dira souvent qu'elle ne veut pas que je parte. Voudra voir des photos de ma famille, de mes amis. Me montrera celles de son mari, de son frere, de sa fille, d'elle avec quelques annees en moins. Lorsque nous reviendrons un jour avec Siham d'une course pour acheter des cadeaux que je veux envoyer en France et une couleur pour mes cheveux grisonnants, elle se precipitera pour nous faire nos couleurs, a Siham et moi. Puis elle voudra tester le restant de ma couleur sur ses cheveux. Et nous voila parties dans une *couleur-party* ! C'etait drole.
Plus le temps passera, plus mon affection grandira et je me surprendrai plus d'une fois a mettre un bras autour de ses epaules en passant pres d'elle.




Deux ou trois jours a peine apres mon installation a Priscilla, un branle-bas de combat eu lieu dans la maison. Tous les meubles du Cooli Cool sont transferes dans le patio. Je n'ai rien suivi a l'affaire et je decouvre le systeme marocain. Les filles louent un local pour le restaurant. Mais pour des raisons qui m'echappent et que j'ai oubliees, des ennuis administratifs se presentent et les filles ont decide de ne pas se laisser faire. Le Cooli Cool continuera d'exister, mais dans les locaux de Priscilla. Il y en a un que ce changement rend heureux comme un pape, c'est Driss !
Lui qui se sentait seul dans son restaurant, il va avoir de la compagnie ! Et des clients tous les soirs avec les guests de Priscilla.
Hyper motive et anxieux, il se lance dans la construction d'une table pour installer sa plaque de cuisson et ses ingredients pour cuisiner. Ca nous prend l'apres-midi. On trouve des palettes, on scie et on plante des clous. Du moins il scie et plante les clous, et moi je l'encourage moralement. Je decouvre en effet le travail a la marocaine ! La aussi Hana eclairera ma lanterne sur les coutumes locales. Je lui dirai un jour mon irritation de ne pas pouvoir commencer un travail manuel sans que Driss ne vienne s'en meler et m'en deposseder pour faire a ma place. Hana connait bien cette frustration. Elle qui a appris dans sa jeunesse a bricoler toute sorte de materiaux se trouvera confrontee a cette habitude egalement et devra insister pour faire elle-meme. Elle m'explique qu'il ne s'agit pas la uniquement du rapport homme - femme. *Ici, me dira-t-elle, si un marocain voit par exemple un autre marocain en train de reparer une machine a laver, il va s'arreter. Il va commenter, et vouloir aider. Ils peuvent meme se retrouver a plusieurs a venir et a regarder et s'y mettre a leur tour. Chacun ira de son conseil et tentera de prendre les outils pour faire. A la fin il y en a un qui aura fait le boulot, mais tout le monde repartira en disant : aujourd'hui j'ai repare une machine a laver.* Ok. C'est juste que moi, ou je fais ou je ne fais pas. Mais regarder faire, ca me donne l'impression de perdre mon temps. Et je m'agacerai systematiquement lorsque ce brave Driss fera a ma place. Chaque fois je partirai en maugreant, frustree dans mon elan.
Ce jour-la, lorsqu'avec Driss *nous construisons* une table pour le Cooli Cool, Driss me demandera toutes les cinq minutes : tu crois que c'est quelque chose de bien ? Tu crois que c'est une bonne idee comme ca ? Et a la fin il concluera tout content : j'aime bien travailler avec quelqu'un, quand je travaille tout seul je m'ennuie.
Driss recherche toujours l'approbation, il redoute toujours l'appreciation de SIham et Hana. Il a un respect enorme pour ses *patronnes* et Hana se desesperera souvent de le voir perdre tous ses moyens en sa presence.
Le jour ou nous installons le Cooli Cool dans le patio, Driss se met en quatre pour que tout soit parfait. La plaque et les ingredients sont en place. La deco aussi. En debut de soiree, Driss va se changer et revet son tablier de cuisinier. Il est beau comme tout, droit comme un I derriere sa table de cuisson, le visage anxieux, pret a repondre aux commandes des clients. C'est mignon de le voir comme ca ! Lorsque les commandes arrivent, il me sollicite pour un coup de main. Je lui passe les plateaux surlesquels j'ai dispose selon ses instructions couverts, pain, verre et serviette. Il ajout l'assiette, et je peux servir. Parfois Siham sera aux commandes en cuisine, et Driss tiendra le role d'assistant. Lorsque Suzanna nous rejoindra, elle connaitra les joies de la mise en place et du service, qui sont finalement des moments privilegies avec Driss.
Et ca depote, les premiers soirs ! Ca fonctionne bien, et tout le monde apprecie la cuisine de Priscilla (donc de Driss ou Siham). Moi aussi d'ailleurs ! Mise a part qu'au debut Driss met trop de piment pour moi, j'aime beaucoup manger ici et je m'inquiete du poids que je vais prendre probablement, a manger aussi bien tous les jours !

Driss decouvre avec bonheur que j'ai un appareil photo ! Il voudra etre photographie en cuisine, dans ses beaux vetements, avec les plats magnifiques qu'il nous preparera pour les ftours, mais aussi pendant les soirees karaoke, lorsqu'il teste la corde, pendant au'il peint les tables de la terrasse et les etageres qu'il fabrique pour Hana et Siham, et puis aussi il voudra que je le photographie torse nu pour voir l'evolution de ses cours de gym sur son corps fin. Ah, Driss et l'appareil photo ! Il ne veut pas seulement etre pris en photo, il veut aussi prendre en photo tout le monde et deviendra notre photographe officiel sur les activites et les evenements. Passionne, a chaque occasion il mitraille tout le monde. Il prend d'ailleurs de belles photos, si ce n'est qu'il oublie parfois de faire la mise au point. Mais je passerai mon temps a m'amuser de le voir se faire plaisir avec l'appareil, et a maitriser tout de meme mon angoisse de voir l'appareil abime sur une fausse manip ou a force d'etre utilise pour tout et n'importe quoi.
Si je m'agace vite que Driss fasse les choses a ma place, ce garcon d'une incroyable gentillesse et droiture me fera fondre des le debut. Pas une once de mechancete ou de betise chez ce jeune homme de 23 ans curieux de tout, extremement respectueux et serviable, d'un caractere doux et souriant. Il veut tout apprendre ! Le francais, l'anglais, la guitare, le bandjo, la technique pour grimper a la corde, la boxe, la cuisine, etc. Sa curiosite est inepuisable. Il discute avec tout le monde, s'interesse a tout le monde, est soucieux du bien-etre de tous. Il ne dit jamais non quand on lui demande quelque chose. Je lui dirais : vous etes epatants, tout de meme (lui et Samira en particulier), moi si on me demande quelque chose et que je suis occupee ou fatiguee j'aurais tendance a repondre : attends, pas tout de suite ! Mais vous, vous etes toujours au taquet, et vous ne dites jamais non a quoi que ce soit. C'est une question de respect, me repondra-t-il. N'empeche, J'ai beau me considerer comme quelqu'un de respectueux d'une maniere generale, parfois j'ai envie qu'on me foute la paix, moi. Eux, ils repondent toujours presents. Meme quand on les reveille. Meme quand ils sont deja occupes. Meme quand ils sont fatigues.

Des le debut de mon sejour, Driss souhaitera nous inviter chez lui, dans la maison familiale a Agmat (prononcer Armat), dans la vallee de l'Ourika. "Tu verras, c'est une petite maison mais c'est tres joli la-bas, il y a beaucoup d'arbres, des arbres partout !" me dira-t-il. Hana et Siham y ont deja ete a une autre occasion. J'irai juste avant la fin du ramadan, et partagerai le ftour avec ses parents, ses freres et sa petite soeur. Et la maison ne me paraitra vraiment pas si petite, a moi qui vit en appart en banlieue parisienne, sans balcon ni jardin. Le terrain est grand, au bord du fleuve. Driss a participe a l'agrandissement de la maison, qui appartenait a sa grand-mere si j'ai bien suivi. Je n'ai pas vu toutes les pieces mais entre les espaces interieurs et exterieurs, pour eux ce n'est peut-etre pas grand-chose mais pour moi c'est deja beaucoup.
Pour nous y rendre, nous avons du prendre un grand taxi. Ce jour-la, on s'est embarques dans une veritable expedition ! Je devais absolument passer faire une course a Carrefour market. Pas de souci, il y en a un sur notre route, le taxi s'y arretera au passage - m'a dit Driss, impatient de partir. Et en effet, s'arreter a Carrefour au passage n'a pas ete complique. Par contre, trouver un taxi qui nous prenne au Carrefour pour nous emmener a Ourika, alors la c'etait une autre histoire. Evidemment, les taxis ne partent que lorsqu'ils sont charges a bloc, et leur point de depart etait beaucoup trop pres du Carrefor pour qu'il puisse disposer de deux places libres si vite sur le trajet. En desespoir de cause, nous avons du retourner - en prenant un taxi dans le sens inverse - jusqu'a la station des grands taxis pres de Jemaa El Fna, pour repartir de zero et trouver deux places pour un aller direct a Agmat. On avait juste perdu une bonne heure et demi entre temps. Par une chaleur infernale, en plein ramadan. Moi ca allait, j'avais achete de l'eau, mais mon pauvre Driss qui ne buvait pas n'en pouvait plus.
Pourtant, plus je l'ai vu approcher de sa maison, plus je l'ai vu s'animer ! Le taxi nous a deposes a l'entree d'Agmat. Plus nous nous eloignions de Marrakech, plus l'air se rafraichissait. Il faisait bon maintenant. Nous avons remonte la grande rue dans laquelle les habitants d'Agmat se pressaient de faire leurs courses pour le ftour. Nous avons rencontre Nourredine, le frere aine de Driss que j'avais deja vu une fois a Priscilla. Il etait en train de faire des achats sur le marche, avec son velo.
Une marche d'une demi heure nous a conduits hors de la ville, sur de jolis chemins de campagne verdoyante. La terre rouge, les montagnes en fond de decor, les arbres verts partour, tout me depaysait et m'enchantait. Par un petit chemin de terre, nous sommes arrives chez Driss. Sa petite soeur nous a accueillis. Sa mere etait assise derriere la maison, faisant cuire des pates a pizza sur un feu de bois. Son pere etait dans le potager avec ses deux chevres.
La mere de Driss nous a servi - a moi et sa fille _ une collation : jus de fruit et crepes. Puis nous nous sommes mis a la cuisine. Driss voulait faire une pizza, et on s'est arretes en ville pour acheter le thon, les olives et le jus de tomates. J'ai presse les oranges pendant que Driss s'occupait des pizzas. Sur une petite table en bois a cote de moi, sa soeur epluche et decoupe des figues de barbarie et m'en offre quelques-unes, delicieuses ! Ici les figues de barbarie se cueillent partout. Les jeunes en ramassent regulierement et s'installent sur le bord des routes pour en vendre et glaner un peu d'argent de poche.
Apres les preparatifs, Driss m'emmene voir le fleuve au bout du terrain familial. Le niveau de l'eau est tres bas a cette epoque de l'annee. Les montagnes en face sont belles. "Voila c'est chez moi" - me dit Driss avec un sourire fier. Et combien je comprends le plaisir qu'il a a me faire decouvrir cet endroit. Comme j'aurais aime grandir dans cette nature !
Depuis le bord du fleuve ou nous pataugeons, nous entendons l'appel a la priere qui annonce la fin du jeune pour la journee. Nous courons rejoindre la table familiale. Comme a son habitude, le pere de Driss a mange une unique date, puis il s'est retire dans sa chambre pour faire ses prieres. Il nous rejoindra apres. Les deux freres de Driss sont la. Le diner est tres sympa. Je ne comprends pas tout ce qui se dit, mais j'observe avec plaisir cette famille ou les paroles et les regards echanges sont tendres. C'est agreable a sentir. Je trouve Driss tres attentionne et respectueux. Il prendra plein de photos de ses parents et de ses freres et soeurs. Sa petite soeur, en particulier, ira vetir pour l'occasion sa belle robe violet.
La television est allumee. Comme a Noel chez nous, pendant la periode du ramadan la television diffuse tout un tas de series specifiques, dont la plupart sont humoristiques. J'avoue que je ne regrette pas, cependant, que l'installation de l'antenne de television tentee par Babou et Siham n'ait servi a rien...




