
![]() | ![]() | ![]() | ![]() |
---|
ETATS-UNIS, le retour...
1er octobre - 30 octobre 2015
2 octobre 2015
J"ai repassé la frontière hier, à Niagara Falls. La veille, j"ai changé mes plans et me suis assurée que cela ne posait pas de souci à Régine, la personne que je dois retrouver à Saint Paul (Minnesota). J"ai donc renoncé au bus pour l"instant et suis remontée sur le vélo pour aller, par étapes en fonction du temps, à Cleveland, Toledo, Chicago, Madison puis Saint Paul. Les distances ne me font pas peur, et ma nuit d"hier sous la tente me confirme que je devrais pouvoir trouver des petits coins tranquilles pour dormir sans trop de difficulté. Le vent s"est levé et il parait qu"un hurricane (tempête de vent + pluie) est annonce dans les prochaines heures (je n"ai pas bien compris si c"est pour aujourd"hui ou demain, ni si je vais être juste en dessous). Ce sont deux gars croisés devant un magasin qui m"ont donné l"information tout à l"heure.

Je n"ai pas eu froid cette nuit, mais le vent est froid pendant la journée et je ne quitte jamais ma veste, mes pulls, et rarement mes gants. J"avais fait une demande d"hébergement sur warmshower pour une petite ville juste à côté d"ici, Ripley, et j"arrivais très en avance. Dans le village de Rippley j"ai repéré une bibliothèque et me suis installée, pensant prendre le temps d"écrire un peu avant de rejoindre en fin d"apres-midi ma "famille d"accueil". Et c"est là que j"ai vu la date sur l"écran de l"ordinateur... Je me suis trompée, j"ai fait ma demande d"hébergement pour dimanche alors que nous sommes vendredi. Je vais donc poursuivre ma route un peu plus loin qu"Erie. J"ai profité de l"ordinateur pour envoyer d"autres demandes, à Cleveland et plus loin.
En tout cas la bibliothèque de Ripley vaut le détour. On m"a invitée à entrer le vélo a l"intérieur, offert un thé, et prie de m"installer le plus confortablement possible. Comme j"ai remarqué qu"ils font des ateliers couture (je suis tres observatrice, une machine a coudre trônait sur une planche à repasser juste a côté de la bouilloire), la bibliothécaire m"a montré toutes ses créations (aux couleurs d"Halloween, bien sûr, c"est de saison).
Je regrette presque de ne pas m"arrêter ici, j"aurais passé un agreable moment à écrire, ici, au milieu de nulle part. Mais ce serait dommage de faire si peu de kilometres aujourd"hui et de rester dans la zone de l"hurricane. Allez, c"est reparti !
...
J"ai été chercher un câble pour au moins mettre la photo des chutes du Niagara sur le blog, et je suis tombée sur le club de lecture - j"imagine ! Trop drôle. Un cercle de femmes tournant autour des 40 - 50 ans, discutant si posément, avec une diction si appliquée, cherchant visiblement le terme juste pour décrire le point de vue de l"auteur... Trop mignon ! J"ai eu l"impression de voir l"actrice qui joue le role de la femme au foyer qui essaie de se trouver des centres d"intérêt et surtout un sens à sa vie, dans Beignets de tomates vertes...
Du coup mon vélo est à côté de leur cercle et je n"ose pas les deranger pour partir. Mes notes sur New York, ma premiere partie aux Etats-Unis et sur mon passage au Québec sont dans mes sacoches. Je vais donc revenir a Priscilla, le temps que le cercle de lecture se termine gentiment. Je filerai ensuite vers Erie puis Lake city où je compte trouver un coin pour dormir ce soir. Le vent est glacial, venu de l"arctique apparemment. ceci explique donc cela...
....
Je m"appretais a partir, lorsque la bibliothecaire m"a invitee a dormir chez elle ce soir. Avec son mari et leurs 5 enfants, ils habitent a 5 miles d"ici dans le sens oppose a ma direction mais c"est si gentil que j"ai dit oui. Moi qui ne pensais pas avoir une douche ce soir, me voila comblee ! C"est touchant, cette invitation. Nous allons maintenant partager une salade, et je pourrais ensuite poursuivre le blog jusqu"a 17h, heure de fermeture de la bibliotheque. Et puis ca tombe bien, je me sens bien mieux au chaud dans cette bibliotheque que dehors dans le froid !
.... Je viens de dejeuner avec Julie, la bibliothecaire, qui a gentiment partage sa salade avec moi. Elle est tres sympa, et definitivement je suis ravie d"avoir opte pour le velo plutot que le bus. Je me sens plus a ma place en voyage de la sorte, malgre le froid et le manque de douche, a decouvrir de petits villages et rencontrer des personnes comme Julie, plutot qu"en prenant des bus pour aller de places touristiques en places touristiques.
Et puis j"ai un aveu a faire. Le metier de bibliothecaire me fait rever, tout comme les clubs de lecture ! Je fais de l"esprit mais en realite j"adorerais participer a ces clubs pour partager ma passion des livres avec d"autres passionnes !
Il est 4 heures moins le quart, je vais reprendre a la journee d"hier, celle ou j"ai quitte le Canada pour revenir aux Etats-Unis...

