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FINLANDE
23 mai 2016 - 29 mai 2016

Je pédale lentement, savourant ces derniers mètres qui me ramènent définitivement vers un univers plus familier. Le no-man's land s'étend à travers la forêt. Il semble si facile de franchir les barrières de sécurité pour s'enfoncer dans la végétation et échapper aux contrôles.... Mais quel genre de bestiaux cachés dans les fourrés attendent les resquilleurs ? De toute façon, si les abords des forêts sont toujours aussi marécageux, cela ne donne pas très envie de s'écarter de la route.
J'aperçois enfin le panneau bleu étoilé - ah dommage, j'aurais bien aimé être accueillie par les couleurs de la Finlande mais il me faudra patienter encore quelques kilomètres pour voir des drapeaux bleu et blanc. A une trentaine de mètres du bâtiment de la douane finlandaise, je m'arrête pour mieux réaliser que je me trouve ici, aux portes de l'Union européenne, de retour à la "maison". D'accord, il reste des milliers de kilomètres à parcourir pour rentrer en France, mais je suis bel et bien dans un environnement connu, avec des repères communs et un fond de culture commune. C'est bien plus palpable que dans les pays baltes, même si déjà, à partir de Riga, j'étais dans l'Union européenne.
A travers une porte vitrée j'aperçois du monde à l'intérieur d'un petit bâtiment. Je descends de vélo et m'approche de la douane avec beaucoup plus de décontraction que de n'importe quelle autre frontière traversée depuis mon départ en février 2015. Je suis chez moi ici, je le sens au plus profond de moi.
D'ailleurs je ne suis pas la seule à être détendue.
Il n'y a qu'une voiture devant moi, et on m'appelle très vite pour me présenter au bureau. Je laisse le vélo dehors, prends ma sacoche guidon et entre dans le bureau vitré derrière lequel se tiennent deux hommes. Le premier, assis devant son ordinateur, a le physique aussi blond et juvénile qu'on pourrait l'attendre d'un finlandais. Le second, brun avec une petite moustache, un peu plus âgé, se tient debout derrière son collègue et me regarde par-dessus son épaule. Je me présente spontanément en anglais - mon dieu que ça fait du bien de savoir que désormais je vais me faire comprendre sans la moindre difficulté et pouvoir tenir de vraies conversations ! Ca aussi, ça joue dans la décontraction qui me gagne tout à coup. Non seulement je peux baisser la garde - enfin, depuis plus d'un an ! -, mais en plus je me sens un peu comme madame ou monsieur tout le monde. Je ne suis plus un ovni ou presque, je vais pouvoir parler de choses banales et tout le monde me comprendra.
Je tends mon passeport. Le jeune blond y jette un oeil plusieurs secondes, tourne les pages, puis lève la tête et me sourit :

"Vous avez fait un long voyage !" Oui, et je suis en route pour rentrer chez moi maintenant - réponds-je en lui rendant son sourire. Mon dieu que c'est bon de se trouver face à des douaniers qui ne vous font pas la tronche mais vous accueillent avec bienveillance... "Vous avez rapporté de la marijuana ?" Ah ben ils ont le sens de l'humour, ces deux-là ! Quelle différence d'ambiance avec le Mexique, la Russie, le Maroc..."Vous allez où maintenant ?" J'explique que je dois rentrer chez moi fin juin, alors je vais rouler directement jusqu'à Helsinki pour prendre un bateau pour la Suède. "Et vous voyagez seule ?" Oui. Les deux gars me sourient, puis le blond baisse la tête et, lorsqu'il la relève pour me regarder à nouveau, son expression se fait plus sévère tout à coup. "Vous avez regardé le sport ces derniers jours ?" Euh... Où veut-il en venir ? Sa question - et le ton sur lequel il me la pose - me déstabilise deux secondes... Puis je comprends à quoi il fait allusion et réponds sur un faux air de contrition : Ah oui, et oui je suis désolée pour votre défaite contre le Canada !...




Et voilà, ils me souhaitent bon voyage et c'est avec des rires que démarre mon séjour finlandais. Pas de doute, mon voyage s'arrête bientôt, je suis déjà à moitié chez moi... Je remonte sur mon vélo, et pédale une centaine de mètres avant de m'arrêter sur le parking d'un petit hôtel - restaurant de routiers dont le menu me faire sourire : "Fish and caviar", annonce l'enseigne rouge et blanche ! Bon, et bien moi je sors une pomme de mes sacoches. J'ai juste envie - et besoin - de prendre cinq minutes pour réaliser que ça y est, cette fois c'est bien définitif, j'ai quitté la Russie, j'ai quitté les pays de l'Est, cette partie de mon aventure est finie. Je suis en Finlande, ce nouveau pays qui me faisait aussi rêver depuis longtemps...
Ici, à cet instant, sous un soleil éclatant, la mélancolie qui m'a accompagnée toute la matinée est vite balayée par un élan d'euphorie. Home sweet home ! A vrai dire je ne me sentais pas en insécurité plus que de raison, en Russie comme ailleurs, mais tout de même je sens que je baisse un niveau de garde. Quelque chose en moi se détend de manière très perceptible.
Je respire à pleins poumons la douceur de l'air, le sentiment de sécurité revenu, la perspective de retrouver ceux que j'aime et un chez-moi dans quelques semaines, et le bonheur d'avoir encore devant moi de belles journées de route et autant de nuits dans ma petite maison de toile. A partir de maintenant, une violente émotion de joie, d'accomplissement et de reconnaissance va m'accompagner jusqu'au dernier kilomètre de ce voyage. Je suis envahie par le bonheur de retrouver ceux que j'aime et qui m'ont manqué.
Il ne me reste que 190 kms pour atteindre Helsinki. La capitale est à portée de main. Je ne sais pas trop où je vais m'arrêter cet après-midi, mais j'ai envie de prendre tout mon temps. La route ne devrait pas me demander trop d'effort. J'espère avoir vue sur la mer de temps en temps, mais finalement le tracé est la pluspart du temps un peu en retrait dans les terres. Vue du terre-plein en terre sur lequel je viens de m'arrêter pour croquer ma pomme, l'environnement n'a pas changé de façon flagrante. L'hôtel restaurant est toujours en bois, mais pas dans les couleurs chaudes et vieillies de la Russie. Ici c'est bleu et gris-blanc. Par contre les informations ne sont plus écrites en cyrilliques. La forêt s'offre toujours comme unique perspective pour les kilomètres à venir, mais la terre semble moins imbibée d'eau, comme c'était déjà le cas sur le dernier tiers de route depuis Vyborg jusqu'à la frontière. Quel plaisir ça va être de camper ce soir ! Par contre, détail flagrant d'un changement de culture : ici démarre une piste cyclable ! Il y a de quoi se demander, tout de même, qui peut bien venir par ici en vélo en temps normal... mais c'est un fait : à partir de maintenant j'ai ma voie de circulation réservée.
Le soleil chauffe mon dos, je fais tomber le pull et remonte en selle en tshirt - un tshirt délavé et tout détendu qui commence à me faire honte, d'ailleurs, tout comme mon short troué au niveau du frottement des cuisses avec la selle ! Mais qu'importe, vu l'absence d'êtres humains dans les parages ! Pourtant, des bipèdes, il doit y en avoir une bonne concentration dans le secteur : je l'ignore à ce moment-là, mais à moins de deux kilomètres d'ici, plus au nord, se trouve une grande zone de magasins outlet !
Le premier coup de pédale me donne de l'élan sur cette route plate. Je mets la radio sur mon téléphone, j'ai envie d'entendre parler une autre langue que le russe. Je tombe sur une chanson en anglais, ce qui me galvanise ! Encore un peu plus la sensation d'être à la maison. C'est fou, j'ai rarement vécu cette sensation de bonheur intense à l'idée de rentrer bientôt chez moi ! J'en oublie que je dois prendre mon temps, mes jambes appuient avec vigueur sur les pédales, je m'envole ! A l'anglais succède une langue à laquelle je ne comprends rien : du finnois j'imagine ! J'ai l'impression d'entendre un mélange d'italien et de langue slave, mais c'est encore autre chose. Au bout du premier virage, les bosquets prennent d'un coup leurs distances et la forêt cède la place aux champs verdoyants parsemés de colza (je décide que cette myriade de petits points jaunes éparpillés au milieu de la marée verte, c'est du colza. Mais dans le fond je n'en sais rien, je n'ai pas profité de ce voyage pour améliorer ma connaissance de la flore...). Les premières habitations que je découvre depuis la route sont surprenantes. Toujours en extérieur bois, et souvent bicolores, avec des couleurs très contrastées. Des parois en lattes horizontales et de toutes petites fenêtres. Ceci dit, ces premiers bâtiments n'ont pas l'air de maisons de particuliers mais plutôt de corps de ferme ou de grands hangars. Bien entretenus voire pimpants et rutilants, rectangles de couleurs vives tranchant sur l'uniformité vert-jaune-bleu du paysage environnant.
L'idée étant de ne pas arriver trop vite à Helsinki et de profiter au maximum de la nature, j'ai repéré une sorte de départementale qui me permet d'atteindre mon objectif en quittant la route principale tout en me rapprochant le plus possible de la côte. J'espère ainsi avoir de temps en temps des points de vue sur la baltique côté Finlande.
Mais je dois d'abord rouler un petit 10 kms jusqu'à Virojoki avant de mettre le cap au sud-ouest en prenant la route 3513. La piste cyclable est à bonne distance de la grande route et régulièrement séparée par une haie d'arbres ou de buissons. On est bien plus à l'abri de la pollution sonore et visuelle, en plus des gaz d'échappement. C'est vraiment du grand confort. Par contre, si la route des voitures est plate, les cyclistes ne peuvent pas tomber dans la monotonie : je n'en comprends pas très bien l'intérêt mais la piste opère souvent des sauts de mouton par-dessus des talus qui semblent avoir été créés exprès bien que totalement intégrés dans le paysage. Les muscles de mes jambes sont ainsi très sollicités finalement. C'est un travail d'endurance, comme la répétition de squats avec des temps de repos réguliers.




