top of page

Canada

 

19 aout 2015 - 1er octobre 2015 

 

 

 

Je n'ai pas trouvé d'ordi pendant un long moment entre mon départ de New York et mon arrivée à Montréal. L'écriture du blog n'a donc pas été simple, j'ai écrit des petits bouts sur ordi et sur papiers, que j'ai tenté de réorganiser par la suite.

 

 

Au bout d'une bonne demi heure d'attente dans la file des voitures, je me présente enfin au douanier québécois. Je lui tends mon passeport. Ou allez-vous ? - A Montréal. - Combien de temps restez-vous au Québec ? - Est-ce d'avoir attendu trop longtemps ? Je réponds une ânerie, c'est à dire la verite : Je ne sais pas encore, ca dépendra. - Le gars hausse un sourcil interrogateur. Comment ca ? - Oui euh, je voyage, je compte aller peut-être a Quebec ou trouver un job en tant que volontaire pendant quelques semaines. Je patauge dans la choucroute. Mais vous avez une adresse a Montreal ? Et vous vivez ou sinon ? Est-ce que vous avez des attaches en France ?... Evidemment, le type cherche maintenant a savoir ce que je suis venue faire ici et si j'ai bien l'intention de rentrer chez moi un jour. Je suis vaseuse mais ca finit par passer tout de meme. Le gars note sur son papier que je suis censee repartir dans trois semaines (il faut bien qu'il ecrive quelque chose). Il me rend mon passeport et me fait signe de circuler - au plus grand soulagement, je pense, des voitures derriere qui attendent depuis un quart d'heure que je disparaisse et leur laisse la place. 

Note pour plus tard : avoir toujours une date de sortie et un parcours precis en tete a vendre aux douaniers au passage a la frontiere. Et ne pas mentionner de jobs volontaires, pas utile.

Comme a chaque nouveau franchissement de frontiere, me voici euphorique pour quelques minutes et je pedale avec energie en chantant : je suis au Quebec, je suis au Canada ! Je pense a Marina qui a vecu ici il y a longtemps...

L'attente a la frontiere en plein soleil m'a donne soif. Je repere un stand de boissons et glaces sur le bord de la route, au milieu de nulle part. Aie, je m'apercois que j'ai oublie de changer de l'argent. Bon, mais si proche de la frontiere ils doivent bien accepter les dollars, j'espere. 

Je pose la question a la jeune serveuse. Oh comme c'est bon de s'entendre parler francais ! Avec un accent, certes, mais n'empeche qu'on se comprend. Les dollars americains sont acceptes mais elle ne me rendra pas la monnaie en fonction du taux de change. Pas grave, j'ai super soif d'un truc super frais.

Ce premier echange avec le Quebec me fait l'effet d'avoir atterri dans un pays ou les gens sont chaleureux. J'aime ca...

Bon mais c'est pas tout ca. Je n'ai pas de carte des routes du Quebec, je ne sais pas ou je vais precisement a part vers le nord, et je ne sais pas s'il y a des campings sur ma routLa prochaine ville moyenne est Lacolle, avant l'etape a Saint Jean de Richelieu. C'est drole de voir des noms francais sur la carte. 

Je ne sais plus comment j'ai fait pour le savoir, je crois que quelqu'un m'a signale un camping sur ma droite en quittant la route 223, a la hauteur de la petite ville plate de Noyan *en meme temps tout est tres plat ici, et les villes s'etalent en longueur. Je passe devant un grand centre commercial et tente de retirer des dollars canadiens au distributeur de la banque nationale mais ca ne marche pas. Et flute, c'est quoi encore le probleme... Je serai rassuree le lendemain en retirant dans une autre banque qui accepte ma carte. Tout va bien. Pour l'heure, je suis tout de meme un peu inquiete...

Je traverse un pont et m'engage sur une grande ligne droite. La route defile, je ne vois rien qui suggere la presence d'un camping dans le coin. Je m'arrete pour demander a un gars qui sort son camion d'un hangar, il ne voit pas trop de quoi je parle mais me suggere d'aller un peu plus loin sur la gauche sur un terrain municipal. Bon. J'y vais. Il y a efectivement un terrain de foot, a cote d'un bureau municipal qui est ferme. Je remarque des toilettes sur le cote. Mais rien ne me dit que je peux camper ici. Le temps que je me pose la question de ce qu'il convient de faire, un pick-up arrive et se gare pres de moi. Un gros monsieur penche la tete par la fenetre et demande s'il peut me renseigner. Je lui explique que je cherche un camping et qu'on m'a dit de venir ici mais je ne pense pas pouvoir installer la tente sur ce terrain. Le monsieur se presente, c'est le maire de la ville ! Il m'indique un site a cote du pont que j'ai traverse. Ils devraient avoir de la place pour vous. Et en effet, lorsque j'arrive au camping, le gerant est content  de m'accueillir car la saison est finie et je suis sa seule cliente, a part un ami qui vient regulierement pecher ici. Le camping est au bord du fleuve. Le gerant, torse nu, barbe de trois jours, etait n train de bricoler une table en parlant doucement a sa chienne qui dort a ses pieds. 

La radio diffuse des tubes des annees 80. Nous prenons le temps de discuter avant que je m'installe non loin de sa maison. Bill- encore un Bill ! - me montre le petit potager, m'invite a aller ceuillir des tomates cerises, a aller me promener sur le ponton. Son ami revient d'un tour en barque et vient s ejoindre a la discussion. Tout content de rencontrer une francaise, il va chercher un livre en francais qu'il a achete, d'un auteur que je ne connais pas.  Et m'invite a diner avec sa femme, dans leur petit mobile home. Je le remercie mais Bill m"a deja fait la meme proposition. Il a trop de mais, m'a-t-il dit, et serait ravi de me faire gouter la gourmandise de la region, le mais cuit a deguster avec du beurre et du sel. Il compte faire un feu de bois egalement. La soiree s'annonce des plus sympas.

Bill m'offre une biere et nous allons la boire sur la terrasse de sa maison, en haut. La vue et la tranquilite du coin me ravissent, je suis trop contente d'etre la. 

Alors que nous redescendons, un couple de cyclistes arrivent a leur tour. Elle est quebecoie, lui est francais et suit un cycle d'etude a Montreal. Il doit faire prolonger son visa, du coup ils ont decide de prendre trois jours pour passer la frontiere aller-retour en velo. Ils ont pedale 90 kms aujourd'hui. Perso, je ne compte pas faire les 90 kms en une seule journee. Je n'aime pas les journee consacree uniquement a pedaler. Eux se sont depeches pour pouvoir se poser et se baigner demain, puis refaire les 90 kms en sens inverse le troisieme jour. 

Bill les invite a diner avec nous. Le temps que tout le monde soit douche et installe, les assiettes et le mais sont disposes sur la table en bois dehors.  

Bill apporte le mais. C'est vrai que c'est bon ! Le mais est plus sucre que celui que nous mangeons en France, du coup ca se marie bien avec le sel et le beurre. Ceci dit on m'a tellement dit que c'etait un delice que lorsque je croque je suis non pas decue mais pas non plus epoustoufflee par le gout. Il parait que certains le mangent avec du rhum ! Il faudra que je goute !

Apres le diner nous allons nous asseoir devant le feu. Bill gere ce camping depuis une dizaine d'annees. Au debut sa femme l'aidait. Mais la seconde activite, benevole, de Bill, est devenue trop envahissante pour elle et elle  a fini par partir. Bill a cree un refuge pour les chiens abandonnes. Ses trois chiens en sont issus. Il nous raconte qu'une video qu'il a postee sur facebook  a fait le tour du monde et que beaucoup de gens ont donne de l'argent pour soutenir le refuge. La publicite est arrivee dans les oreilles d"Ellen De Generes herself, qui l'aurait invite a une de ses emissions. Il hesite, il n'est pas du tout a l'aise avec les medias et a peur de decredibiliser l'association en etant trop coince devant les cameras...

Nous passons une soiree tres sympa tous les quatre. 

Pour repartir le lendemain, je retraverse le pont et reprends la route en direction du nord. Je vais prendre mon temps aujourd'hui, car je n'ai pas envie d'arriver ce soir a Montreal. Apres ces journees de velo j'ai envie d'encore un peu de tranauilite avant de retrouver la grande ville. 

La route suit le trace de la riviere Richelieu. J'arrive en fin de matinee a Saint Jean. Je m'arrete un petit moment sur une jetee au bord du fleuve. Un homme en fauteuil roulant equipe de roues tout terrain vient dans ma direction. Nous papotons. Il me recommande un bar si je veux tester des bieres aux gouts fruites. La Trinquette, me dit-il. J'aurais bien voulu m'y arreter mais il est tout de meme un peu tot pour prendre une biere. Je repars tranquillement, faisant des pauses regulieres le long du fleuve. Il fait super chaud, de temps en temps je descends et passe de l'eau fraiche sur mes bras. 

Peu apres Saint Jean sur Richelieu je dois cependant quitter le fleuve et partir cap vers l'ouest sur la 104 en direction de la Prairie. Cette zone porte bien son nom car vraiment c'est archiplat par ici. 

Je trouve le soir un camping sans grand interet a cote d'un garage de camion. Et voila. Demain, je decouvrirai Montreal.... 

Le 19 aout 2015, j ecrivais ceci dans mon bloc notes : 

 

Juste une chose, quand meme...

 

Il y a trois ou quatre jours, maman m'ecrivait : "20 ans plus tard, tu y seras finalement allee, a Montreal ! Dans d'autres circonstances, mais quand meme..."

Oui c'est vrai. Pour un peu, je l'avais oublie ! Et pourtant... 

 

Il y a 20 ans, j'avais tout fait pour partir etudier le journalisme a l'Universite du Quebec a Montreal. Sur une idee de celui qui m'a entrainee dans la plus belle connerie de ma vie, peu de temps apres. On devait partir etudier a Montreal, et bien sur trouver des petits boulots pour payer nos etudes. Ca ne s'est pas fait. On ne saura jamais si c'est tant mieux ou tant pis. 

J'en avais voulu a mes parents de ne pas nous avoir soutenus dans ce projet. Mais ils n'avaient pas confiance, et je ne peux plus leur donner tort aujourd'hui, evidemment.

N'empeche, a l'epoque je leur en voulais. Et puis, toujours sur la foi des belles idees de ce brave garcon, je me suis retrouvee un peu plus tard dans une vraie belle galere qui repousserait mon reve de voyage de 20 ans...

 

Il m'aura fallu 20 ans pour voir Montreal ! C'est drole, je n'avais pas prevu, en fevrier dernier, de passer par ici. Mon auberge de jeunesse se trouve a quelques encablures de l'Universite du Quebec a Montreal. Je vais aller voir a quoi ressemble ce batiment ou j'aurais pu venir faire mes etudes de journalisme, dans une autre vie. 

Merci maman de m'avoir rappele cet evenement. En pedalant aujourd'hui je me suis sentie heureuse, et dieu sait qu'il aura ete long le chemin pour que je me sente veritablement liberee. Libre de son influence nefaste dans ma vie, liberee de tout ce qui m'a entrainee dans la spirale de la mesestime de soi, et liberee meme jusqu'a la rancoeur et l'esprit de vengeance par rapport a lui. Legere et libre comme le vent...  Et comme j'aime etre a Montreal aujourd'hui et dans ces circonstances !!

Je n'ai donc pas beaucoup de route a faire le lendemain pour arriver a Montreal. Je guette les premieres vues de la ville avec impatience. J'arrive par une piste cyclable qui sort de la Prairie pour traverser un petit village paisible. Un panneau annoncant l´entreprise Bolduc me rappelle de bons souvenirs a l´occasion de l¨anniversaire d¨Anne-Marie et de Sophie, deux ans plus tot.

Je cherche la voie qui me conduira au Saint Laurent, enfin ! Et la voici bientot, avec au loin mes premieres vues sur les batiments de Montreal. Je suis heureuse comme une gamine ! La piste longe le fleuve, qui me conduit a une pont immense surplombant le saint Laurent. J'apercois la biosphere.

Je traverse le fleuve et entre par le vieux port, avant de tomber sur la place qui s'etend devant la basilique. Je pedale tranquillement, regardant tout autour de moi, emerveillee d'etre ici en train de rouler sur le paves de Montreal. Ma curiosite m'emmene vers les palais de justice, puis la rue Saint Paul, et l'hotel de ville. J'ai note adresse de l'auberge de jeunesse. Je grimpe vers Sherbrook est en passant par la porte du quartier des arts qui semble plutot etre la porte de la cite interdite, dans un style tres asiatique.

L'auberge comprend deux batiments. Pour ce soir, je vais dans la dependance, de l'autre cote de la rue. Les autres occupants sont jeunes, et beaucoup cherchent un logement a louer pour pouvoir suivre leur cycle d'etude a l'universite ou travailler. Je m'installe dans le dortoir, il ne reste qu'un lit en face de la salle de bain. C'est petit et pas tres confortable. Dans la piece commune un des gars qui travaille a l'auberge - un francais - met la musique a fond, de la techno bien sur. Les bieres trainent un peu partout. Je sens que le voisinage va etre sympa...

Je sais que je suis la pour quelques jours. Au premier rapide coup d´oeil, la ville me plait beaucoup et je suis heureuse de m´y poser un peu. Je decouvre les rues avec un sentiment de familiarite. Ces facades en pierre avec des escaliers montant a l´entree surrelevee me font penser a Amsterdam. Les batisses sont massives. Les escaliers imposants montent haut et decrivent d´etranges virages pour grimper au 1er puis aux etages suivants. Beaucoup de Montrealais attachent leur velo sur le palier du 1er etage et je me demande comment ils font pour porter leur velo sans se casser la figure avec des marches aussi hautes.

J´admire les toits colores et l´architecture travaillee de nombre de belles maisons et edifices qui jalonnent les rues de mon quartier. 

Ce soir-la je trie mes affaires pour preparer une machine a laver a faire le lendemain matin, et je passe un bon moment sur le blog en essayant de faire abstraction des conversations de jeunes fetards derriere moi. En allant  me coucher, je decouvre que mes pieds sont dans un triste etat apres mes deux nuits de camping dans des lieux infestes par les moustique ! Que c´est bon de savoir que j´ai un peu de temps devant moi avant de bouger a nouveau. Je dois me lancer dans la recherche d´un job dans le coin, J´ai envoye une demande dans deux endroits differents. Une pepiniere geree par une communaute bouddhiste, qui demande des volontaires - des "stagiaires" comme ils disent, - interesses par tout ce qui concerne l´autosuffisance. Ils annoncent la couleur : chez eux, on travaille beaucoup car la nature n´attend pas. Planning overbooke. J´avais deja repere l´annonce pus tot et l´avais raye de mes listes. Pas envie de travailler comme une dingue. Nais maintenant je me sens d´attaque et je suis attiree a la fois par l´´apprentissage de l´autosuffisance et par l´univers spirituel. 

Mon autre demande concerne une famille qui dispose d´une grande propriete avec animaux, champs et jardins, pour un coup de main general aussi bien avec les chevaux qu´avec le potager, etc. J´attends maintenant les reponses, sans trop savoir ce que je prefererais si les deux repondent ok.

Le lendemain je commance par aller a la laverie. Quel plaisir d´avoir des vetements propres ! Je perds tout de meme un temps fou pour trouver les bonnes pieces de 25 cents pour faire fonctionner la machine. Mais me voila toute propre, prete a partir decouvrir a pied la ville. 

L´auberge est super bien situee, je n´ai qu´a descendre 5 minutes pour me trouver dans Little Italy et deboucher sur la rue Sainte Catherine et le quartier des arts. Les petits restaurants se succedent au rez de chaussee ou a l´etage de maisons cossues pleines de charme. Je constate que la Gay Pride est passee par la il y a a peine une semaine, la rue Sainte Catherine est encore couverte de decorations et messages d´ouverture. Mince, j´aurais bien aime voir la ville en fete. Montreal me fait l´effet d´un centre culturel et d´un foyer de vie a taile humaine. On s´y sent bien. Pas de gens trop presses, on prend le temps de vivre. 

Je passe devant de nombreux batiments appartenant a l¨UQAM. J´essaie de reperer celui que j´aurais frequente quotidiennement si j´avais pu venir etudier le journalisme ici, mais je ne le trouve pas. Ces batiments ne correspondent pas vraiment a l´idee que je m´en faisais en regardant les photos chez moi a Maisons-Alfort, en revant de ce projet. Maintenant que je suis la, j´ai du mal a m´imaginer dans ce decor dans la peau d´une etudiante.

 

Essentiellement dans la rue Sainte Catherine mais egalement un peu partout dans Montreal, mes yeux rencontrent souvent des sans abris et des personnes faisant la manche. A certains endroits, on est sollicite 3 fois sur 50 metres... C´´est triste. 

Je pars sur le bord du fleuve et decouvre tous les amenagements vraiment sympas le long du Saint Laurent. Comme dans toutes les grandes villes desormais, les rives du fleuve sont dediees aux pietons et cyclistes, et constituent le lieu ideal pour flaner et se divertir.

 

Je poursuis ma promenade avec la rue Saint Paul et la place Jacques Cartier. C est mignon, sur les cartes postales je peux voir le charme de ces endroits sous la neige et avec les decorations de Noel. Il y a un cote vieille France, melange avec l architecture hollandaise.

Ce jour-là je rentre relativement tôt à l'auberge, avec le coucher de soleil. Je m'occupe du blog et je trouve deux réponses positives à mes demandes workaway dans ma boite mail. Je suis super contente, la suite du programme se présente bien. J'hésite un peu, mais me décide pour la pépinière gérée par la communaute bouddhiste. Ils me demandent cependant une adresse mail perso pour m'expliquer leur rythme de travail un peu particulier dans le système workaway. Je leur réponds et attends de voir ce qu on va m'annoncer.

 

Dans la documentation touristique exposée a l'auberge, je tombe sur la publicité d'un festival de country music qui démarre demain et dure trois jours, dans le coeur de la cité. Génial ! Moi qui voulais écouter de la vraie country en live !

Je vais donc passer les jours suivants à me promener sans relâche le matin, puis à rejoindre les concerts en milieu d'après-midi et jusqu'au soir. Tout ce que je vois de Montreal me plait, si ce n'est les nombreuses sollicitations des sans abris... Que c'est etrange de constater cette grande pauvrete dans cette ville...

 

Je passe par hasard devant la salle dans laquelle evolue l equipe de hockey sur glace des canadiens de Montreal. Bon, il est vrai que c est grace a Gregory que je me  suis interessee a ce sport, il y a longtemps. C est donc etrange que je me retrouve ici a visiter le musee des Canadiens avec beaucoup d interet... Mais pas si etrange que ca, quand je repense qu plaisir que j ai eprouve a assister a des matches de hockey dans la patinoire d Epinal, il y a vingt ans. L equipe locale, franchement mauvaise, se faisait battre regulierement haut la main, mais que j ai aime l ambiance de fete de ces matches qu on regardait avec nos pulls les plus chauds 

Je savoure aussi les petites pauses sur les places ombragees et populaires. J ecris aux tables des terrasses. Je passe egalement dans un grand magasin multimedia pour savoir ce qui cloche avec la tablette que j ai achetee. J ai fait cet achat pour pouvoir ecrire sur le blog de n importe ou en connexion wifi, mais le logiciel semble trop lourd pour la tablette. Je n aurais pas vraiment de reponse satisfaisante et je me demande si je ne vais pas renvoyer la tablette a mes parents plutot que de la transporter pour rien.  

Je pars aussi en velo pour aller voir le site des installations olympiques de Montreal. Je ne visite pas les musees mais je vais voir les sites olympiques... Je suis consciente d avoir des centres d interet assez inhabituels ! Partout les ecureuils se baladent sereinement, c est trop mignon. Montreal a ses quartiers populaires dans lesquels je me sens bien. Pres des salles de concert et de spectacle, dans la rue Sainte Catherine, des tapis geants de jeux d echec ont ete installes. De part et d autre, des joueurs etudient le schema de jeu longuement, avant de s avancer sur le tapis et de saisir un fou ou un cavalier leur arrivant a la taille, pour modifier la position strategique. 

 

Trois apres-midi de suite je vais donc ecouter de la country, et je m amuse beaucoup a regarder le public et les groupes qui evoulent dans ce festival. L accent quebecois me ravit ! J ai quand meme beaucoup de mal a comprendre certains. Peut-etre n est-ce pas plus mal d ailleurs, compte tenu des paroles des chansons...

Le 23 aout, j ecris dans mon bloc notes :

 

Ceux qui me connaissent le mieux pourront s'imaginer a quel point je suis aux anges : je rentre tout juste de mon deuxieme apres-midi consecutif de festival de musique Country a Montreal ! Moi qui adore la country (meme si, je dois l'avouer, vu que souvent les chanteurs ont interprete leurs textes en francais, vraiment les paroles sont nunuches !!), je ne pouvais pas etre plus ravie d'etre ici ! Et il fallait voir le programme ; ca a commence hier avec les Broch'a Foin, les Calamity Jane, puis le beau gosse Yohan (laureat de la voix de la country cette annee, pour ceux que ca interesse), et aujourd'hui Dani Larache (la princesse du country, pour ceux que ca interesse...), Laurie Leblanc, Louis Berube, et final en beaute avec Alan Jackson experience. Je me suis regalee ! Le spectacle etait pour moi autant sur la scene que dans le public. Trop drole. Des gens tres decomplexes, esprit tres bon enfant, et un vrai plaisir a danser. Chenise a carreaux, chapeau de cowboy et bottes a talons et pointes de rigueur ! Les mecs se lachent sur les guitares electriques des groupes de mecs. Les femmes sont venues nombreuses et avec la biere a la main pour ecouter Dani Larache (fille de sa mere et de son pere, tous deux chanteurs : Larache, la famille royale du country !).

Oh que c'etait bon de passer l'apres-midi dans cette ambiance. Bon je n'ai pas fait que regarder ou ecouter. J'ai aussi beaucoup ecrit, sur Priscilla en particulier. Parce que c'est pas tout ca, mais j'ai un sacre retard sur le blog ! J'ai gribouille une trentaine de pages sur Priscilla, il faut maintenant que je trouve le temps de recopier tout ca. Je me suis posee dans l'herbe et j'ai ecrit, hier et aujourd'hui. Etrange association, Priscilla dans la tete, violon et bandjo dans les oreilles. De temps en temps de meilleures musiques que d'autres me sortaient de mes souvenirs et me faisaient redresser la tete ou m'approcher pour participer en tapant du pied en rythme. Ah si j'avais su danser comme eux, je crois bien que je les aurais rejoins sur la piste, tant c'est sympatoche cette ambiance conviviale et familiale.

Parfois j'ai un peu regrette de comprendre les paroles. Mais que c'est niais ! Attrape au vol :

 

Exermple numero 1

Une chanson pour toi, public : Sans toi je pourrais pas vivre  ce que je vis. Sans toi je n'serais pas la ou je suis. Tu es toujours la quand j't'ai besoin. Tu m'encourages d'aller plus loin...

(bon evidemment avec les tournures quebecoises, ou acadiennes, ou je ne sais pas d'ou, il ne faut pas s'arreter a la forme mais au fond...)

 

Exemple numero 2

Tout est clair en moi, car je m'apercois que l'amour est fragile /Il est difficile de conserver l'amour comme au premier jour /Cacher son chagrin, etre seule demain c'est difficile

 

Ouais ouais ouais... En fait c'est vraiment mieux quand je comprends pas les paroles. Mais bon n'empeche que j'adore ces airs de musique gais, dansants, et cette ambiance populaire. C'est un peu comme le rock chez nous. Un bon vieux ptit rock et hop, du plus jeune au plus vieux, tout le monde se retrouve sur la piste et semble au septieme ciel. On n'est pas la pour faire les beaux, mais juste pour s'amuser. J'aime les danses qui rassemblent tout le monde.

J'ai regarde les couples danser, et les personnes seules danser. Au Maroc, tout le monde danse en levant les bras en l'air et en remuant les hanches. Ici ce sont les jambes qui se delient et sautent devant, derriere, a gauche, a droite. Ils connaissent tous les pas par coeur. C'est drole de voir comme chaque culture a sa maniere bien particuliere de danser.

 

Bref, je reviendrai sur tout ca. Pour l'instant remettons-nous a Priscilla puisque j'ai trente pages de retard !...

En effet a ce moment-la, a Montreal, je suis en train de courrir apres le temps pour finir de raconter sur le blog mon sejour a Priscilla. Je suis encore tres nostalgique, et meme si tout ce que j ecris me semble un peu trop exhalte je tiens a me souvenir de tous les petits details qui ont compose cette experience intense. Nous echangeons des petits clins d oeil sur facebook, avec Hana, Siham et Driss. Au-dela de ces petits clins d oeil, je m inquiete de ne pas avoir trop de nouvelles un peu plus consistante de la part d Hana et mon inquietude finira par etre confirmee. Driss est parti pour des raisons personnelles, Samira s est blessee. Les filles ont fait appel a d autres volontaires pour les aider. Ca fonctionne, mais c est chaud. Plus tard encore j apprendrai que finalement la candidate que nous avions retenue pour le poste de responsable marketing, pour donner un vrai coup de pouce a l association, s est desistee quelques semaines avant la date de debut du contrat. Je suis decue pour Hana. Je me souviens encore de notre perplexite apres les differents entretiens passes sur skype avec les candidates ayant postule en temps et en heure. On allait faire un choix par defaut. Et puis, presque une semaine apres l echeance, la candidature de Nadia est arrivee, et Hana a su tout de suite que c etait elle. Moi il m a fallu l entretien skype pour comprendre que oui, c est clair, ces deux-la etaient faites pour bosser ensemble. Meme Siham, assise derriere pour jeter un oeil (Siham a un jugement tres sur, elle a besoin de voir les gens pour sentir a qui elle  a affaire. Du coup, meme sans rien dire, elle etait la pour voir et se faire son idee). Meme Siham a dit oui, sans hesitation. Bon. Je ne sais pas pourquoi finalement Nadia n est pas venue. Je suis decue pour Hana. Mais je suis rassuree aussi car je vois que les filles ont des ressources et que les projets avancent malgre tout.  