C"etait donc le 1er octobre.
Reveillee a 6h, je sors touts mes affaires le plus vite et discretement possible de la chambre pour ne pas trop deranger mes deux voisines de dortoir a l"auberge de jeunesse de Niagara Falls, cote canadien. Je finis de me preparer dans la cuisine tout en faisant bouillir l"eau pour un the. "J"empreinte" au passage 6 sachets de the a l"auberge. C"est pas bien, je sais, mais en meme temps j"ai paye pour un petit dejeuner que je ne prendrai pas, alors ca compense... J"etudie la carte et le GPS pour etre sure de ma route.
A 7h30, personne n"est la pour m"ouvrir le local a velo comme c"etait prevu. Je patiente. Je decolle finalement a 8h. J"ai mis toutes mes epaisseurs de pulls et veste, les gants et le foulard. Je ne porte que le cycliste pour le bas. Tout compte fait, a ce moment-la il ne fait pas si froid que ca. Mais dans l"apres-midi je ne le regretterai pas. Le ciel est couvert. Le soleil fera de vaillantes percees et les nuages perdront la bataille dans l"apres-midi, mais le vent rafraichit vraiment l"atmosphere et il durcira dans le courant de la journee. Evidemment a ce moment-la je ne sais pas qu"un hurricane est a l"approche.
Ma route prend la direction des chutes. J"empreinte le chemin qui longe le canyon. A l"entree du Rainbow bridge, je change mes derniers dollars canadiens contre 70 dollars americains. Avec les 80 dollars qui me restaient lorsque j"ai passe la frontiere a Rouses, me voila paree pour un moment ! Surtout que je compte justifier mon choix du velo au lieu du bus en depensant le moins possible. Sur le pont, je contemple encore une fois les chutes...


Puis je parcours les 200 metres qui me separent de la frontiere et me presente, apsseport a la main, au douanier qui tend la main. Ce grand gaillard costaud feuillete les pages de mon passeport et me demande ou je vais. "North East. - Et apres ? - Saint Paul, Minnesota. - You will ride in Wisconsin ? me demande-t-il etonne. - Yes, I will try, and if it"s too difficult I will take a bus because I know that I have to leave the USA latest the 30/10. (cette fois j"avais bien prepare mon speech). - OK. Son visage change alors d"expression pour prendre la rondeur d"un petit garcon curieux : il faut combien de temps pour aller a Saint Paul ? - Pour moi environ deux semaines". Il hoche la tete et me rend mon passeport en me souhaitant bon voyage.
Je remonte en selle, pedale 100 metres et m"arrete pour pousser un cri de joie interieur. C"est completement cretin mais a chaque fois que je traverse une frontiere une vague d"excitation me submerge. C"est comme si je faisais un bond dans un autre univers. Melange a l"angoisse enfantine que j"ai toujours eue au ventre au moment de montrer mon passeport (comme si un mandat d"arret international pouvait etre lance contre moi pour, je ne sais pas moi, consommation excessive de M&M"s par exemple).
En tout cas ca y est, je suis a nouveau aux Etats-Unis ! Yahoou ! Et j"embraye sur la droite pour entamer ma route vers Saint Paul. Enfin dans un premier temps vers Cleveland. Et en first step, mon point de chute de ce soir, quelque part entre Niagara Falls et Erie.
Le Niagara Falls americain me parait bien plus sobre que son homologue canadien, mais en meme temps je n"en ai qu"un tres rapide apercu, tout juste ai-je le temps d"entrevoir le casino et deux maisons hantees avant de prendre la tangeante vers les rives. Le style des maisons est assez similaire a ce que je vois depuis plus d"un mois, et je constate que la sacro sainte tradition "one house, one flag" n"est pas arrivee jusqu"ici. Surprenant. J"attendrai quelques kilometres et les maisons un peu plus cossues des rives du lac Erie pour retrouver drapeaux et paniers de basket-ball un peu partout.

Je pedale le coeur leger et je sens que j"ai bien fait de remonter sur le velo. La route est relativement plate, je longe la riviere Niagara, j"affronte le vent mais "j"ai des jambes" aujourd"hui. Tout va bien. J"ai vite chaud, sauf au cou. Je garderai mon echarpe la plus grande partie de la journee.
Je me retourne plusieurs fois pour dire au revoir aux chutes. Puis elles disparaissent. Je suis la 384 puis la 265 vers Towananda puis Buffalo ou j"ai rendez-vous avec le lac Erie.

De petits canaux apparaissent, donannt naissance a de petits ports ou sont amarres des canots defraichis. Je passe devant un monument dedie aux marines. Je ne sais pas si je suis proche d"une zone d"entrainement ou de reserve, mais jusqu"a Buffalo je verrai plusieurs batiments militaires, dont un musee de la marine, et un accueil des veterans a Silver Creek (bien plus loin que Buffalo, pour le coup, sur le lac Erie).
Je retrouve avec plaisir mes jolies petites maisons a escaliers, porche abritant rocking-chairs et toutes sortes de motifs decoratifs, et balustrades en bois. Halloween s"invite deja dans de nombreuses demeurres et de nombreux jardins. Je retrouve egalement ce petit cote retro qui ne quitte pas le decor depuis que j"ai quitte New York, cote USA comme cote Canada. Je suis heureuse. J"aurais tout autant aime parcourir le sud de l"Ontario, mais bon j"ai penche pour la zone la moins dense en population, misant la-dessus pour trouver plus facilement des lieux de camping sauvage.
Je m"arrete un moment a Towananda pour prendre un cafe et verifier une fois de plus ma route. Je dois continuer sur la 266 et recupere la 5 a Buffalo. Le soleil se reveilel vraiment vers 10h et baigne la riviere Niagara d"une lumiere chaude alors que j"apercois les buildings de Buffalo dans ma ligne d"horizon.
J"entre dans la ville par une grande avenue bordee, dans un premier temps, de vieux batiments decrepits. Au premier regard, j"ai l"impression d"entrer dans une zone laborieuse, industrielle et un peu zonarde. D"ailleurs ici c"est du grop rap boum - boum qui sort par les fenetres des voitures. Et pour completer le cliche, des blacks et mexicains se baladent au coin des rues, mains enfoncees dans les poches et casquettes vissees sur la tete. L"air louche, quoi. Forcement. Mais bon, est-ce parce qu"il s"agit des USA et du Canada ? Je constante que ca fait belle lurette que je ne suis plus trop sur mes gardes. Enfin au sens crispee du terme. C"est comme pour le camping sauvage. Une fois passe Buffalo, j"observerai beaucoup les alentours et constaterai avec plaisir qu"il y a moyen de trouver ou planquer la tente sans trop de probleme. Et je l"envisage avec beaucoup moins d"angoisse que les premieres fois. Je me plais a croire que je m"agguerris, mais en realite je ne me fais guere d"illusion, passe la frontiere du Mexique ca m"etonnerait que je reste aussi detendue.