Je ne suis toujours pas remise, a ce moment-la, de ma maladie (gastro ??). Apres le repas, je commence a avoir mal au ventre, comme chaque fois. On m'installe un drap sur le canape et je m'allongepour me reposer jusqu'a minuit. Pendant ce temps, tous les hommes de la maison sortent. Driss m'a invitee mais j'ai prefere decliner et rester allongee. La mere et la fille restent a la maison, pour ranger et nettoyer, puis regarder la television toutes les deux.
A minuit, tout le monde est revenu et je me releve pour diner. Tajine de poulet avec frites. Si le ftour de 20h est invariablement constitue de harira, dattes, oeufs durs et gateaux de miel et sesame, le repas de minuit est celui du tajine. Ensuite tout le monde va se coucher. Je pensais dormir sur le canape mais non, je decouvre qu'on m'a installe un drap sur le lit du couple, dans leur chambre. La mere et la fille dormiront avec moi, mais sur des tapis par terre. Mon dieu que c'est genant !!
Le pere s'est enveloppe d'un drap pour se proteger des moustiques et il se couche sur le canape dans la piece ou nous avons mange. Driss insiste pour que je me sente a l'aise. Bon.
Une grande armoire sans porte tient la place de tout un pan de mur. Les affaires y sont meticuleusement rangees sur les etageres.
Je me reveillerai trois secondes a 3h du matin, mais ne me leverai pas pour le dernier repas de la nuit.

Mon retour sera fastidieux.
Je voulais etre rentree a Priscilla pour 10h (donc partir a 8h) pour pouvoir dire au revoir a April, qui nous quitte apres un sejour d'un mois. Mais a 10h Driss dormait encore et il m'etait difficile d'aller le reveiller. Et puis dans le fond, il voulait passer une journee de plus en famille... Il finira par se lever, bien trop tard evidemment, et par faire mine d'etre malade. Bon. Il sera assez en forme pour m'emmener faire un tour sur les petits chemins autour de la maison (de toute facon j'ai rate le depart d'April, alors rate pour rate...), et tentera de me ramener a la station de taxi en moto mais je finirai par partir seule a pieds car la moto ne demarre pas. Cette moto lui procure d'ailleurs des soucis. Son frere s'en sert regulierement, contre les conseils de son pere, pour aller faire des courses avec les copains sur les chemins de campagne. Le pere de Driss est inquiete et compte sur lui pour raisonner le plus jeune fils, qui n'ecoute pas les conseils.
Je repars pour une demi heure de marche jusqu'a la station de taxi. La, j'attendrai bien une demi-heure avant que le taxi se complete avec d'autres passagers pour Marrakech (a cette heure-ci, la plupart des gens qui ont a faire a Marrakech sont deja partis...) Je n'arriverai a Priscilla que vers 13h, l'heure a laquelle l'avion d'April decolle...








A Priscilla, Driss et moi partagerons bientot la meme chambre. Driss a une place en dortoir, mais il y fait trop chaud a son gout, il n'y dort jamais. Les trois quarts du temps, il attend que tout le monde s'endorme, et il s'installe avec une couverture sur un des canapes du patio. Ses affaires voyagent avec lui et on en trouve partout. A cote des douches, dans les pots de fleurs du patio, dans la chambre ou je dors, dans le dortoir, ... Petit a petit, il viendra se coucher dans la chambre ou je dors, d'abord en attendant que je suis deja endormie. Il installe une couverture par terre et se pose la. Il s'installera vraiment quand je quitterai Priscilla 5 jours pour ma viree a Ceuta, Chefchaouen et Fes. Je l'embeterai souvent pour qu'il range ses affaires et ne me coupe pas l'electricite en branchant non-stop son telephone portable, et le reveillerai X fois le matin pour qu'il reponde aux appels de Samira lorsque le pain venait a manquer pour le petit dejeuner. Je n'ai pas toujours ete tendre avec Driss. Lui l'a toujours ete avec moi...
Il a un coeur d'or, mais il est tete en l'air et desorganise. Plus d'une fois avec Hana et Siham nous discuterons en soupirant de son manque d'autonomie. Mais quelle bonne volonte et quelle gentillesse chez ce garcon que j'ai fini par considerer comme un petit frere !
Un petit frere qui m'aura appris beaucoup sur la culture marocaine. Le ramadan a ete propice aux confidences. Nous etions souvent seuls tous les deux pour le repas de 3h du matin. Au debut, Siham etait toujours avec nous et venait meme me reveiller en m'appelant d'en bas : Pat, saute ! Juste pour voir si un jour, dans mon demi sommeil, j'allais l'ecouter et sauter de la mezzanine ! Ca a d'ailleurs failli marcher car je me rappelle avoir pense une fois : ok, pourquoi pas... le fait de dormir torse nu m'a fait renoncer au dernier moment, moment ou j'ai compris aussi que Siham se payait ma tete !
Mais petit a petit Siham est rentree de plus en plus tard dans la nuit. Elle a meme pris l'habitude de ne rentrer qu'a 3h ou juste avant, pour filer directement se coucher. J'ai vite cesse d'avoir faim a 3h du matin. Mais j'ai continue a me lever pour Driss. Comme pour tout le reste, Driss n'aime pas manger tout seul. Et puis il fallait s'assurer qu'il se reveillait. Un matin en effet, je me suis retrouvee seule dans la cuisine a 3h. Driss dort, tant mieux c'est qu'il en a besoin - ai-je pense, n'osant pas le reveiller. Mais j'avais aussi besoin de manger, et de boire - me fera-t-il remarquer le lendemain, ne comprenant pas pourquoi je l'avais laisse dormir...
Nous nous retrouvons donc tous les deux toutes les nuits a 3h pendant le ramadan, et ces moments seront nos rendez-vous prives pour refaire le monde, nous raconter nos vies, nos familles, nos ami(e)s, nos amours, mais aussi nous consoler, nous conseiller, bref : c'est le temps des confidences.
Je lui demanderai si ses parents ont hate de le voir se marier. Hate, non. Lui non plus, d'ailleurs. Il ne se sent pas pret. Il souhaite avoir d'abord une certaine stabilite, du moins un travail sur et suffisamment remunerateur pour pouvoir soutenir une famille. Il est deja le soutien financier de ses parents, d'ailleurs. Il envoie quasiment tous ses revenus a sa famille.
Et puis il n'est pas pret non plus sentimentalement parlant, meme s'il a une copine - qu'il voit tres peu. Sa mere aimerait bien qu'il se marie, car - m'explique-t-il - elle voudrait avoir de l'aide a la maison. Mais les mentalites changent, et les filles ne veulent plus etre mariee pour devenir l'aide menagere et l'aide cuisiniere du foyer familial. C'est dur maintenant de trouver une femme pour ca - me raconte Driss. Du reste, ce n'est pas ce qu'il souhaite non plus.

Dans les premiers jours, il m'interrogera sur Facebook et les reseaux sociaux. Il viendra me trouver, anxieux : Patricia, il y a un guest qui me demande mon Facebook. Est-ce que vous croyez que c'est bien si je lui donne mon facebook ? (les marocains ont du mal avec la distinction vouvoiement - tutoiement. Alors les trois quarts du temps ils vouvoient. J'aurais beau dire a Driss : quand tu me vouvoies, j'.ai l'impression qu'on n'est plus amis ! - rien n'y fera, il ne tutoie quasiment jamais.). J'essaie de comprendre quel est le probleme. Je demande a Driss : toi, tu veux rester en contact avec ce guest ? Je ne sais pas, je ne le connais pas... Pourtant il a l'air vraiment embete par cette demande ! J'explique alors a Driss qu'il a le droit de dire non. Que ca n'est pas grave, que ce n'est ni mechant ni irrespectueux, c'est juste son choix. Il me demandera souvent, sur bien d'autres sujets, "est-ce que c'est bien ?". Et je lui reponds alors : qu'est-ce que tu en penses ?... Driss, il a l'innocence des vrais gentils. Je ne l'entendrai jamais dire du mal de quelqu'un. Il donne toute sa confiance. Je l'ai vu pleurer anerement sur la trahison d'un ami. Moi-meme je l'ai blesse une fois, en lui interdisant de venir travailler avec Suzanna et moi sur la terrasse, en plein soleil, pendant le ramadan. Ce n'est pas tant le fait de l'avoir tenu a l'ecart d'une activite a laquelle il aurait voulu participer. C'est plutot le ton dur que j'ai employe pour lui dire non, qui l'a blesse. Il n'etait pas fache contre moi, il etait triste. Et j'ai un peu rame pour qu'il retrouve son sourire. Mais c'est une telle bonne nature qu'il n'en a pas moins continuer a m'offrir tous les jours son amitie tendre et chaleureuse. Cent fois par jour il me demande : Patricia, labas ? (Patricia, ca va ?) Il me remontera le moral quand j'apprendrai les soucis familiaux, la maladie d'une amie, le deces de la maman d'une autre amie. Ah l'amour dont j'ai ete entouree a Priscilla a chaque fois que j'ai connu un moment de tristesse !....
Tres vite Driss me confiera ses questionnements a propos de son travail ici, son salaire, les perspectives pour lui. Il aime vivre ici, il a la sensation d'apprendre tous les jours dans cet univers multiculturel et chaleureux, en tout cas beaucoup plus que dans les restaurants ou il a travaille avant en tant que cuisinier. Il se lie tres vite avec les guests, qui l'adorent. Des qu'il entend un instrument de musique, il s'approche, s'asseoit tout pres, puis questionne : comment tu fais ceci, peux-tu me montrer cela ?
Avant d'aller chez lui, j'avais rencontre sa mere a Priscilla. Juste avant le ramadan, il l'accompagnera - avec Siham - voir le medecin. Sa mere est malade et le medecin determinera si elle peut ou non faire le ramadan. Je rencontrerai son pere aussi, qui viendra nous livrer des plantes pour decorer l'entree de la maison.
Driss ira regulierement a la salle de sport avant le ramadan. Il est tout fin mais il a de la force, et son entraineur le suit de pres. Lorsque Siham et Babou iront acheter un sac de boxe pour l'installer dans la chambre sur la terrasse (l'endroit de stockage du materiel), Driss m'entrainera un soir dans une seance de boxe avec lui et j'aurais l'occasion de mesurer sa force ! Il me montrera comment mettre les gants - ces fameux gants appartenant a Siham et que j'avais pris pour des bandes de tissu, du coup je les avais utiliser pour attacher le fil de fer au mur ! Lorsque Siham l'a su, ca a failli chauffer pour moi ! (facon de parler, bien sur !) Driss me montre les enchainements de coups. J'essaie de faire comme lui mais je n'ai ni la force qu'il faut ni la coordination. Les mains, les pieds, je teste tout mais mon dieu que je ne suis pas douee pour ce sport !
Driss est fort et agile. Il me fera peur en se hasardant par-dessus la rambarde de securite sur la terrasse, se tenant d'une main, balayant de l'autre le rebord pour qu'Hana soit contente d'avoir une terrasse toute propre... Attache-toi au moins, s'il te plait - lui dis-je. Il me regarde avec son doux sourire : tu me fais confiance ?... Bon, ok...Et je croise les doigts pour ne pas avoir tort. Il faut dire que la rambarde nous fait peur a tous. sur un cote il vaut mieux ne pas s'y appuyer. Mais Dris s'en sort, comme toujours.
Un jour il me voit peindre des panneaux (Hammam tools for rent, ou encore : after small parties, clean and store - your mum is not here...), et decide de se lancer dans la creation artistique. Et il se decouvre un vrai talent ! Le voila parti a peindre avec pleins de couleurs gaies des tables. des etageres, des pans de murs, etc. Ca lui plait, et on aime ce qu'il fait. Evidemment je peste parce qu'en meme temps il repeint le sol avec les projections de peinture car il ne protege pas l'espace autour de lui, ou encore parce qu.il laisse les pots ouverts secher au soleil. Mais il est doue et ca fait plaisir de le voir content de lui.
Le soir, il arrive que Driss sorte promener Mihow dans les rues de la medina. Mihow, la chienne d'Hanna et Siham, est toute jeune - pas encore deux ans. La plupart du temps elle lezarde sur la terrasse en cherchant les coins d'ombre, ou bien elle descend chez ses maitresses, ou nous rejoint en bas dans le patio. Le soir, elle est intenable et cherche desesperement des copains pour jouer. Elle vous apporte son os en plastique et vous le met 100 fois sous le nez jusqu'a ce que vous craquiez et leviez vos fesses pour lui jeter son nonos. On etait censes lui apprendre a ne pas monter sur les coussins de la terrasse... Mais pour cela il aurait fallu que nous soyons jour et nuit sur la terrasse avec elle pour la surveiller. Ce n'etait pas possible, et personne n'avait le coeur, en la decouvrant allongee amoureusement contre un guest, de lui ordonner de descendre ! Et comment aurions-nous pu la priver de ce plaisir, alors qu'elle se languissait si souvent d'un peu de compagnie !
Driss jouait souvent avec elle, il est un des rares qui ne s'en lassait pas. Elle l'ecoutait. Rarement elle m'obeissait, meme si j'essayais de lui parler dans sa langue maternelle : sit - assis, siri - vas la-bas, Eiji - viens... Elle savait tres bien quand elle faisait des betises et se carapatait a l'autre bout de la terrasse s'il vous venait l'envie de la gronder ! Elle guettait souvent l'ouverture de la porte pour tenter une sortie en solo dans les ruelles. Heureusement, les rares fois ou elle a reussi a se faufiler, elle n'est pas allee bien loin.
Siham disait que Mihow "sentait les personnes bien", et celles "qui n'ont pas un bon coeur". Ceci pouvait tres bien expliquer, d'apres elle, pourquoi certaines personnes se prenaient parfois un coup de dent au passage (oh pas mechant, juste un peu angoissant quand ca vous tombait dessus !) Nous, on stressait un peu quand meme lors de ces incartades. Imagine - soulignait Hana - qu'un guest se plaigne un jour, in n'aura plus qu'a fermer la maison !
C'est qu'elle n'a pas beaucoup de place pour courir, et beaucoup d'energie a depenser, la pauvre Mihow. Siham parle d'acheter une petite voiture pour l'emmener se defouler hors de la ville de temps en temps. On ne voit pas beaucoup de chiens a Marrakech. Et d'une maniere generale, ceux que j'ai croises sur les routes de campagne etaient plutot craintifs. Lorsqu'Abd, avec qui j'ai travaille a la fede dans le cadre du sejour SoLeader 2014, et que j'ai croise a Marrakech le temps d'un apres-midi - lorsqu'il est monte sur la terrasse et s'est apercu de la presence de Mihow, il est reste sur les marches de l'escalier en colimacon en me demandant de la maintenir a l'ecart. Je n'ai pas compris tout de suite pourquoi. Mais ce jour-la, Abd avait revetu sa magnifique djellabah bleu roi, et probablement faisait-il ses prieres avec. Il fallait donc eviter que Mihow touche la djellabah.
Mais je reparlerai de ma rencontre avec Abd. Revenons a Driss.