 

Je guette encore de temps en temps ma boite mail en esperant recevoir la reponse que j attends. Mais je me fais une raison. Mon esprit se tourne vers mon prochain job, a la pepiniere avec les bouddhistes ! Je suis contente d avoir trouve ce job, et me demande a quoi m attendre. On m a envoye un mail pour m expliquer les horaires. Une seule journee de repos par semaine. Petit dejeuner de 7h a 8h, travail de 8h a 12h, repos de 12h a 14h, dejeuner, travail de 14h a 19h, diner, Les repas sont pris tous ensemble.

Sur le moment, ca me va. Je ne realise pas que cela me laissera vraiment peu de temps pour moi. Je ne realise pas qu a 19h le soleil sera couche, et que mes seuls moments a moi seront le soir, a la nuit tombee. Bref, a ce moment-la je suis contente et je profite de ma semaine a Montreal avec la serenite que me donne la certitude d avoir un job loge - nourri dans la foulee.  Je vaismarcher sur le Mont Royal, et sur les iles, je bouquine sur les rives du Saint Laurent, je flane dans le centre ville... Je profite de la vie. 

Et puis la semaine se termine. Le 25 aout, je boucle mes affaires pour quitter Montreal le lendemain.  

Il ne me faudra qu une journee pour aller de Montreal a Saint Julienne, la ville ou se trouve la pepiniere, au coeur de la foret de Lanaudiere.

 

Je pars de bonne heure, car mon GPS affiche 78 kms de route a parcourir. Reveillee a 6h du matin, prete a partir a 7h30 apres un petit dej et un aller-retour en face pour aller chercher mon velo dans l'annexe de l'auberge de jeunesse.

La route passe par le parc olympique. J'ai donc revu les anneaux, la flamme et le stade avant de poursuivre vers le nord et de remonter l'avenue Pie X ou XI sur des kilometres, jusqu'au pont qui traverse le fleuve au nord ouest. Le ciel est magnifique au petit matin. Mais concentree sur la journee de velo qui m'attend, je ne m attarde pas. Musique dans les oreilles, je file ! En passant sur le pont je me retourne pour apercevoir encore une fois, loin la-bas, les gratte-ciels de Montreal.

Et puis je reprends ma route.

 

Plus je m eloigne de la banlieue de Montreal plus la nature m' enchante ! La campagne s'etend devant moi, bordee de foret. Le soleil tape fort mais joue parfois a cache-cache avec les nuages, et je retrouve des couleurs froides, des nuances de bleu argente tranchant sur du vert - foret qui ont evoquent mes souvenirs du Danemark. Ca sent bon la vache et le cheval ! Petit a petit le ciel se degage au-dessus de ma tete, les montagnes apparaissent loin dans le fond et j'admire tout l'apres-midi le bal des nuages dans le ciel. C'est tellement beau un nuage, tellement impressionnant, quand il n'y a aucun obstacle pour vous boucher partiellement la vue et reduire les perspectives. Je me regale ! J'ai bien cru que je n'echapperai pas a la pluie, mais non, au contraire j'ai chaud et je crame toute la journee.

 

 

 

 

Les petits villages traverses me semblent de plus en plus rustiques et ca me plait. Les toits argentes et pointus des eglises sont magnifiques. Et, tout comme aux Etats-Unis, l'espace me fascine. Chaque maison a son jardin immense, les clotures n'existent pas ou sont plus decoratives qu'autre chose. Les petits ponts au-dessus des rivieres, les fauteuils a bascules sur les perrons des maison, les champs de mais a perte de vue, les bordures en bois peintes en blanc, tout revet un charme pittoresque a mes yeux et je me rejouis d'aller poser bientot mes penates pour un mois dans une maison en pleine foret, sous ces nuages magnifiques.

 

Sur le GPS, les kilometres defilent bien plus vite que je ne le pensais. Je ralentis de plus en plus et prends mon temps. Je m octoire un detour par la ville de saint Esprit... qui n a rien d inoubliable. La plupart des villes s appellent saint quelque chose, ici ! 

Je m'accorde plusieurs pauses lecture sur la route et un arret dans un grand supermarche pour acheter des cookies au chocolat.Je passe le centre-ville de Sainte Julienne et me decide a envoyer un texto annoncant que je suis tout pres.

On me repond que ca ne pose aucun souci si j'arrive pendant les heures de travail, donc je remonte en selle et trouve un peu plus loin le "rang 4" - nom de la route qui quitte la departementale et que je dois emprunter. Le rang 4 descend en toboggan a plusieurs niveaux, puis remonte par palier. J'entre un peu plus dans la foret. Sur la droite, apres la montee, un virage puis un panneau : chemin Aquilon. Le chemin quitte l'asphalte et devient gravier melange au sable.

 

Un chien m'accueille a mon entree au numero 2999, puis j'apercois Mars, en pull rouge et casquette bleue, portant je ne sais plus quel fagot sur une epaule. L'oeil percant mais le sourire bienveillant, Mars se presente et me montre ou je peux laisser mon velo. Au passage, il me montre du doigt un home chauve et rondouillard en salopette, assis au soleil sur une chaise. Je crois comprendre le prenom "John", mais comme Mars n insiste pas je me dis qu on verra plus tard. En fait il s agit du moine de la communaute, Ajan. J ai lance un bonjour auquel il a a peine repondu. Des le depart, et sans avoir que ce type est le moine, j aurais beaucoup de mal avec ce gars qui ne sait pas ouvrir la bouche clairement pour dire bonjour...

 

Dans la cour dans laquelle je viens d'entrer, au moins 4 voitures stationnent dont au moins 2 ou 3 en etat de marche. Un premier corps de batiment, en gros rondins de bois, se dresse sur ma gauche, et une grande maison aux murs blancs me fait face, a moitie cachee par les amoncelements de materiaux divers et varies qui occupent toute la cour.

Je suis arrivee au moment de la pause - enfin du break, comme ils disent ici. Mars m accompagne dans la grande maison blanche dont les grandes plaques d isolation ne sont pas recouvertes et donnent donc l aspect d une maison en cours de construction. Nous grimpons les marches de l escalier de bois qui conduit a la cuisine. Par toutes les portes sur mon passage, j entrevois de grandes pieces tres encombrees. On stocke et on transforme beaucoup, ici. Il y a tant a faire que beaucoup de chantiers sont commences sans etre forcement finis au moment prevu. Les finitions de la maison ne sont pas prioritaires.

Dans la cuisine je fais la connaissance de Sarah et Charlotte. Ce sont deux volontaires, mais elles sont arrivees il y a quelques mois deja et j apprendrai deux jours plus tard qu elles etaient egalement des stagiaires (en formation, donc, pour en apprendre un peu plus sur le bouddhisme). L une des deux, je ne sais plus si c est Sarah ou Charlotte, est chargee de cuisiner pour tout le monde. Elle est donc aux fourneaux a ce moment-la et finit d installer le the, les fruits, les verres d eau.

Petit a petit, les autres arrivent. Personne ne se presente veritablement a part Sarah et Charlotte, Je dis donc bonjour a Elisabeth, Nathalie et Eric, sans savoir qui ils sont. 

 

La pause passe assez vite. Chacun retourne a son boulot. Sarah, sympa comme tout, m incite a m installer puis a la rejoindre avec Charlotte a la cave - c est a dire le local sous la maison en rondins de bois. Ce que je fais.

J apercois sur un tableau veleda dans la cuisine ce qui ressemble a des bribes d enseignement. Je saurai plus tard que Sarah et Charlotte font partie de ces volontaires qui ont aussi voulu suivre un enseignement sur le bouddhisme. La plupart du temps les cours ont lieu dans la maison en rondins de bois. Mais parfois, Ajan donne une lecon dans la cuisine. 

Cela ne se produira jamais pendant mon temps de presence a Sainte Julienne. Ou une seule fois. Mais sans usage du tableau. Et je n etais pas concernee par la lecon mais le moine a daigne s adresser a ses ouailles en ma presence. 

 

Bref, ce jour-la je decouvre que la cuisine peut etre un lieu d enseignement. Dans les toilettes, un miroir sur lequel quelqu un a ecrit :

"your body is not yours,

is not you,

is not yourself".

 

Ok. Bon. Je ne sais pas ce qu il se passe, mais des le debut j ai percu une reticence en moi. Il y a un truc lourd dans l atmosphere. Je ne sais pas encore quoi, mais mes warnings se mettent en marche.  

Sarah m annonce que l utilisation d internet sera des plus reduites. Le wifi ne passe pas, et tout le monde a besoin de l ordinateur en meme temps le soir... Ok je vois. Je sens que le blog va prendre un retard monstrueux. 

En fait, apres le depart de Sarah et Charlotte (donc le surlendemain de mon arrivee...), j aurais acces a l ordi plus souvent que je ne le prevoyais  d apres les dires de Sarah. 

 

Bon. Apres avoir depose mes sacs dans la chambre qui m a ete attribuee (une petite chambre a cote de la cuisine), je rejoins les filles dans la cave. Ca sent la compote a plein nez. D ailleurs c est ce que je vais devoir faire avec les filles. On me passe un couteau et des pommes et me voila deja en train de bosser a peine arrivee ! Cool. Apres tout c est la meilleure maniere d etre plongee dans le bain. Et puis on en profite pour discuter. 

 

D apres ce qu on me dit, nous sommes neuf en ce moment. Il y a Ajan, le moine iranien. Eric et Veronique. Je croyais qu ils etaient maries mais non, pas de sexe ni de sentiment, ici. Ils sont membres de la communaute, c est tout. Eric est a l origine de ce projet. Veronique a rejoint le projet en cours de route. Puis sont arrives les trois derniers, d abord Mars, 30 ans, puis Elisabeth (20 ou 22 ans) et Nathalie (20 ans),. Nathalie est suisse. Arrivee en tant que workaway, elle a visiblement trouve sa voie et souhaite vivre ici dorenavant. Elle est devenue membre a part entiere de la communaute. Tout comme Mars et Elisabeth, arrives avant elle, par relation ou par besoin de couper avec un quotidien trop empetre dans diverses addictions, et qui ont visiblement trouve eux aussi une vie plus satisfaisante et plus sereine pour eux. 

Bon, les filles ne me disent pas ca tout de suite. Je le comprendrai avec le temps. Pour l instant, sarah et Charlotte me parlent surtout de leur parcours a elles. 

Tout en papotant, je coupe les pommes. La plupart sont pourries. Les filles m expliquent un truc super important : ici on ne tue pas les animaux, pas plus que les insectes. Donc pour couper les pommes il y a un coup de main a prendre pour ouvrir la pomme et controler s il y a des vers a l interieur. Bon, si on en coupe un par inadvertance c est pas grave, l important est de n avoir pas eu l intention de tuer.... Les pommes comportant des vers sont mises de cote, elles seront balancees dans la nature. Les autres finissent dans la grande marmite. 

 

La communaute fait en sorte d etre la plus autonome possible. Elle doit donc produire tout ce qu il lui faut pour vivre. Ce jour-la, personne n aura l idee de me faire faire le tour du proprietaire. Pas plus que les jours suivants, d ailleurs. J aurais donc l occasion de decouvrir un peu plus chaque jour comment s organise cette communaute et quelles sont ses activites et ressources. 

 

Le reste de l apres-midi passe vite en papotage. Les filles me demandent pourquoi je suis la. Chaque fois qu on me posera la question ici, j aurais l impression de passer un entretien ! D ailleurs a la fin du mois passe a sainte Julienne, je decouvrirai que jusqu a mon arrivee les volontaires workaway etaient selectionnes apres un entretien sur skype ! Je crois rever.... En fait, en arrivant a la pepiniere, je ne me doute pas une seconde de ce en quoi consiste la vie ici. Je vais l apprendre un peu plus chaque jour. Et ca va beaucoup me perturber... Je sens pourtant quelque chose des mon arrivee. Comme un truc qui m interpelle. Je sens qu un truc cloche mais je ne mets pas de mot dessus. Il n y aura pas d osmose, ici... Pire, il y aura pour la premiere fois de mon voyage, fermeture dans ma bulle...

Alors que nous surveillons les pommes dans la marmite en discutant, un cri s eleve dehors : Mangeeeerrrrrr ! Sarah m explique : c est l heure du diner. Ah ok.... En effet, quand le repas est sur le point d etre pret, la cuisiniere ouvre la fenetre de la cuisine et tente de pousser sa voix jusqu au fin fond de la propriete pour que tout le monde l entende. Meme si, par ailleurs, tous les membres de la communaute (sauf les volontaires, donc) ont des talkie walkie. 

 

Autour du diner, je fais la connaissance de Veronique. Est-ce son physique particulier ? (elle est petite et legerement trapue) Son regard particulier ? A peine mes yeux se posent sur elle, je sais qu on ne sera pas copines. Il se degage un truc froid de cete femme jeune mais tellement distante... Je me demande meme, a cet instant, dans quoi j ai mis les pieds. Le moine est deja assis en tailleur sur sa chaise et lance ses ordres en anglais : Bread... (et la cuisiniere, Charlotte, lui decoupe du pain).... Butter... (et Charlotte lui tend le beurre).... Salt (et Charlotte laisse tomber ce qu elle etait en train de faire et va chercher le sel). 

Oulala.... ca, ca va pas me plaire.... Qu est-ce que c est que ce bonhomme qui se fait servir et ne daigne ni bouger son cul ni dire merci ni s il te plait ?... En plus, je note qu il n a pas un regard ni une parole a mon attention. Sympa, l accueil. L impression negative que me fait ce bonhomme des le premier jour ne changera pas au cours de mon sejour. J aurai beau me remettre en question, non vraiment je n y arriverai pas, avec lui. 

 

Mais bref. Ce premier soir, je tente de discuter un peu avec Veronique malgre la froideur qu elle m inspire, et avec les autres, mais je rame un peu. Mes blagounettes tombent dans le vide, et leurs sujets de conversation a eux ne tournent qu autour de leur travail quotidien. Et puis on m interroge. Pourquoi j ai voulu venir ici ? En quoi suis-je interessee par l autosuffisance ? Ces questions me heurtent. Attendez les gars, vous savez ce que  c est, workaway ? Des gens qui voyagent et qui cherchent des petits boulots pour vivre avec les gens, se sentir utiles, apprendre des choses, .. On n est pas toujours des experts - rarement, d ailleurs. Mais souvenez-vous, dans mon mail de proposition je vous ai prevenus que je ne connais pas grand chose a la nature, donc c est quoi cet entretien d embauche, la ?? Ils me stressent. Evidemment je ne leur dis pas ce que je pense, mais je ne cache pas que je suis la en raison de mon interet modere (non, je n ai pas l intention de vivre en autosuffisance), pour un temps donne. Et je ne mentionne absoluent pas le bouddhisme. Enfin si, je precise que je suis interesse par la spiritualite et que l alliance autosuffisance - bouddhisme a suscite ma curiosite. Mais j ai l impression d avoir en face de moi des gens tellement a fond dans leur truc que je me sens tres vite... pas a ma place. Je me sens jugee, attendue au tournant...

Tout s est fige ce premier soir. Il ne m a pas fallu plus de temps pour me faire une idee et adopter un comportement en consequence. Ils m ont tellement la ir dans leur monde que je reagis par une attitude distante : attendez les gars, je suis la pour faire ce qu on me dit donc pas de probleme, j executerai les taches que vous me confierez, mais moi vous m aurez pas avec vos convictions douteuses, la. Vu ? 

 

Pendant le repas, j observe un truc etrange. Alors que je felicite Charlotte pour l excellent repas (et le fait est que je mangerai tous les jours super bien la-bas !), je remarque que personen d autre ne fait de compliments. Au contraire, j entends plutot des commentaires dits sur un ton monocorde : ca manque de sel. Tu n as pas fait cuire assez longtemps les carottes. Il aurait fallu plus de safran. Lors des premiers repas, j ouvre de grands yeux horrifies. Mais quelle bande de goujats ! (ce sont surtout les hommes qui font les remarques). Il me faudra trois - quatre jours pour comprendre. Je vois, je vois. Alors ici je devine qu on ne dit pas merci parce qu on n est pas cense faire les choses dans l attente d un merci ou d une reconnaissance. ok.... Et puis meme principe pour la cuisine. Dire a quelqu un : c est tres bon, ca ne sert a rien. Chercher comment on aurait pu faire encore plus savoureux, voila qui est plus utile... D accord j ai compris. Mars me confirmera plus tard que j ai bien pige les messages caches... Ce qui ne m enpechera pas de penser que tout de meme un s il te plait et un merci ne sont pas toujours inutile, malgre tout ! Mais mes griefs sont d autant plus ancres que j aurai beaucoup de mal a supporter que seules les filles fassent la cuisine (dieu merci on ne me demandera pas de toucher un ustensile !), debarrassent et fassent la vaisselle et le service. Ca, j avoue, ca ne passe pas et ca ne passera jamais. Mais bon, j anticipe, revenons a ce premier jour..

 

Alors que nous continuons a faire connaissance, j entends parler de "corvee" et de film, ce soir. Si les volontaires ne sont pas concernes par ces temps de travail supplementaires, les membres de la communaute, eux, poursuivre le boulot apres le diner avec ce qu ils appellent des "corvees". Chaque jour ils determinent ce qui est le plus urgent, et tous ensemble ils s y collent en discutant. En journee, chacun a ses missions. Le soir, les corvees reunissent tout le monde. La plupart du temps.

Ce soir-la, apres que les filles aient debarrasse la table et que j aie fait la vaisselle (on ne m a bien sur pas dit merci), Ajan s eclipse et tout le monde s asseoit autour de la table. Nous voila avec des pommes pourries a couper. On est tres en retard dans la preparation des compotes, alors il faut continuer ce soir. Normalement je ne suis pas concernee mais on m installe quand meme un tas de pommes pourries et un couteau devant ma chaise. Ok. Mars va chercher un ordinateur portable et cale une emission dont je n ai jamais entendu parler. Ils en ont discute pendant le diner, en fait, mais je pensais qu ils plaisantaient....

Mais non, ils ne plaisantaient pas. Mille manieres de mourir - c est le titre, si je me souviens bien, de cette emission americaine. Et je decouvre alors l emission la plus nulle, la plus debile que j aie jamais vue ! Mais vraiment.... La production s inspire de faits reels, et reconstituent sous forme de petites histoires jouees par des acteurs, des scenes qui ont conduit a la mort stupide de quelqu un. Une voix off presentent les personnages, et des temoins commentent. Je suis sideree par la connerie de ce truc sans nom. Je me demande si je suis en train de rever. Mais c est quoi, ces soi-disant bouddhistes qui se marrent devant des details grossiers ou commentent des situations sans queue ni tete et qui ne meritent pas qu on se creuse la cervelle deux secondes a ce propos.... Je ne sais pas ce qui me sidere le plus, en fait. L emission elle-meme, ou l attention de mes camarades pour ce torchon televise. Elisabeth essaie de me faire participer : tu te rends compte, il a dit ci ou il a pense ca - me dit elle -  c est fou, non ?" La pauvre, je reponds du tac au tac : c est completement ridicule, et puis comment peuvent-ils savoir ce que ce type a pense quand il est mort seul coince dans ce trou d aeration ? C est d une debilite accablante ! 

Bon, je peux dire ce que je veux, ils sont a fond. Face a mes yeux interrogateurs, ils m expliquent qu ils regardent cette emission dans un but pedagogique. C est pour se rappeler qu on peut mourrir a tout moment et de la plus stupide des facons. 

Et ils m ont dit ca serieusement..... Sans deconner.... Je suis atterree. Mais ce soir-la, je ne sais pas encore si je dois etre atteree ou si c est pas si grave que ca... Je suis encore en train de me demander ou je suis.. 

Une fois la corvee finie, je ne resterai pas voir la fin de l emission. Je me retire dans ma chambre pour bouquiner et m endormir tot. Je dors d ailleurs comme un bebe dans cette chambre suffisamment chaude, et dont la fenetre donne sur le feuillage des arbres qui entourent la maison.

 

Encore une chose qui me posera question des les premiers jours... Tres vite je me rends compte que je me sens oppressee ici. Le premier jour en est le symptome. Arrivee dans un endroit superbe et sauvage, au coeur de la foret, je passerai l apres-midi dans une cave et le soir dans la cuisine fermee d une maison completement entouree par les arbres. La cuisine est d ailleurs la seule piece ou l on se rejoint. L escalier ne mene que la, et aux chambres dans lesquelles ne vont que les locataires de ces chambres. Pas d autre piece commune... Il ya bien un genre de terrasse devant la cuisine, mais les arbres qui entourent la maison condamnent la vue. Impossible de profiter des couleurs du coucher du soleil ou de son lever, impossible de s asseor sur la terrasse et de contempler l etendue du verger, du potager, qui seraient pourtant bien jolis a regarder. C est a se demander comment j ai pu apercevoir, par inadvertance, un renard, un jour que nous etions en pause the le matin. Eux aiment ce confinement, Moi ca me deprime. Comment peut-on vivre dans un endroit si joli et ne jamais lever les yeux pour jouir de la beaute de ce decor ? Comment peut-on vivre sans jamais admirer le ciel au-dessus de sa tete ou laisser son regard errer loin sans obstacle par dessus les arbres et les collines ? Pour moi, c est totalement incomprehensible. 

Ce detail peut-etre insignifiant deviendra rapidement pour moi un autre symbole de ce qui me sautera aux yeuxau fil des jours : l impression que cette communaute semble tres paisible et heureuse de son quotidien, mais vit recluse entre les limites de cette propriete. Coupee du monde exterieure. 

 

En choisissant d aller vivre dans cette communaute, j ai egalement choisi de suivre leurs regles. Parmi celles-ci, figure l arret de la cigarette. Pas de drogue, quelle qu elle soit, dans cette propriete. Naivement, je me suis dit que ce serait peut-etre l occasion d arreter de fumer. Et le fait est que les premiers jours, il m est tres facile d observer cette regle. 

Je me suis beaucoup interrogee par la suite sur les effets de cet arret sur ma nervosite grimpante au fil des jours. Je ne pense pas que l arret seul de la cigarette explique ma tension nerveuse.Mais combine avec la sensation d etre confinee dans un endroit retire du monde, ou la seule chose digne d interet est visiblement l activite quotidienne dictee par les necessites de subsistance, ajoute a l impossibilite de trouver un echappatoire puisque j ai tres peu de temps pour aller me promener et qu il n y a strictement rien a part la foret autour de nous, tout ca va progressivement -assez vite, je dois dire - faire grandir une tension en moi. Une nervosite qui me met a cran et me rend beaucoup de choses insupportables. Sans m en rendre compte au debut, je me ferme comme jamais encore pendant ce voyage.    

Mon premier jour demarre par le petit dejeuner commun a 7h. Je sors de la chambre et vais prendre une douche. Charlotte est a pieds d oeuvre pour preparer le petit dej. A 7h, je suis la seule dans la cuisine. Les autres arrivent progressivement. Je me regale de pain grille au beurre de cacahuete. Le moine ne m adresse toujours pas la parole et je suis deja butee avec lui, je l ignore moi aussi. J apprends que Mars est en charge des volontaires. Je vais donc bosser sous ses ordres aujourd hui. Je discute pas mal avec Sarah et Charlotte, peu avec les autres qui sont deja branches sur leurs priorites de la journee. J ai du mal a trouver des sujets de conversation  avec eux car leur focalisation sur leur vie quotidienne me pese deja. Qu est-ce qu on va bien avoir a se dire, pendant un mois ? Je veux bien parler de graines, de legumes et de diversites des pommes mais pas a longueur de journee. Et puis tres rapidement, un tic de langage va me rebuter et m irriter au plus haut point. Il me faudra du temps pour arreter de m agacer avec ca, mais la premiere semaine je m irrite systematiquement de ce tic. A tout bout de champs, en maniere de ponctuation a tout ce qu on peut dire (que ce soit passionnant, triste, illarant, explicatif, insignifiant, etc...), tous laissent echapper des OK totalement atones, derriere lesquels on ne sait pas comment rebondir. Un ok qui prend acte, et qui a tendance a plomber la conversation. Pas de oui, non, ah bon, mais encore, ah tiens, je vois... non. OK. Juste un OK sans vie. Et qu est-ce qu on ajoute apres ca ? Bah moi, rien. Impossible de savoir ce que pense la personne qui vous repond ok de cette facon. Et ca m enerve !! Tres vite je mets un point d honneur a ne surtout pas utiliser cete ponctuation. J utilise toute la palette des affirmations, negations et questions pour rebondir. Je bannis le ok de mon langage et j espere secretement qu ils s en rendront compte et se souviendront qu on peut se servir d un vocabulaire un peu plus riche...

 

Mars m affecte a nouveau aux compotes ce matin, puisque ca urge. Je continue a faire un peu plus connaissance avec Sarah. Celle-ci me montre d abord comment elle s y prend pour s occuper des poules (c est "sa job quotidienne", comme ils disent ici). Puis nous allons nous enfermer dans le sous-sol de la cave. Et voila, je ne verrai pas le soleil de la matinee. Dommage, il fait beau...

Sarah m apprend qu elle va partir avec Charlotte apres-demain. Elles ont trouve un autre job de volontaire dans le sud du Quebec. Ah bon. Mince, les deux seules personnes qvec qui j ai l impression de discuter normalement ! Sarah est la seule qui prend le temps de m expliquer comment fonctionne la maison et la communaute. Combien de fois par la suite entendrais-je : ah on ne t a pas montre le potager ? Ah on ne t a pas fait une visite de la propriete ? On ne t a pas montre ci ou ca ? - ben non.... 