Mais avec le soleil qui tape de plus en plus me voilà en sueur rapidement et dans un effort constant ou en tout cas un peu trop régulier pour mon esprit qui se préparait à se la couler douce pour le reste de la journée. Ceci dit je ne boude pas mon plaisir : les couleurs sont éclatantes et l'horizon m'aspire autant qu'il m'inspire. Je ne croise pas beaucoup d'habitations. Et l'architecture reste la même : des rectangles de couleurs vives, avec de toutes petites fenêtres. Pas âme qui vive à l'horizon, à part les rares voitures qui circulent dans les deux sens. Des maisons jaunes poussin, rouge rouille, vert forêt. Comme c'est joli, tout de même, et comme c'est dommage qu'en France on vive si souvent dans du gris ! Je déchiffre avec amusement les noms des villes ou villages qu'annoncent les panneaux, et un détail me saute aux yeux : une des particularités du finnois est visiblement le doublement des lettres ! Vaalimaa, Muurikkala, Liinakkotalli, Kolkansaari... Je me demande bien comment ça se prononce.
A mi-chemin de Virojoki, je découvre une autre spécialité finlandaise : à l'approche des carrefours un peu plus importants, les pistes cyclables sont détournées vers des tunnels creusés sous la route avant de rejoindre le tracé principal. Le cycliste est ainsi toujours parfaitement en sécurité car il n'est jamais amené à devoir traversé une voie de circulation automobile. Formidable. Mais nouvel effort pour les cuisses, puisque tunnel passe donc en dessous et qu'il faut donc envoyer un coup de pédale pour remonter à niveau ensuite. J'arrive à l'entrée de ma première petite ville finnoise : Virojoki. Toute petite ville aux larges rues bien entretenues et relativement désertes. Il n'y a pas foule dehors malgré le grand soleil, à peine deux ou trois voitures croisent-elles mon chemin.Je passe devant des maisons un peu moins colorées et typiques, par contre j'ai bien changé d'univers ! Petits bosquets bien taillés, parterres de pelouse bien tondus, fenêtres et devantures aux vitres transparentes et façades rénovées : la Finlande affiche un visage résolument plus jeune et dépoussiéré... L'état de la voirie n'a rien à voir avec les villages russes que j'ai traversés, mais qui ne manquaient pas de charme pour autant. J'ai juste l'impression d'avoir avancé dans le temps. Il faut dire aussi que les routes dégagées, les toits bas et l'absence de constructions massives laissent tellement plus de place au ciel bleu que le paysage prend tout de suite un aspect plus rayonnant. Bon, si je roulais aujourd'hui sous une grosse pluie, sans doute aurais-je une toute autre impression ! Mais c'est comme ça, je suis gâtée en cette journée de transition magnifiquement ensoleillée et paisible.
Je fais le tour de la ville, plus que je ne la traverse. La départementale 3515 vire largement vers le sud pour se rapprocher de la côté en coupant à travers une zone résidentielle où je retrouve les maisons en lattes de bois. Au passage mes yeux accrochent un panneau indiquant dans le sens inverse de ma direction : "St Petersburg"... Peu à peu les maisons s'espacent et la forêt se densifie. Mais je remarque que les pins se font rares : la forêt a brusquement changé de visage !