C'est a la faveur de l'aube et d'un reveil tres matinal pour cause de ramadan que Driss m'a confie ses sentiments naissants pour Suzanna, qui venait d'arriver. Et au fil des jours et des petits matins calmes, on debrieffait. "Bon alors ? - Elle a dit ceci, elle a fait cela, tu crois que c'est une bonne chose ?" Je lui conseillais evidemment la prudence, et il a bien gere. Decu mais fataliste et toujours de bonne composition.
C'est Driss qui vendra la meche a tout le monde pour mon anniversaire. Alors que nous etions devenus amis sur facebook deux ou trois jours auparavant, le matin du 22 mai la notification est evidemment apparue sur son telephone. Il a averti les autres. Et je le remercie car j'ai passe une de mes plus belles journees d'anniversaire !
J'embeterai Driss pour qu'il se leve et aille acheter du pain le matin a partir du jour ou Babou ne viendra plus. Babou arrivait tot le matin pour nous livrer du pain frais.

Il restait un long moment puis partait vaquer a ses affaires, avant de revenir en fin de journee. Il passait le debut de soiree avec nous puis sortait en moto avec Siham, tard dans la nuit. Tres bon ami de Siham, ils se sont brouilles quelques petites semaines avant mon depart et je n'ai pas pu lui dire au revoir. Il m'a manque. Comme tous les habitues de Priscilla, Babou est un coeur en sucre. D'une grande gentillesse et d'une grande douceur. Lui aussi il aime le karaoke, et lui aussi est ultra timide quand il chante, avec son sourire lumineux !
Il arrivait avec le pain frais et restait assis dans le patio, ou allonge dans l'angle de la chambre B - le coin prefere de Samira. Et il fallait les voir, lui et Samira, discuter, rigoler, se chamailler.
Babou, un grand frere. Qui conduisait sa moto dans la medina comme sur un circuit de course ! Il m'emmenera un soir tard sur la place Jemaa El Fna, pour aller recuperer un guest arrive apres minuit. C'est bien la premiere et seule fois ou j'aurais peur en moto ! Avec Siham et Hana j'ai toujours ete tranquille. Calee derriere l'une ou l'autre, je regardais le ciel, les rues qui defilaient, il m'arrivait parfois d'ouvrir grand les bras pour laisser le sentiment de liberte et de bonheur gonfler mes poumons au maximum. Babou, je n'ai pas lache ses hanches une seconde jusqu'a la place Jemaa El Fna ! Heureusement on n'a fait qu'un trajet. Il a charge la valise de Rogerio sur sa moto et est reparti vers Priscilla avec, pendant que je rentrai a pieds avec notre nouveau guest.
Babou s'amusera avec moi au bras de fer. J'aurai beau m'acharner pour tenter vaguement de le faire vaciller, il sera mort de rire jusqu'au bout et me laissera forcer en vain avant de m'aplatir en une seconde.
Il sera avec nous tous les soirs pour le ftour, jusqu'a ce qu'on ne le voit plus. Aidant en cuisine, a la disposition de la table, au rangement...
Plusieurs guests me demanderont si Siham, Hana, Samira, Driss et Babou sont membres de la meme famille. Ils ne le sont pas, mais c'est tout comme. A les regarder vivre, a les ecouter parler entre eux (meme si on ne comprend pas l'arabe), on se sent face a une famille. C'etait beau de les voir ensemble. Comme je me suis sentie chanceuse de vivre avec eux, et comme j'ai remercie mille fois en pensees Hana pour m'avoir acceptee en workaway !
Hana... Ma bonne etoile.
Mon "coup de foudre amical", lui ecrirai-je avant de partir.
Il y a chez cette fille une energie positive, une foi dans ce qu'elle fait, une generosite et une determination qui ne peuvent laisser indifferent.

Certaines personnes ne sont pas toujours tres a l'aise avec elle, et trouvent qu'elle met une distance. Moi je ne sens aucune barriere et je l'aime tout de suite. D'une nature calme et plutot suiveuse, j'ai toujours ete spontanement attiree par les personnes dont l'energie interieure irradie, et qui ont cette volonte de faire bouger les choses qui me manque.
Je sens que je suis qu bon endroit. Je suis happee par l'ame de cette maison.
Hana est un bourreau de travail. A regarder les photos, je lui vois bien souvent des mines apparemment boudeuses, qui ne sont que le reflet de sa concentration sur les 1000 projets qui se bousculent au portillon. "Ma tete va exploser, j'ai trop de choses a penser et a gerer" se lamente-t-elle souvent. Sans jamais se laisser decourager par les montagnes qu'il va falloir soulever.
Qu'est-ce qui te fait avancer ? D'ou te vient cette energie ? - lui demanderai-je un soir d'apero sous les etoiles. "Je ne sais pas. Je sens que c'est ce que je dois faire. Et je sens que ce qu'on fait ici va dans le bon sens" - me repond-elle simplement.
Comme je les aime, nos petits moments sur la terrasse, a la nuit tombee. On n'en aura pas tant que ca, entre son mois d'absence et nos occupations diverses. Mais ces soirees-la, on refait le monde. On se raconte nos parcours. On s'explique pourquoi on se retrouve ici, maintenant. On echange nos impressions sur la culture marocaine et la culture europeenne. Elle m'aidera a comprendre beaucoup de choses sur la maniere dont les gens pensent et vivent, ici.
Et puis on parlera d'avenir. J'apprehenderai petit a petit l'ensemble des projets qu'englobe l'association. Et au fur et a mesure que notre amitie se consolidera, Hana m'ouvrira des portes. Et il faut bien le dire, je commence a rever. Une tempete de questions deferle ma tete.
La valse des "et si...?" demarre... pour ne plus s'arreter. Elle ne s'arretera pas avec ma decision de poursuivre ma route pour l'instant vers le continent americain.
J'ai beau avoir mis des milliers de kilometres entre nous, la valse des "et si" me poursuit encore.

Comme je lui suis reconnaissante, ces soirs-la, de m'ouvrir les portes d'un possible dont je n'avais pas l'idee jusque la. De m'accorder sa confiance.
Ca commence assez tot, dans notre collaboration. Et puis ca monte en intensite au fur et a mesure du temps qui passe. Quelle confusion... et quel bonheur, aussi.
Pendant son absence en Allemagne, Hana m'ecrira : c'est la premiere fois que je suis aussi zen en etant aussi loin, merci... Comment, moi, puis-je assez la remercier pour tout ce qu'elle m'a permis de vivre ici ? Je ne suis pas sure qu'il m'ait deja ete donne de vivre une experience aussi intense, sur un laps de temps aussi durable, qu'a Priscilla. J'ai deja eprouve pleins de moments de bonheur, bien sur, mais d'une telle intensite sur une periode aussi longue,... je ne crois pas.
Mais revenons aux premiers jours.
Vers 11h, Hana sort de sa chambre, son cafe a la main, prete a travailler. La moue serieuse. Avant ca, ses yeux petillants ont dit bonjour dans un sourire. Sauf les matins des nuits rendues blanches par les soucis.
Souvent, avant ou apres sa douche, elle fait un tour sur la terrasse et ses yeux voient tout. Le fil de fer a consolider autour des des plantes pour les proteger des attaques en regles de Mihow, les cacas des oiseaux a nettoyer ici et la, les rideaux de douche a reparer, les outils qui trainent, les baches qui se detendent, la decoration des murs a finir, les megots qui trainent, le coin des tortues qui n'a pas ete nettoye depuis trois jours, le basilic et les salades a manger avant qu'ils ne finissent par monter en graine... Alors quand elle redescend, les consignes fusent, et la "boss" parle : pourquoi ci ?, il faut faire ca, comment ca se fait que ceci, est-ce qu'enfin on peut s'occuper de cela...
Avant l'arrivee de Suzanna, apres avoir arrose les plantes et pris mon cafe dans le hamac sur la terrasse, je m'attelais au traitement des messages et demandes de reservations sur Airbnb. Je m'installais pour cela sur la table posee sur deux treteaux qui nous servait de bureau, au 1er etage de la maison. Le "bureau" etant installe en face de la porte de la chambre des filles, c'est la qu'on se posait pour faire le point et se dire ce qu'on avait en tete. Tu as repondu a tel message ? - Oui. Tu as vu la demande d'untel ? - non, je vais lire ca. - Tu pourrais me faire penser a ceci ? Tu peux gerer cela ? - Ok.
Tres vite nous aurons en tete de preparer sa longue absence. Hana partira trois semaines apres mon arrivee. Le voyage est prevu depuis un moment deja et arrive au bon moment pour l'obliger a prendre un peu de repos par rapport a l'activite incessante de Priscilla, la fin du MAM et les rapports a rediger, les projets de l'association a suivre, les menus du restaurant a finaliser, etc.