Pour la trouver je dois me diriger vers le port de Buffalo. Petit port de plaisance. Le gros traffic industriel s"etend plus loin. Le petit tram rouge et blanc ajoute au cote retro de la ville a certains moments. Une statue a la gloire d"une star locale de hockey qui a debute sa carriere ici me salue au passage, rappelant a quel point les sportifs sont valorises dans ce pays ou chaque petite ville vous accueille en precisant sur un panneau, a l"entree juste sous le welcome, le palmares de l"equipe de base-ball, de football americain ou de hockey locale.
La piste cyclable s"eloigne d"abord de la route pour filer entre les zones industrielles et les espaces entretenus. Je debouche sur Hambourg et contemple alors la vue imprenable sur le lac immense qui s"etale a perte de vue devant moi. Je dois remonter la fermeture eclaire de ma veste jusqu"au coupour me proteger du vent glace.
A ma grande deception, apres ce petit moment de paix la piste cyclable rejoint la route 5, qui est tres frequentee.
A l"approche du centre vilel, Buffalo decouvre de beaux buidlings modernes et anciens, domines par un de ces batiments pyramidaux qu"on trouve decidemment partout et qui, ici, est bizarrement decore de peintures vaguement egyptiennes. Un obelisque s"eleve au milieu d"un grand rond-point. Un sphynx garde l"entree d"un autre. Un trianle en verre s"elance, ultra moderne, a cote du building style empire state. Ce melange des symboles me fascine et ne fait penser aDan Brown, qui trouverait certainement ici des enigmes cachees depuis la nuit des temps et invisibles aux yeux du citoyen lambda.
Je prends le temps de quitter ma route et de parcourir quelques rues, attiree par les facades de quelques beaux edifices.
Puis je me lance a la recherche de la route 5, celle qui longe le lac Erie..




J"ai cependant de la place sur les bas cotes et ne me sens pas en insecurite. Au debut, la route offre de jolies vues sur le lac. Je commence a jouer a saute-mouton, voila la piste qui se met a monter et descendre sans arret. Je verifie et me rassure : je serai au moins a Silver Creek ce soir, voire plus loin. Il me restera 70 kms pour arriver chez mes hotes warmshowers demain. Je m"arrete pour acheter du pain. Il est 14h et je n"ai pas mange. Je cherche ensuite un joli point de vue pour pique-niquer mais la route s"eloigne passablement du lac.
Finalement c"est devant une grocery tartouille que je m"arrete car j"ai vu des tables au soleil. Mauvaix choix. Le vent est froid. J"avale mes sandwiches vite fait, capuche sur la tete, en grelottant.
Je me rechauffe en pedalant et arrive bientot a Silver Creek. A partir de maintenant, tous les kilometres roules sont du bonus et ce sera toujours ca de moins a faire demain. Mais je passe en mode reperage du lieu ou je pourrais planter la tente. Il est tot (17h), mais justement ca me laisse le temps de bien choisir et, pourquoi pas, de profiter de la soiree. Je voulais me rechauffer a Silver Creek avec un bon cafe chaud mais c"est rate, impossible d"en trouver. Etonnant. Le prochain, me-dit-on, se trouve 12 miles plus loin. Flute ! Je ne roulerai pas autant pour trouver mon coin pour dormir ce soir. A 4kms de Dunkirk, un "parking area" est signale. Je decide de jeter un oeil. Derriere l"aire de repos, un petit chemin conduit au bord de l"aplomb qui domine le lac. Le vent souffle fort. Il n"y a pas un chat et je ne vois pas qui s"arreterait ici, au milieu de rien. Les arbres protegeront ma tente du vent, qui bercera sans doute ma nuit. Je decide de m"arreter ici. A l"interieur de la tente, je peux enfin enlever ma veste gore-tex et ma veste polaire. Il fait bon. Il est encore tot, du coup je profite de la lumiere du jour pour sortir mon journal de bord et raconter ma journee jusqu"a ce que l"ombre de la nuit m"en empeche. Puis je m"emmitouffle dans mon duvet et allume ma lampe frontale pour finir le 7e ou 8e Harlan Coben que j"avale depuis 15 jours (merci Pascalou de me les avoir telecharges !!)