A peine ai-je tourné le dos à Virojiki, la route se met à grimper. J'avale cette pente sans trop de difficulté pour me laisser peu de temps après portée par la descente serpentant à travers la forêt... mais voilà que ça recommence un peu plus loin. Allons bon... Je commence à me méfier, et à me demander ce qui m'attend sur ce parcours.
J'ai assez vite la réponse à mes questions. Entrecoupée de pauses de relatifs faux-plats, la 3513 offre un divertissement par rapport aux grandes lignes droites dont j'avais pris l'habitude depuis les pays baltes. Par contre elle s'avère bien plus physique également, enchaînant les montées et les descentes sur la trentaine de kilomètres qui la relie à la prochaine ville au croisement avec la nationale : Hamina. Je manque d'entraînement, j'ai chaud, je m'attendais à dérouler tranquillement les deux prochains jours comme si j'allais atteindre Helsinki sans plus donner de coups de pédales, juste portée par mon élan. Et bien non, ça ne va pas du tout être une partie de plaisir cet après-midi ! Je dois ôter mon pull pour éviter la surchauffe, et appuyer souvent sur les pédales pour tirer mon vélo en avant.
Je transpire, je sue, mais quel bonheur d'être ici, sur cette route qui oublie vite le bitume pour se recouvrir de graviers mélangés à la terre ! Revoilà les pins pour me tenir compagnie et me donner la sensation d'être plongée plus profondément dans la forêt, réduisant mon horizon à ce large sillage bleu au-dessus de ma tête et ce point de mire là-bas droit devant moi. De temps en temps, c'est la bonne surprise : les arbres s'écartent d'un coup et voilà que je traverse des champs immenses et fleuris. Et puis je grimpe à nouveau et la forêt me cache à nouveau l'étendue du paysage alentour. Je ne suis pas dans un no-man's land, des maisons se cachent ici et là, et régulièrement j'en découvre, un peu en retrait et sans barricades pour les protéger des intrus. Je découvre aussi une jolie petite construction surprenante et trop mignonne. J'en croise deux ou trois avant de me décider à m'arrêter pour jeter un l'oeil à l'intérieur et comprendre à quoi cela peut bien servir. Et je m'aperçois que ces maisons de liliputiens en forme de petits chalets de bois sont des arrêts de bus ! Certainement pour le ramassage scolaire, vu leur taille. Installées tout près des propriétés un peu plus en retrait de la route, ces maisonnettes ont beaucoup de charme. Chacun y va de sa touche personnalisée pour la déco et l'aménagement intérieur. Ici on a planté un arbuste dans un soulier en fonte au pied de l'escalier, là on a mis un bac à journaux, dans une autre on a affiché des articles de journaux faisant la publicité de spectacles ou événements passés. Adorable. La plupart disposent également de gros bidons métalliques dont j'ignore l'emploi.
Ecrasée par la chaleur du soleil, je passe deux heures à grimper avec effort puis glisser avec bonheur sur les pentes de cette route tortueuse qui ne 'offre absolument aucune perspective sur la mer. Je navigue entre abattement à l'abord d'une nouvelle séance d'escalade, et vague de bonheur intense sur les phases de glisse ou de plat, qui me permettent de jouir du spectacle de la nature verdoyante autour de moi. La route est très peu fréquentée, je savoure mon plaisir de rouler dans le silence accueillant de cette forêt qui me semble aussi familière que celle de Fontainebleau. J'ai hâte de planter la tente sur ce sol de mousse et de terre, bien plus tentant que les marécages du nord de la Russie. Lors d'une pause, le chant des oiseaux est le seul bruit que j'entends. Je m'assieds à même le sol, en plein milieu du carrefour entre la route et un chemin forestier. J'adore cette sensation de liberté... Je m'extasie à la vue de chaque maison de bois qui apparaît de temps en temps sous les arbres à quelques mètres de la route. Qu'ils sont beaux, ces chalets colorés typiques, avec une couleur dominante rehaussée par les cornières blanches qui encadrent chaque arête de la construction et chaque fenêtre et porte ! Au pied de l'un d'eux, de couleur bleu, se dresse enfin le drapeau blanc croisé de bleu de la Finlande. Hissé haut sur son mat blanc, il se balance au gré d'une petite brise, et sa forme me surprend : une bande de tissu toute fine - à peine 15 cm de large - et toute en longueur. J'ai souvenir qu'au Danemark les habitants avaient pour la plupart un drapeau hissé dans leur jardin. Les finnois semblent mois portés sur le patriotisme que leurs voisins.
J'ai tellement chaud que j'accueille avec un sentiment de reconnaissance le panneau annonçant la petite ville de Klamina qui semble sortir de nulle part au milieu de cette forêt sans fin, à mi-chemin avec le prochain raccordement à la nationale que j'ai quittée tout à l'heure. Mais c'est surtout le logo du supermarché qui me fait plaisir, à vrai dire, car j'envisage de pouvoir m'offrir une boisson bien fraîche ! Je dépasse quelques maisonnettes basses avec jardinet bien taillé. Il ne semble y avoir du monde qu'au supermarché ! Celui-ci n'est pas bien grand, mais suffisamment pour que j'y trouve ce qu'il me faut : un orangina ! Je pars en spéléo dans les petites poches de mon portefeuille pour y trouver la menue monnaie en euro que j'ai encore sur moi, et range le billet de 100 roubles que j'ai gardé après avoir dépensé mes derniers kopeks avant le passage de la frontière.
Je suis en Finlande : j'ai attaché mon vélo avec un sentiment de sécurité bien plus flagrant qu'en Russie ou encore au Maroc ou au Bélize ! Il faut dire que je suis un peu au milieu de nulle part, en pleine forêt, dans une toute petite ville aux routes bien propres et aux voitures rutilantes, dans un pays réputé pour sa qualité de vie, et la poignée de personne que je croise à l'entrée et dans le magasin est blonde et bien habillée.... il n'en faut pas plus à mon esprit bien formaté pour se détendre automatiquement !

Mon corps aussi se détend en avalant à grandes gorgées ma boisson pétillante et glacée ! L'effet sera de courte durée, mais cela me redonne de l'énergie pour repartir à l'assaut des prochaines parties de grimpette. Sur la deuxième moitié du parcours avant le croisement de la nationale, je m'approche enfin de l'eau. Mais ce n'est pas la Baltique, c'est le lac de Lupinlahti. Entouré de joncs, et d'herbes hautes. Je retrouve là des paysages similaires aux pays baltes. Les mêmes couleurs, un peu plus chaudes cependant - à la faveur d'un soleil de mai éclatant. Je poursuis ma route en musique, finissant par remettre ma playlist de voyage. Finalement côté musical aussi je suis déjà un peu revenue à mes repères : la radio finnoise passe autant de musiques anglaises que nos ondes françaises. Or il me reste tout de même un petit bout de chemin à parcourir et je veux me sentir encore en voyage, pas tout de suite à la maison. Je retrouverai bien assez vite nos airs familiers mille fois répétés, un petit répertoire de cinquante musiques tournant en boucle sur toutes les ondes. Alors quitte à choisir, je préfère rester sur ma playlist, et grâce à elle dans ma dynamique personnelle sur la route. Je veux qu'elle m'accompagne jusqu'au bout, jusqu'au dernier kilomètre. Qu'elle reste pour toujours la bande son de ce voyage.
Le lac est parsemé de petits îlots de terre plantée de joncs. Après l'avoir longé sur une bonne distance, la route s'en écarte pour remonter vers le nord-est. J'atteins la ville d'Hamina, mon point de repère pour bifurquer à nouveau plein est, direction Helsinki. La nationale passe au-dessus de la ville, moi je poursuivrai par la 170, moins fréquentée, au sud. Après avoir sillonné à travers la forêt et la campagne en jouant à saute moutons sur une bonne trentaine de kilomètres, la 3513 débouche sans crier gare sur un rond-point à la sortie d'un virage et me voici revenue dans une zone civilisée : maisons, voitures, et même ici et là de vrais gens qui se déplacent dans les rues. Pas de sas de transition, en trois coups de pédale je suis en ville ! Au départ les maisons ressemblent à celles que j'ai vues jusqu'ici, mais petit à petit je trouve plus de variété, notamment de petits immeubles de deux ou trois étages maximum. Il est un peu plus de 16h, il serait judicieux de faire deux-trois courses pour ce soir et ma toilette du lendemain matin (une bouteille d'eau, en somme...) Hamina étant la plus grande ville que je vais traverser aujourd'hui, c'est ici que je dois m'arrêter pour l'approvisionnement. Mais dans l'immédiat, je suis attirée par l'architecture particulière qui caractérise la ville, plus je m'approche de son centre. Je passe d'abord au milieu de longs bâtiments de deux étages et peints en rouge, de chaque côté de la route, puis devant un édifice blanc assez étendu qui ressemble à une école militaire ou à une institution de ce style, puis à nouveau les caissons de bâtiments de deux étages rouges ou vert, cette fois, mais toujours sur le même modèle. Ces derniers laissent enfin la place à une longue succession de maisons de bois comme celles que j'ai vues depuis la frontière, et de toutes les couleurs possibles. C'est curieux, je roule vers le coeur de la ville mais celle-ci semble totalement désertée à présent.