Bon, je suis decue  d apprendre le prochain depart des filles. Et puis ca n avait pas l air d etre decide hier, c est curieux. 

Je coupe les pommes et les poires et les verse dans la grosse marmite. Sarah m explique les prochaines etapes, pour cet apres-midi. Je m amuse : si mes parents et mes amis me voyaient en train de faire de la compote ! Voila encore une experience inedite pour moi. A 10h, Charlotte annonce le break par l intermediaire du talkie walkie. Nous remontons a la cuisine. A nouveau les tranches de pain et le beurre de cacahuete sont mis a disposition, mais Mars apporte aussi un plein pot de prunes, dont beaucoup sont pourries. A chaque pause nous aurons des fruits a manger et a gouter, et souvent a decrire. Sur la tablette recemment achetee, Eric cree un nouveau dossier, prend le fruit en photo et note les commentaires que nous faisons pour decrire le gout, la texture, la couleur, le croquant, l acidite du fruit. 

Je n aime pas les prunes. Je ne mange jamais de prunes car j ai les dents sensibles a l acidite. Mais je mange poliment ce qu on me donne. Du coup je mangerai a sainte Julienne plus de prunes que dans ma vie entiere ! Je finis par apprecier, d ailleurs. 

La pause se termine, Mars me recupere pour faire du desherbage au milieu des pruniers. J abandonne donc Sarah et suit Mars. Et pendant que nous desherbons ensemble, j ai l impression de subir un interrogatoire en regle. Et qu est-ce que je faisais dans la vie avant de partir ? Et qu est-ce que j aime dans le fait de vivre en ville ? Et qu est-ce que j ai comme loisirs pour tuer le temps (sous entendu : les loisirs c est bon pour les gens qui s ennuient et ne savent pas quoi faire d eux). Et est-ce que je suis une fetarde ? Est-ce que j ai quelqu un dans la vie ? Quel est son prenom ? (qu est-ce que ca peut te faire ?...Ah tu veux vraiment tout savoir, et bien allons-y !

C est tres curieux ce moment ensemble. Finalement tout ca aurait pu se derouler sous le mode d une conversation tranquille pour faire connaissance. Et pour Mars c etait sans doute ca. Mais moi je trouve cette entree en matiere un peu directe et indiscrete, d une part, et puis surtout je sens des jugements. Je les sens dans les silences, dans les ok, dans les questions ou les commentaires orientes. Oh que ca m agace... Mais Mars se confie egalement. Et de maniere tres personnelle aussi. Du coup je me forge de Mars l idee d un jeune gars qui, apres avoir vecu une vie un peu marginale et avoir ete addict - comme il dit - aux drogues, a l alcool et au sexe, a trouve ici un refuge et considere desormais que tout ce qui ne correspond pas a sa vie actuelle en nature est totalement denue d interet. Mais alors totalement ! Et moi j ai du mal a trouver des sujets de conversation avec quelqu un qui ne sort pas de sa passion pour les arbres et les legumes.  

Nous dejeunons a midi et demi, et une fois de plus je trouve le repas excellent. Ce qui sera le cas tout au long du mois passe en leur compagnie. Je prendrai meme quelques kilos car non seulement c est excellent (et tres sain) mais en plus on me sert des portions qui pourraient en nourrir deux comme moi. Au debut je mange tout poliment, puis je demanderai de plus petites portions car c est vraiment du gavage d oie. Mais au Canada et aux Etats-Unis ce n est pas surprenant de voir des portions aussi enormes. 

 

Apres le dejeuner, je me precipite a la cave ou se trouve l ordinateur. C est que je dois profiter de mon sejour ici pour resoudre mon probleme de carte bancaire. Je vis toujours sur la reserve d argent que j avais mise de cote sur un deuxieme compte, en cas d urgence. Depuis mon probleme de retrait frauduleux au Maroc, je n ai pas recupere de carte bancaire pour mon compte principal a la Banque Postale. Veronique m a appris une bonne nouvelle : elle dispose d un code pour appeler l etranger a moindre frais. Cela me sera extremement utile car je passerai pas moins de 7 appels a ma banque pour trouver une solution. Il me faudra le mois entier a sainte Julienne pour resoudre l affaire. 

Pour l heure, je me connecte et envoie a ma banque l adresse de l endroit ou je vis, pour qu ils m envoient ma carte le plus vite possible. 

 

14h arrive vite, et je constate que la pause du midi, une fois qu on enleve le temps du dejeuner et de la vaisselle que je ferai systematiquement histoire de donner un coup de main, passe estremement vite. A peine le temps de prendre un bouquin pour lire vingt minutes.... Voila qui ajoute a mon stress grandissant. 

Il n y a pas que les pauses qui passent vite. Les journees de travail aussi. En meme temps, avec ces pauses, on mange toutes les deux heures ! Nous avons une pause a 10h et une pause a 16h. J ai l impression qu on ne fait que manger. L apres-midi, nous lavons les pots dans lesquels nous conserverons les compotes. Et ´puis Mars reviendra me chercher pour que je l aide a recolter les prunes tombees par terre. Il y a plusieurs pruniers dissemines un peu partout. Mars a dispose des baches en plastique sous certains, pour faciliter la recolte. Alors que nous recoltons les fruits, Mars m explique un grand nombre de choses sur les fruits et les arbres. Je ne l avais pas bien saisi, mais ici nous sommes consideres comme des stagiaires. Nous sommes la pour apprendre et je constaterai que chaque membre de la communaute semble investi de la mission d enseigner. Des qu on fait quelque chose, on a droit qux explications qui font avec. Avec Mars j aurais un peu de mal au debut, car il procede par questions. Pourquoi ci, a ton avis ? Pourquoi ca ? Ca a le don de m agacer, je me sens a l ecole et j ai envie de lui dire d en venir au fait.... 

 

 

La tombee de la nuit me prend au depourvu ce jour-la. Je realise que je n ai pas leve les yeux du boulot de toute la journee. Je n ai toujours pas ete me balader dans la propriete, je n ai pas contempler le paysage, je n ai vu que des prunes, des pommes et des poires et des gens confines dans une cave ou une cuisine etroites. Ca ne va pas. Je fais la vaisselle vite apres le diner, et alors que mes camarades se lancent dans une corvee je disparais pour tenter d aller faire un tour dans le noir, dehors. Mais j ai la trouille, on n y voit pas grand chose, alors je reviens vers la cave et trouve l ordinateur occupe. Je remonte donc lire dans ma chambre en realisant que si je ne trouve pas d echappatoire ca ne va pas le faire...

 

 

Le lendemain je continue avec la compote. Les filles et Mars en sortent des caisses et des caisses, ca n en finit pas. Avant le petit dej, j ai ete consulte mes mails pour voir si la banque postale a bien note ma demande d expedition de carte bancaire. Leur reponse me sidere. Ma carte m a deja ete envoyee.... Mais ou ??? Bandes de cretins !! Je prendrai le temps d appeler apres le dejeuner.

Sarah m annonce que finalement elle et Charlotte partent cet apres-midi, par le bus de 15h qu elles vont attraper au Depanneur (boutique correspondant a nos epiceries) qui se trouve a un kilometre a pied, au croisement avec la departementale. Allons bon. Je sens que je vais me sentir bien seule a leur depart... Je ne le sais pas encore mais ce depart precipite va beaucoup perturbe la communaute. 

 

Ce jour-la, apres le dejeuner je file a la cave, me connecte a mon compte bancaire et appelle la Banque Postale. A l issue de ce coup de fil, je vais sur le blog et j ecris ca : 

Bon je reviendrai donc probablement ce soir sur ce clavier. SI ce n'est pas ce soir, ce sera tous les jours apres le dejeuner, car nous avons une heure de temps libre apres le dejeuner pris tous ensemble vers 12h, 12h30. Pour l'instant, je vais retourner a mon epluchage de pommes et de poires, en vue de la preparation des compotes a conserver pour cet hiver. Je n'aurai pas eu beaucoup de temps pour ecrire ce midi, toute occupee que j'etais a me facher encore avec La Banque Postale - la pire banque du monde, je pense - qui ne se decide toujours pas a m'expedier ma nouvelle carte bancaire la ou je suis en ce moment. J'ai un contact infiltre, maintenant. Grace a lui j'avais pu savoir que ma carte n'avait pas ete envoyee a Marrakech mais a Maisons-Alfort, au mois de juillet. Aujourd'hui, alors que je demande que la carte me soit adressee au Quebec et que je prends mon "infiltre" a temoin des reponses absurdes et des dysfonctionnements dont je suis victime, mon "infiltre" compatit et m'informe que ma carte a ete envoyee au Maroc apres que j'en sois partie.... Si ca ne me posait pas de gros soucis, je pense que j'aurais envie de me bidonner de rire. 

En fait non, je suis furax. Et je decouvre qu'il y a un petit cote frustrant a etre furax dans une communaute bouddhiste, parce que personne ne rencherira sur votre colere. Ils ont des petits sourires indifferents, voire meme ironiques - oui je le sens, ils me prennent en pitie : ah, pauvre ame en perdition, tu te laisses gagner par la colere...

 

Allez, Mars arrive (il s appelle comme ca), je retourne a mes pommes et mes poires !

 

 

Mars, c'est le diminutif de Marcel, ou bien ... ca vient d'ou ? (j'ai voulu savoir, hier apres-midi) - Non, ca vient de mon pere qui a eu l'idee de mappeler comme ca. - Ah d'accord.

Et je me concentre bien pour dire d'accord, et pas ok. Surtout pas OK. Je vais finir par m'y faire, mais pour l'instant j'ai encore un peu de mal avec ce ok atone, qui sort de toutes les bouches a tout bout de champs.

J ai ecrit ca le 29 aout, sot trois jours apres mon arrivee. Et on sent deja qu ils m agacent, tous...

 

En debut d apres-midi, je vois passer Charlotte et Sarah, sac au dos, qui me font coucou de la main et s en vont alors que je desherbe avec Mars. Mars prend son talkie walkie et appelle Eric. Il lui demande si les filles sont passees lui dire au revoir. Non - repond Eric. Ok. Je comprends qu il y a un malaise. Mars n en dit pas trop mais me fait comprendre que ce depart n etait pas prevu et que ce cote precipite les interpellent tous...

Moi ca me pose question egalement, forcement...

 

 

Au milieu de ces questions et de ce stress qui monte, qui monte, deux bonnes nouvelles me permettent de temporiser mes agacements. D abord, demain c est dimanche et le dimanche c est notre jour de repos. J ai bien l intention de prendre mon velo et de sortir de cette propriete pour aller faire un tour et me sentir libre. 

Le dimanche 30 aout, voici donc ce que j ecris : 

 

Le dimanche est notre jour de repos hebdomadaire. Je pouvais me lever plus tard ce matin, mais a 6h30 j'etais debout. Ma journee de liberte ! J'en avais besoin, impossible de la laisser filer, il fallait que j'en profite le plus possible. 

Je parle de liberte. J'entends encore April me souffler a l'oreille : prison doree... Non, tout va bien. Mais il faut tout de meme que je m'adapte, et il y a plusieurs facteurs qui me poussaient a vouloir m'echapper ce matin.

Ici, tout est regle a l heure pres, le temps est compte, et nous vivons tous sur le meme rythme, ou presque (le soir je suis un peu plus libre de mon temps, en tout cas pas obligee de travailler apres diner si je n'en ai pas envie). Ensuite, en faisant le choix de venir ici, j'ai accepte de ne pas fumer pendant la duree de ma presence. Cet engagement s'avere plus facile a respecter que je ne l'aurais pense. Pendant le ramadan a Marrakech, je n'ai pas tenu, alors qu'il s'agissait de ne pas fumer pendant la journee. En meme temps, personne ne m'imposait de faire le ramadan, j'etais libre de suivre les memes regles que les autres... ou de ne pas les suivre. Ici, pas le choix. Et impossible de fumer en cachette. Alors je ne fume pas. Mais j'ai envie de fumer.

 

Ensuite, la communaute c'est bien beau, mais j'ai besoin de me sentir libre de sortir de la propriete comme je le veux, libre d'aller me changer les idees loin des autres. Je comprends et vois qu'eux sont a fond et n'ont pas la moindre envie (ou besoin) de sortir pendant leur journee off, moi je viens d'arriver et je veux aller me promener, ecouter de la musique, prendre un cafe au Mac Do pour me connecter a Internet, me poser pour lire la ou personne ne me derangera et ou je n'aurai pas a faire la conversation avec qui que ce soit. Bref, je veux me sentir libre. 

Enfin, on mange super sainement evidemment, et tres copieusement, mais moi je suis autant dependante au chocolat qu'a la nicotine donc j'attendais avec impatience cette journee libre pour aller m'acheter du chocolat et me faire une reserve de cookies et de M&M's ! 

 

Pour toutes ces raisons, j'etais pleine d'energie et levee tot ce matin !

 

 

Cette fois j'etais la premiere debout, Du moins dans la cuisine. Car lorsque je petit - dejeunerai avac Ajan - le moine iranien enseignant, - et ferai ce commentaire : everybody is sleeping late on sunday (je disais ca pour faire la conversation), il me repondra sans quitter son bol des yeux que non, chacun est simplement occupe a des projets personnels. Mars est en meditation - precisera-t-il. Ah, ok....

Bref, je suis debout tot. Nathalie ne tarde cependant pas a entrer dans la cuisine. Et peu de temps apres elle, Ajan, qui comme d'habitude commence par chasser les mouches et les moustiques en balayant le plafond - parfois en grimpant sur une chaise -  avec son filet attrape - insectes volants. 

Nathalie s'occupe du petit dejeuner d'Ajan. J'engloutis comme d'habitude des tranches de pain avec du beurre de cacahuete et des fruits. 

Je me suis habillee comme les jours de "boulot". Avant de partir je veux m'acquitter de "ma job" du matin, celle que m'a confiee Mars. Apres le petit dej je file dans la serre et j'arrose les epinards et les salades. J'ouvre la serre puis j'arrose aussi les deux lignes de salades plantees par Elisabeth a cote de la serre. Quand j'ai fini, je remonte me changer. Eric et Elisabeth sont leves et dejeunent en discutant. Je me change, et attrape mon sac a dos rouge deja pret, avec l'appareil photo et ma liseuse. 

Eric et Elisabeth me conseillent d'aller faire un tour aux chutes Dorwin, a l'entree du village de Rawson. Je salue la compagnie et file, toute guillerette, sur mon velo. 

 

A peine ai-je franchi la limite de la propriete que je me sens legere et joyeuse ! C'est bien ca, j'avais juste besoin de voir et eprouver que je peux m'echapper si j'en ai envie - enfin dans les moments prevus pour. Et j'ai en perspective un week-end avec Mattew, Bill, JIm et leurs amis, dans moins d'une semaine. Tout va bien, la vie est belle ! C'est bon de rouler sur ces chemiins forestiers, de voir d'autres maisons et de prendre conscience de la presence d'autres gens tout pres d'ici. En arrivant a Rawson, 6 kms plus loin, je suis bien contente de me poser au Mac Do pour boire un cafe, fumer une cigarette et consulter mes mails ! Rawson n'a rien d'extraordinaire, mais on y trouve plein de magasins (et je sais pas pourquoi, mais ca a un effet rassurant pour moi de m'en apercevoir), et un grand parc comprenant chutes et lac. 

La deuxieme bonne nouvelle, c est que le week-end prochain Jim et Mat viennent me chercher pour le fameux week-end auquel ils m ont invites ! Cette echeance me permet de me fixer un objectif. Je suis trop contente de voir mes amis et de passer un week-end avec eux. Et puis ca me fixe un delai, je me dis que d ici la j aurai vecu 15 jours avec les fous, et il sera temps de voir si mon stress retombe ou si ca ne va pas. Je serais alors libre de partir, si je le souhaite. Je suis libre de partir a tout moment, et j y pense deja, mais je veux prendre le temps de la reflexion. Je suis tellement surprise de me sentir si nerveuse fermee que je ne veux pas prendre de decision precipitee, je veux questionner un peu mon ressenti. 

Et puis c a m arrange d avoir une adresse fixe quelque temps, pour recevor ma carte bancaire... Il va falloir tenir, donc. 

Je vais me poser pres des chutes, pour lire au son de l'eau qui n'en finit pas de tomber aux pieds des cascades. Je suis bien.... Je reviendrai, c'est certain.

 

Mais je ne traine pas trop pour cette premiere viree dehors. Je veux etre presente pour le dejeuner (le diner, disent les quebecois), car les parents d'Elisabeth sont arrives vers 9h normalement et je sens que c'est un evenement pour elle. 

 

En pedalant sur le chemin du retour, mes yeux tombe sur le bronzage de mes bras et de mes pieds. Avec l'humidite de la foret et la baisse des temperatures, j'avais oubliee que j'etais encore bronzee. Je ne suis quasiment plus en tshirt toute la journee depuis que je suis arrivee a la pepiniere. Ce n'est pas desagreable d'avoir des vetements chauds sur soi. Pour un peu, j'aurais meme envie de passer l'hiver dans cette maison, d'y sentir le feu de bois, de voir la foret et les montagnes couvertes de neige...

En definitive, je regretterais de ne pas etre partie pour la journee entiere. J aurais du. Lorsque je rentre pour le dejeuner, les parents d Elisabeth sont la et on passe un moment bien sympa. C  est la premiere fois que les parents  dElisabeth viennent ici. J apprendrai plus tard qu Elisabeth etait une ado tres deluree (d apres ses propres mots). Drogue, alcool, sexe, taouages,... elle passait son temps a faire la fete, et - ca c est plus difficile a imaginer quand on est face a cette gentille jeune fille - a envoyer paitre tout le monde, y compris ses parents. 

Ce jour-la, c est la premiere fois que les parents d Elisabeth la revoient depuis qu elle est arrivee ici et qu elle a change de vie... J observe qu Ajan ne se montre pas au dejeuner. Voila qui m intrigue encore. Pourquoi ai-je l impression que son absence est volontaire ? Pourquoi ai-je le sentiment que l idee generale cet apres-midi est de faire bonne impression sur les parents ? Au demeurant, ceux-ci ont l air de passer un tres bon moment avec tout le monde. Elisabeth les emmene visiter la propriete. De mon cote, je sors m aerer un peu aussi, prenant pour une fois le temps de me balader en pleine journee dans la propriete. Mais helas, voila Eric qui, m apercevant dehors, me demande si ca m interesse de venir voir le verger avec lui. Je reponds oui, puisque je ne sais pas encore ou est ce fichu verger. Mais je pensais juste aller voir et puis retourner chercher un livre et me trouver un petit coin tranquille pour faire ce que je veux cet apres-midi. Or, Eric a une autre idee. D abord, il me conseille de changer de vetements. Le verger est totalement envahi par les mauvaises herbes et j ai besoin d un pantalon plus epais. Eric m emmene avec lui dans le grenier de la maison en rondins. La-haut se trouve le stock de vetements et chaussures. Il m aide a choisir deux pantalons, deux tshirts, un pull et une chemise. Cool, au moins je n abimerai pas mes affaires. Bon, ce sont des vetements de chasseurs et agriculteurs, rien de sexy ! Mais peu importe, ca fera l affaire. 

Nous descendons ensuite vers le verger, avec un traineau qu Eric a pris pour recolter les pommes. 

Et le voila parti a me raconter l histoire de chacun de ces pommiers, qui sont tout autant de varietes differentes, greffees par ses soins. Eric est un passionne. Ingenieur de formation, il a d abord travaille dans la construction pour nourrir sa famille, mettant de cote sa passion des arbres. Il faut l ecouter parler des circonstances dans lesquelles il a decouvert telle variete, en allant chez un client, dans la cour d un voisin, sur la route des vacances, etc. Il passe une bonne demi heure au pied de chaque arbre, me raconte des histoires, m explique les particularites, ramasse les pommes tombees et m en fait gouter. 

Moi je bug. Partagee entre l interet que j eprouve pour ce qu il me raconte, et l urgence qui monte du plus profond de moi : le besoin de profiter de mon temps a MOI qu Eric est en train de me prendre... Je trepigne interieurement. Finti-il par s en rendre compte ? Au bout d une heure au moins il m invite a aller voir Mars qui est en train de desherber un peu plus loin. Je ne me fais pas prier pour disparaitre, et rejoins de mauvaise grace Mars. Mais je me defile rapidement pour aller retrouver mon bouquin, avec un stress et une colere qui me surprennent. Qu est-ce qui me met a cran de cette facon ? Je suis consternee de voir que pendant leur jour de repos, en fait tous les membres de la communaute continuent a travailler. Enfin tous sauf Ajan, bien sur, que je ne vois jamais a l oeuvre. Plus tard on m expliquera que son job est d enseigner, raisons pour laquelle je ne le vois jamais participer a quoi que ce soit d autre. Pour l instant, j en suis encore a trouver que ce bonhomme s est trouve une bonne planque...

Les autres, donc, travaillent. Et ca me rend dingue. J aurai plusieurs discussions avec chacun d eux par la suite, pour savoir s ils n ont donc aucun autre centre d interet que la vie de la pepiniere. Tous me diront qu avant, oui bien sur ils en avaient, mais plus maintenant. Quand j essaierai d en savoir un peu plus sur ces centres d interet, ils ne me parleront que de fetes, de drogue, d alcool et de sexe. Enfin pas Nathalie. Mais je n ai jamais trop discute avec Nathalie, qui est extermement reservee. En tout cas Mars et Elisabeth me soutiendront que maintenant ca va beaucoup mieux, ils ont trouve un vrai sens a ce qu ils font tous les jours et ca remplit amplement toutes leurs pensees. Ils n ont besoin de rien d autre. Et ca, j ai du mal a le comprendre...

 

Il y a pas mal de choses que je ne comprendrai pas. Moi j ai besoin d ecouter de la musique souvent. La musique accompagne mes humeurs. Je n imagine pas une vie sans musique. Elisabeth m expliquera que eux n en ecoute pas, car cela distrait la concentration que l esprit doit porter a l action du moment. Ohlala... Bon je comprends mais qu est-ce que ca me parait tristoune ! Elisabeth le sent, d ailleurs, que je me crispe. Elle sera mon rayon de soleil dans cette communaute. C est certainement la plus sociable de tous, et la plus chaleureuse. Elle a beau etre a fond dans la pratique de sa nouvelle vie, elle se souvient de ses reactions quand elle est arrivee ici et comprends tres bien mon besoin de liberte et ma distance. Elle aura toujours a coeur de maintenir le contact et de discuter, cette fille est vraiment un amour. Elle seule parviendra a me faire baisser la garde et sourire. Avec les autres, j aurais beaucoup beaucoup de mal. Pourtant elle me suprendra dans nos premieres conversations, quand elle me demandera quelle addiction ou grave probleme comportemental m a conduite ici... Euh, ben non ca va, moi, je cherchais simplement un job et l idee de bosser dans la nature m a attiree...

 

Mars, lui, me herisse tres vite le poil. Tres investi dans son apprentissage et dans son role d encadrant par rapport a moi, il ne se contente pas de me dire : tu fais ci et ca, il me montre LE geste le plus efficace selon lui, et m invite a travailler en reflechissant a la maniere dont on pourrait peut-etre encore ameliorer la technique. Lorsque je ne suis pas convaincue par l efficience de ses methodes, je n en fais bien sur qu a ma tete, du coup il revient et me remontre comment lui il procederait. Je boue interieurement : Oui mais toi c est toi, et moi c est moi, c est bon lache moi et occupe-toi de ton projet ! Oui parce qu ici on n a pas des missions ou des boulots a effectuer, tout est projet. Ca aussi ca a le don de m enerver. Je pestais deja a la fede car je deteste les tics de langage qu on adopte dans le milieu professionnel, notamment toute la terminologie sensee valoriser les taches des personnes alors que ce n est pas le nom qu on donne a un travail qui valorise mais l attitude du donneur d ordre envers celui qui est cense execute l ordre.  Bref. a Saint Julienne, aller recolter 150 feves (comprendre : haricots) pour le dejeuner, c est un projet. Comme desherber, ou aller ramasser les prunes. 

Donc Mars m agace. Mais il m agace, le pauvre garcon !.... Heureusement qu il est bouddhiste pour supporter ma tete de lard pendant toutes ces journees. Je me questionnerai qussi sur cet agacement. J irai jusqu a me demander si je suis toujours capable, a 41 balais, de me faire dicter THE geste a faire par un gamin de trente ans. Est-ce de l orgueil mal place ? Je ne sais pas. Il me semble surtout qu il ne me convainquait pas de la plus grande efficacite de ses methodes. Mais entre ses conseils douteux, son mepris de la vie citadine et d une maniere generale de tout ce qui ne se rapproche pas de la vie de sainte Julienne, et son incapacite a envisager d autres sujets de conversation que la taille des pommes de tel pommier, l urgence a recolter les prunes trop mures, la solution a trouver pour recolter les graines de poirier le plus rapidement possible.... il me saoule !

Il est pourtant fondamentalement gentil. Ils le sont tous, d ailleurs (le moine mis a part, mais lui je pense que c etait tout simplement un charlatan).

C est bien ca qui me fera culpabiliser et me poser des questions sur la vehemence de mes aigreurs parmi eux ! Eric est un vraie creme, et un passionne. Suite au depart de Sarah et Charlotte, il me parlera. Il m expliquera qu ils sont tous secoues, parce qu ils ne comprennent pas ce qu il s est passe. Et je vois que ca l affecte, ce grand gaillard qui est vraiment une bonne pate. J en suis desole pour lui. Il me racontera son parcours. Je suis etonne de la franchise avec laquelle il me livre les blessures qui l ont conduit a la depression, quelques annees plus tot. C est en pleine depression, justement, qu il rencontrera Ajan. En intervenant, dans le cadre de son metier d ingenieur, dans un temple. Ajan trouvera les mots pour interpeller la conscience de ce brave homme, qui se mettra a suivre son enseignement et s en trouvera tellement plus heureux qu il decidera de tout plaquer pour acheter cette terre et y construire une maison pour qu Ajan puisse disposer d un endroit ou enseigner. 