Je dors bercee par le vent... donc mal. Mais c"est pas grave, j"ai passe une nuit tranquille et sans frais. Est-ce le froid ? Je n"avais pas faim, j"ai donc renonce a faire chauffer des pates avant de m"endormir. Au petite matin, la force du vent me decourage de me lancer dans un cafe chaud. Tant pis. Je me lance sur la route vallonee, direction North East ou je dois etre hebergee ce soir.
La route est belle, cette region est moins dense en habitation, les jolies maisons sont eparpillees le long de la route bordee la plupart du temps de foret. Je me regale des couleurs de l"automne sur les arbres. Entre les feuilles jaunes, oranges, rouges, et les fleurs violettes, le paysage est chouette ! Les champs de mais puis surtout les vignes s"interposent ici et la entre les forets. Lorsque je retrouve le lac, de petits ports font leur apparition. Des que je m"arrete je rabats la capuche pour me proteger du vent toujours aussi froid !
Alors que je gare le velo a cote d"une sation service pour prendre un cafe, deux hommes plutot jeunes en sortent. Hey, where are you going ? Ils me serrent la main chaleureusement, j"avoue que ca fait plaisir de se sentir un peu encouragee.
Les gars m"annoncent qu"un hurricane va sevir cet apres-midi ou demain. Ok ok... En entrant dans la station, je demande a la serveuse, qui est de bien bonne humeur ce matin, "what is a hurricane ?" Elle m"explique. Ah ok... En fait, on n"aura vraiment que les residus et c"est tant mieux. Le lendemain j"aurai de la pluis et du vent toute la journee mais rien de bien mechant.
En tout cas je trouve les gens bien chaleureux dans cette region.
Je ne comprends pas grand chose aux miles et kilometres, ici. Parfois ca file un peu trop vite. Je vais arriver super tot a North East. Alors que je ralentis un peu, j"apercois un panneau qui indique Ripley a 1 km sur la gauche. Je ne sais plus quel auteur de polard avait pour heros un detective nomme Ripley, mais ce nom m"evoque mes heures passees a la bibliotheque, ado. J"ai du temps, je decide de faire un detour pour aller voir a quoi ressemble Ripley, la ville.
La suite, on la connait.
Je debouche dans une jolie petite ville paisible, au milieu de la campagne. Un joli batiment en brique rouge se dresse devant moi. "Ripley free library". Tiens, puisque je suis en avance pourquoi pas m"arreter et ecrire un peu sur le blog ?