Drôle de sensation, de rouler dans une ville fantôme où tout est propre et net... mais désert. Au point que lorsque j'aperçois sur ma gauche une sorte de petite place avec une statue, je descends de vélo et prends le temps de me mettre en scène sur une photo : le monument représente une vieille femme tenant à la main quelque chose qu'elle semble avoir sorti de son sac en bandouilière. Une brouette en bois repose à ses pieds,deux gros paniers posés sur la planche. Un écriteau fixé à côté d'un banc, deux mètres plus loin, m'explique qui est cette brave dame. Il s'agit de Varvara Shantina. Le monument rend hommage à cette dame qui confectionnait des gâteaux pour les cadets de l"école militaire à proximité. Je reviens donc vers elle et capture avec le retardateur le moment où elle semble avoir sorti un morceau de pain pour me l'offrir.
Hamina est donc une ville de garnison militaire. Elle accueille même l'école des officiers de réserve de Finlande. Je comprends mieux sa composition sage, rectangulaire, et la succession de logements collectifs du même format.
Etrangement, les barbelés ne viennent pas accentuer le caractère militaire du site. Il me semble que chez nous les institutions de l'armée sont protégées, surveillées, gardées par des murs, des miradors, des barbelés et des caméras. Il y a sans doute une surveillance, le contraire serait étonnant, mais force est de constater qu'ici les espaces sont ouverts, à peine de petites clôtures basses en bois marquent-elles la délimitation entre les zones publiques et privées. Je passe devant un autre monument, aux morts de la seconde guerre mondiale cette fois. Puis, en avançant un peu plus encore, j'entre dans une toute autre atmosphère. En ligne de mire, au bout de la rue que je remonte depuis plusieurs centaines de mètres maintenant, se profile une église. Sans bulbe, mais avec un clocher octogonal à sa base, rond en son centre, et terminé par une flèche portant une étoile dorée. Je ne sais pas si le lundi est un jour de fermeture - a priori non puisque le magasin était ouvert tout à l'heure - mais les rues sont étonnamment désertes et je ne distingue pas vraiment de traces de vie à l'intérieur des maisons. Filant vers l'église, les maisons, toutes de plein pied, sont alignées des deux côtés de la route dans le style typique finnois : orange vif, bleu, vert, jusqu'à l'église jaune canari, avec toujours les cornières peintes en blanc comme unique ornement. Parvenue au bout de la rue, je découvre le découpage octogonal de la place au centre de laquelle se trouve donc non pas une église, comme je l'ai d'abord pensé, mais a priori plutôt la mairie. Je n'en mettrai pas ma main à couper, mais le drapeau tendu devant l'édifice et le nom taillé dans la pierre ("Raatihuone") surmontant un symbole de bateau me le laissent penser. Je crois qu'en allemand le mot qui désigne la mairie a la même racine, Autre détail : une autre - et véritable - église fait face à la mairie sur un des côtés de la place géométrique. Toute petite, rouge clair, avec un clocher gris-vert élancé vers le ciel. D'ailleurs un couple avec enfant débouche sur la place et s'approche de la grille du parc pour regarder. Il y a donc des habitants cachés quelque part dans cette ville, je ne suis pas toute seule ! Le parc de l'église est fermé, la petite famille poursuit sa balade en remontant la rue par laquelle je suis arrivée. La place, entièrement pavée, est agréable, d'autant plus que je peux en profiter sans aucune nuisance de voitures ou piétons ! J'en fais le tour pour bien prendre la mesure de cet étrange agencement octogonal. Huit rues prennent naissance à cet endroit. J'ai l'impression d'être à Disneyland, avec cet aspect super propre, très coloré,des pelouses tondues au poil près et des espaces verts flamboyants. Rien n'est laissé au hasard, tout est beau ! Une autre petite église bleue se revèle de l'autre côté de la place. Je descends de vélo et pousse ma monture à côté de moi en m'engageant dans une des rues orientée nord. Le bois donne un tel charme aux maisons, j'adore tout ce que je vois, c'est chaleureux ! Une étrange décoration accueille le visiteur dans la rue : sur un câble tendu entre deux maisons qui se font face, telle une guirlande de Noël, des vêtements, objets et écriteaux sont suspendus dans les airs !
Une salopette, un arrosoir, un pull, une chaussette, un panier en osier, un attrape-mouche et même un string sont ainsi exhibés autour d'un panneau dont je ne comprends pas la signification : "Narinka-katu". Et comme il n'y a personne dans la rue je ne pourrai pas poser la question et résoudre le mystère de cette bien curieuse décoration ! J'avance, contemplant au passage les fines broderies de tôle sculptées autour de certaines portes et fenêtres. Les arbres sont en fleurs, les boiseries fraîchement repeinte et les haies bien taillées,le coeur d'Hamina est très pittoresque. A l'entrée des maisons, une plante ajoute une touche de déco chaleureuse supplémentaire. Au bout de ce quartier s'ouvre une grand espace en plein air et doté d'un chapiteau de toile tendue. Intriguée, je m'approche, retrouvant enfin des signes de vie au passage car je distingue des voix et j'entrevois du mouvement. C'est l'enceinte d'un bastion à ciel ouvert, qui se présente ainsi devant moi. Aménagé pour accueillir des événements, visiblement, avec les toiles offrant une protection contre le soleil ou la pluie, mais également des gradins dans la pierre de ce qui devait être une forteresse militaire. C'est visiblement un endroit où la jeunesse vient se retrouver pour refaire le monde, flirter et partager des moments d'amitié. En tout cas quelques groupes de jeunes s'exercent au sport ou discutent allongés dans l'herbe sur les remparts. Un couple de personnes âgées se promène aussi, sur le versant en face. Ils ont tous grandement raison, cet espace invite à la détente et à la flânerie et il doit être bien agréable d'y regarder une cérémonie ou un spectacle.