Nous ferons une reunion avec Siham, Samira et Driss la veille de son depart. Nous avons tous une liste de choses a faire. Je sens Hana tellement a cran que j'espere vraiment qu'elle prendra enfin le temps de se changer les idees, pendant ce mois en Allemagne. Je sens aussi qu'elle va beaucoup me manquer. Et comme SIham, j'aurai a coeur que tout soit fait pour son retour. J'aurai meme ce souhait doublement a coeur, d'une part pour Hana, d'autre part pour Siham !
Et tout roulera. Nous serons fieres d'envoyer a Hana des photos de la terrasse dont le sol a ete refait, des fleurs qui poussent, des etageres construites par Driss, des nouveaux coussins pour les sieges de la terrasse, etc. Sans parler des soirees ou nous partageons le ftour avec les guests, sur l'idee de Siham. "Je suis tres fiere de vous" nous ecrira Hana. Et comme des gamines, nous sommes toutes contentes !
Un mois, ca va etre long ! - soupirait-on avant son depart. Un mois sans l'un des membres de la famille paraitrait long de toute facon. Je ne pouvais pas imaginer la maison sans Siham, Samira, Driss, Hana et Mihow. Lorsque je prendrai 5 jours pour monter a Ceuta prolonger mon visa puis redescendre par Chefchaouen et Fes, Siham se lamentera aupres de Samira : pfff, tu quitterais ta famille pour partir 5 jours, toi ?!
Comme je l'ai deja dit, ce mois sans Hana a ete l'occasion de me rapprocher de Siham et de construire avec elle une relation tres forte. Nous avons bosse pour que tout soit bien avance et la maison en ordre au retour de la boss. Mais bien sur, les gros pepins arriveront tous dans les derniers jours precedents son come back ! Le moteur de la pompe a eau (installee le jour de mon arrivee)a crame a cause d'une fuite d'eau. Le soleil (et les chats et / ou Mihow) a fait craquer les tissus des nouveaux coussins pour la terrasse. Et le voisin se plaint d'un probleme entre nos douches et ses egouts, ce qui annonce de serieux travaux a realiser. Il faut voir l'abattement de ma pauvre Siham quand le verdict tombe pour la pompe ! Je suis navree de la voir comme ca. Et que pouvons-mous y faire ? C'est comme ca.
Hana est revenue, la famille a de nouveau ete au complet.
Cette famille, il me suffit d'ecouter certaines chansons pour la faire revivre sous mes yeux...
Un jour Hana a sorti la sono a cote du bureau et branche sa musique pour l'accompagner dans le menage de sa chambre. Ca faisait des jours qu'on n'entendait que le rap de Reda ! J'ai demande : dis donc, on pourrait pas changer de style un peu ? Ouais t'as raison, d'ailleurs ca fait un moment que j'ai envie de mettre de la vraie musique dans cette maison ! - a repondu Hana. Et voila que je decouvre les groupes et les chansons qui me parleront desormais toujours de Priscilla. Katzenjammer entre autres. L'exuberance et la gaite envahissent la maison. Cette musique est si joyeuse et entrainante que j'adhere tout de suite, tant elle va bien avec cet endroit ! Oh bien sur tout le monde sait que j'ai des gouts speciaux en musique. Mais c'est un fait : j'adore et ne me lasse pas d'ecouter, ca me met systematiquement de bonne humeur.
La musique...
Je ferme les yeux... Les premieres notes de Kayna wla makaynach raisonnent et je vois le doux sourire de Babou allonge sur le canape, les bras croises au-dessus de sa tete coiffee de son eternelle casquette blue. Le bruit des vagues me transporte sur la plage et je reconnais Zina, et Driss prend le micro, heureux comme un enfant, pour me regarder en chantant cette chanson que nous ecouterons quasiment tous les jours ! Et j'entends Samira fredonner Zina, maderti fina... Khaled entame tristement comme si j'n'existais pas... et les rires de Siham, Babou, Samira, Driss reviennent dans mon esprit et je me mets a rire toute seule sur mon velo. Et la maison se remplit de toutes leurs voix reprenant en choeur le refrain.
Celina Bostic prend son inspiration et me voila projetee sur la terrasse, dansant avec mes amis. Et nous partons sac au dos et chapeau de paille sur la tete pour la vallee d'Ourika, feter l'anniversaire d'Hana. Et je vois Hana danser... Et j'ai envie d'aller les retrouver et de les serrer tous dans mes bras. Les mots sautillants de Keny Arkana sur J'me barre rivent les yeux rieurs d'Hana sur les miens. Ah comme j'aurais aime la rencontrer sur les routes alors qu'elle vivait dans son camion ! La version originale de Stand by me fait raisonner les voix de Pierre, Morgane et Djora qui m'offrent un trio sur cette chanson - ma chanson preferee depuis toujours - la veille de mon depart. Qu'ils etaient beaux tous les trois ! L'accordeon se deploie sur quelques notes nostalgiques et Suzanna rayonne de bonheur et je valse sur Mother superior avec Djora et la douce Morgane. Porque te vas est devenu mon duo antologique avec Adil, ce touchant dandy deroutant et ultra sensible. J'entends You and me, we used to be together... et je me tourne a nouveau, micro en main, vers les yeux complices de Kinga, surprise de la facilite et du naturel avec lesquels nos voix s'accordent tout de suite pour former un duo sans aucune fausse note... Il y a des rencontres qui ne doivent rien au hasard... La guitare des Gypsy Kings sur Trista Pena me coupe en deux. Une partie de moi revient a Priscilla, aux cotes d'Hana qui commente : elle n'est pas super triste, cette chanson ? J'acquiesce. Oui bien sur elle est triste. Mais je me sens tellement bien a ce moment-la que la tristesse ne prend pas sur moi, au contraire je souris. Une autre partie de moi se retrouve errant dans les rues de New York, perdue dans mes souvenirs marocains, en manque de la chaleur humaine qui m'entourait depuis deux mois et demi, et en attente d'un mail qui ne viendra pas. Les paroles de Tea with Cinnamon trouvent un echo dans mon esprit sceptique. Moi qui suis toujours mefiante quand le bonheur fait mine de se pointer en apparence. It's so beautiful... but it's not real ! Tout ca porte par une melodie bien guillerette....
Ah les regards de complicite echanges sur des airs pleins de gaite et de tendresse ! La conscience de l'amitie partagee. La conscience de tout ce qu'on vivait de magique, aussi. Les sourires pleins du plaisir d'etre ensemble.
Ah mes delires avec Siham, sur Celine Dion qui veut detourner les rivieres, Lara Fabian qui y croit encore, et Amel Bent qui ne retient pas ses larmes,... Pendant le ramadan, Siham nous prive de karaoke. Elle ne veut pas froisser les voisins. Mais il est arrive plusieurs fois qu'en milieu d'apres-midi, piquee par je ne sais quelle mouche, elle s'enferme dans sa chambre avec la sono et un micro. Et la voila qui branche son telephone sur la sono et se met a faire un karaoke en solo avec les musiques qu'elle cherche sur youtube. J'allais alors chercher le deuxieme micro ! Et revenais bosser au "bureau", c'est a dire derriere sa porte. Tout en travaillant, j'allumais le micro des que je reconnaissais une chanson que je connaissais et lui donnais la replique a travers la porte. Je l'entendais rire ! Et je memarrais aussi, ainsi que Driss, Babou et Samira. On se repondait, je faisais les choeurs. Elle zappait, j'attendais, reconnaissais les premieres notes de la chanson et enchainais, elle se marrait... Je ne la voyais pas mais je devinais son sourire. Ah Siham, nos karaoke me manquent ! La vie sans toi, je sais pas... comment entendre ces paroles sans penser a toi ? Et Diam's. Bon ok j'ai massacre la chanson dont je ne connaissais ni le rythme ni les paroles, et je t'en demande mille fois pardon, mais cette chanson te va si bien toi qui adores les enfants.

"Je sais quelle chanson t'irait comme un gant !" - me dit Hana en tapant dans ses mains un jour ou je lui demande, comme a d'autres amis avant mon depart, de me laisser en souvenir une chanson qu'elle aime tout particulierement. Et elle me fait ecouter Keny Arkana, J'me barre ! Ok, je n'ai pas 14 ans et je ne fuis pas le foyer ni les flics, mais en effet je l'aime cette chanson qui parle de liberte et de rencontres qui apprennent bien plus que les profs, etc. Et que j'aime me souvenir des regards d'Hana sur cette chanson, elle qui a vecu le voyage et me comprend si bien...
Jusqu'au bout, et encore dans ses messages aujourd'hui (apres mon depart du Maroc), Hana comprendra ce que j'ai dans la tete et pourquoi je pars quand meme. Jusqu'au bout elle laissera la porte ouverte et me fera sentir que j'ai ma place ici. Mais elle me dira aussi qu'elle a vecu la meme chose, et m'encouragera a aller au bout de ce que je dois vivre. Il y a dix jours (nous sommes le 10 septembre au moment ou je tape ces mots) elle m'ecrivait : "j'ai envie de te dire reviens, mais je te dis vas-y et sois heureuse..."
Hana est partie deux ans sur les routes avec son camion, avant de s'installer au Maroc. Elle sait ce que je vis. Et je lui suis extremement reconnaissante d'avoir compris tout en continuant a rever de projets avec moi.
En quittant la fede j'ai eprouve des sentiments de gratitude aussi forts pour certaines personnes. Que ce soit dans le cadre de la fede comme pour Priscilla, je n'en reviens pas de ce que je recois. C'est important de se sentir la bienvenue quelque part. A la fede aussi j'ai vecu des moments forts, certains collegues sont devenus des amis proches, certains ont joue un role important dans mon evolution personnelle. Je suis encore portee aujourd'hui par l'estime et l'amitie que j'ai recus. A Priscilla j'ai vecu quelque chose de similaire, intensifie par les "sentiments familiaux" tisses avec cette petite equipe et par la situation exceptionnelle du voyage et du benevolat.
J'ai beaucoup reflechi, Jusqu'au dernier moment je me suis demande pourquoi partir. Je ne pense pas avoir vecu tout ce que j'avais a vivre la-bas. C'est juste que... il fallait partir a un moment ou a un autre, alors... et puis pleins de pensees se sont telescopees.
D'abord, je suis partie pour un voyage d' un an ou plus. Cete experience arrivait trop tot. Je n'etais pas prete a me dire : ok je m'arrete ici, je ne vais pas plus loin.
Et puis ma nature mefiante (toujours, quand il s'agit de mes emotions) me poussait a prendre du recul avant de me lancer dans des projets spontanes. A Priscilla je vivais des sentiments intenses, j'avais besoin de m.eloigner pour mettre ces emotions a l'epreuve du temps et de la distance. Il restera quoi de tout ca dans 3 mois ? 6 mois ? Sentiments ephemeres ou racines profondes ? Je me mefie de ce qui est trop fort, trop vite. Je voulais etre sure de moi et de l'engagement que je pouvais proposer. Avais-je un vrai projet de vie derriere tout ca ? S'il ne s'agissait que de sentiment, le projet s'effriterait avec le temps. S'il y a plus que ca, alors l'idee va faire son chemin et qui sait... je reviendrai.
Siham m'a souvent dit d'ecouter mon coeur. Si tu savais comme mon coeur, encore aujourd'hui, me demande pourquoi je suis partie ! C'est bien que j'eprouve ca aujourd'hui. Laissons le temps au temps. On verra dans un mois si j'eprouve encore la meme chose.
Evidemment, partir c'est prendre le risque de trouver une autre voie ailleurs, en compagine d'autres personnes. Mais si ca se passe comme ca, alors il faudra s'en rejouir aussi. Je ne connais pas l'avenir.
Un jour, Siham nous a montres, a Driss, Samira et moi, un clip video realise en partie dans les murs (et sur la terrasse) de Priscilla. La chanteuse, allemande, a choisi le Maroc, et plus precisement Marrakech et Priscilla, pour tourner le clip de sa chanson Religion. Cette chanson colle si bien a Priscilla que je la partagerai et la chanterai toutes les fois ou je veux retrouver ce sentiment de bonheur absolu vecu dans cet endroit unique. Les paroles expriment si bien ce que j'eprouve : je crois en l'instant present, c'est ma religion. Hana me traduira aussi cette phrase dans le refrain : je crois en une vie avant la mort...J'adhere a mille pour cent.