Je gare le velo, un jeune aux cheveux longs et blonds fume dehors. Il vient me voir et me pose des questions sur mon voyage., Je le retrouverai dans la bibliotheque quelques minutes plus tard. Sur la porte, je regarde les horaires. Rien n"est indique pour le dimanche, c"est curieux, pourtant c"est ouvert et on est dimanche... dans ma tete ! (en fait je me trompe, on est seulement vendredi mais je ne l"ai pas encore realise). L"entree est decoree chaleureusement avec des citrouilles, de jolis napperons colores, des informations un peu partout, notamment sur les prochains evenements a l"ecole ou les ateliers de la bibliotheque.
Julie, la bibliothecaire, est occupee avec deux dames agees dans la piece du fond. Je patiente un peu en regardant les livres et la decoration. C"est convivial, ici. Il n"y a quasiment personne. Joey, un des fils de Julie, est la. Lorsque Julie arrive a ma rencontre, elle accepte tout de suite que je puisse utiliser internet (et sans temps limite, comme dans les autres bibliotheque). Elle me propose de garer le velo a l"interieur de la bibliotheque, puis m"offre un the. Nous passons dans la piece d"a cote, qui comporte des canapes, fauteuils, un grand ecran pour regarder des films, un coin cuisine avec une table et des chaises. C"est super cosy, ca me plait, et c"est tout juste ce dont j"avais a la fois envie et besoin.
Je repere la table a repasser et la machine a coudre. Julie me montre ses realisations - qui plairaient, j"en suis sure, a maman. Je m"installe avec mon the chaud derriere un ecran et... en fixant la date en bas a droite j"ai un instant d"arret. On est vendredi ! Vendredi, pas dimanche... Autrement dit, mon hebergement de ce soir n"est pas pour ce soir mais pour dans deux jours ! Et flute !
J"ecris tout de suite un mail a mes hotes pour m"excuser et les prevenir de mon erreur. Bon. Je dormirai sous la tente ce soir. J"ouvre google map et le site de warmshower et revois mes demandes d"hebergements pour les prochaines nuits. Puis j"ouvre le blog.
Un cercle de lecture demarre. J"attends qu"il se termine pour aller recuperer mon velo et reprendre la route. Mais au moment ou je vais demander a Julie si je peux a present reprendre mon velo sans deranger, la voila qui m"invite tres gentiment a partager son dejeuner, et qui s"enquiert de savoir si j"ai un endroit pour dormir ce soir. Je lui raconte mes mesaventures de calendrier, et elle m"annonce que je peux venir chez elle ! Cette invitation est adorable, et j"aime le contact simple, sincere et chaleureux de cette femme qui serre son gilet de laine autour de sa taille - son mari me dira le soir meme que Julie adore avoir bien chaud. Alors j"accepte, avec plaisir.
Nous allons preparer la salade dans le coin cuisine puis dejeunons ensemble. On se raconte nos vies, la discussion est naturelle et vraiment agreable. Julie a 5 enfants dont une grande fille recemment mariee et un fils au college. Les trois autres (deux garcons et trois filles) sont a la maison et vivent avec elle et son mari Randy, qui travaille dans la mecanique (si j"ai bien tout compris). Ils ont une maison sur la route 5, je suis passee devant en arrivant. Ils accueillent souvent des voyageurs. Parfois Julie ou Randy les voient passer sur la route devant chez eux et s"inquietent de savoir s"ils ont un endroit ou dormir, s"ils ont faim...
Julie finit son travail a 17h. En attendant qu"elle soit prete a partir, je retourne ecrire sur le blog. Je suis ravie de cette rencontre, heureuse de cette opportunite de passer une soiree en famille, touchee par la gentillesse de Julie. Il fait bon et chaud dans cette bibliotheque et c"est bien agreable de prendre le temps d"ecrire dans cette ambiance.
A 17h moins 5, j"eteins l"ordinateur, Julie va ouvrir sa voiture et je charge velo et sacoches dans son coffre. Nous arrivons chez elle, Randy et Joey sont dehors a cote du side-car Ural de Randy. Il y a aussi un jeune chien dont j"ai oublie le nom... grand, noir et blanc. Le terrain autour de la maison est grand. Le pere et les deux garcons (Ben, 11 ans, vient de sortir me dire bonjour lui aussi) se charge de porter les sacoches, je sors le velo. Emma, 7 ans, vient a son tour vers moi. Ces enfants sont adorables, contents de recevoir du monde, ils sont ravis de me montrer leurs chambres et leurs dessins. Ben a des dynausores, alligators, serpents dans sa chambre. La moquette et la couverture du lit d"Emma sont couverts de papier de toutes les couleurs.
Pendant que je prends une douche et m"habille en patachon, Randy et Joey sont partis acheter des plats prepares et vendus par l"ecole pour financer un voyage a Dysneyland en fin d"annee. On aura donc du poulet avec une salade de pomme de terre et des haricots fumes assaisonnes avec une sauce sucree au diner. "De la nourriture de cow-boys" - me dira Randy ! Et c"est tres bon. Pas aussi bon, cependant, que les cookies faits maison de Julie !
Je passe une soiree geniale. Ben et Emma sont super chous et ne demandent qu"a discuter. Emma me montrera comment ecrire mon nom avec des batons qui ressemblent a des batonnets de glace ou des touillettes en bois. Elle les dispose sur un papier, les colorie et les collent. On ecrit Pat au lieu de Patricia sinon ca prendrait trois feuilles au moins ! Randy lance la video youtube d"un francais parti en moto au Cap Nord. En fait, Randy a en tete de faire un trip de ce genre un jour, au Quebec, ou encore en Alaska.
10 octobre 2015
Ouf, me voici a Chicago, fraichement arrivee ce matin ! Ca fait du bien d'etre installee a l'auberge de jeunesse, de prendre une bonne douche chaude et de faire une machine a laver apres toutes ces journees sous la tente ! Je paie plein pot ce soir car demain c'est le marathon de Chicago. Je vais etudier la suite du parcours, l'idee etant de prendre un bus jusqu'a Madison pour sortir de Chicago et de monter rejoindre le Mississipi pour rallier Saint Paul, si ce programme convient a Regine qui m'attend en redoutant pour moi l'arrivee du froid, redoutable dans le Minnesota parait-il.
En discutant avec la famille de Julie, a Ripley, je decouvre qu'ils ne connaissent pas Lucky Luke. Incroyable ! No ! Really ? Luky Luke, the cowboy with the white hat, fighting against the Dalton's brothers... He has a horse, named Jolly Jumper, and also a dog, Rantamplan... You don"t know him ?? Et ben non, Luky Luke est inconnu au bataillon aux States ! J'en suis sur le derriere... Je leur montrerai une photo au petit dejeuner mais non, toujours pas... En revanche les freres Dalton ont bien existe, eux. Randy me sort un livre avec photo des freres Dalton tues apres moultes courses poursuites avec les sherifs locaux de l'epoque. Je tenterai a nouveau le coup avec Tiffany, deux jours plus tard. Tiffany m'accueillera a Bay Village via Warmshower. Luky Luke, you know, the cow boy with.... Non, personne ne le connait ici ! Bon.
Une petite parenthese. Les ordis sont hyper boostes ici, j"en ai donc profite pour arreter d'ecrire et telecharger pleins de photos. J'en ai ajoute sur la page Maroc suite et fin (Chefchaouen), et sur la premiere partie des USA (ma decouverte de New York). Ceci dit, il est 15h, j'ai les crocs, et il est temps que j'aille me balader un peu au bord du Lac Michigan dont je reve depuis plus d'une semaine ! Je continuerai cette nuit pour le blog...
... Et voila, de retour d'une super balade, au regret de ne pas pouvoir admirer le superbe coucher de soleil sur les rives du Michigan puisque le lac donne pleinest ici. Le ciel etait tout joli, rouge, orange, bleu vif, rose... un regal ! Bon, il est temps d'entamer ma soiree blog.
Intrigues par la communaute avec laquelle j'ai vecu dans la pepiniere, et alors que je n'ai pas precise qu'il s'agissait d'une communaute bouddhiste, Randy et Julie me demandent s'ils etaient hammish (parce que j'ai raconte que je n'avais pas beaucoup rigole pendant ce mois a Sainte Julienne...) Ils me disent qu'il y a beaucoup de hammish dans leur region. Eux sont baptistes, et j'ai par contre croise un nombre tres important d'eglises baptistes, ainsi que methodistes et lutheriennes, sur la route. Si j'en suis venue a parler de Lucky Luke avec eux, d"ailleurs, c"est en regardant une photo de famille sur laquelle les parents et les cinq enfants posent en rang, par ordre de taille du plus grand au plus petit. Sur la photo ils portent tous le meme tshirt bleu avec un aigle imprime. Ben me dit que c'est le tshirt de l'eglise.
Nous chercherons avec Julie les differences de dogmes entre baptistes et adventistes mais n'en trouveront pas tellement, a part l'observation du sabbat pour les adventistes. Ceci dit, plus les annees passent et moins je suis calee sur les dogmes. La fille ainee de Julie et Randy a rencontre son mari sur les bancs de l'eglise. "Un garcon bien", me dira Julie. Etre dans cette famille gentille comme tout, croyante, aimante, me rappelle mon univers, enfant. J'aime la facon dont les parents parlent aux petits et leur temoignent de l'interet (ce qui n'a rien a voir avec la religion, en l'occurrence, mais disons que l'atmosphere qui se degage dans cette maison m'est familiere).
Tout le monde va se coucher tot. Ca me surprend un peu, mais en fin de compte je suis ravie d'avoir un peu de tranquilite des 20h30. Parents et enfants montent a l'etage. On m'a installe des draps et couvertures sur un canape hyper moelleux, a cote de la cheminee qui chauffe un peu trop mais ca ne me derange pas. Je suis super confortablement installee dans mon petit nid tout doux, super heureuse de cet apres-midi et de la soiree. Il y a des gens avec qui on se sent tout de suite a l'aise. Julie et Randy en font partie, ils sont adorables. La maison est simple mais grande et chaleureuse. Julie n'a pas cesse de s'excuser pour la couleur de l'eau qui sort de la douche - tout le quartier a le meme probleme de traitement des eaux, qui devrait etre resolu dans l'annee d'apres les promesses de la municipalite. Moi qui ne pensais meme pas avoir une douche ce soir, je me fiche que l'eau soit jaune ou blanc pale ou verte ! C'est deja royal d'etre ici. Cette maison, Randy l'a achetee 20 000 dollars aux encheres. Une affaire pour eux. Avec son terrain, elle convient parfaitement a leurs besoins. Ils ont emmenage il y a 5 ans et s'y trouvent bien. Julie me montrera les deux tonneaux de vin qu'elle est en train de faire fermenter. Ca sent bon quand elle remue le raison ! Avec ses deux tonneaux, elle pourra remplir 10 bouteilles de 2 litres a peu pres (les contenants sont differents des notres et j'ai un mal fou avec toutes les conversions, que ce soit les pounds, les miles et autres pieds !)
Je lis un peu, puis m'endors comme un bebe. Le lendemain, tout le monde est debout a 7h. C'est samedi mais Randy va reveiller Joey a 7h15 alors qu'il ne le voit pas descendre prendre le petit dejeuner. Julie a prepare des pancakes et me met ceux qui restent dans un cellophane, sur une de mes sacoches. Pendant qu'on discute dans la cuisine, je l'entends qui se met a jouer sur le piano du salon. Le son et les melodies me rappellent le style de musique qu'on entendait et qu'on chantait a l'eglise. Et a nouveau je repars en enfance... je revois maman s'exercer au synthetiseur a la maison, et apprendre de nouveaux chants en vue de les faire decouvrir a l'assemblee pendant les interludes des offices ou elle dirigeait les chants. Oui, cette ambiance familiale ressemble etrangement a celle qui fut la notre. Et je me rends compte que ce sont des souvenirs heureux pour moi. Ils me font venir le sourire aux levres.