 

 

 

 

J ecoute avec tout l interet que je peux tenter de montrer, mais au fond de moi une petite voix commente : ok les gars, en fait vous etes tous des cas, vous etiez tous grave deprimes ou en perdition totale, et cette propriete c est votre cage doree dans laquelle vous vous tenez au chaud a l ecart du monde pour etre surs de ne pas etre polues, ou tentes, ou affectes...

Et petit a petit je percevrai cette facette du bouddhisme comme la recherche d une coupure avec tout ce qui peut provoquer des emotions, car l emotion est potentiellement dangereuse. 

 

Et plus je comprends ca, plus je suis aux anges a l idee du week-end qui approche avec mes amis Jim, Mat et Kevin ! Oh que ca va faire du bien de rigoler un peu !! Oh comme j ai hate ! Ils ne se doutent pas a quel point j ai hate de les voir...

Trois jours avant ce fameux week-end, j ecris dans mon bloc notes :

 

Je constate que je ne me sens pas a l'aise. Enfin c'est pas exactement ca. Je me sens en decalage. C'est sans doute normal et c'est une premiere impression, il n'est pas dit qu'elle va perdurer pendant un mois.

 

Aujourd'hui je me suis agacee lorsque j'ai constate qu'on allait bosser jusqu'a 20h, au lieu de 19h comme d'habitude. A Priscilla je me fichais pas mal des horaires, alors qu'on faisait quasi du 24/24. Ici je n'ai pas specialement envie de ca. Et du coup je monte en stress lorsque je sens qu'on va deborder mes horaires. Et je decroche des conversations qui ne tournent quasi qu'autour du quotidien (qu'est-ce qu'on doit recolter aujourd'hui ? Est-ce qu'on ferme le caveau et qu'on stocke toutes les reserves dans le frigo ? J'ai trouve une nouvelle sorte de prunes en passant par le petit chemin derriere la serre, j'ai rapporte un specimen si vous voulez le gouter. Ou en sont les pommes sur le haut du verger ? Qu'est-ce qu'il faut utiliser en priorite pour les repas de demain ? etc). Et je fais bien attention a profiter de MES moments a moi. Et je releve des petits details qui m'agacent. Bref, je le sens : je suis tendue.

Pourtant vraiment je suis toujours contente le matin de decouvrir mon boulot pour la journee, et j'apprecie la compagnie en particulier d Elisabeth et Nathalie (J'accroche moins avec Eric et Veronique, les deux boss, et pas du tout avec le moine Ajan).

Bon. On verra. Je suis libre de partir quand je veux. En attendant, maintenant que j'ai exprime ce malaise, je vais occuper mon precieux temps a continuer dans le recit de ma vie a Priscilla car il faut que je rattrape mon retard sur le blog...

 

 

Bon, ca ne s'arrange pas... Voila ce que je viens d'ecrire en reponse a un mail que j'ai recu aujourd'hui :

 

"Ce qui est drole c'est que je suis passee de l'ambiance ultra sympa d'un festival de country music a Montreal, a cette propriete silencieuse ou on ne rit pas (enfin on rit mais il n'y a pas d'eclats de rire tu vois ? C'est pas la joie de vivre, quoi !), on ne chante pas, on n'ecoute rien d'autre que sa voix interieure ou la voix des autres qui vous parlent ou le chant des oiseaux ou le bruissement des arbres, on ne se demande pas ce qu'il se passe dans le monde en ce moment (J'ai demande : tiens c'est quoi les elections qu'il va y avoir, j'ai vu des affiches partout ? - je sais pas, on ne s'interesse pas a ca ici. - Ok. Et vous n'allez pas voter alors ? - Non.), on ne lit rien d'autre que des livres de cuisine, des catalogues de semences et j'imagine des livres sur le bouddhisme (mais ca, je n'en ai vu absolument aucun trainer dans les espaces communs), on vit dans une maison au 3/4 cachee par les arbres (qui du coup vous coupent la vue sur la montagne, la foret et le ciel magninfiques) parce qu'"on s'y sent plus comme dans un cocon", ... bref.... je me demande meme si les mormons ne sont pas une communaute plus joyeuse !"

 

Vraiment leur maniere de vivre me laisse frustree d'une chaleur humaine qui ne se manifeste pas des masses. De temps en temps je me dis que je ne suis pas obligee de rester si je ne vois pas d'interet a cela. Mais pour l'instant, je suis quand meme bien contente de ce que sont mes activites au quotidien.

Dans 3 jours je pars en week-end, et je sens qu'avec mes lascards, Mattew, Jim et Bill, on ne va pas s'ennuyer ! Je vais rattraper mon retard en matiere d'eclats de rire, j'en suis sure !

 

Allez je vais bouquiner 20 minutes avant de reprendre le boulot. Le temps libre du midi est vraiment compte. J'ai pris pas mal de temps pour faire la vaisselle, puis j'ai repondu a un mail, et ca y est il ne me reste plus que 20 minutes pour moi, arghhh.... Mais c'est rassurant de savoir qu'ils sont tellement deconnectes que finalement je suis la seule interessee par l'utilisation d'internet le soir, donc je sais que ce soir j'aurai plus de temps pour poursuivre le blog...

 

 

Le lendemain, ce n est pas mieux :

Bon... On ne va pas se mentir, depuis que je suis ici je suis a la fois bien et... sous tension.

Je suis bien, parce que les gens sont gentils, parce que je passe des journees agreables et que j'apprends plein de choses. Parce que je fais des taches variees et que Mars, qui s'occupe particulierement de moi, est charmant et qu'on discute beaucoup. Plus exactement, il me pose beaucoup de questions, du coup on discute. Idem pour Elisabeth, une jeune adorable, qui aime aussi discuter. Nathalie est plus reservee mais j'aime son caractere et sa personnalite, elle est touchante. En fait, ils sont tous sympas - il n'y a que le moine instructeur avec qui je ne discute pas vraiment en fait. Mais c'est probablement parce que lui ne me pose pas de question. Je realise que je suis beaucoup dans la reserve, et que si on ne m'adresse pas la parole je dis peu de choses.

 

Oui, je ne suis vraiment pas dans mon assiette a Saint Julienne. Et je passerai les premiers 10 jours a m agacer, mais dans le meme temps a observer avec curiosite ces reactions hostiles qui ne ressemblent pas a la Patricia que je suis depuis le debut de ce voyage. Qu est-ce qui m arrive ? Je me reproche de ne pas parler, de m enfermer dans mon malaise. Le fait est que tout au long de mon sejour la-bas, les seuls moments ou j ai vraiment echange a coeur ouvert sont dus aux tentatives des autres (Elisabeth et Eric, en l occurrence) de creer un contact. Ca n est jamais venu de mon fait. J ai tres vite adopte l attitude "je fais mon job, ne m en demandez pas plus".

 

 

Le 3 septembre, apres dix jours de tension qui m ont vue me renfermer comme une huitre, j ecris enfin :

 

Bon, ca y est on a commence a briser la glace...

Je sens que je m'apaise, que je me sens plus a l'aise et que l'atmosphere se detend entre nous. J'etais sans doute a un point de tension, et puis je ne sais pas, peut-etre que de leur cote ils accusaient le coup d'une deception aussi, par rapport a sarah et Charlotte. Je pense que ni les uns ni les autres nous n etions dans notre assiette.

 

Demain Mattew et Jim viennent me chercher pour un long week-end de 4 jours avec leurs amis a quelques kilometres d'ici. Ca va me faire du bien, une compagnie plus vivante. Car ok je suis desormais plus a mon aise ici, mais je serai bien contente de retrouver une ambiance un peu plus vivante et animee. J'ecrivais a Helene hier qu'en une semaine le seul eclat de rire dont je me souvienne est arrive lorsque Mars, en ouvrant trop fort le jet d'eau, a fait gicler du tonneau la puree de pommes pourries que je venais de passer a la broyeuse... et que j'ai entierement ete eclaboussee de la tete aux pieds ! Et puis aujourd'hui, me sentant plus a l'aise, j'ai bien tente une ou deux blagounette mais decidemment ca tombe a plat... Bref, rire me manque ! Donc youpi les garcons (enfin les seniors, car ils sont retraites tous les deux !) viennent me chercher demain a 14h et j'en suis ravie !

Mais tout compte fait, par rapport a mes impressions de la premiere semaine, je crois que je serai contente de revenir ici ensuite. Car malgre tout, ils sont gentils, et tres genereux dans leur desir de transmettre leurs connaissances. Ce sont des puits de science en matiere d'agriculture, de vie vegetale et animale, et pas seulement. Des qu'ils sentent poindre une question ou un interet sur tel ou tel sujet, meme si ca les detourne de leur objectif du moment. 

 

Je suis donc partagee entre mes aigreurs et le sentiment de ne pas etre juste envers eux. Car en dehors du fait qu ils sont ennuyeux, ce sont des hotes tout a fait respectueux et genereux. En dix jours, j ai deja l impression d avoir fait beaucoup de choses inedites pour moi.

J ai dresse un inventaire des arbres fruitiers (par variete et taille), fait de la compote, aider a leur mise en conserve, recolter choux raves, feves, fraises, et tout un tas de legumes et de fruits, desherbe, et j ai commence un travail qui me prendra pas mal de temnps : la recolte des pepins de pommes. Il faut pour cela passer d abord les pommes dans une broyeuse, et puis ensuite nettoyer la puree ainsi obtenue et la filtrer jusqu a en sortir les pepins. Je recolterai aussi et ferai secher du houblon (ca sent vraiment la biere !), identifierai les jeunes pousses de noisetier parmi la jungle de mauvaises herbes qui longe toute la propriete, ... Bref, mes taches sont assez variees. Du moins sur cette fin de semaine je suis contente d arreter le tri des pepins car c est un job qui m oblige a etre mouillee une bonne partie de la journee, malgre les bottes et les gants.

La veille de mon depart en week-end, je suis sur l ordinateur pour poursuivre le blog, apres le diner, lorsque Mars debarque dans la cave et, voyant des photos, demande s il peut regarder. Je dis bien sur et bascule sur la page Maroc... Son regard  s arrete sur les photos de Priscilla. "Ca m'a l'air bien hippie..." commente-t-il avec un sourire en coin. Ok, je n'ai aucune envie d'entendre quoi que ce soit sur mes amis, donc j'ai tout de suite zappe pour lui montrer la ferme a Fedalate, avec Bouchain et son tracteur. La il a montre un tout autre interet.

Puis Eric est arrive, et de fil en aiguille j'ai laisse le blog de cote et on a parle d'autre chose (des imprimantes du futur !). Partagee une fois de plus entre "c est cool de prendre le temps de se parler" et "mais tu vois pas que je suis occupee, c est mon temps a MOI, la !!"... Malgre tout c etait bien qu on passe un peu de temps ensemble. Vraiment  le manque de temps libre m aura mise sur les nerfs, la-bas.

 

Mais voila enfin mon week-end avec Jim, Mat et Kevin qui arrive enfin ! Je suis aux ange. 

 

Ils viennent me chercher vers 14h, donc je travaille le vendredi matin jusqu au dejeuner. Puis je me depeche de me changer, de charger sur mon velo les affaires dont j aurai besoin, et je file tout sourire a leur rencontre. Genee par mes compagnons, inquiete de l accueil peu chaleureux qui pouvait leur etre reserve (ce qui est completement idiot car vis a vis des etrangers les membres de la communaute se montrent toujours charmants),  j ai prefere donner rendez-vous a Jim et Mat au depanneur, a cote de la nationale. Pas envie de devoir leur presenter toute la clique.

 

Et je les apercois de loin, les deux comperes, en shorts et thsirts, qui me guettent au bout de la rue. Oh comme je suis contente ! Je ne peux m empecher, d ailleurs, de leur expliquer tout de suite a quel point je suis ravie de les retrouver, et ravie a la perspective de m amuser un peu ce week-end.

 

Ce qui est fou, avec eux deux, c est qu on ne s est vus qu une heure, une heure et demi il y a plus de trois semaines, mais je me sens aussi a l aise que si on se connaissait depuis toujours. Ils sont d une gentillesse et d une simplicite toute en petites attentions et en bienveillance. Je suis heureuse comme tout, et ce week-end va depasser toutes mes esperances !

Jim m avait prevenue que nous serions une quinzaine, et qu il y aurait d autres femmes (c etait peut-etre suppose me rassurer !). Dans la voiture, ils m expliquent un peu plus l origine de ce rassemblement annuel. Ceux que je vais rencontrer sont des amis de longue date. Tout a commence a l adolescence. Certains de la bande se frequentaient, et puis peu a peu se sont ajoutes les freres et soeurs, et les conjoints ou petits amis de l epoque. A l endroit ou nous allons, au bord du lac Stevens, deux familles avaient des cottages voisins. Les jeunes avaient donc l habitude de s y voir. Et puis la vie a conduit certains a partir en Afrique pour quelques temps. Les familles ont egalement migre vers New York et les Etats-Unis. Au retour d Afrique, les expatries ont eu envie de revoir la bande et un premier week-end a ete organise a cet endroit tout designe. C etait en 1974. Depuis, chaque annee au moment du week-end du Labor Day, la bande se retrouve. 41 ans que ces fideles se revoient une fois par an, quelles que soient les circonstances de la vie. Tous n ont pas pu etre presents chaque annee. Jim, lui, n a jamais manque un rassemblement. Jamie non plus, je crois. Ma memoire a perdu le fil. Il y a eu au fil des ans des separations et des aleas, les conjoints sont venus grossir les rangs de la bande autour du noyau dur, ainsi que d autres amis rencontres ici et la. 

J ecoute cette histoire et je suis stupefaite et admirative. Comment peut-on rester aussi longtemps, malgre la distance, malgre les facheries, les blessures de la vie ? Voila qui me laisse sans voix et qui me donne a reflechir... Ces gens-la ont su garder le contact.

Ce que je decouvre ce week-end me touche vraiment. Je vais vivre trois jours dans une ambiance d amitie sincere, et dieu que c est beau...

Nous nous arretons dans un magasin pour que j achete du vin car je ne veux pas debarquer les mains vides. Les garcons temperent mes veleites et insistent pour que le geste ne soit que symbolique, car - me disent-ils - il y a tout ce qu il faut la-bas. Je n en doute pas mais ca me gene tout de meme d arriver les mains dans les poches.

 

Au bout d une demi heure de route, nous arrivons par un chemin forestier derriere les cottages, qui ont presque les pieds dans l eau.

Le coin est absolument magnifique. Paisible, joli, un vrai petit coin de paradis. Il n y a pas de vis a vis et les plus proches voisins sont a bonne distance et caches par les bosquets. On se sent vraiment seuls au monde. Il fait un temps splendide, ce qui parait-i est une vraie benediction a cette epoque de l annee.

D habitude, la plupart du temps le groupe est autour du feu de cheminee et dans les cottages. Cette fois-ci, nous passerons le week-end en tshirt et maillot de bain, sauf le soir ou la petite laine s impose.

Au moment ou nous arrivons, Rosemary, Jenny et Sue sont sont le ponton. Rosemary et son mari Phil sont les proprietaires d un des cottages. Jamie est le proprietaire du second. Il y a aussi un troisieme cottage un peu excentre, en hauteur, sur lequel nous irons prendre l apero le deuxieme soir.  Je salue tout le monde, et force est de constater que tous m accueillent chaleureusement, si bien qu a aucun moment je ne me sentirais timide ou genee. A mon depart, Rosemary me dira que lorsqu une nouvelle tete debarque dans leurs retrouvailles il y a toujours un peu d angoisse tout de meme de leur part. Mais visiblement eux aussi ont apprecie ma presence. De toute facon, il est tout juste impossible de ne pas se sentir tout de suite a l aise avec eux tous, tellement ce sont des personnes adorables.

Jim et Matt font les presentations.  Jeff, le frere de Jim, nous rejoint sur le ponton et me dit quelques mots de bienvenue dans lesquels je peux deja sentir tout son humour. Matt m emmene voir le deuxieme cottage, celui de Jamie. Jamie est d ailleurs en train de bricoler trois ou quatre velos dont le velo electrique de Matt. Je n ai jamais vu un velo avec des pneus aussi enormes ! Matt me propose de l essayer pendant le week-end.

Rosemary m invite a m installer dans une des chambres du cottage de Jamie. Je vais deposer mes affaires et reviens en tongs m asseoir sur le ponton et prendre l apero avec tout le monde car les hommes apportent les verres. Assises sur une chaise longue, au soleil, au bord de l eau, parmi ces personnes detendues et souriantes, je sens que je vais passer un excellent moment. Je n en reviens pas d avoir la chance de me trouver ici, et du hasard qui a permis que je me trouve la aujourd hui. Jim et Matt ne cessent de me dire qu ils sont heureux que j aie accepte de venir. Et moi je fonds d amour pour ces deux merveilleux hommes qui m offrent leur amitie si chaleureusement... 

Je sens que je revis. J avais tellement besoin de cette chaleur humaine !... Mon dieu que j ai de la chance d avoir croise la route de ces hommes-la, et de rencontrer leurs amis aujourd hui... Je n en finis plus de sourirre interieurement, je vais passer trois jours sur un nuage. Par la fenetre de la cuisine, j entends Phil et Jim cuisiner au son de la musique country. J adore... C est toujours juste l ambiance dont je revais. Je decouvrirais que Jim adore cuisiner. Et les deux frangins nous reservent un super repas indien.

 

Sur les conseils de Rosemary, je decide de tester le paddle. Alors qu elle me suggerait de me baigner, j ai fait savoir que moi et l eau on n est pas copines. Mais tout de meme, je finis par me dire que ce n est tout simplement pas possible de ne pas profiter d un endroit pareil. Alors je monte sur le paddle, j embarque l appareil photo sur la planche pour m obliger a etre super attentive, et je pagaie... Et c est trop chouette. Il fait beau, c est tellement paisible, l eau est si douce et claire... Je m amuse vraiment. Je vais juqu au milieu du lac et je reviens. Matt est dans l eau, ainsi que Rosemary et Sue. Au fil de l apres-mid et des discussions avec les uns et les autres, nous faisons connaissance. Phil et Rosemary sont ensemble depuis plus de quarante et un an. Incroyable, ca aussi ! Sue et sa soeur Peggy, la femme de Kevin (ils arrivent demain), ont rencontre le couple pendant des vacances au Mexique, si mes souvenirs sont bons. Ils ne se sont plus quittes depuis. Jenny est une amie de Rosemary, et elle est avec moi la "rouky" du week-end. Bon, je dois avouer que je ne sais pas comment ecrire rouky alors je l ecris comme dans Rox et Rouky... Ce terme designe le "bleu" ou le nouvel arrivant. A la fin du week-end, l une de nous deux sera designee comme la Rouky du week-end. En fait nous sommes trois en competition, car les animaux qui sont presents pour la premiere fois peuvent aussi concourrir. Et Jenny est venue avec son chien Chuck...

Je vais discuter un long moment avec Jamie et Matt, dans les transats devant le cottage de Jamie. La vie est douce. Matt est tres soucieux de mon bien-etre, ses attentions me touchent enormement. Je suis etonnee de voir  a quel point c est facile de discuter avec tout le monde. Tout est si simple, ici... Scott et Ann arrivent. Scott est aussi un des anciens. Pour aujourd hui tout le monde est arrive, mais demain Kevin arrive avec son epouse Peggy. Je me souviens encore de la maniere dont Kevin m a parle de son mariage, lorsqu on s est rencontres a Mechanicville. C etait touchant. Avec Peggy ils se sont maries il y a a peine deux ans je crois, et je crois qussi que ni Kevin ni ses amis n auraient pense qu il aurait un jour la corde au cou.

Ce jour-la, Matt et Jim m avaient dit que Kevin est un excellent musicien. Et que Peggy a une tres belle voix. Je suis ravie d apprendre que je vais les voir tous les deux demain et que tout le monde les attend avec la meme impatience que moi pour ecouter de la musique live. En attendant, nous ne sommes pas sans ressources puisque Jim et son frere Jeff se debrouillent egalement tres bien a la guitare et au chant´.

C est un regal de les entendre jouer tous les deux. Pendant qu ils jouent, Rosemary, Sue et Jenny discutent dans la cuisine, Phil et moi bouquinons dans nos transats, Jamie bricole et Matt discute avec Ann et Scott sur le ponton.

Et puis totu a coup Jamie arrive a grandes enjambees, tenant dans sa main droite ce qui ressemble a un long tube en plastique, et dans sa main gauche... une pomme de terre ! On m expliquera par la suite que chaque annee Jamie invente quelque chose. L annee derniere, c etait un pedalo - velo, qu il tentera de remettre a l eau a la fin du week-end, sans succes. Cette fois nous avons droit au potato - gun. Le voila qui s avance sur le ponton, enfonce la pomme de terre dans le tube, arme, appuie sur la detente et.... rien ne se passe. Il verifie son "arme", tire sur le declencheur, tente de pousser la pomme de terre plus loin, appuie sur la detente.... Nous l observons avec beaucoup d interet et les rires fusent de plus en plus. Jamie s agenouille, epaule son arme,... toujours rien. Alors que les discussions reprennent en attendant, tout a coup pan ! La pomme de terre s envole dans les airs et plonge dans le lac une centaine de metres plus loin sous nos applaudissements !

Resumons : je me retrouve en compagnie de gens plus charmants les uns que les autres, des bons vivants bienveillants chaleureux qui aiment rire, ecouter et jouer de la musique, et qui sont de grands enfants ! Qu aurais-je pu souhaiter de mieux ?...

 

Peu avant l apero, Jenny s apercoit que Chuck n est plus avec nous. Nous cherchons partout, pas de Chuck. Jenny s inquiete. Nous nous separons et partons tous explorer les environs en appelant le chien.... Alors que nous reontrons bredouille les uns apres les autres, il finira par reapparaitre au bout d une heure, sortant d une des maisons voisines. Tout le monde etant soulage,  nous passons a l apero puis au diner dans une ambiance de franche rigolade. Puis la soiree se passe dans le cottage de Rosemary et Phil. Pendant que la sono diffuse de vieux morceaux de jazz qui rendent l atmosphere super cosy, les garcons se mettent a jouer aux cartes et les filles commencent un puzzle. Moi je rejoins Matt et Jamie sur le ponton. Sous les etoiles, emmitouffles dans nos pulls, nous discutons longtemps tous les trois, et c est super agreable.... Matt a des gestes affectueux envers moi et j en suis tres touchee.

Jamie me dit tres serieusement que si je le souhaite, je suis la bienvenue dans son cottage quand je veux. Il me montrera ou est cachee la clef, si je veux revenir en son absence.

Il va meme plus loin. "J adore cet endroit, et tu me rendrais service si tu venais y passer quelques semaines. La maison serait chauffee, tu pourrais profiter de ton temps et du paysage, et moi je viendrais de temps en temps. Lorsque la maison n est pas chauffee je viens moins souvent, alors que j adore etre ici...". Cette proposition me fera rever pendant plusieurs jours. Jamie me le repetera, il est tres serieux, il ne tient qu a moi de dire oui. Et moi je pense que je vais dire oui tellement l idee me seduit. Mais je sens aussi que je ne suis pas prete a quitter la pepiniere. Ok je ne m amuse pas la-bas, mais j ai le sentiment de n avoir pas fait ce qu il fallait pour que ca se passe bien. Et une partie de moi refuse de planter la cette experience en restant sur cette mauvaise impression. En tout cas pas tant que j ai la conviction d etre un peu pour quelque chose dans le fait que le courant ne passe pas entre nous. Je me remets en cause. Je vois bien que je suis fermee comme une huitre avec eux. Comment puis-je esperer qu ils soient chaleureux avec moi alors que je n ouvre presque jamais la bouche sauf pour le strict minimum ?  

Bref, je vais me coucher en revant de ce que seraient les belles journees que je pourrais vivre ici, tout en realisant que je n ai pas l impression d avoir ete au bout de ce que j avais a vivre avec mes bouddhistes. Je sens que je vais dire non a Jamie. Du moins j ai envie d attendre de voir ce que ca va donner a mon retour a la pepiniere, apres ce week-end de detente. En tout cas, que c est bon de me sentir a nouveau moi-meme ! Et puis j adore la chambre dans laquelle je vais dormir ce soir. A l instar de tout le cottage, elle est remplie de souvenirs, et d objets anciens. J ai l impression que le moindre des objets aurait un tas d histoires a me raconter. Cet univers booste mon imagination. Cette maison est chaleureuse, on entend presque les rires des enfants a travers les murs, on devine les blagues potaches des ados. Je dors dans la caverne d Ali Baba, il y a des tresors partout...

 

 

Le lendemain matin, Jamie a deja lance le cafe a mon reveil et ca sent bon dans la cuisine. Nous savourons notre cafe dehors, avec Matt qui nous rejoint. Jeff tente de me faire croire que la regle ici c est que la douche du matin se prend... dans le lac ! Matt, toujours aux petits soins, va me chercher des muffins. J attendrai la fin de la matinee et son soleil tapant deja fort pour piquer une tete. Qu elle est bonne ! L eau est delicieusement chaude et claire. Je refais un tour de paddle sur l eau paisible. Le temps que tout le monde emerge, Rosemary et Phil ont prepare dans la cuisine de leur cottage un petit dejeuner - lunch super bon et cpieux. Au signal donne, tout le monde vient chercher une assiette et la garnit de bacon, oeufs brouilles, salade, toasts, ... Un delice.