Sur la route je ne cesse de l'ecouter depuis, et chaque fois cette chanson me booste et me rappelle a quel point je suis heureuse de realiser mon reve, et de vivre intensement chaque journee. Un jour sur mon velo j'ai pense : s'il m'arrive quelque chose pendant ce voyage, je veux qu'on joue cette chanson. Elle represente ma liberte et ma philosophie de vie aujourd'hui.
J'ai aime refaire le monde avec Hana.
Je lui ai dit, enfin, pour expliquer pourquoi je partais quand meme : toi tu as cree quelque chose. Moi je ne sais toujours pas ce que j'ai dans le ventre. Je ne cree rien, Ok je voyage, mais ensuite ? Qu'est-ce que je construis ?
Dans les derniers jours nos reves nous emmeneront loin. Hana cherche une maison a louer, afin de separer son lieu de vie de son lieu de travail. Pourquoi pas une grande maison comme Priscilla, a partager avec des amis. Une maison ou j'aurais ma place. Et moi je m'y vois. Oui pourquoi pas.. Travailler pour l'association. Vivre ici avec des personnes que j'aime. Avoir mon espace a moi, un endroit inspirant pour ecrire et donner vie a cet autre reve que je porte en moi depuis toujours... et pourquoi pas ? On dirait vraiment que tout est reuni pour que je me sente ici a ma place...
Et puis il n'y a pas que ca. Priscilla pourrait aussi s'installer dans la vallee de l'Ourika. L'association aurait toujours la maison a Marrakech, mais on en ouvrirait une autre en pleine nature. Pourquoi ne pas inverstir ensemble dans ce projet ? Je sens qu'il me conviendrait un peu plus, car loin de la ville je me sentirais sans doute plus libre d'etre moi-meme. Car tout de meme dans mes questionnements sur une possible vie ici figure ma capacite a m'adapter a la vie sous un regime monarchique islamique. En effet, plus le temps passe et plus je me sens oppressee. Je ne me sens pas libre. Libre d'exprimer tout ce que je pense, d'etre moi-meme sans crainte du jugement ou de la repression. Ai-je envie de vivre dans un pays qui impose une religion ? (peu importe qu'il s'agisse de l'islam). A la fin de mon sejour je me disais : non, impossible... Maintenant que je suis partie et que les amis me manquent... je ne sais plus. Partout il faut s'accomoder de principes auxquels on n'adhere pas.

Le charme de Priscilla ne tient pas seulement a la famille qui en est l'ame. Cet endroit attire les gens simples, au grand coeur, a l'esprit ouvert. Les guests, de passage ou en long sejour, laisseront aussi leur empreinte dans mon experience la-bas.
A commencer par Hana et Anita, adorables toutes les deux. Leur bonne humeur manquera a la maison apres leur depart. Leur presence contribuera a mon enchantement des premiers jours, au lancement des soirees karaoke du mercredi, et a l'organisation de notre travail.
Dans le meme temps, Anouk et Elliot nous feront aussi vivre des instants magiques. Elliot travaille dans les arts du cirque. Les filles voyagent en camion a travers le Maroc. Dans leurs bagages, Elliot a ses tissus aeriens. Alors qu'un artiste anglais est de passage a Priscilla, Elliot et lui nous proposent une performance spontanee. Lui fait des numeros suspendu a une corde - qu'il a laissee a demeurre dans le patio de Priscilla. Elliot fait aussi des accrobaties aeriennes mais avec des tissus rouges. Tous les deux installent leur materiel, et nous font une demonstration. Puis Elliot initieceux qui sont tentes d'essayer a leur tour. Des guests se prennent au jeu, ainsi que Driss. Cette soiree est magique. C'est beau a regarder. Les tissus aeriens partiront avec Elliot mais regulierement la corde sera utilisee, meme par Samira ! Anouk et Elliot ont aussi apporte un jeu de societe, les aventuriers du rail ou du train, je ne sais plus. On passera quelques belles soirees avec les jeux de societe. J'aurai l'occasion de parler longuement associations et federations avec Anouk, qui travaille dans ce secteur. Et le plaisir que je prends dans ces dicsussions me font penser a ce moment-la que mon avenir devra avoir un lien avec ce milieu dans lequel je me sens a ma place. On verra bien...
Avant de partir, les filles nous cuisineront un hachis parmentier pour remercier Siham du cours de cuisine qu'elle leur a donne dans la preparation du tajine aux pruneaux et amandes, le soir de mon anniversaire.
Un couple d'autrichiens nous animera une soiree avec le jeu Dixit. J'aime les gens qui savent passer de bons moments avec trois fois rien et avec des activites toutes simples et collectives. Tout le monde passera un bon moment.
Adrien, venu avec son accordeon, nous offrira de superbes interpretations de Brel et Piaf dans un show prive. En vacances, Adrien et Antoine doivent aller a Essaouira pour retrouver des amis. Adrien doit se produire avec une amie pour un concert prive, raison pour laquelle il est venu avec son accordeon. Du coup nous aussi nous avons profite de ses talents ! Ce soir-la, un mercredi, c'etait jour de karaoke a Priscilla. Alors que la soiree avait bien demarre, avec Adil, Justine et Karim, April et d'autres guests, Adrien et Antoine se prennent au jeu et s'amusent a chanter timidement sur notre liste de chansons plus ou moins a leur gout. Et puis d'un coup Adrien a pris son accordeon et nous l'avons vu s transformer. Perdant sa timide voix, il s'est mis a interpreter les chansons avec conviction, et c'etait beau a voir. Il nous a tous enchantes.

Plus tard, sur la terrasse, avec Adrien et Antoine, on s'est demandes ce qu'auront ete nos vies dans trente ans. Et j'ai souhaite pouvoir les revoir trois ans plus tard, pour qu'on se raconte ce qu'on est devenus.
Adrien et Antoine, Justine et Karim, Virgine et son copain, Quentin et sa copine,... : autant de petits couples trop mignons que nous avons aimes et dont la presence a fait du bien a illumine Priscilla.

C'est en voyant Karim malade comme un chien qu'Hana a eu l'idee de constituer une pharmacie de secours pour nos guests. Mais enfin, quand je suis malade je ne demande pas a la reception de mon hotel de me fournir des medicaments, ca va te couter cher et les gens ne doivent pas etre maternes, ils peuvent se debrouiller - dirai-je a Hana. Oui mais on n'est pas un hotel ou une guest house comme les autres, ici - me repond Hana, tout simplement...
En effet, a Priscilla on est avant tout recus chez Hana et Siham. Ce qui signifie qu'on s'y sent vite comme a la maison, car les filles sont genereuses. Un soir, apres le diner pris en commun, un guest francais vient nous voir un peu penaud en cuisine : vous pourriez m'aider a chanter bon anniversaire pour ma copine ? Parce que c'est son anniversaire aujourd'hui et je ne sais pas trop quoi faire... Hop ! On va prevenir tout le monde pour que les guests se retrouvent dans le patio, et pendant ce temps en cuisine on dispose des bougies en forme de coeur dans un plat. On les allume, on eteint la lumiere, et le frenchie fait son entree avec son coeur enflamme pendant qu'on entame Joyeux anniversaire... C'est aussi simple que ca !
Des anniversaires, on en verra passer plusieurs ! Ca commence avec celui d'Hana, l'amie allemande de not erHana. Un soir, a minuit, alors que tout le monde discute tranquillement dans le patio, un bouchon de champagne saute tout a coup ! Joyeux anniversaire... A peine une semaine plus tard, c'est le 22 mai. Driss a donc fait passer le mot. Je me suis doutee de quelque chose lorsque je l'ai vu faire des messes basses avec les filles en montrant son telephone. Hana viendra me voir : c'est vrai que c'est ton anniversaire aujourd'hui ? Ben oui... Et hop, j'ai droit a pleins de bisous de tout le monde ! Le soir, une seance de cine en plein air est prevue. Je pars dans l'apres-midi acheter des patisseries marocaines pour les offrir a tout le monde avant le cinoche. Quand je rentre, Patricio - un guset argentin adorable - m'attend avec un cadeau, un bracelet en cuir violet qu'il a ete chercher dans la medina. Un peu plus tard, juste avant la projection du film, on m'appelle au "bureau". On a une surprise pour toi... Driss, les deux Hana et Anita entament a nouveau Joyeux anniversaire et m'offre un paquet dans lequel je trouve une tres jolie pochette - ceinture qui ne me quittera pas pendant tout mon sejour marocain. Nous rejoignons les guests sur la terrasse, j'offre les gateaux et c'est reparti pour un happy birthday. Sous les etoiles, devant Romain Duris sur l'ecran geant, je me dis que j'ai trop de chance d'etre ici aujourd'hui...
Mais ce n'est pas fini. Pendant le film, Anouk se glisse a cote de moi et me souffle : on t'attend en bas... Je la suis. La table est dressee dans le patio, Siham decouvre le plat qu'elle vient de passer je ne sais combien de temps a cuisiner avec les filles : un tajine aux pruneaux et amandes aussi joli que delicieux ! Quelle belle tablee ! Entre tous les messages que j'ai recus dans la journee sur mon telephone et toutes petites attentions dont j'ai ete l'objet, il n'y a pas de doute, la journee a juste ete parfaite ! A table, alors qu'on me demande a quoi je pense, je reponds : l'annee derniere a un mois pres (en juin) je fetais mes 40 ans avec ma famille et mes amis. Et pendant cette fete, l'idee de ce voyage a germe. Et aujourd'hui je suis la... et super heureuse d'etre ici avec vous !
Je terminerai cette journee dans mon duvet sur les toits de Marrakech en allant dormir sur la terrasse a la belle etoile. Je m'endormirai heureuse...





J ai rate l appel de Stanou par contre. Peu disponible, j ai manque sa tentative. Pourtant je ne pouvais pas ne pas penser a SoLeader et a ces adorables jeunes dont je porte le sweat sur moi pendant ce voyage, car ils m avaient aussi offert un petit paquet a garder dns mes sacoches et n ouvrir que le 22 mai ! J ai donc attendu jusque la. Le paquet a un peu souffert, mais quel regal ces meringues !! Ai-je dit un jour que j etais raide dingue des meringues ?... En tout cas ils ne pouvaient pas mieux choisir pour me faire plaisir ce jour-la !
SoLeader, j ai eu l occasion d y penser et d en constater l impact a une autre occasion. Alors que j etais arrivee a Marrakech, j ai vu sur le Facebook d Abd (que nous avions fait intervenir comem formateur aupres des jeunes de la session 2014, et qui leur avait fait une tres forte impression), qu il se trouvait actuellement au Maroc. Je l ai contacte, pour decouvrir qu il etait justement a Marrakech et devait partir le surlendemain ! Incroyable ! Nous nous sommes fixe rendez-vous sur la place Jemaa El Fna.
Je suis arrivee devant le Cafe de France, et je l ai apercu sur la place, arrivant vers moi, vetu d une splendide jellabah bleu roi ornee de bandes blanches..
Je suis ravie de le revoir. C est le deuxieme visage ami que je retrouve depuis mon depart - car il arrivera juste apres Julie. Comme chaque annee, il est venu piloter un projet humanitaire dans un village du Maroc, dont il est originaire. Qu il est beau en djellabah ! Ca change du costume "europeen" que je l ai vu porter pendant la session Soleader 2014 ! Si les jeunes nous voyaient en ce moment, moi en sarrouel et lui en djellabah !
Il me parle de la fede et d Arthur qui se passionne pour le montage d un voyage humanitaire pour la future session SoLeader. Mais il me raconte aussi ses propres projets, ses envies de changement. Je vois que son cerveau fonctionne toujours a 150 a l heure. Il note tout, pense a tout, voit tout comme une opportunite potentielle. Il m encourage a faire de meme. "Ecris tout, et photographie tout" me dit-il tandis que nous sommes assis en terrasse et regardons l agitation de la place.
Qui eu cru que je le rencontrerai ici ? ... Je souhaite vraiment, pour les jeunes, que le projet voit le jour avec lui. Bien que je doute tres fortement que la federation s engage dans ce type d actions...
Quoi qu il en soit, nous prenons evidemment un selfie, que je poste sur facebook avec un clin d oeil aux jeunes !