Je longe une partie du bastion, sur la partie haute dominant l'esplanade qui s'étend cinq mètres plus bas. Sur le modèle des cirques et arènes romains, des arcades donnent accès à un espace intérieur couvert dont l'accès est fermé par des grilles. Je remonte sur le vélo et repars en empruntant un autre axe, qui doit conduire à un autre centre ville un peu plus animé car je commence à croiser des piétons. D'ailleurs j'arrive à un croisement avec banques, boutiques et supermarché. C'est le moment de faire quelques courses ! Je laisse le vélo à l'entrée et entre dans le magasin, sacoche guidon sous le bras. J'ai tout de suite une impression très familière, comme si j'entrais dans un Casino ou un Intermarché, et j'en ressens une certaine tristesse. Est-ce que je vais perdre tout sentiment de nouveauté, de dépaysement, à présent ? Dommage... Les produits ne sont pas tout à fait les mêmes ni les noms et emballages, mais les responsables marketing ont les mêmes références que chez nous... vive la mondialisation et le formatage ! Par contre je me réjouis d'un retour à des notions familières pour d'autres raisons :
Ahhh comme le chocolat au lait a l'air bon ! Et gourmandise parmi les gourmandises : enfin un fromage "bleu" !! Je n'en crois pas mes yeux ! Je m'empresse d'en glisser un dans mon sac, et de trouver un bon petit pain aux céréales pour l'accompagner. Ce soir un festin m'attend ! Je prends un kiwi et une pomme histoire de me donner bonne conscience, et je passe en caisse où l'étudiant qui officie me demande spontanément en anglais si j'ai besoin d'un sac. Heureuse par anticipation à l'idée du repas gastronomique de ce soir, je vais m'asseoir quelques minutes sur un joli banc de bois assorti aux lambris de la maison qu'il jouxte, pour savourer un morceau - non, quatre, en fait - de chocolat au lait. Quel bonheur d'être ici !
En reprenant la direction de l'ouest, je constate que le quartier pavillonnaire tout en bois et bien ordonné que j'ai traversé tout à l'heure est bel et bien le coeur historique touristique de la ville, mais pas le centre de vie. A présent je roule au milieu des commerces et de rues animées. Bon il n'y a pas foule non plus mais c'est déjà un peu plus conforme à ce à quoi on pourrait s'attendre dans une petite ville. La zone périphérique comporte aussi des immeubles collectifs, cependant jamais plus hauts que trois étages. Et d'un tout autre aspect que les vieux clapiers russes.
J'emprunte un pont qui enjambe un bras de mer et m'éloigne progressivement de la ville, pour retrouver une campagne paisible et peu peuplée. Un panneau annonce Helsinki à 141 kms, déjà. Dans une demi heure il sera cinq heures. Même s'il fait jour de plus en plus tard - encore plus ici qu'à Paris -, je décide de m'arrêter bientôt et de prendre mon temps pour profiter de la soirée et lire à la lumière du jour. Depuis le passage de la frontière la forêt me fait de l'oeil, j'ai hâte de me trouver mon petit coin tranquille et de planter enfin la tente sur un sol un peu plus sec et moins prisé par les moustiques - du moins je l'espère. Les habitations sont rapidement masquées par la barrière d'arbres qui isolent la route des lieux de vie. Sur ma voie réservée aux cyclistes, je me sens déjà en forêt alors qu'à bien y regarder ce n'est pas tout à fait le cas. C'est d'ailleurs si peu le cas que lorsqu'arrive le moment où je souhaite véritablement trouver mon bivouac, je commence à me demander si je vais pouvoir dénicher un endroit pas trop exposé, suffisamment en retrait des habitations. Je m'engage sur une piste de terre au début parallèle à ma route, mais qui s'enfonce bientôt dans une zone de forêt plus dense. Je crois avoir opté pour la bonne stratégie et m'être enfoncée un peu plus dans la nature, lorsque j'aperçois à travers les arbres une petite foule réunie quelques centaines de mètres plus loin et à découvert. Je m'approche, et découvre que je me trouve à côté d'un centre de loisirs ou d'activités sportives. Je crois d'abord que ce sont des jeunes qui s'entraînent à un sport quelconque, mais ce sont en fait tous des adultes, et pour la plupart de jeunes seniors. Les clichés sur la vitalité et l'hygiène de vie des pays du nord ne sont décidément pas un mythe... Bon, c'est très sympa mais ça n'arrange pas mes affaires. Je suis toujours trop en vue, trop près de zones de passage, je dois m'éloigner des chemins. Un chemin forestier contourne le parc d'activités et semble s'enfoncer un peu plus dans les bois. J'aime l'endroit couvert de mousse pour son aspect lumineux et cosy, mais j'ai du mal à trouver un terrain plat et surtout protégé des regards. Les arbres sont très espacés les uns des autres, les feuillages ne sont pas drus, impossible de se fondre dans le décor. Ma tente est verte, certes, et mon vélo aussi, mais côté discrétion on fait mieux. J'hésite, je réfléchis... A vrai dire, ces chemins forestiers ont tout sauf l'air de sentiers de randonnée. Peu de risque objectif qu'il y ait du passage. On ne vient pas ici promener son chien. Et puis je sens bien que pour trouver un endroit plus à l'abri il va me falloir pédaler encore un moment. Or je n'en ai pas envie. Je finis par me décider à planter ma maison de tissu sur un petit espace plus ou moins plat, entre trois arbres dont je vais me servir pour tendre les cordes d'arrimage de la tente - protection psychologique, dans le cas où quelqu'un passerait trop près de moi (il se prendrait alors les pieds dans au moins un des fils tendus, ce qui devrait j'espère me réveiller). J'installe mon lit, glisse les sacoches sous la tente et attache mon vélo à un arbre, puis je marche un peu dans un rayon d'une centaine de mètres autour de mon bivouac pour constater à quel point je suis visible... quand mon regard se pose sur du crottin de cheval ! Ok super, donc cet endroit est plus fréquenté qu'il n'y paraissait au premier abord. Mais maintenant je suis installée, et je ne bougerai plus pour aujourd'hui. Une fois de plus, je décide que tout se passera bien et je décide de me détendre pour le reste de la soirée. Je sens encore le soleil à travers les arbres. Je m'habille en mode "soirée" et je déballe mon festin sous la tente. C'est incroyable comme un bon morceau de fromage et du bon pain aux céréales peuvent avoir le goût du bonheur ! Je me régale ! .
Je ne suis pas très tranquille dans mon bivouac exposé, mais après une longue lecture et malgré la clarté du ciel encore en fin de soirée, je sombre dans les bras de Morphée sans plus de précautions. Mais non sans être traversée par l'idée de cette réalité : j'ai quitté la Russie. J'ai annoncé mon retour. J'ai pris une direction sud-ouest qui m'éloigne chaque jour un peu plus de la faim de découverte qui m'animait en quittant Maureillas Las Illas il y a bientôt un an et demi, et qui me rapproche de plus en plus de Paris...
Dès le réveil, je ne traîne pas au lit. D'abord parce qu'il fait jour très tôt (a-t-il réellement fait nuit, à un moment donné ?), ensuite parce que j'ai quand même conscience d'être peu à l'abri des regards d'éventuels promeneurs. Donc je m'extirpe vite fait de mon duvet pour procéder à ma toilette de fortune en un temps record. Je ne sais pas si j'ai de vraies raisons de m'inquiéter car jusqu'à mon départ aucun être humain ne se profile sur les sentiers forestiers qui m'entourent, mais la très faible densité des arbres ne me procure pas la sensation de sécurité habituelle.