Kevin et Peggy arrivent enfin, Je retrouve avec plaisir Kevin, et decouvre la petillante Peggy. Aussitot arrives, et apres avoir discute avec les uns et les autres, les instruments de musique sortent des coffres de voiture et c est parti pour une journee en chansons.

Comme c est agreable de les entendre et de les regarder, Kevin et Peggy, Jeff et Jim. Ils jouent et chantent super bien. Je pense que je dois avoir un sourire beat en me laissant porter par la musique, assise dans mon transat...

La journee est entrecoupee de baignades, de rires, de longues discussions. Matt et Jamie partent faire un tour en velo autour du lac. Moi je pars faire un tour a pieds avec les autres. Je passe un excellent moment. Ils sont tous charmants, et a aucun moment je ne me sentirai en decalage avec cette bande de copains de longue date. C est tout de meme assez excepetionnel... J ai rarement rencontre des personnes aussi adorables, en fait...

Comme tous les vieux amis, ils ne cessent de se charrier avec tendresse. Matt est le plus age, et je sens un vrai attachement de tous pour cet homme tellement gentil et attentionne. Son epouse n est pas la. J apprendrai qu elle est aussi adorable que timide. Je n entendrai que des louanges sur cette femme que je n ai pas eu le plaisir de rencontrer, mais je ne suis pas surprise qu une perle comem Matt ait trouve une autre perle pour l accompagner dans la vie. Ahhh ils me font rever, tous. J adorerais avoir le meme cercle d amis proches, si longtemps. Mais en revant de ca, je me rends compte que j ai moi aussi des amis, et de longue date, mais je ne me sens pas aussi douee qu eux pour entretenir les liens de si belle facon.

J adore la voix de Peggy. Kevin m a fait rire en venant me voir alors qu il deballait son bandjo. Il a tenu a me preciser que ce n est pas son instrument de predilection mais que les circonstances cet apres-midi le pousse a utiliser le bandjo plutot que sa guitare ! S il savait comme je suis aux anges avec le concert prive qu ils nous proposent ! Kevin et Peggy ont chacun leur groupe respectif. De nombreuses fois Kevin accompagne le groupe de son epouse, mais il est egalement sollicite par d autres groupes. Ils me feront tous les deux un tres beau cadeau le lendemain, en m offrant chacun un CD de leur groupe. J ai hate d etre a la maison et de les ecouter chez moi en pensant a eux...

 

Jim egalement m attendrit beaucoup. Tout comme Matt, il est d une adorable bienveillance avec moi. Il me fait beaucoup rire, et je le trouve attendrissant lorsqu il joue de la guittare en accompagnant son frere.

En l honneur de l arrivee de Kevin et Peggy, puis pour celle de Geroges, le dernier arrive, Jamie reitere les tirs de potatoe-gun, pour la plus grande joie de tout le monde ! Mais une autre surprise nous attend pour la soiree.

Apres l apero pris dehors, nous nous retrouvons tous autour d une belle table a l interieur du cotage de Rosemary et Phil. Et nous decouvrons le super plat indien prepare par les deux frangins Jim et Jeff. Tout est excellent, a un detail pres : un des ingredients, dont je ne me rappelle plus le nom, met la bouche en feu ! On commence par signaler que c est tout de meme un peu trop fort... Et puis on finit par se recrier que c est franchement trop fort ! Le diner se passe dans la rigolade et les histoires. Plusieurs toasts sont portes. La vaisselle et le rangement sont rapides derriere, et nous nous retrouvons tous dehors autour d un feu de bois allume par Rosemary. On nous distribue des bracelets fluorescents, et des batonnets qui se consument en faisant des etincelles. Je suis emerveillee de voir ces personnes qu on pourrait qualifier de plus toute jeunes s amuser comme des gamins ! Je trouve ca tout simplement extraordinaire. Et je n ai encore rien vu. Jamie s est eclipse apres le diner. Pres du ponton, il a fait glisser dans l eau une brouette. Sans qu on ne s en apercoive il a installe le necessaire pour... un mini feu d artifice ! Tout a coup un pan explose dans l air, suivi d un peu de fumee et d une pale couleur rouge. Evidemment nous somes tous intrigues et nous approchons. Je n en crois pas mes yeux. J adore les feux d artifice ! Bon, les premiers tirs ne montent pas bien haut. Les tentatives avortees me rappellent tout a coup le feu d artifice le plus ridicule auquel j ai pu assister, et le plus drole aussi, une soiree de nouvel an... Nous sommes tous plies de rire. Et puis les tirs finissent par produire de jolies couleurs et de jolis sons. Alors nous poussons des ohhh et des ahhh, et c est magique.

A la fin du feu d artifice, nous poursuiverons la soiree sur le ponton. Scott s amuse a casser son bracelet lumineux et a se badigeonner les pieds et les bras avec la gelee fluorescente qui s en echappe. L effet est terrible ! Il se leve et marche sur le ponton. On ne voit que les miliers de petits points brillants dans la noir, c est genial !

Encore une soiree ou j aurais beaucoup ri. Encore une journee de pur bien-etre. Demain c est deja le dernier jours, comme ca passe trop vite...

Le lendemain est tout aussi agreable, detendu et joyeux. Matt m invite a essayer son velo electrique. J ai l impression d etre sur une petite m oto ! La poussee du moteur est impressionnante. Je m engage dans le sentier caillouteux qui remene a la route. Dans la descente ca fiche tout de meme un peu la trouille, j ai du mal a freiner et j ai peur de deraper.  Arrivee sur l asphalte, quel pied d aller aussi vite en deux ou trois coups de pedale ! C est grisant, mais ca fait un peu peur tout de meme. Pour le retour c est une tout autre histoire !

Le chemin grimpe sec, et le velo derape sur les cailloux malgre l aide du moteur. Je n arrive pas a rester en selle, je dois descendre et pousser l engin qui pese son poids ! Matt arrive a ma rencontre, un peu inquiet tout de meme de voir si tout se passe bien. Je suis bien fatiguee en arrivant au sommet de la cote mais ca va.

 

Baignades, kayak ou paddle, brunch, balade, apero, lecture et musique font les douceurs de cette nouvelle journee ensoleillee. J observe les geais bleus sur l eau ou en vol. J en verrai pleins par la suite a la pepiniere et reconnaitrai leurs differents cris. Jamie sort le velo sur planche qu il a construit. Il tentera d en regler le pedalier pour que je l essaie mais malgre ses efforts quelque chose ne tourne pas rond et meme s il arrive a faire quelques metres sur le lac, il mouline et tourne un peu en rond. Cette fois-ci l invention de Geo Trouvetout ne voudra pas fonctionner ! 

 

Arrive l heure de la photo de groupe, qui donnera encore l occasion de nombreux fous - rires.

Et puis nous allons tous chercher dans la cuisine le necessaire pour l apero et montons au troisieme cottage, a 500 metres plus loin et en hauteur.  

L endroit est super mignon et offre une jolie vue sur le lac et le coucher de soleil. Des lampions lumineux ajoutent au charme du decor. Peggy fait le tour des convives, une bouteille de tequila a la main. Puis arrivent les citrons et le sel. C est parti pour une tournee de chupito ! On m explique le principe : on se verse une pincee de sel sur le pouce, on avale cul sec le shot de tequila, puis on leche le sel sur son pouce et on croque dans un citron vert coupe en deux. Ma gorge devient toute chaude d un seul coup !

En partant du haut, de gauche a droite :

 

Scott, Georges, Phil, Jamie,

Moi, Ann, Kevin, Sue,

Jenny et Chuck, Rosemary, Mattew, Peggy, Jeff, et Jim.

Il manque Dell, la chienne de Sue, en tout cas je ne la vois pas sur la photo...

De nombreux toasts sont encore portes. Ici, puis au diner, pendant lequel Rosemary nous dit a Jenny et a moi que desormais nous sommes nous aussi attendues chaque annee, au week-end du Labor Day, pour ces retrouvailles, Et rien ne pouvait me faire plus plaisir...

Lac Stevens
Lac Stevens
Lac Stevens
Lac Stevens
Lac Stevens
Lac Stevens
Lac Stevens
Lac Stevens
Lac Stevens
Lac Stevens
Lac Stevens
Lac Stevens

Le trajet ne sera pas trop difficile, bien que vallonne. Je suis en debut d apres-midi a Rawdon et m arrete pour pique-niquer. Puis je refais une nouvelle pause a moins de trois kilometres de la maison, car je veux profiter jusqu au dernier moment de mon temps libre et des effets de ce week-end. Je me sens boostee et de bien meilleure humeur que lorsque je suis partie. En meme temps ce n est pas bien complique, vu mon etat de nervosite a ce moment-la.  Je suis prete a envisager de rester plus longtemps, en tachant d etre plus avenante. Apres tout c est moi qui ai choisi volontairement une communaute bouddhiste, pour voir a quoi ca ressemblait. Et le job est interessant. Alors essayons de faire un effort...

Je rentre en fin d apres-nidi et trouve Elisabeth dans la cuisine. Tout sourire, je lui demande comment s est passe son week-end et elle me pose des questions interessees sur ce que j ai fait. Je raconte surtout a quel point j ai trouve beau cette amitie de plus de 40 ans. 

Je discute bien avec Elisabeth. Elle, je l apprecie vraiment. De son cote, elle est encore toute chamboulee par la visite de ses parents et on en parle longuement. Quand je reviens sur mon week-end fabuleux, on dirait qu elle n a pas oublie les sensations dont je lui parle, et le plaisir de la sociabilite. Elle sait de quoi je parle et elle comprend, meme si j ai bien compris que la vie pour elle a desormais une saveur differente. Les autres se montreront assez indifferents. Eric tente toujours de se montrer chaleureux, mais c est a peu pres le seul. Et Mars finit totalement de me faire refermer la porte que j avais a peine entrouvert, lorsqu il me demande de quoi on a parle, "est-ce que c etait des sujets de conversation superficiels ou bien... ?".. Et j ai beau me dire que je ne dois pas prendre a la lettre ce qu il me dit, je ferme la porte. Ok Mars, on n a pas parle du gout de la pomme et de la date annoncee du premier gel cette annee, on a perdu notre temps en vaines activites de pauvres demeurres qui ne comprennent rien a la vraie vie. Va t occuper de tes tomates et lache moi avec tes questions - jugements. . 

La vie reprend son cours. Avec l annonce de l arrivee de la maman de Nathalie dans une semaine, et puis une bonne nouvelle pour moi : un nouveau volontaire nous rejoint dans deux jours. Il est australien, il a la cinquantaine et il maitrise l art des hacky sacks. Il vit a New York en ce moment, et Mars l appelle deja Superman car il l a googleise et decouvert que Eugene (prononcer You-gin) a mis sur son profile Facebook une photo de lui en costume de Superman. "Il vient passer son mois de vacances avec nous pour se detendre" - me dit Mars avec un sourire dans lequel je ne saisis pas les sous-entendus.

Un nouveau, chouette ! Je ne serai plus toute seule. Et le fait est que la presence d Eugene va me faire beaucoup de bien.     

En attendant, mes histoires de banque et de carte de credit sont en passe de trouver enfin une solution. Veronique m a donne un code grace auquel je peux appeler en France pour rien du tout. Du coup il me faudra tout de meme trois tentatives pour reussir a joindre quelqu un. Une fois j ai attendu dix minutes avec la petite musique entrecoupee de "tous nos conseillers sont actuellement en ligne, veuillez patienter". Pour, au bout du compte, me faire raccrocher au ne. Je hais la Banque postale.... Je finirai donc par avoir quelqu un, qui me dira qu il faut appeler mon centre financier. Evidemment mon interlocutrice n est pas fichue de me donner le numero de telephone. Je le trouverai je ne sais plus comment, et par miracle je tomberai enfin sur quelqu un qui semble comprendre de quoi il retourne. Je demande donc l envoi de ma carte bancaire a mon adresse temporaire de Sainte Julienne. Je crois pouvoir enfin pousser un ouf de soulagement, mais une semaine plus tard je recois a Sainte Julienne un courrier de la banque : "Madame, vous avez demande a changer votre adresse principale. Merci de nous envoyer un justificatif de domicile..." Je devrais donc rappeler ces imbeciles et heureusement pour moi je tombe sur une enieme personne qui pige tout de suite qu il y a eu un souci et corrige mon adresse dans mon dossier. Elle me confirme que ma carte a ete expediee a Sainte Julienne. Et en effet je la recevrai dans la semaine.

Le travail reprend dans la joie et la bonne humeur. Je suis moins a l aise dans mes pantalons, je prends vraiment du poids ici ! Je decide de faire attention et d arreter de manger pendant les pauses car en fin de compte je n ai pas faim dans ces moments-la. 

Apres avoir fait l inventaire des arbres fruitiers, fait cuire des compotes et preparer la mise en conserve, recolter des prunes et des pommes, reduit les pommes pourries en compote pour en extraire les pepins, Mars m emmene desherber les pins de Coree. Allonges sur des planches de bois pardessus les caissons dans lequels poussent les pins, plus ou moins proteges des attaques des ecureuils, nous discutons tout en enlevant les mauvaises herbes en essayant de ne pas arracher les pousses de pin au passage. Chaque bebe arrache c est 30 dollars qui s envolent - me dit Mars. Ok ! Arghhh, j ai dit ok !...

Il y a une chose que j apprecie vraiment avec Mars, c est qu il essaie de me donner des taches variees, du coup je decouvre pleins de choses et ca c est vraiment sympa. 

Un jour nous prendrons la jeep pour aller dans un autre coin de la propriete. Moi qui pensais que cette vieille voiture ne fonctionnait plus, je suis tres surprise de la voir rouler ! Je monte a l avant et suis brinquebalee dans tous les sens ! On ne voit pas sur quoi on roule mais  Mars connait le terrain par coeur donc il roule les yeux fermes et sans frein puisque la jeep n a plus de frein. Le terrain n a pas de secret pour Mars car la communaute fait tourner les cultures chaque annee ou presque. Ce la me parait un travail de titan. Dire qu ils deplacent chaque annee l enorme verger, le gigantesque potager et la nursery pour les pousses d arbres fruitiers greffes... Quel travail de dingue !  

Lors de ma derniere semaine, Eric me montrera comment il procede pour greffer un arbre. 

Avec la jeep, Mars nous emmenera une fois au bout du chemin hors de la propriete (la nursery est la derniere propriete avant un cul de sac). Il prendra une poule morte le matin meme, et ira la jeter dans les bois. Dada, le chien de la maison, suit la jeep et se met a courir devant, l imbecile ! Je n aime pas ce chien. Il est gros et n a pas le regard bienveillant. Et puis surtout, il m aboit dessus et essaie d attraper mes chevilles. Eric m expliquera que lorsque ca arrive c est tres probablement quand je passe devant un endroit ou il a cacher des os. Moi je deviens parano. Je suis persuadee que ce stupide clebard a compris que je trouve cette communaute chiante a mourrir, il sent que je ne suis pas a ma place ici. Il sent que je fume en cachette. Il a repere l ennemi et veut le faire comprendre a ses maitres, j en suis sure... Bref, ce chien ne m aime pas et je ne l aime pas non plus. Il court en zigzag devant la voiture et Mars doit piler plusieurs fois pour ne pas l ecraser. Mars me dit que lui aussi il a eu du mal avec Dada les premieres semaines. Et puis un jour il lui a mis une laisse et l a oblige a aller se promener avec lui. Mars habite dans un petit chalet a 500 metres de la maison, en hauteur. Tous les matins il dispose de la nourriture pour Dada depuis son petit chalet jusqu a la maison. Dada le sait, et maintenant que c est Mars qui le nourrit il l apprecie beaucoup plus...

Par contre ce stupide chien n est heureusement pas doue pour la chasse. Un matin, a la pause de 10h30, j apercois quelque chose par la fenetre de la cuisine. Un rayon de soleil traverse les nuages et illumine le chemin qui descend du chalet au potager. Je vois un animal au poil marron clair - orange, mais ma surprise est telle que je ne suis pas sure de ce que je vois. Est-ce bien un renard qui s avance ainsi tranquillement et s asseoit en plein milieu du chemin ?? J appelle Eric... qui me confirme que c est bien un renard. Et Eric avertit Mars par talkie walkie. Moi je bondis a la fenetre. Un renard ! Super joli en plus ! Mais  l animal dresse tout a coup les oreilles et le museau. Une seconde plus tard, il se leve et fait demi tour. Je vois alors sa superbe queue rouge - orange et noir. Soyeuse comme un plumeau. En quelques bonds nonchalants et elegants, le renard disparait vers le chalet. Cinq secondes plus tard je vois Mars debouler dans le chemin en courant, dada sur ses talons. Ils s arretent la ou le renard etait assis juste avant. Dada s asseoit aussi et regarde Mars. Il ne sait pas pourquoi il est la... Mars le timule, lui montre le sol. Check, check ! - lui crie Mars. Dada s excite et tourne autour de Mars... qui du coup repart en courant vers le chalet. Mais evidemment ni lui ni Dada ne trouveront pas la trace du renard. Et j en suis bien contente. Meme s il est vrai que c est dangerreux pour les poules, qui se baladent en liberte dans la propriete. Et ces petites malines, tous les matins elles descendent dans le verger pour nous suivre car desormais nous commencons la journee par une heure de desherbage tous ensemble. Nous laissons donc le sol tout propre et bien degage et bien remue pour les poules, qui n ont plus qu a passer derriere nous.   

Dans non desir de faire des efforts, j ai essaye d entamer la conversation un matin avec Ajan. En anglais, puisque c est plus facile pour lui. Je lui ai demande depuis combien de temps il vivait au Quebec, comment il etait arrive ici. Il a repondu comme si ca lui demandait un effort de parler avec moi. Et puis j ai voulu lui demander par quels hasards de la vie il est devenu moine. Et il m a fait cette reponse lapidaire : avant d etre moine, il faut beaucoup etudier. On ne peut pas devenir la science sans cet effort. Mais il a dit ca sur un ton froid, j ai presque eu l impression qu il me rembarrait. Je n ai pas poursuivi la conversation, j ai repondu leur fameux "ok" et j ai quitte la cuisine pour aller au boulot. 

 

Mars m a affectee a la recolte des pepins. Toute une histoire... J y aurai passe pas mal de journees ! Il y a d abord eu les pommes. Je les avais ecrasees grace a une machine, un broyeur. Qui se coincait de temps en temps lorsqu un cailloux se cachait dans la masse de pommes pourries. 

Ensuite, je jetais la melasse de compote dans de grands bacs en plastique, que nous remplissions d eau aux trois quart.  

Il fallait laisser reposer un moment, pour s assurer que tous les pepins, qui sont plus lourds que l eau, les saletes et la chair de pomme, tombent au fond du bac. L etape suivante consistait a puiser avec une espece de passoire, pour retirer un maximum de saletes. Ensuite on s y prenait a deux pour faire basculer le grand container super lourd (une fois j ai lache...), pour que l eau evacue les saletes (la scrappe, disait Mars) par terre. Regulierement on remettait de l eau, et on recommencait l operation. Lorsqu on avait ainsi evacuer un maxicum de scrappe, on passait sur le screen, enfin le filtre. Dans la "salle d expedition" (l espece d atelier - serre ainsi nomme parce que c est ici que la communaute prepare les colis pour les clients), Mars a invente un drole de systeme pour finir l operation de collecte. Il a suspendu, au-dessus d un tapis de fer sur lequel glisse l eau, un grand filtre aux carreaux d un centimetre carre environ. C est trop grand pour les pepins de pomme, il faut donc superposer sur ce filtre principal deux autres filtres plus petits. Nous versons la compote de pomme nettoyee sur ces filtres. On etale la compote. Ensuite on asperge la compote avec un jet d eau. L eau est censee aider - par la pression - les pepins a traverser la scrappe et a tomber sur le tapis de fer. Ca me parait bien lent comme processus, surtout toutes les etapes de nettoyage dans les containers. Je ferais  pas mal ma mauvaise tete parce que j ai l impression qu on met une plombe pour une etape qui ne devrait pas etre aussi longue. Mars le sent, mais il ne me le montre pas. Il essaie de m interesser au processus et me demande de reflechir a un meilleur moyen de proceder. Mais ma facon de faire ne lui convient pas plus que moi la sienne. Moi je suis perfectionniste, j avais donc verse la scrappe et je ramassais pepin par pepin. Ca prenait du temps mais je n en loupais pas un. Mais Mars m a fait comprendre que j etais trop longue. Il me montre sa methode a lui, qui gache un sacre nombre de pepins. Je m enerve interieurement : bon, tu me dis qu il ne fait pas en laisser passer un car c est notre gagne-pain, mais toi tu y vas a la louche parce que tu veux faire ca vite... Ok moi aussi je vais faire vite mais je vais en perdre plein ! - je ronchonne dans mon coin. 

Ce sera pire pour les prunes ! Pour les prunes, Mars tente un nouveau systeme. Plutot que de passer les prunes au broyeur, il les verse directement sur le filtre et grimpe sur le filtre pour ecraser les prunes avec ses bottes. Vraiment, je suis perplexe devant ses methodes. Alors petit a petit, comme il sent que je m enerve, il me laisse bosser sans trop venir me voir. Et je ne m en porte pas plus mal. Tous mes anciens collegues savent que lorsque je trouve un ordre idiot je m execute tout de meme car je suis un bon petit soldat mais je ronchonne et ma tete part loin ailleurs. Alors quand de temps en temps Mars passe la tete pour me demander : ca se passe bien la meditation  ? /(oui car pour eux toute action est meditation ou devrait l etre) - je reponds du tac au tac : Quoi ? oh oui ca va, j ai des chansons dans la tete, ca me fait passer le temps.  

Une fois que je suis plus tranquille, franchement je passe effectivement de bons moments, dans mes pensees, a collecter noyaux de pommes et noyaux de prunes. C est pas desagreable comme activite. Le seul probleme, c est que je suis souvent mouillee. 

Je suis aussi couverte de projections de pommes et de prunes pourries, de la tete aux pieds. Bref, je suis sexy en diable ! Mais ca c est une chose que j ai appreciee pendant ce mois particulier: Pas le fait d etre sale ! Mais le fait de ne pas me soucier du tout de mon apparence. C est reposant. Je ne m en soucie deja plus trop depuis le depart puisque je n ai pas de miroir et que je vis avec deux tshirts et deux shorts depuis des mois!

 

 

Si je me suis vite refermee a mon retour du week-end du Labor Day, je tache de vraiment profiter de toutes les activites que l on me fait faire car je realise que cette experience est inedite pour moi. 

Et puis je suis curieuse de voir changer le quotidien avec les evenements qui arrivent : Eugene va nous rejoindre, et la maman de Nathalie s annonce pour une semaine.    

 

Et puisj ai pu faire un skype avec mes parents, et ca, ca fait toujours du bien. C est vrai, c est bon de voir leurs visages et de leur parler en live. Surtout que pour une fois la connexion est super. Veronique m a permis d aller dansle chalet ou elle vit, a dix minutes en velo. Elle a un ordinateur plus performant que le vieux coucou du caveau. 

 

Eugene arrive enfin. Autralien, il est tout fin et a une coupe etonnante pour son age : on dirait un peu un iroquois, rase de pres derriere et sur les cotes, mais avec une bande de cheveux noirs qui partent en crete depuis l arriere du crane jusqu au frond. Ca lui donne un style original. Et puis Eugene est super sociable. Il est charmant comme tout, et tres positif. Son arrivee me fait des vacances au debut car il parle beaucoup et pose beaucoup de questions, du coup je peux me taire sans scrupule, c est moins pesant pour moi. On ne se croise pas beaucoup dans le travail, car Mars l envoie desherber tout un pan du verger pendant que je collecte les pepins en me battant avec les moustiques. Sacre travail physique pour Eugene, qui doit arracher a la hache de grosses racines. Au bout de deux jours il est perclus de courbatures, le pauvre. Pendant qu il discute avec tout le monde, je m eclipse a loisir sur l ordi ou en dehors de la propriete apres chaque dejeuner. En effet, pratiquement depuis le premier jour, chaque midi je sors a pied ou en velo de la propriete. C est mon moment de liberte, pour rien au monde je ne le sacrifie, J ai besoin de me sentir en dehors de ce monde qui vit reclus sur lui-meme. Je prends ma liseuse et je bouquine, meme une demi heure seulement. Parfois je pousse jusqu au depanneur et j achete du chocolat ! Elisabeth comprend tres bien ce besoin de liberte, elle faisait pareil au debut, m a-t-elle dit. 

 

Donc au depart avec Eugene on ne se croise pas beaucoup. Je beneficie des effets de sa presence en me faisant oublier, en me renfermant un peu plus dans ma bulle. Et puis un jour on nous enverra tous les deux recoltait des feves (haricots), zucchini (courgettes), brocolinis, choux raves... Et la il va se passer quelque chose. A taton d abord, car je ne sais pas trop ce qu il pense, on commence a discuter. Et je vais m apercevoir que nous sommes tous les deux parfaitement en phase sur le ressenti par rapport a cet environnement. Eugene va meme plus loin que moi, car il est un peu inquiet pour Elisabeth et Nathalie et pour ce qu il considere etre un embrigadement.  

 

J avoue que si dans le fond je partage ses pensees, je n arrive pas a formuler les choses comme ca. Car dans le fond, j en reviendrais sans cesse a me dire que ces gens-la sont super genereux dans leur accueil et dans leur desir d enseigner leurs connaissances, je vois que les filles (Nathalie et Elisabeth) ont l air vraiment heureuses dans cette vie au plus pres de la nature, et au bout du compte ok ils vivent dans leur monde mais ils ne font de mal a personne. 

Mais comme je suis soulagee et heureuse de constater qu Eugene est tout aussi surpris que moi de ce qu il entend et voit. Il trouve lui aussi que pour des bouddhistes, ils passent leur temps a juger. Ahhhh je me sens moins seule d un seul coup ! Et de ce jour-la, je trouverai un vrai copain en la personne d Eugene. Avec Elisabeth, ils auront ete mes deux bulles d oxygene. 