Ces dernieres annees, et notamment avec nos remises en question successives, de ma part et de mes deux soeurs, nous avons plus souvent dit a nos parents ce qui nous avait pose probleme dans cette education religieuse (comme le fait de se sentir coupable de tout et n'importe quoi tout le temps, d'avoir des tabous, de se sentir en decalage avec les autres, pas "dans la vraie vie", etc). Meme lorsque j'ai commence a m'eloigner de l'eglise et a ne plus partager la foi de mes parents et grands-parents, j"ai toujours revendique d'avoir recu une education qui a fait de moi une personne foncierement gentille, devouee, avec des principes et des valeurs humanistes. Ce matin-la, a Ripley, en retrouvant pour un court instant mes souvenirs d'enfance, j'eprouve un vrai bonheur a me rappeler comme j'ai pu me sentir heureuse, aimee et protegee dans l'univers familial qui etait le mien. Je serais bien restee la a ecouter la musique encore un long moment. Mais il fallait se preparer a partir.
Randy et Joey sont sortis vider la voiture pour y mettre mes affaires, et un matelas et quelques bricoles que Julie devait deposer a la dechetterie. Julie me deposerait au passage 20 miles plus loin, pour compenser la route que je n'avais pas faite la veille et me donner une chance d'arriver le soir a Mentor-On-The-Lake ou j'etais attendue par Bill et Julie, de Warmshower.
Je fais de gros bisous a Ben et Emma, salue Joey qui n'a plus l'age d'avoir envie de bisous, remercie vivement Randy apres avoir admire son side-car Ural (clin d'oeil a ses origines ukrainiennes) et grimpe a cote de Julie dans la voiture. En route !
Dans la voiture nous discutons encore beaucoup avec Julie, qui porte les tres jolis et flashy gants roses que son mari vient de lui offrir pour son aniversaire (c'est qu'il fait un froid de canard !) La meteo prevoit de la pluie et du vent aujourd'hui. Pour l'instant le vent ne souffle pas trop fort. La pluie ne commencera a tomber que lorsque je me mettrai a pedaler. D'abord nous allons a la dechetterie, ou Julie salue quasiment tout le monde. Puis elle pousse jusqu'a la limite d'Erie pour aller faire des courses. J'ai oublier de prendre de l'eau en partant, je la suis donc dans le magasin pour acheter une bouteille. On se dit au revoir et on se serre dans nos bras a l'americaine mais cette fois c'est vraiment chaleureux.
Je ne trouve pas de bouteille a l'unite ni de grandes bouteilles, il n'y a que des paquets de petites bouteilles. Me croyant en France, j'enleve deux petites bouteilles d'un paquet et je me presente a la caisse. La vendeuse me regarde avec de gros yeux et je comprends tout de suite que je n'aurais pas du. Elle n'en fera pas toute une histoire mais du coup je repars sans eau. Tant pis. Allez hop, en route !
Le vent n'est pas bien mechant mais il ne me quittera pas de la journee. Et il est glacial. J'ai l'impression de me trainer et suis pessimiste sur mes chances d'arriver a Mentor On The Lake ce soir. Je decide d'attendre un peu de voir comment j'avance pour annoncer la couleur a Bill et Julie. La traversee d'Erie n'a rien d'excitant. Des que je sens les premieres gouttes de pluie, je mets mes proteges-chaussures waterproof par-dessus mes baskets. J'ai le pantalon impermeable et la veste gore-tex, plus les gants. Normalement je suis paree. Dans la voiture Julie m'a montre le panneau "Pennsylvania welcomes you !" Je ferai un passage eclair dans cet etat, puisqu'en arrivant a Conneaut, moins de trente kilometres plus loin, je suis cette fois accueillie tout aussi joyeusement dans l'Ohio. Malgre la puie battante, je sors l'appareil photo. Il n'y aura pas d'autre photos pour la journee ou tout juste une ou deux, il pleut trop pour que je prenne le risque d'abimer l'appareil.