Le pain aux céréales de la veille est encore aussi savoureux et je fais un sort au bleu pour le petit déjeuner, trop heureuse de me souvenir que j'en ai dans mon garde-manger ! D'après les derniers panneaux vus la veille, Helsinki n'est plus qu'à 160 ou 150 kms environ. Je ne compte pas rouler plus de 80 kilomètres aujourd'hui. J'ai à la fois envie d'arriver et d'avancer mais également de prolonger ces journées seule en nature. Sortant d'une dizaine de journées citadines à Moscou et Saint Pétersbourg en mode touriste, à présent en chemin pour le béton et la foule parisiens, je veux faire durer au maximum cette vie au ralenti, solitaire, calme et à la vue dégagée. Je ne chercherai d'ailleurs plus vraiment la compagnie, d'une manière générale. J'entretiens au contraire mon plaisir solitaire à me sentir accueillie par la nature dans chaque coin de forêt ou de campagne où je vais établir mon gîte pour une nuit, ou m'asseoir pour lire un peu au soleil pour une courte pause en journée. Je pousse mon vélo chargé entre les arbres pour rejoindre la piste cyclable qui longe la route 170. Une large bande d'herbe me sépare de la route. Je démarre l'étape du jour nez au vent dans une chaleur relative. La forêt est entrecoupée de petites fenêtres ouvrant sur des lacs et rivières. La périphérie d'Hamina s'étend sur quelques kilomètres encore, puis les maisonnettes de bois disparaissent, sauf à l'abord des petites villes ou villages que dessert ma route. La piste cyclable est tellement bien aménagée qu'on s'y sent vraiment isolé de la circulation en de nombreux endroits, protégée par des haies denses de pins ou des talus. Aux carrefours, je passe immanquablement sous la route principale ou au-dessus, sans aucun risque de croiser une voiture. Au fur et à mesure de mon avancée, je découvre un environnement paisible, finalement de même composition que les pays baltes en terme de forêts et de lacs cernés de joncs, mais dans des teintes actuellement plus chaleureuses compte tenu du soleil ambiant. Je ne sais pas si je remettrai un pull d'ici mon arrivée à Paris, en tout cas en matinée je roule déjà en tshirt et me demande si mes amis parisiens sentent arriver la douceur de l'été à cet instant. J'allume la radio pour rythmer mes coups de pédale monotones. Je capte une chanson que je ne connais pas, mais qui deviendra le leitmotiv de l'été 2016. Cheap Thrills. Sia, la chanteuse, a déjà de la bouteille mais je n'avais jamais trop porté attention à ses compositions. Cette dernière chanson, la première de son nouvel album, me donne l'élan parfait pour appuyer avec plus d'entrain et de légèreté sur les pédales. Je n'ai aucune idée de sa chorégraphie que je découvrirai plus tard, très spécifique. Mais depuis la selle de mon vélo la cadence est idéale et la mélodie devient la caisse de résonnance de ma joie intérieure.
Au bord des lacs et des infiltrations d'eau maritime, souvent une barque attend sagement, à moitié cachée par les herbes hautes. Parfois c'est une petite maison de bois. Parfois un ponton. C'est joli, paisible. Certains ont des bateaux à moteur et doivent sûrement pouvoir atteindre la mer dans leurs embarcations, à travers un labyrinthe de joncs et après avoir contourné plusieurs avancées de terre recouverte de forêt. Certains petits chalets donnent vraiment envie d'y couler quelques jours tranquilles, bercée par la musique de la nature, loin de tout. Mais la route m'emmène bientôt à l'écart de l'eau pour recommencer son petit jeu de saute-moutons dans une forêt plus sèche et rocailleuse, bien que toujours aussi verdoyante. Je reprends le rythme de la veille, tantôt poussant sur mes pieds pour grimper, tantôt glissant jusqu'au bas de la pente, croisant au passage d'autres jolis chalets colorés à moitié cachés par les sapins.




Je retrouve également mes petites maisons de poupées - arrêts de bus, qui m'offrent de temps en temps d'excellentes occasions de faire une pause à l'ombre. Mes pensées volent vers demain, même si je me rappelle à l'ordre régulièrement : je suis encore ici, sur la route, plus que jamais il me faut goûter pleinement au plaisir de vivre cette liberté de mouvement ici et maintenant, ce dépaysement de chaque instant. Les habitudes d'un environnement figé dans ses routines reviendront bien assez vite. L'ancrage n'est pas encore ma réalité, je veux que le mouvement m'emporte avec la même intensité jusqu'au dernier kilomètre.
Mais tout de même, je ne peux m'empêcher de me projeter un tout petit peu plus loin car je sens grandir une hâte. C'est bon de penser que bientôt j'aurai à nouveau un contact visuel et tactile avec ceux que j'aime. D'autant que l'absence a mis en exergue la force de mes attachements. Je n'ai pas l'intention d'organiser un événement spécial pour mon arrivée à Paris. Comme pour mon départ, je n'arrive pas à envisager ce genre de moment en fanfare. Je ne sais pas les vivre autrement qu'en catimini.
Par contre une idée s'impose de plus en plus à mon esprit. Le temps ayant fait son oeuvre, et notre histoire étant ce qu'elle est, il me paraît évident que je dois boucler la boucle en revenant exactement là d'où je suis partie. Mesnilmontant. Après m'avoir encouragée, soutenue, conseillée, elle a trinqué avec moi sur les hauteurs des buttes Chaumont le soir de mon au revoir à Paris. Je revois encore sa main levée et son sourire un peu désemparé au moment où j'ai tourné le dos pour rouler vers la gare d'Austerlitz. Je sais que je n'ai pas envie qu'il en soit autrement : c'est avec elle que je veux trinquer le soir de mon retour à Paris. Il me semble que malgré tout, je le lui dois. Il va donc falloir que je reprenne contact pour lui annoncer la date de mon retour. Vu le peu d'échanges que nous avons eus depuis les derniers mois je ne suis pas sûre du tout de la réponse à attendre, mais, au fond de moi, je sais qu'elle sera là.
Je me rends compte aussi qu'avoir un rendez-vous impératif à Nantes juste après mon retour m'arrange un peu. Cela me donne une bonne excuse pour revenir comme une voleuse et filer à nouveau à l'anglaise à peine arrivée. Imaginer devoir contacter les uns et les autres et organiser un planning des retrouvailles me paraît insurmontable. C'est à se demander si ce voyage a changé quoi que ce soit dans mon caractère si peu sociable par tant d'aspects ! Je mets une telle énergie à fuir les gens que j'aime, que c'est à se demander comment il est possible qu'ils se sentent toujours mes amis ! J'ai d'ailleurs souvent eu ce genre de considérations sur mon vélo, face aux débordements de tendresse qui m'assaillaient à l'évocation de l'un ou de l'autre : "il/elle ne sait pas à quel point il/elle compte pour moi, et pourtant..." Vu que je ne dis rien et montre encore moins, il/elle ne risque pas de le deviner, ce n'est pas bien difficile à conclure !
Malgré mes auto-recommandations à rester dans l'instant présent le plus possible, je roule donc en me sermonnant, et en faisant des plans sur la comète sur mon retour triomphal et attendu à Paris puis auprès de ma famille et de mes amis partout ailleurs. Je repense aussi beaucoup à Priscilla et au choix de rester ou partir que j'ai dû faire il y a un an. Chaque jour qui passe confirme en mon for intérieur ma décision de poursuivre ma route. Mais je porte la marque indélébile de cette expérience extraordinairement riche. Mon coeur déborde à chaque évocation des visages que j'ai aimés là-bas.
Ces pensées s'égrènent au fil des kilomètres ensoleillés, et se fondent aux paysages champêtres que je traverse. Les églises ne sont plus orthodoxes et mettent un peu plus d'originalité dans leur architecture. Les étendes d'eau creusent des sillons à travers champs pour tenter de rejoindre la mer. Les maisons de bois ont le charme de la simplicité brute des maisons playmobil : des murs rouges, des chambranles blancs, des fleurs au balcon. Tout m'enchante, et malgré le cycle répétitif forêt de pins - percées des lacs - champs cultivés à perte de vue - à nouveau forêt de pins, je roule le coeur léger toute la journée et prends des couleurs de plus en plus vives sur le nez ! J'ai roulé presque 100 kilomètres depuis Hamina. Il faut que je songe à m'arrêter avant Porvoo, qui doit être une ville moyenne assez étendue. La dépasser me demanderait de rouler encore un bon moment et surtout de réduire encore la distance demain avant d'arriver à Helsinki. Je commence donc à chercher un petit coin d'herbe pour y passer la nuit. Le projet s'avère plus compliqué qu'il n'y paraît. Finalement les habitations apparaissent régulièrement non loin de la route, et à chaque fois que j'attends de m'éloigner un peu pour me retrouver dans une zone moins en vue, un autre toit apparaît, un autre cube de couleur se trouve posé là en plein champs avec une bonne vue sur l'horizon. La forêt de pins plus denses se trouve à présent derrière moi, dès que j'entre dans un chemin forestier je tombe sur des chemins balisés, des ornières fraîches, des traces un peu trop visibles du passage des hommes et donc des lieux peu propices au camping sauvage à l'abri des regards. Et plus j'avance, plus l'horizon se dégage et les champs avancent. Comment planter la tente avec de l'herbe rase ou de la terre labourée tout autour ? L'histoire se corse, je fais demi-tour plusieurs fois sur des pistes insatisfaisantes. En désespoir de cause, j'ai une inspiration. Je viens de dépasser un long hangar sur ma droite, et sur ma gauche une maison qui n'a pas l'air habitée. Un talus s'élève juste après cette dernière. Les bosquets qui le recouvrent ne sont pas taillés, et ils s'épaississent une dizaine de mètres plus haut. Je freine et mets un pied à terre. Un coup d'oeil à droite : un tracteur creuse des sillons dans le champs, à l'autre bout de la route. La maison attenante au hangar doit abriter la famille du paysan. Si je m'aventure à grimper sur le talus, je le ferai au vu et au su des habitants de la ferme et des éventuelles voitures qui viendraient à passer sur cette portion de route dans les trois prochaines minutes.
Je n'hésite pas bien longtemps. Cette démarche n'est pas idéale, mais je redoute de ne pas trouver mieux en continuant. Rassemblant mes forces pour l'ultime effort de la journée, j'attends qu'une voiture se soit suffisamment éloignée et je pousse mon vélo sur le talus. Evidemment je dois le tracter la plupart du temps et j'arrive à bout de souffle au niveau d'un espace plus ou moins plat qui me donne l'occasion de passer derrière les buissons. Bien. Si on m'a observée depuis la ferme, j'ai dû montrer une image pitoyable d'une cycliste peu robuste se frayant un chemin au milieu de nulle part ! Enfin quoi que... on dirait bien que je ne suis pas la seule à avoir eu l'idée de grimper là-haut ! En contournant les fourrés je découvre un espace dégagé assez large, encerclé par les herbes, des arbres, et même quelques rochers. Parfait donc pour mon bivouac malgré les hautes herbes à aplatir tout de même un peu afin de mieux dormir. Mais ce qui retient mon attention et cause mon dépit, c'est l'amas de vieux pneus, pots de peinture vides et divers gravats qui s'élève dans le fond de ce qui devait être mon coin de terre pour la nuit.