 

Eugene souffre envore visiblement de son divorce. Mais c est un homme plein de ressources, qui fait de son mieux pour vivre en paix avec lui-meme et avec les autres. C est vraiment un brave gars. En lobservant qu quotidien, je prendrai une lecon. Il est tout aussi dubitatif que moi sur cette communaute, mais il passe au-dessus et reste charmant et s interesse a plein de choses, et discute avec tout le monde. Il met les pieds dans le plat et ne lache pas le morceau quand il demarre sur un sujet qui a priori n interesse pas du tout nos hotes. 

Moi je me suis fermee. Je trouve que Eugene a ete plus intelligent que moi. Il passe certainement un meilleur sejour et il apprend certainement bien plus de choses, humainement parlant, que moi qui me suis rendue inaccessible.  Son arrivee va debloquer quelque chose en moi. Je deviens plus souriante, plus bavarde.

 

Le week-end suivant va me donner des raisons de sourire aussi. Veronique, Mars et Nathalie vont aller visiter une autre pepiniere dimanche pres de Montreal. Du coup Eric suggere que j en profite pour aller a Montreal ce jour-la. Je soupconne fortement Elisabeth de confier mes etats d ames a la petite troupe. J avais deja pu constater que ce que j avais dit a Mars lors de conversations a deux etait remonte dans les oreilles de tout le monde - du moins  d Elisabeth. Je suis donc sure que cette derniere relaie aupres de la communaute mes aspirations au rire , au divertissement et a la liberte dont je lui ai parle en tete a tete. J en ai d ailleurs eu une preuve flagrante un jour a table. Alors que nous mangions, Ajan s est tout a coup adresse a moi - oui, moi ! Quelle n a pas ete ma surprise lorsque je l ai entendu me proposer de me preter des DVD, si j ai envie de regarder des films. "I have many movies, you can see and chose what you want, Do you know Louis De Funes ?"  J ai un peu de mal a comprendre. Ca tombe tellement comme un cheveu sur la soupe que je ne peux pas m empecher de faire le rapprochement avec ma conversation avec Elisabeth, ou je lui ai dis que rire me manquait.... Mais tout de meme.. Louis de Funes ! J ai envie de lui repondre : quoi, l actteur qui est mort il y a 50 ans ? Oui j ai vu ses films quand j etais gamine... Et puis interieurement je tique sur un truc... Comment ca tu as plein de movies ? Tu n es pas cense etre en meditation jour et nuit, toi ? ... Encore un element qui me fait douter des qualites de ce brave gars. 

 

Quoi qu il en soit, je suis tout de meme un peu touchee de voir que, tous rebarbatifs qu ils soient, ils tentent tout de meme de faire en sorte  que ca se passe bien pour moi. Je le constaterai d ailleurs de plus en plus. En tout cas c est decide, je vais a Montreal dimanche ! Youpi ! Je suis trop contente. Au depart Eugene voulait venir, mais le dimanche matin il me dira avoir besoin de se reposer. Je pars en voiture avec Veronique, Nathalie et Mars. Ils me deposent a une station de metro une heure de route plus loin. Je dis au revoir, claque la portiere et m engouffre dans le metro avec les ailes de ma liberte retrouvee. Ahhh la ville, plein de gens qui s interessent a des choses superficielles ! Que ca fait du bien ! 

Pourtant la journee n est pas particulierement belle. C est meme nuageux et ca sent l automne. A tel point que par petites touches, en me promenant dans les rues grises de Montreal que je retrouve avec plaisir, je sens monter une bien agreable nostalgie de ma vie parisienne. Ces paves sous la fine pluie qui tombe bientot, ces grandes avenues grises pleines de gens qui marchent vite et se refugient dans les cafes, cette lenteur propre aux dimanches froids, tout ressemble a un dimanche d automne parisien. Et a cet instant, j aime ca. Avant qu il se mette a pleuvoir, je me promene, ravie de revoir cette ville que je ne pensais pas retrouver de si tot. Je passe a l auberge de jeunesse ou j etais hebergee, pour savoir s ils ont toujours la lettre que mes parents m avaient envoyee a cette adresse. Je fais chou blanc, decue. Je retourne vers le centre ville, constate que vraiment la rue Sainte Catherine est envahie par les sans abris et les mendiants, puis tourne et me retrouve face a un cinema. Les premieres gouttes tombent. Un cinoche ! Ca fait bien longtemps que je n ai pas ete au cinema. Quelle meilleure journee qu aujourd hui pour m offrir ce petit plaisir ? 

Je vois a l affiche "Promenons-nous dans les bois", avec Robert Redford, et d apres le dernier livre de Bill Bryson ! Bill Bryson... Un des hauteurs avec qui j ai decouvert le recit de voyage. Qu est-ce que j ai pu rire avec ses descriptions de l Amerique profonde ! Je regarde le sujet du film : un ecrivain celebre en age d etre a la retraite decide de partir faire les 3000 kms de l Appalachian trail pour faire le point.. Et bien je ne pouvais pas souhaiter meilleur programme ! Je decide de venir a la seance de 13h30, et pars manger un encas en attendant. 

Ahhhh le plaisir de prendre mon billet, de monter l escalator dans ce grand complexe confine, de marcher sur la moquette des couloirs obscurs qui menent a la petite salle dans laquelle je m installe confortablement. Quel pied ! Le bonheur tient a peu de choses, parfois...

Bon, ce n est pas le film du siecle mais c etait trop chouette d etre la et pile le bon sujet pour moi. J ai bien ri, trouve Robert Redford toujours aussi seduisant malgre le poids des ans, e ca m a donne envie de faire l Appalachian trail, une autre fois....

Je sors toute contente. Il pleut encore, pas trop fort mais tout de meme ca mouille. J entre dans une librairie ouverte, hesite a acheter un bouquin (un recit de voyage) avant de me dire que non, il vaut mieux que je le telecharge sur ma liseuse... Mes pas me conduisent a la bibliotheque, ou j entre une heure pour ecrire sur le blog, avant de ressortir me promener, puisque le ciel est a nouveau sec. 

L heure tourne, je reprends le metro et arrive en avance - du moins Veronique me previent qu ils ont une heure de retard. Je m installe dans un cafe, commande deux expressos et ecris des lettres au son de la country musique que j affectionne tant.  

Voila, j ai eu une journee toute simple, mais qu est-ce que c etait bon ! Ca me redonne du tonus pour les quelques jours qu il me reste a "tenir" avec mes petits bouddhistes. ceci dit,  les derniers jours vont etre de mieux en mieux car tout contribue a me redonner la peche. La compagnie d Eugene, l approche de mon depart, ma complicite avec Elisabeth, ma carte bancaire qui est arrivee - Ah oui parlons-en d ailleurs. C est que l histoire n est pas finie. J ai bien recu ma carte bancaire, et je me suis empressee de l essayer au depanneur de Sainte Julienne. J ai tape mon code une fois, ca n a pas marche. J ai pense m etre trompe et ai tape un autre code, nouvel echec. J ai cesse les tentatives pour ne pas bloquer ma carte et j ai a nouveau du appeler la Banque postale. Pour apprendre que mon code avait change et qu il avait ete envoye par courrier a Maisons-Alfort.... Il faudra que j attende encore une semaine pour que Bogdan recoive le fameux courrier et me communique mon code.

 

Enfin en tout cas, ma fin de sejour s annonce sous les meilleurs auspices, je retrouverai peu a peu la grande forme et le sourire (pour le plus grand plaisir de tout le monde, d ailleurs, car forcement mon attitude avait un impact aussi sur la communaute).   

L arrivee de la mere de Nathalie devient bientot le centre des conversations de la communaute. Le stress monte. Nathalie est inquiete, a plus d un titre. Nathalie est suisse. Elle va avoir vingt ans dans une semaine. Elle est arrivee au Canada dans l optique de faire du benevolat pendant quelques temps, en attendant de savoir ce qu elle voulait faire dans la vie. Elle est censee rentrer en Suisse au bout d un an, c est a dire bientot. Mais ici elle a trouve sa voie, elle ne veut plus partir. Elle a fait des demarches pour obtenir un visa longue duree. Sa mere n est pas au courant de son desir de ne pas rentrer, ni du fait que sa fille suit un enseignement bouddhiste. Elle va aussi decouvrir que sa fille s est recemment brule le bras au troisieme degre, ebouillantee par la machine qui sert a faire cuire les comptes et a steriliser les pots. Bref, ca fait beaucoup...

J apprendrais bientot que les filles suivent des cours tous les soirs. Ces cours leur sont dispenses par Veronique. Apres le diner, et avant la corvee de la soiree. Eric, Veronmique et Mars, eux, ont des cours tous les midis apres le dejeuner avec Ajan (ahhh il fait donc quelque chose, lui ?....).   

Eugene et moi ecoutons la communaute s organiser pour l arrivee de la mere de Nathalie. Et tous les deux on se demande bien pourquoi ca angoisse tout le monde, pourquoi il faut absolument ne pas faire mauvaise impression. J avais deja remarque qu Ajan ne s etait pas trop montre lors de la visite des parents d Elisabeth... Nathalie annonce en plus que sa mere est une maniaque de la proprete. Or, il faut bien reconnaitre que les journees sont suffisamment occupees comme ca,le menage n est franchement pas la priorite. Les premiers jours, j ai tache de passer le balai dans la cuisine et de nettoyer la table, enfin de tenir un peu la cuisine propre. Mais j ai vite lache l affaire. Normalement le samedi apres-midi est consacre au menage. Maisil arrive que le menage saute, si une autre urgence empeche d y consacrer du temps. 

 

Eric et Veronique decident de mettre les bouchees doubles pour l arrivee de la maman de Nathalie. Branlebas de combat general ! Nous consacrerons deux jours entiers a tout nettoyer de fond en comble. 

Deux jours complets ! A laver les murs, le plafond, ramasser tout ce qui traine autour de la maison, ranger et nettoyer le caveau, deplacer les gros bisons d essence super lourds au fin fond de la propriete, nettoyer et ranger tous les espaces pres desquels la maman de Nathalie est susceptible de passer. Eugene et moi trouvons que c est tout de meme beaucoup, voire too much, a croire qu on va recevoir la reine d Angleterre ! Mais apres tout ca change de nos activites habituelles. Le premier jour, je suis affectee au nettoyage de la cuisine avec Elisabeth. Du coup on en a profite pour parler. C est Elisabeth qui a lance les hostilites, si je puis dire. Elle me propose de m emmener voir le lac qui se trouve juste a cote de la propriete, quand je veux, pendant notre pause du midi. Et puis la voila qui me dit qu elle voudrait que je me sente libre de faire comme je le sens, que personne ne m oblige a rien ici, et au final elle espere que je suis encore la parce que ca me fait plaisir et non a cause d un quelconque sentiment de devoir. 

Et la, elle m en bouche un coin. En meme temps, je realise tout de suite que tout le monde doit sentir que je ne suis pas bien, pas epanouie en tout cas. Il est impensable qu ils ne le devinent pas, car... et bien je crois que ca se voit tout de suite quand je ne suis pas a mon aise et que je me renferme

Alors nous parlons a coeur ouvert. Je lui dis qu en effet j ai pense partir au bout de quinze jours. Et je lui explique pourquoi je suis restee. Je ne lui cache pas mon indifference voire mon antipathie pour Ajan. Lorsqu elle m explique ce que je sais deja, a savoir que les eleves servent le maitre et que c est avec plaisir qu ils prenennt soin de lui en temoignage de leur respect et de la reconnaissance pour son enseignement, ca ne change rien a mon ressenti sur ce gros bonhomme qui semble profiter de la vie. J explique qussi a Elisabeth que j ai du mal a comprendre pourquoi il faut considerer que la musique, entre autres choses, perturbent les pensees et la meditation, alors qu Ajan visiblement affectionne sa collection de DVD. Mais il parait qu il visionne les films pour ensuite leur montrer des selections ou extraits qui peuent avoir un interet pedagogique pour les stagiaires. Ahhh ok.... Bon. 

Nous discutons bien, dans le respect de ce que nous pensons et ressentons chacune. Et ca me fait du bien de pouvoir dire ce que j ai sur le coeur. J aurai vraiment une amitie particuliere pour cette jeune fille qui se juge bien severement et reste a l ecoute avec bienveillance. 

J apprecierai aussi de plus en plus Eric, qui est un grand sensible et dont je vois les gestes dans ma direction pour me detendre, s assurer que je vais bien, tenter de s interesser a ce qui m interesse. Je serai constamment partagee, pendant mon sejour, entre l ennui et le remord de ne pas reussir a creer un lien plus detendu avec ces personnes qui sont franchement sympas, mais qui ne vivent pas dans le meme monde que moi. 

 

Nous passons donc deux jours a astiquer, recurer, ranger, balayer, lessiver. C est vraiment physique parfois, lorsqu il faut aller chercher des buches et les balancer sur les grandes baches avec lesquelles nous recouvrons les immenses tas de bois de chauffage. Je passe une demi journee a trier des boquets et caisses de toutes tailles jetees en tas a 50 metres du chalet ou la mere de Nathalie va habiter pendant la semaine. Elle va donc passer devant tous les jours, ca fait desordre de laisser ce bazard comme ca... Je reussis a faire une blagounette qui enfin decroche un sourire a tout le monde lorsque je fais remarquer a la fin : franchement il ne reste plus qu a parsemer le chemin de petales de roses et c est parfait !..   

Eugene ne comprend vraiment pas pourquoi on en fait des tonnes, mais c est une bonne pate alors il fait avec le sourire tout ce qu on lui demande de faire. Meme lorsque Mars inspecte le plafond et lui dit de recommencer a certains endroits... J admire le flegme et la bonne volonte d Eugene. Vraiment si j avais un peu plus de jugeote j aurais sans doute plus apprecie cette experience, comme il semble l apprecier. C est simple, Eugene prend tout du bon cote. Bon parfois c est un peu tout much pour moi. Lorsqu il m explique avec enthousiasme que la vie est formidable et que chacun est unique et qu on a tous a apprendre les uns des autres et que - bien que bizarres - ces gens sont formidables, j ai envie de repondre : oui enfin ils sont un peu chiants quand meme, non ?... Et evidemment je m en veux de penser ca !

 

J aime de plus en plus l heure de desherbage commune que nous avons tous ensemble le matin. Eugene discute (il ne sait pas rester sans rien dire), du coup j ecoute les conversations et je participe aussi. En fait ca se passe comme ca lorsque ni Eric ni Veronique ne sont la. C est sympa quand on discute - j allais dire entre jeunes mais non.. avec les jeunes !! 

La maman de Nathalie arrive enfin. Et elle a apporte des chocolats suisses, bien sur ! Nous aurons tout de meme une demi journee de menage supplementaire car elle passer avec sa fille sa premiere nuit a l hotel a Montreal. Veronique a depose Nathalie au bus, et Nathalie est partie chercher sa mere a Montreal. Mais au lieu de les voir arriver dans la soiree, Nathalie enverra un texto pour dire que s mere est extremement fatiguee (elle est sujette aux migraines tres douloureuse) et avait besoin de se reposer des que possible. 

Du coup nous finissons avec Mars de porter des trucs bien lourds a l autre bout de la propriete. A ce sujet, je suis moins fiere depuis que j ai appris de la bouche d Eric que parfois des ours viennent pointer le bout de leur nez ici...

Et je ne compte pas trop sur Dada pour nous proteger... 

 

Enfin Nathalie et sa mere arrivent dans leur voiture de location. La maman n est toujours pas en forme et apres avoir salue tout le monde elle va se reposer dans le chalet que Nathalie m avait fait inspecter avant apres l avoir brique : tu crois que c est bien comme ca ? Mais oui c est parfait et chaleureux ! Je la sens toute angoissee, Nathalie ! C est qu elle joue gros... Et je serai tres contente de pour elle de la voir de plus en plus detendue et heureuse que sa mere soit la et semble approuver son choix de vie.

Nathalie est tellement introvertie que je me demandais a quoi ressemblait sa mere. Je n imaginais d ailleurs pas a quel point elle etait introvertie, avant d etre temoin d un exercice que la communaute lui imposera pour l aider a combattre sa timidite. Un jour j etais avec Nathalie dans le caveau (la cave), lorsque le telephone a sonne. Nathalie a leve la tete, semble hesiter... n a plus bouge.... et s est remise au travail au bout de trente secondes. J ai su le lendemain a table, lorsque les autres ont commente cet episode qu elle leur a probablement rapporte, que Nathalie est terrorisee a l idee de repondre au telephone.  Alors pour l aider a affronter cette phobie, la communate lui attribue la mission de repondre au telephone a chaque fois qu il sonnera en sa  presence dorenavant. Le meme jour, au dejeuner, Ajan donnera le seul cours qu il fera en ma presence dans la cuisine. Eugene n etait pas encore arrive a ce moment-la. Je fais la vaisselle, et j entends Ajan se lancer en anglais dans un lecon. Il invitait les filles et Mars (Eric et Nathalie ayant quitte la cuisine), a reflechir sur l orgueil, et leur donnait ce conseil (je schematise) . lorsque vous vous exprimez devant des gens, faites-le avec la meme assurance ou la meme indifference que si vous parliez a une fourmi. Vous n avez pas peur de ce que la fourmi va penser de vous. Agissez de meme avec les personnes a qui vous vous adressez. Leur jugement de doit pas vous affecter. 

La presence de la maman de Nathalie va nous procurer quelques vacances, puisque le lendemain  de son arrivee nous passons du temps a discuter avec elle. Puis nous reprenons notre travail, sauf Nathalie bien sur qui va profiter de la presence de sa mere. Elles partiront d ailleurs deux jours a Quebec city, et en fait la semaine passera tres vite puisqu elles partiront pour Montreal un jour avant le vol retour de la maman. 

 

Aussi bien la presence d Eugene que la diversion qu apportera l arrivee de la maman de Nathalie a sainte Julienne me feront du bien, m empecheront de tourner en rond dans mon malaise avec les autres. Eugene me fait rire, lorsqu il rebondit sur les paroles de la mere de Nathalie pour la pousser a exprimer ses pensees sur les voyages et tout le bien qu elle en pense : c est une ouverture indispensable sur le monde. On se fait un clin doeil a ce moment-la, car Ajan quelques jours avant faisait remarquer que s il etait enclin a voyager "avant", desormais il n avait plus besoin de se divertir de lui-meme en allant chercher ailleurs ce qui est en lui. Oui oui oui.... Bon. Decidemment moi je ne comprends pas qu on puisse a ce point se satisfaire de soi... 

Mais plus mon depart approche, plus je me libere et deviens souriante. J ai plus parle et souri la derniere semaine que sur le mois entier ! Un jour, un voisin appelle a la pepiniere. Un caribou vient d etre percute par une voiture. La communaute n est pas vegetarienne, mais elle ne mange que les animaux morts qu elle trouve a temps pour preparer la viande. Et comme les accidents ne sont pas rares dans le coin, on les appelle souvent. Mars part vec le pick-up et revient avec l animal mort, qu il a juge suffisamment sain pour l emporter. Je ne veux pas voir ca, je me detourne du pick-up. Mars etait chasseur avant de vivre ici. Enfin il a ete chasseur, mais aussi elagueur d arbres. J oublie le caribou et vais continuer "ma job" ou "mon projet"... Le soir, au moment de rentrer, alors que la nuit est tombee, je vois de la lumiere dans la "salle d empaquetage" et j entends des voix feminines. Je vais jeter un oeil car ca y est je suis sociable... Je vois Mars, Nathalie et la mere de Nathalie penches sur quelque chose et j entends un bruit electrique. Ca va ? Qu est-ce que vous faites de beau ? Nathalie, un couteau a la main - celui qu elle a forge elle-meme grace a l enseignement d Eric - me repond : ben on decoupe le caribou. Mon dieu quelle horreur ! Je fais demi-tour direct sans meme jeter un regard a ce qui est a leur pied : ok je vous laisse a plus tard !!...  Ouf, je n ai strictement rien vu ! Mais quelle horreur ! Comment peut-on faire ca ! Et dire que la maman semble fiere de sa fille apres ca !! Beurkk...

 

Ceci dit j en ai mange, du caribou. Pas celui-ci, mais plus tot, en debut de mois. Et c est bon. 

En raison de la presence de la maman de Nathalie, on fetera les 20 ans de celle-ci avec un gateau au chocolat realise par Eugene himself. Parce que bon, ici les anniversaires ca a autant d interet que la beaute d un coucher de soleil, si je comprends bien. On s en fiche un peu. C est vrai quoi, c est quoi cette habitude qui flatte l orgueil une fois de plus ?...

 

Mes preparatifs pour la suite se precisent. J ai recu de Bogdan mon nouveau code pour ma nouvelle carte bancaire, eureka ! Je suis fixee sur ce que je souhaite faire ensuite : partir en velo pour Quebec city, puis prendre un bus pour descendre  Niagara Falls et reprendre le velo a Niagara pour longer le lac Erie, aller jusqu a Chicago puis Saint Paul. Aucune idee du temps que ca me prendra ni du temps qu il fera.   

Les temperatures se sont rafraichies. Le matin j ai un pull tant que je suis  a l ombre. La derniere semaine on sent vraiment que le gel arrive. Il est annonce pour debut octobre. Je serai sur la route... Elisabeth a regarde mon duvet et m a donne cet avis cinglant : entre ca ou rien c est pareil ! Ah zut.... pourtant c est un 3 saisons... Tu devrais acheter un pull en laine, un duvet des suprlus de l armee, etc... Oui ben non, je vais faire avec ce que j ai...

 

Plus que jamais, je savoure mes pauses du midi. Je pars toujours en velo hors de la propriete, je me pose pres d un lac a meme pas un kilometre, et je bouquine au soleil. Bientot la liberte, trop bon... La communaute parle devant moi des recrutements en cours pour me remplacer. Ils ne manquent pas de candidatures ! Mais ils ont decide de revenir a une selection plus precise. L episode Charlotte et Sarah a vraiment marque les esprits, et j imagine que je ne fais pas partie des grandes reussites non plus. Je concois tres bien qu il ne soit pas drole pour eux de faire avec ma reserve. Ils ne m en ont jamais parle directement mais j ai bien compris qu ils en avaient parle entre eux pour essayer de comprendre et faire en sorte que ca se passe mieux. En realite il n y a pas grand chose qu ils pouvaient faire de plus de leur cote...

J entends donc parler de deux personnes susceptibles d arriver avant ou juste apres mon depart. Eugene est rassure car il s inquiete un peu de rester tout seul. Il ne leur en a d ailleurs pas encore parler mais il ne compte pas rester le mois entier prevu. Il leur dira juste apres mon depart. 

 

Un jeune quebecois est annonce tout a coup. Ils n ont pas pris le temps de faire un entretien skype et vont le regretter et le faire pour les autres. J ai beaucoup discute avec Elisabeth a ce sujet, en particulier suite a sa reaction sur la candidature d une jeune fille quebecoise. Lorsque on postule pour ce job, il faut quasiment envoyer un CV, expliquer qui on est, pourquoi ca nous interesse de venir ici, etc. Il y a un certain nombre de questionss auxquelles ils faut repondre.  A partir de la, la communaute nous "googlise". Pour cette candidate, Elisabeth est tombee sur le blog que cette fille ecrit. Et ce qu elle y a lu ne lui plait pas des masses. Pourquoi ca ? - lui demandais-je. Et Elisabeth me fait cette reponse qui me cloue le bec : Parce que quand je lis sa vie aujourd hui je me vois avant, et je ne suis pas sure d avoir envie de faire entrer ce genre de personne ici.

 

On discutera beaucoup. Je comprends qu elle parle de drogue, d alcool , de sexe, de fetes. Ce qui gene le plus Elisabeth c est qu elle ne sent pas d envie de changer, chez cette fille. Moi evidemment je preche pour le "on t a bien accueillie, toi"... a quoi elle me repond : oui, mais pas tout de suite. J ai demande une fois, on m a dit non. J ai attendu un an et j ai a nouveau postule, et la ils ont bien voulu. Alors j ai envie de faire pareil avec elle, On verra si elle y tient vraiment, a venir ici...

Voila en tout cas un jeune blondinet de vingt ans qui arrive un soir. Veronique a ete le chercher a Montreal. Ils arrivent tard, je n ai pas envie d etre sociable a 22h, le soir c est mon temps pour moi donc je reste dans ma chambre a bouquiner. On fait connaissance au petit dejeuner le lendemain et ce brave garcon pose un tas de questions sur l auto-suffisance, et combien de surface vous avez ici, et combien de temps il faut pour faire pousser tel ou tel truc... Super, que je me dis, en voila un qui a l air vraiment interesse, ca va leur faire du bien. "Moi j ai pas de gros besoins - dit-il pour expliquer ses projets futurs d exploitation -, mais c est ma blonde qui me pousse a consommer, elle m achete  tout le temps des vetements par exemple..." Une blonde etant le nom commun pour designer une petite amie. Je ne sais plus comment on dit pour un petit copain. 

On part desherber ensemble une heure, tout va bien. Puis Mars nous emmene avec lui et montre d abord au beau gosse (car il est beau gosse, le gamin, avec son petit bonnet style sur les cheveux tires en arriere) ce qu il attend de lui. A savoir desherbe autour de certaines plantes. Et la ca se gate. Je ne sais plus de quelles plantes il s agissait, mais il devait en identifier deux et pour lui ca n etait pas evident. Ca ne l aurait pas ete pour moi non plus, d ailleurs j ai essaye de l aider mais il etait difficile au demarrage d etre sur de son fait.  

Je ne peux pas vraiment dire que Mars lui a manque de respect, mais je me rappelle avoir ete etonnee du ton et des mots qu il a employes. En tout cas pour Mars visiblement ce n etait tout de meme pas bien complique donc il s agissait maintenant de se mettre au boulot. 