Ces journees sous la flotte n'ont rien de specialement excitant. Je suis concentree sur la route, qui n'est pas surchargee cote trafic. Je me donne des objectifs a court terme (la prochaine ville c'est Ashtabula, apres il y aura Geneva, Madison, Perry...) Je calcule et recalcule les kilometres effectues pour evaluer ma capacite a aller jusqu'a mon etape du jour. Je peste interieurement car c'est toujours comme ca, chaque fois que je decroche des points de chute warmshower d'un cote je suis trop contente a la perspective d'avoir un lit, de l'autre je ne me sens plus libre de ma journee. Je constate que je pedale plus vite que d'habitude, je me fais un devoir d'arriver a tel endroit avant la nuit alors que d'habitude ce n'est pas comme ca que mes journees s'organisent.
Quand je ne peste pas et que mes pensees ne tournent pas en boucle sur les etapes avant l'arrivee, je chantonne ou je revasse. Toutes sortes de pensees me traversent l'esprit. Je repense a Cleveland, par exemple, J'aurais pu y aller en 2014 pour participer aux Gay Games, et puis j'ai finalement decide de faire autre chose, d'autant que peu de filles de mon club de volley avaient l'air motivees pour engager une equipe. Je repense a mes dernieres grandes vacances en Croatie, que j'ai adorees. Un souvenir en entrainant un autre, j'atterris a Saint Malo ou j'ai passe le nouvel an 2015.
Entre les doux souvenirs, l'approche de Noel, le climat automnal meme si je vis encore quelques tres belles et chaudes journees, la vie occidentale pas si differente de ma vie francaise, depuis quelques temps mes pensees me ramenent de plus en plus souvent en France, J'ecrit a maman : ne vous rejouissez pas trop vite mais je pense souvent a la maison en ce moment. A Catherine, Sandra ou Anne-Marie j'ecris egalement que si on m'annoncait demain que je dois rentrer, je le vivrais bien. Est-ce que le depaysement changera mes humeurs ? C'est ce qu'on verra. En tout cas, plus le temps passe et plus j'eprouve ce drole de sentiment, cette envie d'etre a la maison qui me surprend alors que je n'ai meme pas fait la moitie de ce que je revais de faire. J'ai hate de basculer dans un autre depaysement pour savoir si ce sentiment est une lame de fond qui me fera rentrer ou si c'est passager et du a la vie occidentale.

Je pense aussi a Julie B qui a accouche depuis pres de deux semaines, j'ai du mal a realiser qu'elle a deux filles maintenant ! Et Julie M est sur le point d'accueillir sa premiere fille dans les tous prochains jours... Je pense a Caty et Celine qui se sont mariees cet ete. Je pense a Artur et Estelle et me demande quelles tetes ils ont maintenant, ils doivent avoir tellement change encore ! Je pense a Isa et me dis que la prochaine lettre est pour elle. Je pense a plein de choses, en fait. Tout en ouvrant la veste quand j'ai trop chaud ou en la refermant quand le vent me glace trop d'un seul coup. La pluie ne gene pas ma vision, elle n'est pas trop forte mais juste suffisamment reguliere pour qu'a la fin de la journee je sois totalement trempee.
Malgre tout, j'avance finalement assez vite pour envisager d'etre dans un lit ce soir. J'envoie donc un texto de confirmation a Bill pour lui annoncer que j'arriverai avant la tombee de la nuit, entre 18 et 19h. Il me repond tres gentiment que c'est parfait et qu'une douche chaude m'attend. Je m'arrete deux fois dans un Mac Do pour boire un cafe chaud et tenter de me secher. Mes vetements waterproof ont lache l'affaire. Je suis mouillee a l'interieur, la sueur et la pluie se sont liguees contre moi. Je suis de plus en plus contente de savoir qu'un lit et une douche m'attendent.
Les abords de Mentor on the Lake sont tres jolis, tres huppes. Les jolies maisons se succedent face au front de mer - enfin front de lac. C'est cossu ici ! Je commence a me demander si c'est dans une de ces maisons que je vais atterir. Et bingo ! La nuit tombe lorsque j'arrive dans la rue de Bill et Julie. Bill est sorti pour me guetter et m'interpelle alors que j'hesite entre cette maison et une autre. Il m'aide a entrer le velo dans le garage - qui est deux foix plus grand que mon appart a Maisons-Alfort... Une collection de 5 velos est suspendue au plafond (mountain bike homme / femme, velo de piste homme / femme, velo couche de Bill), et il parait qu'il y en a d'autres dans une autre piece.
Je degouline de partout. J'enleve mes chaussures et mes chaussettes pour passer mes tongs, Bill tente de m'aider a decoler les gants trempes de mes doigts, bref, c'est un vrai bonheur d'etre arrivee et de me debarrasser de tout ca ! J'hallucine de la taille et du luxe de la maison... Bill est jeune retraite de l'aeronautique. Julie travaille encore, dans le milieu pharmaceutique. La maison est tout en longueur et dispose d'un jardin avec acces prive au lac.