Bon. Voilà qui gâche allègrement le charme du coin... Que faire ? Je m'approche de la décharge sauvage en reprenant mon souffle perdu pendant la grimpette. Franchement pas sexy. Mais pas d'odeur et pas de débris autre que de chantier. Non mais qui sont les sagouins qui se sont donné le mal de porter tout ça sur cette hauteur ? Et la légendaire exemplarité des pays nordiques en matière de respect de la nature ? Je marche de long en large, prends les mesures de l'espace qu'il me faudrait pour la tente - vais-je vraiment dormir à 3 mètres d'une décharge ? - et vérifie si je suis visible depuis la route et depuis la ferme et alentours. Debout à l'endroit où je veux planter ma tente, on peut apercevoir ma tête, puisque j'ai vue sur la ferme. Mais ma tente sera invisible. Le terrain est sec, alors je décide de me contenter de cet espace pour la nuit. Après tout il a son charme : j'ai une vue dégagée sur le ciel et le paysage, et j'aime cette situation dominante. Voir sans être vue ou presque. A part la ferme en face, je ne crains pas de passage, les voitures n'ont aucune raison de s'arrêter à cet endroit en plein virage. Un peu plus à gauche un terrain de golf s'étend, sans activité visible pour la soirée.
Je retire mes affaires du vélo et commence à tendre les piquets sur cet emplacement qui figure en deuxième position dans le top 3 des pires spots que j'ai trouvés pour la nuit. En réalité à part la proximité de ce qui est tout de même une décharge sauvage, je ne souffre d'aucun autre inconvénient majeur. Pas de petites bêtes indésirables, sol pas franchement plat mais sec, vue dégagée, grand ciel bleu au-dessus de ma tête, et à en croire le peu de circulation sur la route à cette heure de la journée il ne devrait pas y avoir un seul bruit cette nuit. Et je vais passer plus de temps assise et allongée que debout, donc ma cachette est suffisante bien que tenant à pas grand chose. Une fois de plus, mon vélo devra dormir dans l'herbe attaché à ma tente, faute de mieux. Je n'aime jamais trop cette configuration, mais qui pourrait bien monter ici pour venir me voler un vélo ? Bref, une fois que toutes mes affaires ont trouvé leur place pour la nuit, que j'ai procédé à une toilette rapide à la lingette et échangé mes vêtements pleins de sueur et de poussière pour d'autre moins poussiéreux et secs, je profite de la détente que m'offre ce petit asile bien paisible pour la soirée. Il fait doux maintenant le soir, je ne ressens plus l'humidité et n'ai plus besoin de me réchauffer les jambes avec le collant de laine une fois le soleil caché par les reliefs. Mon sarouel m'offre le confort dont j'ai besoin et le sweat SoLeader me tient chaud au coeur et au torse.




Le passage des voitures se fait de plus en plus rare. C'est moins l'obscurité que le silence qui m'indique que la nuit est tombée pendant que je me fatigue les yeux à lire à la lumière de mon téléphone. Ce silence qui m'apaise et contribue à me donner un sentiment de sécurité. Tout l'inverse des sensations que j'éprouve en ville, en temps normal dans ma vie de citadine : loin de me gêner, le bruit de la vie autour de moi me plaît, le silence me repose mais m'inquiète vaguement. Au contraire, dans cette itinérance quotidienne en grande partie en nature le silence est mon allié. Il compliquerait forcément l'approche d'un éventuel intrus.
Le silence ne me garantit cependant pas la qualité du sommeil : une fois ma liseuse éteinte et la fermeture éclair de mon duvet remontée jusqu'au menton, je passe une nuit saccadée, entrecoupée de réveils beaucoup trop fréquents. Je sens la clarté de la nuit à travers mes paupières.
De temps en temps j'entrouvre les yeux pour tenter de deviner si l'aube approche ou si je peux encore tenter de m'endormir plus profondément. La nuit reste très pâle. Je tourne et me retourne, mais décidément le sommeil ne viendra pas réellement. Une fois ou deux j'entends une voiture passer. Qui roule en pleine nuit dans cette campagne ?
Enfin la lumière semble un peu plus vive et le passage des voitures se fait un peu plus fréquent quelques mètres plus bas, je décide de me lever et de profiter de l'aube pour démonter le campement et rejoindre la route en toute discrétion. Il ne fait pas bien chaud, mais la journée s'annonce ensoleillée donc la fraîcheur ne devrait pas durer trop longtemps. Il ne me faut de toute façon pas beaucoup de coups de pédales pour revigorer mon corps fatigué. Je ne force pas le rythme, je serai dans la capitale finnoise bien avant midi vu le peu de kilomètres qu'il me reste à faire. Une petite voiturette se balade déjà sur le green. Un tracteur s'est mis au travail dans le champs voisin.