Pour moi il avait un autre job, donc je suis partie et ne l ai plus revu avant la pause dejeuner, mais j ai bien senti que le beau gosse avait moyennement apprecie le ton de Mars. 

Pour ma part, je me suis retrouvee sur une "job" tres sympa. Armee d un secateur, je suis sortie de la propriete (ce qui etait deja tres sympa en soi) avec pour mission d identifier les jeunes noisetiers plantes tout le long de la route a partir de l entree. Sachant que ces noisetiers etaient caches au milieu des autres arbres ou carrement perdus dans une foret de mauvaises herbes sur le dernier kilometre. Mars m a aidee a trouver des reperes pour etre sure de ne pás me tromper dans ma reconnaissance, sachant que je devais logiquement trouver un bebe noisetier tous les deux metres.

 

Je suis absolument ravie ! Je vais bosser seule, hors de la propriete, ecoutant tantot le chant des oiseaux tantot la musique de mon mp3 que j accompagne en chantant. Parfois je galere vraiment pour reperer les arbrisseaux qui ne depassent pas un metre cinquante ou un metre. J observe les feuilles, la couleur, le petit bourgeon a la naissance des bebes branches. Quand c est franchement dur mais que je finis par le reperer je suis trop fiere de moi ! Bref, je m amuse et remercie interieurement Mars de m avoir comfie a dessein - j en suis sure - un boulot qui me permet d etre tranquille et "dehors". 

 

 

A midi Mars vient me chercher en jeep. Pendant le dejeuner, le petit nouveau m entend parler du lac ou je vais bouquiner. Il veut venir avec moi. Flute. Je reponds un tantinet sournoisement : "Ah oui bien sur, mais je prends mon velo pour y aller". Ah ben parfait j ai mes chaussures de jogging je te suivrai en courant. Ah.... bon. Zut de zut, ma tranquilite ! Mais au moment de partir, pour une fois Dada va me rendre un service. Il se met a nous courrir apres. Ah il a le droit de sortir ? demande Beau gosse. Oui, a condition que tu n ailles pas vers la route. Et je lui montre l autre chemin qui s enfonce un peu plus loin avant de finir en cul de sac. Et hop. Beau gosse part avec Dada a ses trousses dans le sens oppose au lac. Parfait, me voila tranquille ! Je file vers mon lac et bouquine a mon aise... 

J aurais peut-etre du comprendre, quand Beau gosse m a dit qu il voulait se mettre serieusement au jogging ici le midi vu qu "il n y avait rien d autre a faire". En tout apres un diner tranquille et pendant lequel Beau gosse s est montre interesse par le bouddhisme - se heurtant aux reponses froides d Ajan, le blondinet a demande a Eric et Veronique sil pouvait leur parler. Eugene s etant propose galamment pour faire la vaisselle, j ai file au caveau sur internet et le blog. Au bout d une demi heure, Eric est descendu. Il avait son manteau, et semblait tout desappointe quand je me suis tournee vers lui. Et c est avec une vraie deception dans la voix et l expression du visage qu il m a simplement dit : Il s en va... J en suis restee scotchee. Comment ca il s en va ?

Eric m explique que ce jeune est accroc a la drogue et ne se sent pas de taille a decrocher ici et maintenant. Il aurait par contre pris conscience de devoir suivre une therapie. Bon. Sa mere est en route pour le chercher. 

 

Je suis vraiment peinee de voir la deception d Eric. Et je suis egalement surprise de voir que decidemment la pepiniere attire les jeunes drogues du coin qui tentent de decrocher.

 

En tout cas pour moi les deux derniers jours sont super, passes a identifier mes noisetiers jusqu au bout du chemin qui s etend sur plusieurs kilometres. Le dernier soir, j apprends avec plaisir que nous dinerons autour d un feu de bois. Moi qui adore les feux de bois ! Les sacs de pique-nique sont prepares et charges dans le pick-up a la nuit tombee, car nous allumerons le feu a 500 metres de la propriete, dans un coin de foret occupe par de hautes dunes de sable. 

Alors que nous piquons nos saucisses sur les batons que nous tendons au-dessus du feu, j apprends que c est une tradition, ici, de faire un feu de bois au depart d un workaway. Ah zut..  Encore une attention sympa, a laquelle je ne saurai pas repondre simplement et de maniere un peu chaleureuse. C etait sans doute le moment de dire merci et a quel point cette experience avait ete super pour moi, mais franchement ca ne sortait pas. Nous sommes restes a discuter jusqu a ce que plus personne n ait faim. Il faisait froid. C etait chouette.... mais personne n avait grand chose a dire. Donc nous avons fini par rentrer. 

 

Et je me suis levee le lendemain pour mon dernier petit dejeuner avec tout le monde. Et cette fois je n avais plus le choix, c etait maintenant ou jamais. Je me suis donc lancee. J ai choisi mes mots pour les remercier pour leur generosite, tant dans leur accueil que dans le plaisir qu ils ont tous a transmettre. Et je n ai pas pu m empecher de les remercier d avoir supporte mes humeurs pas faciles. 

Veronique m a alors tendu le "livre du volontaire". Il fallait que j ecrive un mot dans le livre. Ils allaient mettre une photo de moi, en face de ce que j allais ecrire. Ah super... aie aie aie... Bon. 

J ai pris le livre et j ai cherche l inspiration. Pendant ce temps ils sont descendus faire leur heure de desherbage. J ai ecrit, j ai porte mes affaires en bas et les ai installees sur le velo. J ai ete leur dire un dernier au revoir. Eric, ce grand nounours, m a serree chaleureusement dans ses bras ! Ahlala, lui et Elisabeth, et Eugene bien sur, m ont sincerement touchee.

Ajan est sorti de sa maison de rondins au dernier moment. Voila, j ai dit au revoir et j ai tourne le dos pour sortir du chemin de la propriete et m engager sur la route. 

 

Libre ! Trop contente d etre a nouveau seule sur les routes ! Je file d abord vers le creux de la route avant de pousser sur les pedales pour remonter jusqu a la nationale. Je m arrete une derniere fois au depanneur pour acheter des cigarettes et en fume une sans regarder derriere moi. Je ne me sens pas a l aise, et toute la journee je trainerai la culpabilite que j ai ressentie depuis le debut de mon sejour ici, me tenant pour partie responsable de cette ambiance deletere que j aurais apesantie avec ma reserve et mes propres jugements. 

J'ai voulu tester cette vie-la, et bien voila. Je l ai testee. Et apres tout, c'est bon a savoir : ce reve romantique d'une vie en nature a faire pousser ses salades et ses navets, non, trois fois non, ce n'est vraiment pas pour moi ! En tout cas pas comme ca. Pas a cette echelle, deja. Non la vraiment c'est trop, on n'a pas une minute a soi, tout est dicte par les necessites (semer, recolter, conserver avant l'arrivee du froid). Et puis meme a petite echelle, jardiner c'est rigolo mais c'est pas mon truc ! Il faut que j'arrete avec ce fantasme, je ne suis pas Laura Ingalls ! Ou alors si mais la version litteraire de Laura Ingalls. Pas la version qui fait ses corvees d'epluchage de patates et de ramassage de bois a longueur de journee. Bon. Depuis le temps que je voulais essayer, voila c'est fait. J'ai vu et je n'y reviendrai plus.

Il y a un melange de plein de choses en fait, qui font que mon esprit a cherche les mille et un moyen de s'evader sans arret au lieu de porter de l'attention a ce qu'on me demandait de faire. Tant qu'on me foutait la paix dans ma reverie contemplative, j etais la plus heureuse du monde. "As-tu trouve une technique pour ramasser les pois plus vite ?" - ah non pas du tout, je regardais les nuages, la, en fait... "Tiens regarde la piece de fer que je viens de forger pour ma nouvelle machine a deplanter les arbres : j'ai du ajouter un element au milieu parce que j'avais mal decoupe l'essieu au depart - ah oui ? mais je m'en fous en fait, ca ne m'interesse pas... " C'est horrible comme je me suis decouverte a des milliards de kilometres de leur bonne volonte a m'apprendre des choses. Je m'en fichais, et j ai passe mon temps a m'interroger sur ce desinteret. J'ai pourtant choisi d'etre la ! J'ai postule pour venir travailler ici. J'ai dit ma grande curiosite et mon envie d'apprendre. Mais la je constate que je me suis trompee. J'ai cru que j'avais de l'interet pour tout ca, mais non. Pas l'once du debut d'un soupcon d'interet.

Je suis consciente que parmi les raisons qui m ont braquee des le debut, il y a ce que j´ai ressenti comme un besoin de se proteger du monde exterieur.  Ce qui va totalement a l´encontre de mon etat d´esprit depuis mon depart. J'aspire au contraire a m´y replonger corps et bien, dans ce monde vivant et anime ! En arrivant ici, au bout de deux jours j'ai eu la vision de cette serie ou l´une des heroines, a l'occasion d'un passage a vide, decide de faire une retraite silencieuse.  On la voit dans differents moments de cette retraite, plongee dans ses pensees, le visage tristoune, faisant les activites silencieuses au programme. Et puis d'un coup elle s'arrete, hurle "merde !!!!" et dans la scene suivante elle est a la station de bus avec sa valise pour rentrer chez elle ! Et bien j'ai souvent eu cette image en tete pendant mon sejour a Sainte Julienne...

Autre symptome, et non des moindres, de mon peu d´enthousiasme : tres souvent dans la journee je me suis surprise a fredonner la musique classique des funerailles ! pom, pom, pom pom, pom, pom pom, pom pom, pom pom.... Lorsque je m'en rendais compte, j´en riais toute seule ! Sensation d´etre avec des morts. Voila le genre d'idee qui ne m´a pas quittee du sejour. 

Je n'exulte donc pas tout de suite, ce jour-la. Il faudra que la distance se creuse un peu pour que je me sente a nouveau moi-meme. Et d´ailleurs, il est temps d´y aller ! 

Je m'engage sur la 337 direction Rawdon, et c'est parti ! Me revoila sur les routes ! Toute la journee je vais avoir la sensation de me retrouver apres une longue absence. Il y a eu cette parenthese extremement benefique au Lac Stevens, mais en un mois c'est a peu pres le seul moment ou j'ai eu le sentiment d'etre moi-meme. Je me retrouve donc avec bonheur et je chante ce bonheur avec la musique dans les oreilles a fond les ballons ! J'arrive rapidement a Rawdon. La, Eric m'a dit de prendre la 348. Mais j'ai un doute. J'arrete un monsieur dans sa voiture pour me confirmer la direction. Le brave gars reflechit, me confirme mon intuition (pour une fois, c'est a marquer dans les annales !), et cherche meme dans sa memoire les chemins les plus sympas a faire en velo : le chemin du Roy, celui qui relie Quebec a Montreal. Il regarde mon velo : "mais tu fais un pelerinage ? - non, je visite, simplement ! - C'est bien ! Mais tu n'as pas choisi la bonne temperature ! - Eh, c'est vrai qu'il commence a faire froid, mais ca va aller . - Fais un beau voyage !" Et voila, il ne m'en fallait pas plus pour retrouver tout a fait le plaisir que j'ai a vadrouiller sur les routes. Un echange chaleureux de 5 minutes avec quelqu'un, et j'appuie sur les pedales avec un grand sourire aux levres. La vie est belle !

 

La 348 vire a droite toute. Je traverse la foret de Lanaudiere et ca monte et ca descend ! Je repere les noisetiers ! Apres Rawdon, je file vers Joliette. Je sais que je vais retrouver le Saint Laurent a la hauteur de Berthierville. La, je trouverai la 138 et n'aurai plus qu'a la suivre jusqu'a Quebec. Eric a cite le nom de Louiseville. Je ne sais pas du tout combien de kilometres il y a entre Saint Julienne et Louiseville, mais je me fixe ce cap pour la journee.

Et la route defile, et j'avance bien mieux que je ne l'aurais imagine. Je m'arrete prendre un cafe, et l'horloge dans la boutique indique 13h05. Quoi deja ? Je n'ai pas faim. Normal, avec tout ce que j'ai mange depuis un mois ! Je m'arrete tout de meme au prochain grand magasin, histoire d'avoir de quoi faire un sandwich au cas ou et de quoi agrementer des pates si je cuisine ce soir. A cote de l'IGA (grand magasin), j'apercois un bureau de poste. J'en profite pour faire partir trois lettres. Deux pour la France, une pour le Maroc.

Vers 15h, je commence a fatiguer et a pedaler moins vite. J'avance suffisamment pour me sentir tranquille, j'atteindrai sans difficulte Louiseville ce soir et je vais meme dormir plus loin, j'ai du temps devant moi. La campagne est belle, j'ai quitte la foret vallonnee pour la plaine qui borde le Saint Laurent. J'apercois le fleuve entre les proprietes qui longent ses rives a Berthierville. Mais je ne le retrouverai veritablement qu'en fin de journee car la route s'eloigne un peu pour longer la foie ferree. J'arrete le MP3 pour ecouter la radio. J'ai vaguement l'espoir de tomber sur une chaine de country mais non, je ne capte que des talk-show avec musiques souvent vielliottes ou quebecoises. Mon dieu que les paroles sont souvent niaises ! Mais j'adore ecouter les commentaires des animateurs, je trouve la langue vraiment rustique et imagee, j'aime leur accent. Le francais de France me parait bien fade, a cote. La ou les animateurs francais usant a outrance les superlatifs m'exaspereraient, je ne sais pas pourquoi, je trouve les animateurs quebecois pleins de sincerite et d'une franche bonhommie.

Je ne regrette pas d'avoir opte pour le pantacourt. Il fait une temperature ideale pour pedaler. Je n'ai pas froid aux jambes, le soleil m'accompagne toute la journee. Par contre j'ai choisi de porter un de mes tshirts techniques a manches longues et mon sweat bleu par-dessus et j'ai bien fait, car je n'enleverai pas mon sweat de la journee. Il fait frais. Du coup je n'ai pas trop chaud en pedalant, et je n'ai pas froid non plus. Lorsque je m'arreterai pour camper je n'aurai pas la sensation d'avoir transpire comme une malade, c'est tout juste parfait.

Je suis a nouveau sous le charme des jolies maisons cosy, avec leurs couleurs eclatantes ou pastels, leurs balustrades en bois, leurs rocking-chairs tournes vers le passant comme aux Etats-Unis, leurs jardins fleuris. La route traverse quelques petites villes. Je contemple a droite et a gauche les proprietes ou les eglises aux toits argentes. Jusqu'ici, le Quebec et les Etats-Unis ont pour moi ce charme retro que j'imaginais. Louiseville me plait bien. Je m'arrete pour prendre un cafe. Dans la campagne, je passe regulierement devant de grosses fermes avec leurs sillots a grain qui s'elevent haut dans le ciel. J'adore les vieilles granges de bois toute degingandees, on se demande comment elles tiennent encore debout, on a l'impression qu'au prochain coup de vent tout va s'ecrouler, comme des dominos en equilibre instable. J'apercois d'imposants chevaux a la robe brun clair, aux poils tres ras et aux pattes enormes et evasees. Quelques vaches aussi, et puis des rapaces qui planent au-dessus des champs et des forets pour reperer leurs proies. Dans la plaine, les champs de mais s'etalent a perte de vue. Des points de vente se dressent sur les bords des routes : "directement de notre verger" annoncent les publicites. Pommes, fraises, tomates, feves (comprenez haricots). Et puis le long de la 138 qui remonte le Saint Laurent, ce sont les citrouilles oranges qui font leur apparition.

Arrivee tot a Louseville, je pousse un peu plus loin et commence a me demander ou je vais dormir. Je passe Yamachiche, puis decide d'aller jusqu'a la Pointe du Lac. J'y suis vers 17h00. A l'entree du village, la route semble vouloir plonger dans le lac. Fascinee par la largeur du fleuve a cet endroit, je m'arrete et grignote des cookies en admirant la vue. Un caming car s'est arrete ici et s'est installe visiblement pour la nuit. Mais moi je serais trop exposee si je voulais m'arreter ici. Je dois trouver un coin plus discret si je veux camper a la sauvage. A une dizaine de metres j'apercois un plan du village. Pas ce camping signale. Bon. Par contre je vois un relais maritime. Pour les plaisanciers, sans doute. Je decide d'aller les voir et de leur demander si je peux planter ma tente quelque part, avec peut-etre un acces a une douche. Je repars. Je passe devant un genre de parc de loisir qui indique ce qui pourrait être un site de camping. mais ca fait un peu "prive". Je n'entre pas et pousse plus loin. Sauf que plus loin, j'ai l'impression que je vais a nouveau entrer dans la foret. Ou est mon relais maritime ?

En face, un homme sort de sa voiture et va regarder dans sa boite aux lettres en forme de petite maison. Il s'apprete a rentrer chez lui, mais me vois dans son champs de vision alors que je m'approche. Je lui demande s'il sait ou se trouve le relais maritime. Ca ne lui dit rien du tout. Il me parle d'un camping dans les terres a une dizaines de kilometres, mais quand il comprend que je cherche juste un coin pas loin pour planter la tente il lui vient une idee. Il me montre une tour qui ressemble a un relais electrique ou un repere de chasseur, au choix, a une cinquantaine de metres en arriere, sur la route d'ou je viens : "tu vois cette tour ? Juste avant il y a un chemin qui t'emmene sur le terrain d'une communaute de freres chretiens. Le terrain est super bien entretenu, ils ont une quinzaines de petits gites pour une personne, et c'est malheureux mais y a jamais personne la-dedans ! Moi si j'etais a ta place, j'irai poser ma tente sur ce terrain. Personne ne viendra te deranger. Ah oui ? Bon mais si le terrain est entretenu c'est qu'il doit bien y avoir quelqu'un qui s'en occupe - suppute-je. Bof ils viennent une fois de temps en temps, mais y a personne. Je le sais parce que je descends toujours par la pour aller faire mon tour au bord du fleuve" - ajoute-il en rigolant. Allez c'est parti ! Je fais demi tour, m'engage dans le petit chemin que le gars m'a indique apres la tour. Et effectivement le gazon est bien coupe, les arbres s'elancent droits vers le ciel, les ecureuils sautent paisiblement de branche en branche, et les cottages s'alignent sagement face au fleuve. Et il n'y a pas ame qui vive. Bon.... C'est royal ! Je n'en reviens pas ! Je choisis de rester discrete et plante la tente entre deux chalets, face au lac. Vue sur le coucher de soleil sur le lac. Les piquets entrent dans l'herbe moelleuse comme dans du beurre. Je n'ai a redouter ni importun, ni vilaine bebete, ni cailloux sous le toile de tente. Royal !

Je suis aux anges. En plus je ne me sens pas crade (merveille des vetements techniques !), la douche ne me manquera pas. Je monte la tente et attache le velo a l'escalier d'un des chalets. Je ne redoute qu'une chose : on annonce l'arrivee du gel pour la fin de semaine. Normalement ce n'est pas pour cette nuit.

Je decide de ne pas cuisiner, je n'ai pas specialement faim. Un petit sandwich avec vache qui rit et mortadelle suffit. La nuit tombe super vite. Je m'installe dans mon duvet en collant de laine et tshirt, et je me replonge dans le Harlan Coben que je suis en train de lire. A 21h mes yeux sont fatigues par la lecture a la lumiere de la lampe de poche. Et puis je sens que j'ai pris du soleil et du vent frais dans la tete toute la journee, ce qui ajoute a la fatigue. Je ne me fais pas prier pour m'endormir...


 

Avec un tel lit de gazon, je pensais dormir comme un bebe, mais non ! Je ne cesse de me reveiller et de changer de position le plus lentement possible tant j'ai mal au dos. Par contre je suis suprise d'avoir aussi chaud. Au petit matin j'ai presque ouvert le duvet tellement j'avais trop chaud. Voila qui me rassure tout de meme sur mon materiel.

J'ai le dos en vrac mais je me leve sans difficulte a 7h du matin et remballe mes affaires en un temps record. Je suis en route a 8h. J'ai vaguement l'idee d'arriver a Portneuf ce soir, mais ca peut aussi être moins loin.

 

La route 138 suit le chemin du Roy, la premiere voie empruntee par les courriers et les voyageurs de Quebec a Montreal. De temps en temps la signalisation du chemin du Roy effectue un decrochage pour nous faire traverser les villages en passant par des rues magnifiques. Telle maison abritait les anciennes postes, telle autre la cordonnerie, telle autre encore le bureau des taxes. Portneuf fait partie de ces jolis petits villages. J'en verrai d'autres. Dans les campagnes, les tracteurs s'activent pour couper le bleu. Ca sent la terre retournee un peu partour, les champs perdent leur couleur doree au profit d'une teinte plus brune ou rouille. 

Je continue ma route avec les animateurs des radio canadiennes dans les oreilles. Que c'est drole ! Je ne retiens pas une seule chanson qui me plaise vraiment, mais le folklore quebecois m'accompagne. Le prenier poste de depense des jeunes quebecois est la nourriture : les jeunes vont de plus en plus au restaurant. Le fait est que depuis que je suis au Quebec je n'entends parler que de nourriture. En meme temps, j'ai passe les trois quarts de mon temps dans une communaute qui produit presque tout ce qu'elle mange, donc forcement ce sujet etait predominant - voire, ecraisait tout le reste.

Notre Dame de Lourdes s'annonce avec son imposante eglise sur laquelle debouche un pont surplombant une riviere. C'est inattendu et joli. Les mouettes decident de s'envoler toutes au moment ou je traverse le pont. Elles s'eparpillent, s'ebattent dans les airs en criant (peut-etre "alerte, alerte"), avant de revenir se poser calmement les pieds dans la vase et les ajoncs. Apres Notre Dame, la route prend tout a coup de la hauteur. Mais qu'importe les embuches, je constate que les kilometres defilent. C'est tout de meme etonnant. J'ai parfois l'impression que la mesure quebecoise est plus courte que la mesure francaise, car je mange les kilometres bien trop vite par rapport a d'habitude. J'ai remarque ca depuis les Etats-Unis en fait. Je ne vais pas vite, pourtant en regardant les panneaux je trouve que les dizaines passent bien trop vite. Ceci dit je ne vais pas m'en plaindre. Tant mieux si j'avance !

 

 

La vue depuis les hauteurs est superbe. Le fleuve est si grand. Bien plus grand que le Rhone. On ne joue pas dans la meme cour, la...Mille fois j'ai envie de m'arreter pour photographier les maisons tellement elles sont belles ! J'en ai photographie certaines, mais j'en ai laisse de bien plus belles sur le bord de la route !

Je depasse Portneuf allegrement et decide de pousser jusqu'a Donnacona. Il ne me restera plus qu'une quarantaine de kilometres a faire le lendemain pour rallier Quebec. Incroyable, moi qui m'etais donne 5 jours...

En arrivant sur Donnacona je reviens tout a coup dans la civilisation marchande. Grands magasins et grandes surfaces se succedent, la circulation s'accelere et les voies se dedoublent. Mais ca ne dure pas bien longtemps, et a la sortie de la ville je m'avise qu'il est presque 18h, donc grandement temps de trouver un coin pour poser la tente. J'avoue que je misais vaguement sur un motel, car bien que ce soit hors de prix pour moi j'aimerais beaucoup dormir dans un de ces motels qu'on voit a la television (en general ce sont les personnes en cavale qui s'arretent dans les motels...). Mais je n'en vois pas le bout d'un. Par contre, sur une portion de route tranquille bien que passante, je remarque une ouverture sur la droite dans les herbes hautes.

Je m'arrete et tente le coup. Les herbes arrivent a la hauteur de mes genous, presque. Cette entree n'est pas tres utilisee on dirait. 100 metres plus loin, elle debouche sur le bord d'un enorme champs de feves (haricots, en quebecois), baigne par le soleil. Le champs est borde d'un chemin de terre qui en fait tout le tour. Il est si vaste que je n'en vois pas le bout en face de moi. Sur la gauche, le chemin se divise en deux, la deuxeime bretelle encercle un second champs de feves mitoyen. J'observe le sol, cherche un endroit plus ou moins plat, degage les bouts de bois, ecoute les bruits de la nature autour de moi (et des voitures qui circulent a 50 metres de la). Bon. A cette heure-ci les travaux dans les champs sont finis. Pas de raison de craindre d'etre derangee par un paysan. Pas de trace de bestiole. Elles ne doivent pas trop venir par ici, etant donne la proximite des voitures. Il y a bien quelques maisons dont j'apercois les toits, la-bas vers le fleuve, mais le champs me cache a leur vue. Je decide de rester ici et de mettre la tente le plus pres possible du chemin sans empieter dessus, au cas ou le paysan travaillerait tot le matin. A la radio j'ai entendu annoncer l'arrivee du gel pour ce week-end. Je me prepare a une nuit froide. Je m'installe sous la caresse des rayons du soleil couchant, avec cette sensation jubilatoire d'etre seule au monde dans une nature qui m'offre ses couleurs, sa zenitude et sa beaute.

 

Je grignote un sandwich au beurre de cacahuete, attache le velo a un arbre, et me glisse dans mon duvet encore plus tot que la veille pour bouquiner.

 

 

27 septembre 2015

Eclipse totale de lune annoncee ce soir. La lune devrait etre 14 fois plus grosse que d'habitude, et rousse. C'est Mars qui nous a prevenus la semaine derniere. Je sortirai tout a l'heure pour voir ca. En attendant, je viens d'essayer de prevoir un peu la suite de mon voyage au Canada et aux Etats-Unis, c'est a dire une traversee eclaire car je dois etre hors du territoire americain au plus tard le 30 octobre et de toutes facons cette partie du globe terrestre est vraiment hors budget pour moi donc je ne compte pas y rester plus que ca. Ce detour par le nord de l'Amerique me coute finalement bien cher, au final. Je ne le regrette pas, mais disons qu'il ne faut pas que je m'attarde. Pour reduire les frais je vais voyager le plus souvent en bus de nuit, et eviter les frais d'hebergement. Le trace prevu : Montreal (passage oblige pour changer de bus), Niagara Falls, Chicago et Nimmeapolis. Je renonce a monter jusqu.a Tadoussac voir les baleines, ca me ferait encore facilement du 100 dollar entre l'excursion et la vie quotidienne, et l'argent file si vite que je prefere ne pas pousser l'aventure canadienne plus que ca. 