Mais revenons au chapitre anniversaires.....
Apres le mien, ce fut le tour de la fille de Samira, Hadja. Nous avons fete en famille ses 14 ans. Soiree karaoke privee avec la mere et la fille, Hana et Siham, Babou et Driss. Les photos prises par Driss sont pleines de tendresse. Hadja soufflera ses bougies sur un gateau en forme de coeur.
Quelques jours plus tard je sors avec Hana et nous passons au Bakchich, un bar tout proche de Jemaa El Fnaa. La je fais la connaissance d'Adil. Et nous apprenons que le lendemain, un mercredi, c'est son anniversaire. Mercredi, c'est a dire jour de karaoke chez Priscilla. Hana lance l'invitation. Mais Adil ne fete jamais son anniversaire. Mais il ne resiste pas non plus a l'invitation d'Hana. Il sera donc la le lendemain, pour une soiree dejantee. Ce n'est pas ce soir-la qu'on a appris a se connaitre, avec Adil. Par contre c'est la que naitra notre duo sur Porque te vaqs. On se decouvre le meme age et les memes references musicales "annees 80", forcement ca cree des liens !
La aussi c'etait un mercredi, donc jour de karaoke. Les anciennes robes de mariees et autres deguisements de leopard ont servis pour l'occasion. , Mais cette soiree a aussi ete mon unique veritable coup de blues, depuis mon depart de Paris. Manque de la personne que j'aime. J'ai attribue ce coup de blues inoppine au retour brutal d'une vie sociale intense et reguliere dans ma vie de voyageuse solitaire. Il me manquait quelqu'un, tout a coup... Mais Siham veillait au grain et m'a fait des calins pour me redonner le moral ! Le lendemain c'etait fini.
Ensuite est venu l'anniversaire de Rachid. Une fois de plus, Siham a fait les choses en grand. Avec Samira et Driss, ils nous ont concocte un repas gastronomique haut en couleurs ! Et bien sur tout s'est termine en... karaoke !!
Le 20 juillet est arrive l'anniversaire d'Hana.
Hana a envie d'un pique nique en nature. J'adorais l'idee et j'etais pressee qu'on parte tous ensemble pour cette viree dans la vallee d'Ourika ! Mais au dernier moment Samira a decline pour des problemes de sante, et Driss a du rester pour veiller sur la maison que nous ne pouvions fermer comme nous le souhaitions au depart.
Nous sommes donc parties, Hana, Siham, Suzanna et moi, vers la station des grands taxis, accompagnees par la voix de Celina Bostic, en route pour la vallee sous un grand soleil. Pierre, qui etait en stage (de medecine) le matin, et Adil devaient nous rejoindre en scooter en debut d'apres-midi.
Le voyage a ete un peu long, mais c'est avec emerveillement que j'ai decouvert la vallee et ses restaurants les pieds dans l'eau. Partout des canapes plus kitch les uns que les autres offraient des petits coins de detente, depuis le lit de la riviere jusqu'aux flancs de la montagne. C'etait trop joli !








Nous avons remonte la riviere jusqu'a un endroit embrage ou nous nous sommes installees pour trinquer a la sante d'Hana, deguster fromage, fruits, crudites et olives, et refaire le monde, allongees sous les arbres. Que c'etait bon de s'offrir cette pause loin de tout ! De parler de nos vies, de nos aspirations...
Siham a du nous quitter plus tot. Elle avait des affaires personnelles a gerer sans delai, et puis la petite cachotiere partait aussi pour organiser la soiree a Priscilla, et nous accueillir au retour avec amis, grande tablee et bougies. Pendant ce temps, nous avons commence par tenter en vain de joindre les garcons, qui etaient en train de vivre - selon les mots de Pierre qui nous racontera plus tard leurs deboires - l'Odyssee de l'echec. Nos telephones ne captaient rien dans les montagnes, nous n'avons donc pas su que Pierre et Adil etaient en route pour nous retrouver mais n'y etaient pas parvenus, et s'etaient retrouves coinces sous l'orage en rentrant sur Marrakech.
Suzanna, Hana et moi sommes parties entre temps a la conquete des trois premieres cascades de la vallee - qui en compte sept. On etait bien, j'etais heureuse comme tout d'etre dans ce paysage et dans cette atmosphere detendue. Nous avons rencontre Nordine, un ami d'Hana qui organise des circuits personnalises en mountainbike ou a pieds dans les montagnes et le desert. Allonges dans l'herbe avec un the a la menthe, le projet d'extension de Priscilla dans la vallee a pris un peu plus forme. Nordine pouvait etre de la partie. A onze jours de mon depart, les questions se bousculaient dans ma tete. Comme ca me faisait rever, tout ca... Tout semblait pouvoir se mettre en place. Pourquoi partir ?... Les regards echanges avec Hana, pleins de sous-entendus... Hana qui me previent : Siham va commencer a prendre de la distance avec toi, elle me l'a dit, c'est sa maniere de se proteger....
Nous rentrons en evitant l'orage. Et decouvrons la magnifique table preparee par Siham, Samira, Driss et Younes. Djora et Morgane sont arrivees dans l'apres-midi. Je suis super contente de revoir Djora, rencontree pendant le premier mois de mon sejour. Adil et Pierre reviennent de leur odyssee de l'echec, qui aura scelle une amitie forte entre les deux garcons qui ne se quitteront plus ! Galeres en scooter sur fond d'airs d'opera chantes par Pierre de sa voix de stentor : ils ont apparemment passes un super moment ensemble et vide a deux la bouteille qu'ils apportaient pour le pique-nique rate.
Adil dira qu'a "Persilla", comme il se plait a renommer la maison, il rencontre les gens les plus sympas a Marrakech. Selon lui, ce lieu attire des personnes interessantes et atypiques. Je suis bien d'accord...
Adil lui-meme est un personnage ! Un dandy intellectuel, aussi bon vivant que torture. Dote d'une soif insatiable pour tout ce qui peut nourrir son esprit, et passionne d'art.
Ma premiere impression, le soir de son anniversaire, est un peu mitigee, tant la soiree sera dejantee et Adil a la limite d'un humour gras et lubrique qui se marrie mal avec ma tendance a la pruderie. Mais - et nous en rierons par la suite - mes premieres impressions ne sont pas toujours tres justes. En effet quelques jours plus tard, a la faveur d'une soiree plus calme au cours de laquelle nous aurons notre premiere vraie conversation et apprendrons a nous connaitre, je lui parle d'une jeune fille nouvellement arrivee et qui m'inquiete un peu. Floriane a l'air bien naive. Et pourquoi cette impression ?





Parce que Floriane me semble un peu trop confiante vis a vis des locaux ! Elle accepte les invitations des garcons qu'elle ne connait pas et se laisse embarquer a gauche et a droite. Enfin voyons, on ne suit pas les inconnus comme ca ! Elle va forcement s'attirer des problemes ! Ces gars sont forcement interesses. Je m'attends a ce qu'il lui arrive quelque chose. En meme temps, elle m'impressionne. Son attitude me fascine. Comment fait-elle pour ne pas mettre de barriere avec les gens ? Apparemment ca lui reussit, elle a l'air tres contente des rencontres qu'elle fait et qui lui permettent de sortir des sentiers battus.
Adil la rencontre la veille de son retour en France. Ils se retrouveront assis proches l'un de l'autre pendant un ftour. Et au cours du diner, jusque tard dans la soiree, les voila partis dans des debats philosophiques et culturels de haut vol - en tout cas, qui me depassent ! Ils se decouvrent egalement un amour commun du violon. Ce qui devait arriver arriva, evidemment ils se retrouverent bientot seuls au monde au milieu de nous, evidemment ils finirent par aller ecouter des concertos de violons chez Adil, et evidemment Floriane rata son avion le lendemain matin et du en prendre un autre dans l'apres-midi. Elle reviendra trois semaines plus tard a Tanger, la ville ou Adil a grandi et qui reste son port d'attache.
Apres le premier depart de Floriane, Adil reviendra passer la soiree a Priscilla. A un moment il se tournera vers moi : tu sais Floriane, elle n'est pas du tout comme tu le pensais ! Elle est bien plus fine que tu ne crois, et sa maniere d'entrer en contact avec les gens est tres habile. Je veux bien le croire. Et le fait est qu'au fil des jours je l'avais trouvee de plus en plus interessante, cette jeune fille au grand sourire pas si naif que ca, bien au contraire ! Ah mes premieres impressions erronees...
Adil viendra souvent, toujours en soiree. Et toujours avec une bouteille de vin. Et souvent, de la bonne musique.

Il prendra gout aux karaoke et chantera toutes les chansons a texte en francais, mais aussi Corazon espinado. Il formera un duo grandiose avec Pierrot. Il defiera souvent Aril aux echecs, content de trouver une adversaire a sa hauteur. Elle ne le battra qu'une fois, il s'amusera de sa tenacite. J'aime les regarder jouer tous les deux, concentres, aux aguets.
Quand on s'est rencontres, Adil se disait dans une mauvaise passe, isole, peu enclin a frequenter du monde. Il oue une immense maison (la plus grande du quartier) a 5 minutes a pieds de Priscilla. Il pourrait et voudrait organiser de grandes fetes, inviter pleins d'amis. Mais ses vrais amis, a part Hana, sont a Tanger. Ici a Marrakech la pauvrete intellectuelle et artistique le deprime et l'ennuie. Il n'a aucune envie de frequenter les lieux ou il faut etre vus. Il prefere travailler chez lui sur des projets, pour des clients ou pour lui-meme. Ses projets a lui ne sont pas si eloignes de ceux d'Hana, et je comprendrai pourquoi ils se sont si bien trouves, ces deux-la. Ils se sont rencontres au Bakchich. Ils se sont associes pour certaines choses. Dans sa grande maison, Adil a accueilli des ateliers organises par les filles.
Lui aussi voudrait accueillir des artistes en residences. Il a deja tente l'experience une fois d'ailleurs. Il voudrait produire des artistes. Et ca viendra, j'en suis sure.
Un soir, j'irai chez lui avec Suzanna et Pierre. Quelle soiree ! Et quelle maison !...
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Un patio immense, une cuisine gigantesque, quatre pieces en bas, autant en haut, une grande terrasse, des orangers, figuiers et palmiers dans le patio, deux petits coins salons amenages sur la terrasse du premier etage... La maison est superbe et je m'etonne qu'Adil ne se sente pas encore inspire pour l'amenager. Ormis sa chambre et son bureau, le quasiment aucune piece n'est installee. Tout est encore a decorer, organiser, amenager.
Le soir ou je m'y rends pour la premiere fois, a la nuit tombee, je suis immediatement sous le charme. Une des pieces de l'etage est somptueuse, avec son plafond sculpte et ses peintures d'origine. C'est etonnamment bien conserve ! J'attendrai ma deuxieme visite, lors de ma derniere soiree a Marrakech, pour decouvrir la vue depuis la terrasse en compagnie de Kinga. Si la terrasse n'est pas plus amenagee que le reste, les lumieres de la ville, la lourde porte en bois en haut des marches raides, le calme de la nuit et la vue sur les arbres du patio valent vraiment le coup d'oeil. Je serais bien restee la-haut toute la nuit tellement c'etait paisible malgre la musique un peu bizarre que passait Adil a l'etage en-dessous.
Pour en revenir a ma premiere visite, nous nous installons dans autour de la table du petit salon le plus proche de la chambre d'Adil, a l'etage. Adil nous a attires ici en nous faisant miroiter - en plein mois de ramadan - du saucisson et du vin blanc. Adil n'est pas musulman et joue avec le feu en permanence, en tenant un discours assez provocant sur la monarchie, l'islam, etc. En dehors de son cote seducteur, c'est certainement une des raisons pour lesquelles Siham l'apprecie peu, au contraire d'Hana. Siham peut tout entendre, il me semble, mais dans l'intimite d'une discussion serieuse et entre personnes ouvertes d'esprit. La provocation en public sur les piliers de la culture marocaine, ca n'est pas franchement de son gout.
Nous ferons un sort a ce pauvre saucisson ! Il ne nous resistera pas bien longtemps. Pas plus que la bouteille de vin, d'ailleurs. Pas fan d'alcool, Suzanna nous quitte assez vite pour aller se coucher a Priscilla. Avec Pierre, nous restons et passons une excellente soiree a discuter et rire. Ce soir-la, Adil m'offre un de ses livres preferes : "L'art d'avoir toujours raison", de Schopenhauer. Je venais d'expliquer aux garcons que je m'etais constitue une playlist un peu speciale, en demandant a mes amis et a ma famille de me donner chacun une chanson qu'ils aiment particulierement, ou qui signifie quelque chose de special pour eux. J'ai fait la meme demande a mes amis de Marrakech pour emporter leur souvenir avec moi dans la suite de mon aventure - puisqu'a ce moment je sais que je vais partir le 31 aout. Adil ne me donne pas de chanson. Il choisit de me donner un livre, lui, l'amoureux des arts. Il ne le choisit pas par hasard. C'est un clin d'oeil au manque de confiance en moi qu'il a percu. Lorsqu'il me le dit je suis depitee : mince alors, c'est encore a ce point flagrant ?! Moi qui fais ce voyage en partie pour vaincre ce manque de confiance, je pensais avoir fais des progres mais visiblement ca n'est pas le cas. Et Pierre acquiesce ! Bigre.... Mais que faut-il donc pour que ca change ? Peut-etre le livre d'Adil...
Pierre, m'enverra un poeme de Baudelaire sur le voyage. Je lui ecrirai : comme j'aimerais t'entendre le declamer ! Pierre a une voix d'acteur, il me cite pas il declame. Je pourrais l'ecouter pendant des heures. Quand il chante ou recite un poeme ou le passage d'un texte, on est captive. Meme quand il fredonne les chansons de Disney qu'il connait par coeur on vite les choses avec lui ! Un vrai talent... Mais Pierre est un garcon bourre de talents.
Ce soir-la, j'ecoute Adil et Pierre parler art et philosophie. Je suis larguee, mais quel plaisir de suivre leurs debats passionnes ! Rien qu'en les ecoutant j'ai l'impression de devenir plus intelligente ! Lorsque nous regardons l'heure sur nos telephones, il est pas loin d'etre 4h du matin... Mous discutons encore un bon moment. Je me souviendrai longtemps de toutes les jolies choses que les garcons me disent, adorables l'un comme l'autre...
Vers 5h du matin, les premieres lueurs de l'aube commencent a chasser la nuit noire dans le patio. Adil nous propose a chacun une chambre. Nous n'avons pas la clef pour rentrer a Priscilla. Je choisis de rester dormir dehors sur le canape. Adil s'eclipse dans sa chambre, Pierre descend dans une des chambres du bas. J'ecoute les oiseaux se reveiller. J'ai du mal a m'endormir. Je suis heureuse, la vie est belle et les gens incroyablement gentils avec moi. Je m'endors une heure et demi. J'ouvre le yeux a 8h, il fait deja super chaud. Pierre a emerge, on quitte la maison pour retourner a Priscilla. Je ne suis plus tout a fait certaine mais il me semble que Pierre n'ira pas a son stage de chirurgie ce matin-la. Ce sera plutot direction le dortoir. Moi j'enchaine sur la journee de travail, et curieusement je n'ai pas trop sommeil.