J'ai à peine soixante kilomètres à faire pour atteindre Helsinki, et à peine 5 pour atteindre la première ville après le golf, Porvoo. C'est sous un grand ciel bleu clair que j'entre dans cette ville qui m'offre une super occasion de prendre un petit déjeuner au soleil et au bord de l'eau, après avoir traversé des blocs de maisons basses sans grande fantaisie mais bien entretenues. Je m'aventure vers le centre ville pour me retrouver au bord d'un fleuve. Les quais sont joliment aménagés en bars et restaurants dont la plupart sont fermés sauf un, en face d'un voilier amarré. Je m'arrête et me paie un café à emporter que je vais savourer au pied du deux-mâts dont les voiles sont repliées. Mon corps se réchauffe de l'intérieur, grâce au café mais aussi grâce au plaisir de pouvoir vivre ce réveil plein de charme dans une ville dont j'ignorais le nom dix minutes auparavant et qui m'accueille avec chaleur et simplicité. Les passants ne font pas attention à moi. Ni ceux qui promènent leur chien, ni ceux qui commencent à sortir les chaises sur les terrasses, ni ceux qui se rendent à un rendez-vous ou à leur lieu de travail. Je traverse le fleuve en poussant mon vélo sur un pont surélevé, savoure le panorama depuis ce point de vue en hauteur, et remonte en selle sur l'autre quai. Je sors très vite du coeur de Provoo dont le centre ville est très concentré autour du fleuve. Me revoilà sur la 170 qui laisse derrière elle quelques bâtiments toujours bas et repart en grande ligne droite à travers la forêt direction sud-sud-ouest. La forêt m'entoure, mais, comme en Russie, derrière les rangées dense de pins et de bouleaux, les habitations ne sont jamais bien loin. Mon parcours est parsemé de chalets de bois rouge typiques, aux chambranles peints en blanc. Sur la plupart je remarque que le toit est équipé d'une échelle. On dirait presque un élément de décoration, et je me demande bien par quel mécanisme, d'en bas, on parvient à faire glisser l'échelle du toit jusqu'à toucher terre sans qu'elle vous tombe sur la tête. En tout cas ils ont le sens de l'esthétique, ces finnois.
A part dans les villes, la maison de bois semble vraiment le modèle le plus répandu dans cette partie du pays (je ne parcourrai que quelques quatre cents kilomètres tout au sud du pays, je n'ai aucune idée de ce à quoi peut ressembler le reste de la Finlande). Plus j'approche de la capitale et plus le paysage semble ordonné et maîtrisé par l'homme. La forêt est omniprésente mais les champs de fleurs et de céréales font leur apparition et envahissent de plus en plus le paysage. A mi-chemin entre Porvoo et Helsinki, je repasse au-dessus d'un fleuve étroit bordé de joncs. La piste cyclable s'élargit et quitte la route principale pour la suivre à bonne distance. Il fait chaud, pas de doute l'été arrive et je vais faire mon entrée dans la capitale nordique sous un soleil splendide. Les abords du chemin aménagés me font comprendre que j'ai pénétré dans la grande banlieue d'Helsinki, peuplée de corps de ferme cossus bâtis loin de la route, en bordure ou au milieu des champs. Beaucoup moins présent qu'au Danemark,, le drapeau finnois apparaît parfois juste devant l'entrée d'une maison, hissé tout en haut d'un mât.
La piste cyclable me fait longer des champs sur plusieurs dizaines de kilomètres, presque sans croiser âme qui vive, avant de rejoindre à nouveau la route fréquentée par les voitures. Avant de m'approcher trop près de la civilisation, je décide de faire ma dernière pause en nature et descends de vélo. Il me reste une belle orange dans mes sacoches. Aidée de mon couteau suisse, je l'épluche et en découpe de belles rondelles sous les sapins, assise sur un rocher. C'était vraiment la dernière occasion avant l'entrée en ville : une fois repartie, je ne tarde pas à tomber nez à nez avec le panneau de signalisation annonçant enfin Helsinki, frappé d'un écusson représentant une couronne et un bateau.








Je pédale avec l'énergie que donne l'enthousiasme de sentir la fin de l'étape toute proche, mais je déchante rapidement : j'ai beau dérouler, je n'ai pas du tout l'impression d'entrer dans le centre ville. Je vérifie plusieurs fois ma route, m'assure d'avoir pris la bonne direction. J'ai la sensation d'être en périphérie, en grande banlieue. A part un trafic très calme sur la route, j'ai l'impression d'entrer dans une ville fantôme. Où sont les gens ? Je longe des immeubles sans vie. Mon GPS indique que j'approche de mon auberge, du coup je comprends que j'ai assez mal choisi le lieu. Certes il n'est pas cher du tout, mais il n'est pas du tout en centre ville. Comme point de départ pour visiter Helsinki j'aurais pu trouver mieux. Sensation qui se confire quand j'aperçois le nom de l'auberge sur une façade. Un homme d'âge moyen, en jogging, casquette et tshirt d'une propreté douteuse fume devant la porte vitrée, assis sur une chaise mise à disposition des clients - l'auberge fait visiblement également point de vente de junk food, pizza ou burger et frites. L'environnement me semble un peu glauque, finalement même l'auberge de jeunesse de Saint Pétersbourg semblait plus chaleureuse et animée, en comparaison. Ou alors la sensation traduit ma déception, pour un retour à la civilisation occidentale moderne je m'attendais à autre chose.




Comme d'habitude dans ces circonstances, je me donne une contenance, laisse mon vélo à l'extérieur mais de manière à pouvoir le garder à l'oeil par la porte vitrée depuis l'intérieur de l'auberge, et entre pour m'annoncer. Le hall est encore plus impersonnel que l'entrée d'un Formule 1. Des tables de brasserie occupent la pièce, je ne vois pas de comptoir d'accueil. Je ne vois personne non plus, et dois attendre près de quatre minutes avant qu'une porte s'ouvre par hasard et qu'un jeune homme découvre ma présence. D'un ton monocorde le gars me confirme ma réservation après avoir consulté son ordinateur, puis m'explique les infos pratiques (au passage je lui demande où se prend le bus en direction du centre ville) et me donne la clef de ma chambre - un dortoir de 4 lits au premier étage.
La chambre est froide et impersonnelle, et vide à cette heure-ci mais l'employé m'a annoncé qu'un deuxième lit est réservé pour ce soir.
En tout cas je peux donc choisir mon lit parmi les deux lits superposés de la chambre. J'en prends un en bas et vais chercher mes sacoches et attacher le vélo. Le confort est sommaire mais j'ai tout ce qu'il me faut : un lit, au chaud et de quoi laver mes affaires et prendre une bonne douche. Du coup je quitte l'auberge à une heure déjà bien avancée de l'après-midi pour rejoindre en bus le centre d'Helsinki, que j'ai hâte de découvrir !
J'attends le bus pendant une bonne quinzaine de minutes. Il n'est qu'à moitié plein, mais au moins me voilà rassurée de voir enfin des gens qui ont un air à peu près normal. Pour la plupart, jeunes. Je profite du parcours de vingt minutes pour observer le paysage et découvrir enfin la ville ! Le temps d'arriver au terminus de la ligne, qui se trouve être la station de bus centrale de la capitale finnoise, à deux cents mètres de la gare centrale, la banlieue puis le centre ville se dévoilent enfin à ma vue La ville semble très étendue, mais le centre assez concentré. Après avoir traversé de longues avenues larges et grises j'entre dans un décor plus chaleureux et vivant. A travers les vitres du bus des bâtiments historiques apparaissent, les façades de grands magasins, les rames de tram se croisent dans une circulation paisible. Le terminus des bus est juste derrière la gare centrale, sur une grande place pavée grise cerclée d'édifices de caractère dont un théâtre et le Musée Ateneum. Cette fois ça y est je suis au coeur d'Helsinki !
A peine descendue du bus, je remarque d'après le look des hommes que je croise que la tendance est à la coupe tempes très courtes et petite queue de cheval. Les finlandais que je croise sont moins blondinets que ce à quoi je m'attendais. Il ya finalement beaucoup de bruns. La place est immense. Spontanément je m'approche dans un premier temps de la gare centrale, avant de partir dans le direction d'une grande avenue qui s'enfile à travers de hautes vitrines. Au passage, au carrefour je passe devant un autre arbre décoré de vêtements suspendus.




Il fait beau, l'architecture a du charme, je suis trop contente d'être là et je passe le reste de la journée à me balader avec plaisir, un peu à l'aventure.




























Ce bon vieux Mac Gyver !









































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