Pour l'heure, et avant de sortir observer la lune, je retourne sur la page New York du blog... Vraiment trop nul que je ne puisse pas telecharger de photos sur cet ordi ! Je n'ai plus qu'a attendre d'etre chez Regine, dans le Minnesota, ou alors carrement de franchir la frontiere mexicaine !

L'eclipse de lune est dans la boite ! J'y retourne dans une petite demi heure, pour l'instant l'eclipse est totale. C'est assez magique... Dire que vers 20h30 la lune eclairait si brillamment le Saint Laurent ! En ce moment la nuit est toute noire du coup.

Je ne serai derangee ni par les humains ni par les animaux ou insectes pendant ma nuit au bord du champs. Je me suis glissee dans mon duvet avec un tshirt et ma polaire. Je n'aurai pas froid, bien enveloppee dans mon duvet, pourtant je sens qu'il ne fait pas aussi bon que la veille. Je range le plus possible mes affaires sous la tente. J'avais deja tout boucle la veille, je n'ai plus grand chose a faire. Lorsque je sors, l'aube est rose et les premiers rayons du soleil sur le champ rend les feves toutes dorees. Je constate que le gel a fait son apparition sur le toit de la tente ! Lorsque je commencerai a vouloir essuyer la tente avec le chiffon absorbant, mes doigts seront vite geles ! Oh que c'est desagreable ! Je decide de poser le toit de la tente sur les feves au soleil pendant que je range le reste. Mon chiffon est tout froid, le toit de la tente est mouille - glace, je laisse tomber. Je l'essuierai et le rangerai lors de ma pause dejeuner, il fera le voyage de la matinee sur mon porte bagage. Je crois que je n'ai jamais ete aussi rapide pour charger le velo. Cette fois-ci j'ai revetu le cycliste, un tshirt technique, mon sweat chaud et ma polaire plus la veste gore tex. Je passe mon foulard achete au Maroc autour du coup et enfile les gants gore tex. La panoplie totale ! Et on n'est que fin septembre, ca promet si j'ai des velleites de continuer a pedaler dans le coin encore quelques jours. J'ai encore dans l'idee de pousser peut-etre jusqu'a Tadoussac pour aller voir les baleines, sur les conseils de Francoise. Mais l'expedition risque de couter cher. Et le Canada et les USA me coutent cher. Et puis plus le temps passe, plus j'ai envie de me lancer dans autre chose, le sud de l'Amerique m'attend. Ca me fait un peu peur aussi, mais sans doute ai-je besoin d'aller me confronter a ca.

Bref. Je pousse le velo en dehors du champs, retrouve vite la route, branche la radio et me lance sur la 138 a 7h30 du natin en guettant le premier cafe venu. Je n'ai pas eu envie de me faire un cafe sur place, j'avais les doigts trop geles. Je sais qu'il doit faire chaud aujourd'hui, ils l'ont annoce a la radio hier. Mais pour l'instant je suis bien contente d'avoir toutes mes epaisseurs sur moi.

 

 

Mes jambes sont lourdes. Je n'ai qu'une petite quarantaine de kilometres a faire pour arriver, je pars tranquille. Le premier panneau que je croise m'annonce meme 34 kms ! Quoi c'est tout ? J'y serai vraiment tot, chouette ! D'autres jolis petits villages m'attendent, Neuville, Cap Rouge, puis ce sera l'entree dans l'agglomeration de Quebec avec Saint Augustin de Desnaures et la plage Jacques Cartier. La route est belle, mais vallonnee. Je prends mon temps, suis les signalisations du chemin du Roy.

Juste a l'entree de Neuville je m'arrete pour boire un cafe bien chaud. Un peu plus loin, le chemin du Roy s'ecarte vraiment de la 138 et se perd dans la campagne doree. C'est calme, paisible, je m'offre une pause pour bouquiner et grignoter un morceau de pain au beurre de cacahuete. Pour retrouver la 138, de mechantes cotes m'attendent au tournant ! Je m'essouffle ! Mais j'ai le temps alors c'est pas grave. Et puis la route m'offre de superbes points de vue sur le fleuve. Toujours aussi beau, charriant de gros bateaux alors que des rochers affleurent ca et la et donnent a penser que le niveau d'eau n'est vraiment pas eleve a certains endroits.

A partir de Saint Augustin de Desmaures, je passe devant des maisons vraiments cossues, des faubourgs qui respirent l'aisance. La route redescend vers le fleuve et a l'entree de la plage Jacques Cartier un grand pont de chemin de fer a l'ancienne domine le paysage. Alors que je m'apprete a entrer sur le chemin de terre qui suit la plage, deux dames s'arretent a ma hauteur. Tu viens d'ou ? (cette manie rigolote des quebecois de tutoyer ! J'aime vraiment, ca met tout de suite a l'aise). Ben la de New York, mais sinon de France. Et tu vas ou ? La dame qui me questionne avec entrain me raconte qu'elle-meme, plus jeune, a parcouru l'Amerique du sud en velo. Ah on n'a pas la place pour acheter des souvenirs mais c'est pour les gens qu'on fait ces voyages, avant tout - me dit-elle. Je suis bien d'accord ! Elles me souhaitent bon voyage.

Je m'engage sur le chemin de terre qui borde le fleuve le long de ce qui est indique sur ma carte comme etant le parc de la plage Jacques Cartier. Le soleil darde ses rayons chauds sur le fleuve et ses rives verdoyantes amenagees pour la promenade. Je pedale quelques instants puis me pose une petite demi heure sur un banc pour faire secher le toit de ma tente tout en bouquinant. Le chemin s'etire sur quelques centaines de metres encore, avant de tomber dans une impasse. Le parc s'eleve tres haut sur ma gauche, et c'est par la que je devrais remonter pour retrouver la route qui conduit au centre de Quebec. Je dois pousser le velo sur une pente severe pour sortir de la. Je peine, presque couchee en avant sur le velo pour le hisser la-haut. 

 

Enfin j'arrive sur le plat et peux remonter sur ma selle. Le chemin saint Louis traverse une tres jolie banlieue. C'est tres paisible et coquet. J entre dans Quebec par la verdoyante et tranquille Sainte Foy. Je m arrete a un arret de bus pour boire. A cote, une ecole tient ses portes ouvertes aujourd hui et les employes sont deguises en valets avec grosses dentelles autour du cou et des poignets. C est cense attirer les etudiants, ca ?... Un des profs attend a la station de bus et s´enquiert de ma destination, de mon parcours. Nous discutons le temps que son bus arrive. Puis je reprends ma route et le salue tandis qu il monte et part dans la direction inverse. 

La route tourne bientot a droite et un egrande avenue s ouvre devant moi, conduisant droit a Frontenac ou presque. Je longe et entre dans le grand ensemble de parcs des Plaines d´Abraham. Mon velo cotoie ceux des quebecois sortis faire une balade par ce beau dimanche ensoleille. Je retrouve un peu le meme style de maisons et d´escaliers qu´a Montreal. Les restaurants et bars au premier etage ou au contraire au bas des marches d escalier qui semblent s´enfoncer dans le trottoir. Les facades sont colorees, les ecureuils traversent les rues et grimpent dans les arbres sans se presser. J entre par une porte de pierre dans l´enceinte de la vieille ville. Quebec City me semble au premier regard tres touristique mais plutot romantique avec son charme... alsacien. Oui cette vilel a quelque chose, a mes yeux, des villes fortifiees d¨Alsace et de ce melange de pierres grises et de facades de toutes les couleurs, ses rues pavees, son ciel bleu.

Mon parcours prend fin aux pieds de la statue de Jacques Cartier, aux pieds du chateau de Frontenac, aussi joli que sur les photos que je regarde depuis des annees....

Beaucoup de toristes se promenent le long des remparts, remontent du quartier du Petit Champlain, reviennent de la promenade des gouverneurs. Un clown circule sur son monocycle au milieu des pasants en faisant mine d´etre sur le point de tomber sur eux. De la musique "vieille France" raisonne un peu plus loin, elle semble provenir de la rue Sainte Anne qui offre un alignement de petits restos qui me font penser a certaines petites rues de Paris. 

Je reste un moment sur la plateforme a contempler le fleuve Saint Laurent qui se deploie plus loin en plusieurs bras contournant les iles. Une etape de plus. Je realise que je suis a Quebec... Et je savoure.

 

 

Je finis par pousser le velo dans les petites rues jusqu´a l´auberge de jeunesse. Je m´installe et pars me promener. Je me rappelle que demain c´est l´eclipse de lune, il ne faut pas que je la manque. 

Ma rue descend de facon assez abrupte dans la rue Saint Jean. J apercois un restaurant portant le nom de "Un the au sahara", et je pense a Arthur.. Enfin je pense a Bowles, Kerouac, et donc Arthur qui m´a offert le livre avec lequel j´ai demarre mon periple il y a sept mois. Je ne le fais pas expres, mais on dirait que Kerouac me suit !

Je suis surprise par les noms francais des boutiques. Ainsi que par le tshirt "I am not your boo" que porte une femme dans la rue. Un peu plus loin, une autre arbore un sweat "I am not your therapist..." Ils sont bizarres les quebecois, tout de meme..

Je me promene en laissant pour une fois l appareil photo dans le sac. Les mains dans les poches, je hume simplement l air du temps, jusqu a la tombee de la nuit. Puis je rentre a l hotel et me plonge dans le blog pour un moment. 

 

 

Le lendemain matin, je pars pour une journee d exploration, qui commence a nouveau par la rue Saint Jean. Une future mariee doit feter son enterrement de vie de jeune fille car elle et ses copines sont bizarrement habillees devant le chateau de Frontenac... Je tombe par hasard et pour mon plus grand plaisir sur la maison de Noel. J entre evidemment y faire un tour et me regaler devant les figurines de toutes les couleurs et les arbres scintillants. 

Je decouvre la petite ruelle dediee aux artistes peintres, les rues pavees du coeur de ville, puis descends vers les rives du Saint Laurent. Je me dirige d abord vers la station de bus ou je veux prendre les infos dont j ai besoin pour la suite du trajet. La gare est magnifique. A la station de bus Greyhound, on me confirme les horaires de depart des bus et le prix. Ils ont des boites pour le transport des velos. Par contre j apprends que je dois d abord aller a Montreal puis prendre une correspondance pour Niagara Falls, et je dois me charger de la maintenance du velo... dans son carton. Et ben ca va etre pratique tout ca ! Bon.. Au moins c est possible de partir en bus.

Je reviens vers le quartier du vieux champlain. C est trop mignon. Et c est vrai que ca fait penser a l Alsace, surtout les quelques petites rues blindees de touristes, de boutiques et de restos. 

Je passerai trois jours a me regaler. Je ne me lasse pas des vues sur le Saint Laurent depuis les hauteurs de Frontenac et des plaines d Abraham. le dimanche je tombe sur un genre de fete du sport, avec des animations dans les jardins. Le depart d un bateau  de croisiere amenera beaucoup de monde sur le port. De nombreux badaux sont allonges sur les murailes tapissees d herbe, ou moi aussi j irai bouqiner avec la ville a mes pieds. Dans mon dortoir, une chinoise est arrivee. Elle s appelle Joy. Cette fois la nous nous croiserons sans beaucoup passer de temps ensemble, mais nous nous retrouverons par hasard a Chicago ou nous ferons plus ample connaissance

Chaque jour je pars en balade dans une direction differente. La place royale, le port, le parc de l esplanade et les jardins du parlement, la citadelle, les quartiers qui longent la rue Saint Louis et le boulevard Rene Levesque, ... sous le soleil, cette ville a bien des charmes. 

 

Le 27 septembre, a la tombee de la nuit, je rentre vers l hotel lorsque j apercois deux filles en train de regarder en l air. J avoue, j avais oublie l eclipse de lune ! Mais du coup je decouvre dans le ciel, en plein milieuy de la rue au-dessus des toits, la lune deja tres occultee par l ombre de la terre. C est magique ! QUand je vois ce genre de phenomene je comprends pourquoi les premiers hommes devaient voir dans ces evenements des signes de l humeur des dieux... C est tout de meme assez impresionnant !

Je reste un long moment a regarder la lune orange. Et puis comme ca n avance tout de meme pas tres vite, je retourne a l hotel un moment pour ecrire sur le blog, avant de ressortir plus tard pour m apercevoir q un tout petit quart de lune est sorti de l ombre. 

Au bout une heure, je rentre me coucher, non sans avoir envoye un message a Paris car je sais que nous voyons a peu pres la meme chose au meme moment, pour une fois...

Je prends une journee supplementaire avant de parti. J ai encore envie de tranquilite et d un point de chute avant de repartir sur les routes. Car j aI l intention de quitter Quebec en bus, et de me remettre au velo a partir de Niagara Falls. Je suis un peu frustree de ne pas pouvoir decouvrir un peu plus le Canada. Finalement ej n aurai vu qu une partie du Quebec. Il y a beaucoup d endroits ou il faudra que je revienne. Au Maroc, pour voir le desert et le sud, aux USA pour voir tout ce que je n aurai pas vu, au Canada. Le choix que j ai fait, de travailler de temps en temps, me fait passer peu de temps sur les routes en fin de compte. Mais c est bien comme ca que je voulais le faire, ce voyage. Et j aime l idee de programmer de revenir dans dautres circonstances, et accompagnee cette fois. 

 

J ai hate de voir a quoi ressemble les fameuses chutes du Niagara. Je prepare mes affaires pour prendre le bus a la gare de Quebec city. On m a donne tous les renseignements, ca devrait bien se passer...

Mon bus est en fin de matinee. Le matin du depart, je fixe les sacoches et devale les routes pour descendre vers la gare. Je vais au guichet qui va gerer mon velo. Il faut forcer le carton pour que tout rentre, et enlever la roue avant. Je me retrouve avec un enorme carton a trimballer avec moi, c est pratique ! Bon. Prochaine etape, faire deux cents metres pour aller a l autre guichet, celui ou je dois prendre le billet pour moi. Une fois que c est fait, il ne me reste plus qu a attendre dans la salle d embarquement. Quand arrive l heure de monter dans le bus, je porte moi-meme le carton jusqu a la soute. L employe se contente de glisser le carton dans la soute. Et c est pour ce coup de main qu on paie un ticket si cher pour le velo ?... 

J arrive a Montreal en debut de soiree, il fait deja nuit. Et il pleut. Ca me fait plaisir de me retrouver a nouveau dans cette ambiance familiere. 

Tout de meme, j ai trois heures a attendre pour ma correspondance, et je ne peux laisser le carton du velo ni les sacoches dans le hall pour aller faire un tour.. Je trouve doncun paquet de gateaux a grignoter et me plonge dans mon bouquin. Finalement l heure tourne vite, et lorsque j embarque `pour Niagara Falls la lecture m a suffisamment fatigue les  yeux pour que je n aie plus qu une envie : dormir.  

 

Je dors une bonne partie de la nuit, par a-coup. Nous avons des sieges inclinables. Je suis surprise car je pensais qu habituee aux grands trajets de nuit les Etats-Unis avaient des bus de nuit de competition. Mais visiblement les americains sont accoutumes a dormir sur des sieges, et non sur des couchettes.  Je fais avec. 

Au petit matin, un peu avant 7h, nous arrivons a Toronto. Je dois a nouveau debarquer le velo car nous avons une correspondance qui part dans une heure et demi.   

Le carton s abime de plus en plus. Un employe m aide a le porter a l interieur de la station. Il ne fait pas bien chaud a Toronto. Je sors fumer et jeter un oeil sur les grandes avenues qui bordent la station de bus. Un jeune homme qui voyage avec moi vient fumer a cote de moi et entame la conversation. Il est surexcite a l idee de revoir sa femme et son petit garcon. Il parle tres vite et ne peut s empecher de sourire nerveusement a l idee des retrouvailles. Quand je lui demande pourquoi il ne les a pas revus depuis un bout de temps il m explique qu "il a deconne" et du prendre de la distance pour regler ses problemes d alcool et de drogue. Mais maintenant ca va, m assure-t-il, Il est clean et il va tacher de s occuper de sa petite famille. A voir son debit de parole assez hache et peu maitrise, je me demande vraiment s il a regle ses problemes...

 

La gare de Toronto est frequentee par les clochards et les taxis. Le ciel est gris tristoune et il ne fait pas bien chaud. Herueusement l attente n est pas bien longue, et je dois bientot faire a nouveau la queue pour monter dans le bus apres avoir porte mon velo et mes sacoches.

A travers les vitres du  bus, Toronto me fait l effet d etre un petit New York avec ses buildings en verre qui montent si haut qu on ne voit pas le ciel. Nous longeons des magasins enormes, la Tour Rogers center avec ses images surdimensionnees de joueurs de baseball, et les videos aui sont retransmises sur ses murs. Le bus s engage sur une bretelle d entree de la voie rapide surelevee. Tout em semble surdimensionne. Les virages devoilent des perspectives infinies sur de grandes avenues bordees de buildings enormes sur la droite, le lac Ontario sur la gauche. De gros nuages gris sont amonceles au-dessus du lac. J apercois regulierement des Cafes Tim Norton. On ne voit pas la rive opposee du lac, il est immense, et pourtant je suis un peu en hauteur sur la route. 

E tres peu de temps, l horizon se degage et le soleil s installe, chassant les nuages au-dessus du lac. Tout est relativement plat autour de nous. Le bus s engage sur une enorme autoroute a 6 voies. Nous passons non loin des gratte-ciels de Mississauga.Un panneau annonce 113 kms pour Niagara Falls. 

Bientot la foret apparait a ma droite. Revetue de ses couleurs d automne. Sur ma gauche, le soleil fait maintenant scintiller les eaux du lac. Ma voisine grignote un sandwich qui sent le poisson... Je branche ma musique et m endors... pour me reveiller vers 10h, alors que ma voisins attaque a une barre chocolatee. Les maisons que je decouvre par la fenetre sonten briques rouges et en bois marron. Le vent semble souffler violemment, le ciel est vraiment menacant. Nous quittons la voie rapide et nous enfoncons dans la foret. Les decors citadins sont assez tristes et fades. Les panneaux indiquent l approche de Niagara Falls. La route monte un peu, nous n avons pas beaucoup de vision sur ce qui nous entoure a cause de la foret. Mais j apercois le panneau Niagara Falls, ca y est. Le bus longe les gorges dans lesquelles coulent la riviere Niagara. Nous passons devant un etonnant temple bouddhiste. Puis le bus tourne et s arrete dans une toute petite gare au milieu de rien.  

Je recupere mon velo, le sors du carton et le remets en etat avant de pouvoir accroche les sacoches, puis je pars trouver mon auberge de jeunesse. Il est tot, je laisse tout a l auberge et m en vais vers le centre vilel a pieds. Je depasse le pont que je franchirai apres-demain pour revenir aux Etats-Unis. Le temps est tristoune, il ne fait pas super chaud et le ciel est couvert de nuages. Le long du chemin qui mene vers le centre, je longe les gorges de la riviere Niagara dont les eaux sont bleu-vert et me paraissent relativement calmes. Je decide de quitter le bord de l eau et de couper a travers la ville. J en ai pour une vingtaine de minutes de marche. Je traverse d abord un quartier plus ou moins desert et qui me parait presque laisse a l abandon. Etonnant, je m attendais a une ville  ultra touristique, or ces rues-la sont assez lugubres. A part les ecureuils quicourent au milieu des rues, je ne rencontre pas grand monde.

 

Je m engage dans une longue avenue au bout de laquelle j apercois les gratte-ciels du Niagara Falls americain. Ah, les voici donc ces grands resorts pour touristes venus se faire photographies dans les embruns !

 

 

 

 

 

 

Ici on peut prendre l helico, aussi, pour une vue d en haut. Cote canadien, je debarque bientot a l entree d un genre de Disneyworld ou de Foire du Trone, au choix. Les rues deviennent tout a coup un parc d attraction geant. Au milieu des restos, la maison fantomes, le jardin des dinsosaures et la Maison de Frenkenstein se succedent, bruyantes de cris d horreur enregistres ou de bruits de machine a sous. Les fast food sont au rendez-vous, bien sur, ainsi que tous les snacks, jeux videos et meme une grande roue. Bienvenue dans une ville artificielle ! 

Je quitte ce quartier et arrive a nouveau sur les bords de la riviere. Sur ma droite un long parapet surplomble les rives et plus loin j apercois la premiere chutes, celles qui se trouve du cote americain. Vraiment dommage que le ciel soit gris ! L espace est bien degage autour, et plus je m approche plus le bruit est infernal. Je voyais les chutes un peu plus grandes et plus hautes dans mon imagination, mais n empeche, c est quand meme tres joli et impressionnant. Je suis encore plus impressionnee par la deuxieme, celle qui est en forme de fer a cheval, cote canadien. 

 

En allant au bout de la promenade amenagee on s approche jusqu a la base de la chute, et c est beau a voir. Un immense nuage d embruns s eleve de la chute. Je reste un long moment a regarder cette fameuse chute dont la renommee est mondiale. Ca me fait drole de me dire "et voila, j y suis"... Je vais me renseigner sur ce qu il est possible de faire. Demain j ai l intention de prendre le fameux Maid of the Mist, le bateau qui s approche tout pres des chutes et dont on sort a moitie trempe si on ne se couvre pas suffisamment avec le joli poncho bleu ou rose (selon que le bateau est americain ou canadien) distribue avant d embarquer. Quoi d autre ? Une descente dans les galeries creusees dans la roche pour aller voir la chute d en bas. Je me contenterai de ca. Pas specialement envie de monter sur la tour la plus haute ni dans un helicoptere pour un point de vue depuis les cieux. Ce que je vois d ici est deja tres joli. Alors que je reviens de la chute canadienne, j entends la voix d Elvis ou du moins ses chansons. Je me penche par-dessus le balcon qui donne sur un genre de petit centre commercial avec restos et boutiques de souvenirs, un peu plus bas.

Un faux Elvis se tremousse sur une estrade. Le pauvre, il a un costume un peu etroit pour lui et un public tres tres clairseme ! Le vrai Elvis doit se retourner dans sa tombe en le regardant se dehancher et adresser des clins d oeil aux badauds qui passent devant lui sans s attarder. Je reviens par les petites rues et le parc d attraction du centre ville, et observe la foule de touristes de toutes nationalites depuis la terrasse d un bar, avant de prendre le chemin du retour a la nuit tombee. Je me fais la cuisine a l auberge de jeunesse et profite de l ordinateur pour avancer sur le blog. 

Et le lendemain je suis donc debout tot pour retourner voir lees chutes et prendre le bateau. Le soleil perce les nuages. C est pas encore le  grand beau temps mais c est nettement moins gris tristoune qu hier. Je descends d abord dans les galeries souterraines, qui n ont en fait pas grand interet. Deux trous sont perces dans les parois. Tout ce qu on voit, c est un rideau d eau tres dense... Il n y a qu une seule sortie par laquelle on peut vraiment avoir un apercu d en bas, mais on ne peut pas dire que ce spectacle m ait eblouie. Attraction pour touristes juste histoire de pouvoir dire qu on a ete sous les chutes... Alors on reste tout de meme cinq bonnes minutes a regarder en l air l eau qui s abat au-dessus de nous, parce qu on a paye le billet 16 dollars, et puis on remonte et on rend le poncho jaune qui n a pas servi a nous proteger de grand chose. 

 

Le bateau sera plus inmpressionnant. Surtout pour moi qui n aime pas l eau. Vue de pres, les deux chutes sont belles et encore plus impressionnantes et bruyantes. 

Je me demande cependant pourquoi on en fait une place aussi romantique, dans l imaginaire populaire. J essaie de m imaginer en galante compagnie, recouverte du poncho rose transparent, au milieu de la foule des touristes masses sur le pont., rendue a moitie sourde par le bruit ambiant, et non, je n ai aucun regret de me trouver ici en celibataire. Lorsque le bateau est agite par les gros bouillons je commence a compter les  minutes et espere qu on ne va pas tarder a faire demi tour car je n aime pas bien ca... Sensation a la fois grisante et effrayante pour moi. 

 

De retour sur la terre ferme, je remonte sur les hauteurs de la ville et poursuis vers les quartiers animes des grands hotels, casinos et grands restaurants. Un americain engage la conversation et m incite a suivre le parcours de promenade en hauteur, d ou l on a plusieurs points de vue differents sur les chutes. J y trouve egalement les citrouilles les plus grosses que j ai jamais vues ! Elles m arrivent aux genoux et je n aurais pas assez de mes deux bras pour en faire le tour. Dans les parcs, les arbres prennent des teintes rouge et orange, c est magnifique. 

La journee a file sans que je m en rende compte. A force de me balader un peu partout (uniquement cote canadien), j ai les jambes lasses et je me pose dans un snack pour  manger un bout avant de rentrer a l auberge avec la tombee de la nuit. 

 

Demain je quitte le Canada. Je n y serai pas restee bien longtemps et je n en aurais vu qu une infime partie. Je suis  bien resolue a revenir plus tard, dans une autre vie, pour voir tout ce que je n aurais pas vu. En attendamnt, c est avec plaisir que je m apprete a retourner aux Etats-Unis pour longer le lac Erie pendant plusieurs jours, direction plein ouest, avec saint Paul en ligne de mire...

Message réceptionné !

bottom of page