Alors bien sur, Adil ne sait pas passer une soiree sans une bouteille de vin, ni sans raconter en detail sa vie sexuelle et ses deceptions amoureuses. Bon. Mais c'est un garcon chaleureux, un vrai amoureux des arts et des exercices de l'esprit, un bon vivant, un homme qui n'a pas de tabou et s'interesse aux parcours atypiques. "J'aime les gens qui evoluent" me dira-t-il un soir.
Et le fait est qu'on en croise plein, a Priscilla, des gens "en transit" vers une autre vie, des gens curieux, ouverts.
Adil a un cote sombre. Depuis toujours. Il reste parfois de lings moments chez lui sans trop voir de monde. Mais il finit par revenir et par agayer les soirees de sa presence joyeuse et provocante. Il me dira des choes tres touchantes et m'offrira son amitie chaleureuse.

April avait eu l'occasion d'etre invitee chez lui un soir, avant moi, alors que j'etais partie en vadrouille a Ceuta, Chefchaouen et Fes. Comme j'avais ete jalouse d'avoir rate ca !
April...
Lorsque j'ai vu sa demande de reservation sur Airbnb, mon coeur a fremi. April est ecrivain ! Elle va rester 15 jours a priori. Moi qui reve d'ecrire, je suis ravie de cette rencontre et compte bien lui soutirer quelques conseils.
April est australienne, mais depuis quelques temps elle vit a Barcelone. Elle est un tout petit peu plus jeune que moi. Je me debrouille pour aller la chercher (Suzanna est deja arrivee, je crois, mais cette fois je veux accueillir moi-meme cette nouvelle guest !). Je la retrouve donc sur la place Jemaa El Fna, et decouvre une jeune femme fluete, en robe legere, chemisier blanc legerement transparent par-dessus son debardeur pour couvrir ses bras en pays musulman, ses cheveux longs ondulants sous un chapeau de paille a ruban fleuri. Des les premiers mots echanges, je m'apercois que j'ai du mal a comprendre son accent australien. Mince, ca va pas etre simple de communiquer... Ceci dit, nous ne sommes pas encore arrivees a la maison que je lui ai deja revele mon secret desir d'arriver un jour a aller au bout d'un recit ! Et bing, la question qui tue en retour : oh, and what kind of story you wanna write ? Euh... ben.... Bon, j'ai des bouts d'idee, mais rien qui ressemble pour l'instant a une histoire qui pourrait tenir la route.
April produit des contributions pour un magazine et a publie un livre en ligne.
Pour moi, peu importe le pedigree et le volume de romans publies. Elle est ecrivain, c'est son job, et je l'envie pour cela. Je decide de ne pas lui sauter dessus tout de suite avec mes questions. Je la laisse s'installer, prendre ses marques, puis je choisirais des moments calmes pour aller m'asseoir pres d'elle pendant qu.elle semble moins occupee. Par quoi commence-t-on, quand on veut ecrire une histoire ? Comment fait-on pour cesser de copier le style des autres et trouver le sien ? Faut-il necessairement savoir ou on va avant de se lancer ? Elle rigole. Et me repond ce que tous les ecrivains que j'ai rencontres jusqu'ici m'ont repondu : ecris ! Des que tu as cinq minutes, ecris ce qui te passe par la tete. Astreins-toi a ecrire quelque chose tous les jours. C'est une vraie discipline a s'imposer. A force, avec le temps, tu vas trouver ton filon. Mais commence par ecrire tous les jours.
Un jour, alors qu'elle travaille dans le dortoir et que je vais la voir parce que je m'ennuie un peu, elle me dit : et bien vas prendre un stylo et du papier et viens ecrire. Je pars chercher mon bloc note et m'installe sur la mezzanine en face d'elle, et c'est parti.
Quand je partirai a Ceuta pour prolonger mon sejour au Maroc, j'essaierai de m'y mettre egalement. Mais je n'aurai pas la regularite necessaire. Et depuis que je suis dans ce voyage il m'est tres difficile de m'imposer cet exercice, concentree que je suis sur l'ecriture du blog en priorite. Comme je suis touours en retard dans ce fichu blog, je n'ai jamais la tete a reflechir a mon futur best-seller ! Mais en meme temps, je n'ai pas l'impression de perdre tant de temps que ca. Ce voyage m'inspire. Pendant tout mon sejour a Priscilla, mon esprit s'evadera souvent dans un univers parallele. J'imagine des scenes de mon futur roman, des personnages, j'elabore des hypotheses, essaie d'attraper mon filon...

Les premiers jours, April ne travaille pas beaucoup. Elle se repose dans la maison, ou bien part pour la journee a la decouverte de la vie marrakchi. Elle est tres discrete et ne parle pas beaucoup. Elle m'intimide, je ne vais pas beaucoup vers elle, meme si je me soucie de son bien-etre et que Siham l'appellera vite "ta copine" pour me taquiner, voyant que je me mets un peu en quatre lorsqu'il s'agit d'elle.
April se leve tot et descend dans le patio - l'endroit le plus frais de la maison. Elle se cale entre les coussins des fauteuils, ordinateur sur les genoux et ecouteurs dans les oreilles, et elle se lance dans l'ecriture en faisant abstraction de notre agitation. Ou parfois, lorsqu'elle n'arrive pas a se concentrer ou qu'elle a du mal a se motiver, elle va se poser au Cafe de France et travaille la-bas. A la faveur des apres-midi monotones du ramadan, ou des soirees tranquilles, nous ferons un peu plus connaissance. Et plus j'apprends a la connaitre plus cette fille revele une personnalite bien plus complexe et bien moins lisse qu'elle ne le laisse paraitre au premier regard. Sous des apparences calmes et reservees se cache une histoire agitee et une tempete interieure. Je dois lui demander de nombreuses fois de repeter ce qu'elle me dit car je comprends mal son anglais, mais plus je passe de temps avec elle plus je l'apprecie.
J'observerai moi aussi son petit cote "hyene" quand elel joue aux echecs contre Adil. Elle n'aime pas perdre ! - rigolera-t-il lors de sa premiere victoire. Pourtant elle encaisse les defaites et revient sans arret au combat avec la meme concentration et en laissant le moins possible transparaitre la moindre emotion. Plusieurs fois, alors que je les observe, elle me dira : toi aussi tu peux apprendre, ce n'est pas difficile. Mais je reponds que je suis nulle en strategie. Je n'anticipe rien, ce jeu est trop complique pour moi ! Mais un jour elle mettra le jeu entre nous et me proposera une partie. Elle guide mes pas, me conseille, me stoppe d'un "are you sure ?" ou "why ?" lorsqu'elle me voit foncer dans une position dangereuse. Je m'excuse mille fois de l'ennui que doit lui procurer le fait de jouer contre une debutante, mais elle retorque que c'est un bon exercice pour elle aussi de chercher ce que j'aurais de plus efficace a faire.
Petit a petit, j'y prends gout... Autant qu jeu qu'a nos joutes verbales ! Comme je cherche sans arret a attaquer, j'ecoperai rapidement du surnom de "killer". Elle deviendra de son cote "princess", quand elle tombera malade sur la fin de son sejour et que je lui apporterai son plateau au lit dans le dortoir.
April decidera de rester un mois finalement, et j'en serai bien contente. Nous discutons souvent. De nos familles, de nos ex, de nos aspirations, de nos situations amoureuses bancales. Elle veut quitter son copain mais n'y arrive pas, elle culpabilise. Ca tombe bien, j'en connais un rayon sur l'art d'etre manipulee par des gens qui vous font culpabiliser. Alors je ne mache pas mes mots.
Je lui confie mes tergiversations sur le choix a faire : partir ou rester a Priscilla. Elle me parle des choix qu'elle doit faire en ce moment. «je deciderai de partir. Elle decidera d'acheter un appartement a Barcelone.
Elle sera ma confidente a ce moment-la sur les pour et les contre qui agitent ma reflexion sur l'avenir. Je traverse une periode un peu particuliere. Apres un premier mois que je qualifierais d'etat de grace, je commence a saturer et a ressentir le besoin de m'aerer. En deux mois et demi a Priscilla, je serai tres peu sortie de Marrakech, et assez peu de la maison. Priscilla, c'est tout un monde en soi. Il s'y passe toujours quelque chose, on y rencontre toujours des gens differents. Et quand tout a coup c'est plus calme, j'ai beaucoup de plaisir a profiter tranquillement de ce superbe espace.


Me poser dans le hamac, ecrire le blog le soir, dans la tranquilite des soirees paisibles, faire une partie d'echecs sans etre derangee toutes les trois minutes par quelqu'un qui m'appelle, passer un petit moment juste avec Siham ou Driss ou Samira et Babou, ou se faire une projection de cine privee sans les guests... Ce sont aussi des moments supers agreables a vivre. Entre le boulots et les discussions avec les uns et les autres, les journees filent a toute allure et je n'ai pas le temps d'anticiper et de reflechir a des petites virees a faire ici ou la. Tout ce qui se passe a Priscilla me plait, alors je n'ai pas d'horaires de travail reellement, je suis en mode H24. Le travail se melange au plaisir.
Quinze jours environ apres mon arrivee, les filles m'ont incitee a prendre des jours de repos. Normalement le systeme workaway fonctionne sur la base de 5 heures de travail par jour, 5 jours par semaine. A Priscilla ces horaires doivent etre un peu amenages. Mais des le premier jour je n'en ai pas tenu compte car je n'avais pas l'impression de bosser, tant ce que je faisais me plaisait. Hana et Siham me laissaient faire mais avaient bien en tete que c'etait assez exceptionnel comme situation. Elles m'ont plus d'une fois incitee a prendre du temps pour aller me balader. Moi j'aimais ma vie quotidienne la-bas. Mais bon, puisqu'elles me le proposaient, j'ai decide de prendre trois jours pour aller dans le sud a Taroudant, en passant par Agadir. La veille de mon depart, Siham s'est blessee serieusement a la main et a eu un gros coup de cafard. Je ne me voyais pas partir dans ces circonstances tendues. Je ne suis pas partie' Une semaine plus tard, Hana s'envolait en Allemagne pour un mois. Il fallait toujours un responsable dans les murs, et Siham avait souvent a faire dehors. Pendant l'absence d'Hana il etait donc exclu que je parte en vadrouille.
Tout ca s'est fait naturellement et sans y reflechir plus que ca. Mais a force de ne pas changer d'air, j'ai fin par me sentir en overdose de medina. L'arrivee du ramadan en a rajoute une couche, plombant l'atmosphere avec des journees chaudes et tournant au ralenti. J'ai fini par tourner en rond et par sentir monter le besoin d'un break. Ce n'est pas que le boulot etait dur, ca non, il ne l'etait pas et je le faisais avec plaisir. C'est surtout qu'il m'etait difficile d'avoir 5 minutes tranquilles rien que pour moi et sans etre derangee.
Nulle part je ne pouvais fermer une porte et dire : je suis off pour X temps. Du moins c'est ainsi que je l'ai vecu, car avec le recul je realise que si, j'aurais tout a fait pu annoncer "il me faut une pause d'une demi heure tranquille, je n'y suis pour personne". Et je suis sure que tout le monde aurait compris et respecte ca. Mais je ne l'ai pas fait. Car au regard de Samira et Driss, et meme Siham et Hana, qui bossaient, je ne me sentais pas, malgre mon statut de benevole, de me desolidariser pendant un moment. C'est drole car au moment ou j.ecris ces lignes je suis volontaire dans une pepiniere geree par une communaute bouddhiste. Ici aussi je fais plus d'heures que ne le prevoit le systeme workaway mais c'est tres cadre et j'ai accepte le principe avant de venir. Pourtant ici, je ne fais pas 10 minutes de plus que le cadre horaire dont nous sommes convenus. Des que l'heure de fin arrive, je preserve farouchement mon temps libre et n'ai pas du tout les scrupules que j'avais a Marrakech. Ca tient tres probablement a l'affection que j'avais pour les personnes avec qui je vivais la-bas. Bref.
Donc en fait si, j'aurais pu m'isoler quand j'en avais envie. Apres le depart d'Anouk et Elliot, 15 jours apres mon arrivee a Priscilla, Hana m'avait invitee a quitter le dortoir pour m'installer dans la chambre des artistes residents. Je disposais donc d'un espace a moi avec une porte que je pouvais fermer. Mais bon, je ne fermais pas, car cet espace servait aussi a entreposer du materiel, a recevoir les enfants les dimanche de projection de film, et puis Samira de temps en temps venait y faire sa sieste du debut d'apres-midi car il y faisait plus frais. Et pour finir, Driss est venu s'installer sous la mezzanine sur laquelle je dormais. Donc bon, ce n'etait pas vraiment un espace prive. Et de toute facon, quand bien meme je trouvais un endroit ou me poser tranquille, il ne se passait pas 5 minutes sans qu'on m'appelle pour un oui ou pour un non.
Ca a finit par me peser vraiment. Je devenais moins patiente, je soupirais de plus en plus. April a ete temoin de ce changement d'humeur. Elle finira par appeler Priscilla ma "prison doree". Aujourd'hui j'ai totalement oublie ces exasperations, mais en ecrivant et en repensant a April je me rappelle bien avoir ete a cran a cette periode. Siham percevra aussi cette fatigue. Un jour, alors que je quitte mes parents et ma grande soeur avec lesquels je viens de parler sur skype, elle vient me voir et me glisse gentiment : si tu as besoin de sortir, d'aller te promener, de prendre une journee, vas-y, je ne veux pas que tu te sentes enfermee ici. Elle a certainement surpris ma gene quand, pendant la conversation avec mes parents, j'ai laisse entendre que je n'avais pas franchement l'occasion de sortir. En fait je l'avais, l'occasion, il suffisait que je demande ! Mais comme d'habitude je m'impose des choses que personne ne me demande, puis je finis par pester et ruminer dans mon coin avant de comprendre que ca va beaucoup mieux en parlant. Mon experience au Quebec, a Sainte Julienne dans la pepiniere, me revelera que je n'ai toujours pas change la-dessus !
April me poussera a sortir de ma cage doree.
Nous partirons ensemble, avec une autre fille et deux garcons, pour la journee a Essaouira. Nous prendrons le taxi pour aller a la gare routiere, puis le bus jusqu'a cette petite ville sympa de bord de mer, bien plus paisible que Marrakech. Je suis super ravie de quitter la medina et de m'aerer. On ne se connait encore pas beaucoup a ce moment-la avec April, elle s'asseoit a cote de l'autre fille, et moi je passe le trajet a admirer les champs dores par la fenetre du bus. J'apercevrai d'ailleurs enfin, par la fenetre, des chevres sur un arganier !
J'ai tellement entendu parler d'Essaouira que je m'attendais a plus epoustouflant. J'aime bien, mais je ne suis pas epoustouflee.
Malgre tout, c'est super agreable de se promener tranquillement dans une ville ou les vendeurs ne vous sollicitent pas toutes les trois minutes. Et puis il fait un peu plus frais, la journee est belle, et les rues sont paisibles. Ca depayse !
Nous nous separons assez rapidement, les garcons d'un cote, les filles de l'autre, pour flaner dans les magasins et les rues qui nous tentent. Puis nous nous retrouvons pour dejeuner. Apres quoi, tous decident d'aller a la plage se baigner. Moi qui ne suis pas une fan des baignades, je continue ma vadrouille dans les ruelles blanches de la ville. Je resterai un long moment a discuter avec un jeune vendeur de bijoux. Je lui ai tout de suite annonce que je n'etais pas la pour acheter, ca ne l'a pas derange, il m'a invitee a m'asseoir quand meme juste pour le plaisir de m'expliquer les differents symboles sur les bijoux. En fait, je comprends petit a petit que bijoux, tatouages et dessins sur les portes des maison comportent tout un tas de codes permettant aux gens, depuis la nuit des temps, de connaitre deja un grand nombre d'informations sur le quidam qu'ils rencontrent.








Bref, je passe un tres agreable moment. Mon hote est ravi de me parler de son pays et de sa culture, et n'aura pas un mot pour me conduire a lui acheter quelque chose.
Dans cette region berbere, le lapis lazuli que je porte autour du cou - cadeau d'Isa et Julien pour mon depart - sera souvent l'excuse des vendeurs de bijoux pour m'interpeller dans la rue.
Nous nous sommes donne rendez-vous a la station de bus pour repartir ensemble a Marrakech, avec le car de 17h ou 18h, je ne sais plus.
J'arrive un peu en avance au rendez-vous, et April aussi. Elle sort de son sac un bloc de dessin et un crayon, et se met a dessiner un mendiant qui est assis pres de nous. Je la verrai de temps en temps sortir ce bloc, pendant son sejour. Elle tentera plusieurs fois de faire mon portrait mais finira par me dire qu'avec moi ca ne fonctionne pas ! Bon. Je n'aurai donc pas mon portrait...
April me proposera aussi de l'accompagner un matin au Cafe de France pour aller ecrire. Mais je ne trouverai pas le temps de me liberer.
J'attendrai le retour d'Hana pour prevoir une viree de 5 jours. En fait, j'ai besoin de partir a Ceuta pour prolonger mon sejour au Maroc car normalement je suis censee quitter le territoire le 18 juillet. Quitte a remonter dans le nord pour ces formalites, je decide de prendre le temps de redescendre par Chefchaouen et Fes. Lorsqu'Hana revient d'Allemagne et que je lui presente mon projet, elle me repond que justement elle et Siham veulent m'emmener dans 5 jours a un mariage dans le nord du Maroc. Deux de leurs amis se marient, dans une ville au bord de la Mediterrannee, dans le Rif, a une encablure de Ceuta. Je suis aux anges et me rejouit de cette viree prevue avec Babou et Mustapha qui nous conduira en voiture. Depuis le lieu du mariage je quitterai mes amis et prendrai le bus pour aller a Ceuta puis continuer ma boucle comme prevu.
Il ne s'agit pas d'un mariage d'amour mais d'un mariage blanc destine a permettre au marie marocain de pouvoir sortir du territoire. Nous sommes censes participer a la grande fete organisee pour l'occasion. Tout le monde est excite a l'idee de partir. Le matin meme, mes affaires sont pretes a 11h, l'heure prevue pour le depart. On s'attendait a partir plus tard, compte tenu du temps que Siham met parfois a emerger de sa chambre, mais un autre probleme a surgi auquel nous n'etions pas prepares. Contactes sur leur messageries telephoniques et mail, les deux maries ne repondaient pas aux appels. Or, si nous avions le nom de la ville ou nous etions attendus le soir meme, nous n'avions pas l'adresse exacte.
A 17h, nous renoncons a partir pour 6h de route sans savoir ou aller precisement. Je suis decue. Je me faisais une joie de cette viree entre nous. J'apprends aussi que cette cachotiere de Siham comptait me presenter la-bas une personne avec qui je me "serais super bien entendue", dit-elle avec un air de sous-entendu. Ah bah c'est doublement dommage alors !
Je deciderai de partir le lendemain, par le train de nuit Marrakech - Tanger. Siham peste contre ma volonte de partir jouer les touristes et se plaint a Samira : "Franchement, tu quitterais ta famille pour cinq jours, toi ?!" De son cote, Siham ne cesse de repousser la date pour aller voir sa mere a Agadir.
April a envie de changer d'air elle aussi. Elle me propose de me retrouver a Fes. Rendez-vous est pris ! On devient amies sur facebook pour pouvoir se tenir au courant en cas d'imprevu.
Le lendemain, je quitte la maison avec un pique-nique enorme prepare par Siham et Samira, et je file juste avant l'heure du ftour. Je prends un taxi pour aller a la gare ferroviere. J'arrive en avance, mais comme le depart de mon train est pile dans l'horaire de la fin de jeun, j'ai prefere prendre les devants et attendre a la gare plutot que de galerer pour trouver un chauffeur de taxi qui ne soit pas en train de manger. Tandis que je patiente en lisant sur le parvis, j'observe les changements de couleur dans le ciel. Des nuages gris se detachent sur un coucher de soleil rose lourd de menace. Le vent se leve. De gris, les nuages deviennent noirs et je sens venir l'orage.
Celui-ci se declenche peu de temps apres, et je suis aussi fascinee que morte de trouille (j'ai peur des eclairs, Sandra en a fait les frais lors d'une soiree trop sympa pendant notre periple en velo le long du Danube. A Vienne, dans un parc splendide, au pied d'un batiment majestueux, je nous ai fais partir en courant d'un concert en plein air de musique classique, tellement j'angoissais a l'idee que la foudre puisse nous tomber dessus !).




Comme le ciel est beau, et comme c'est bon de sentir de vent violent balayer les rues ! On nous ouvre les portes d'acces aux voies, je file dans le wagon lit ou je m'installe pour la nuit. J'arrive a Tanger a 7h. En temps normal, dans ce genre de voyage, je prends plutot les sieges inclinables. C'est moins chers. Mais la il n'y avait pas une grande difference de prix, alors j'ai choisi la couchette. J'ai donc droit a un certain confort, par contre j'eprouve la meme sensation d'ennui que celle ressentie au Vietnam lorsque pour une fois nous avions choisi, avec Flo, de voyager dans un grand car climatise et confortable au lieu de prendre les bus locaux. Ah ca, on etait installees bien plus confortablement !... Mais qu'est-ce que je me suis ennuye ! Rien a voir, rien a faire, juste a dormir. Uniquement des touristes occidentaux dans le bus, donc des gens qui ne se parlent pas et avec lesquels il ne se passe rien. Ben la c'etait pareil.