Pendant que Bill s'occupe de faire secher mes affaires (j'ai refuse qu'il les lave, Julie m'avait deja propose une machine a laver que j'ai accepte la veille), Julie me conduit a "ma chambre". Le lit est immense, j'ai une salle de bain privee et de la moquette douillette sous les pieds. Je n'en crois pas mes yeux. Lorsque je sors de la douche, l'aperitif est pres. Petite assiette avec selection de fromages (un fromage belge et un fromage aux murs d'ecosse), raisin frais et verre de martini - framboise. Le tout servi dans le canape de l'immense salon. J'ai l'impression tout a coup d'etre une princesse ! A cote de ca, Bill et Julie me paraissent eux aussi tout de suite tres sympathiques. La conversation s'installe tres vite et on rigole bien. Apres une douche chaude j'ai deja oublie les desagrements d'une journee passee sous la flotte. Tout ca me semble loin derriere. Je passe une excellente soiree, et elle est loin d'etre finie.
On passe a table, le diner est toujours aussi anime. Puis mes hotes me proposent de tester leur jaccuzzi. Ils l'ont acquis recemment et ne se lassent pas de tester ses differents programmes. Ils l'ont recupere d'un ami qui s'en debarrassait, en fait. Il est en tres bon etat et ils l'ont installe dans le jardin. Sur le moment, quand je suis repartie, sur leur proposition, pour me mettre en maillot de bain et passer le peignoir qu'ils me pretaient pour l'occasion, la question m'a tout de meme traverse l'esprit une demi seconde : non mais dans quoi tu t'es fourree, Pat, c'est quoi ce plan jaccuzzi a 22h, avec un verre de vin, a trois dans le bain ?.... Et bien c'etait un super plan et on a passe un moment divin ! Bill nous a d'abord laissees toutes les deux avec Julie et nos verres de vin, jouant de son cote avec les lampes et les differences de pression, puis il nous a rejointes et franchement on a bien rigole, comme des gamins. Au debut la pluie s'est mise de la partie, mais c'etait agreable d'etre dans l'eau chaude pendant que la pluie fine tombait. De temps en temps j'avais du mal a realiser que la veille je passais une soiree familiale, et que ce soir je me la jouais verre de vin dans le jaccuzzi en pleine nuit.
On a tous ete se coucher apres ca, un peu pompettes bien sur, et sans mettre de reveil. Julie avait dans l'idee de m'accompagner a Cleveland le lendemain, on aviserait au reveil.
On ne s'est pas leves si tard que ca au final. Et au petit dejeuner il a ete decide que Julie et moi irions en velo et sans mes bagages a Cleveland. Bill nous rejoindrait avec mes bagages. Ensuite je les quitterai pour rouler tranquillement vers mon point de chute warmshower a Bay Village. Mes hotes m'invitent a rester avec eux pour la journee, et a les accompagner a une fete a laquelle ils sont invites. J'hesite mais renonce a dire oui, car je me sens engagee vis a vis de Tiffany (mon hote de Bay villlage) et ne veux pas me decommander le jour meme.




Apres un petit dejeuner royal (fruits frais, framboises, pommes et peches, accompagnes d'un cafe), nous nous preparons a partir. Pendant que je me change, Bill a rassemble mes vetements de la veille qu'il a fait secher ! Le temps que je boucle mes sacoches, je le retrouve dans le garage en train de nettoyer mon velo.... Tous les deux sont tous simplement aux petits soins avec moi. Je regrette de ne pas donner suite a leur invitation pour le soir, mais je ne me vois pas me decommander aupres de Tiffany. Nous partons sous un grand beau soleil avec Julie. Encore echaudee par ma journee sous la pluie, je pars avec mon coupe vent, ma polaire et mon sweat par-dessus mon tshirt de cyclisme. Mais je tomberai au fur et a mesure toutes les couches tellement il fait chaud.
Julie ouvre la voie, et nous mettons deux heures pour arriver a Cleveland en passant par le bord du lac. La route est belle et un peu vallonee. Par rapport a mon rythme habituel je souffre un peu car nous ne nous arretons quasiment pas. Moi j'aime prendre mon temps et faire de breves pauses regulierement. Nous entrons dans Cleveland par le parc de l'universite. Il est tres grand et nous faisons un mini tour du monde puisque le parc comprend de multiples petits jardins dedies aux nations. Chaque petit jardin a son drapeau et son monument emblematique. Je ne repere pas la France mais nous passons devant l'Italie. Les ecureuils courent partout. Parvenues a l'universite, nous empruntons une grande artere qui nous conduit au coeur de Cleveland. SI j'avais ete seule, j'aurais pris plein de photos. Mais je n'ose pas demander a Julie de s'arreter toutes les deux minutes. Cleveland est une grande ville et j'aime ses grandes avenues aerees et son centre ville anime. Nous rejoignons Bill qui s'est gare et nous a retrouvees en velo. On se pose dans un resto japonais et je me fais doubler par Bill pour payer la note. Au passage, j'ai recolte aussi, la veille, des cartes routieres de l'Ohio, l'Indiana, le Michigan.





Il est 15h30 quand nous nous separons. Ils partent pour se preparer pour la fete de ce soir, moi je prends la direction de l'ouest pour arriver a Bay Village. Je commence par traverser un parc avec vue sur Cleveland et sa plage, magnifique... Puis la route devient de plus en plus ombragee, j'ai l'impression de me trouver d'un coup en foret, apercevant cependant ici et la entre les arbres de magnifiques demeurres. Le soleil chauffe et m'aveugle, m'empechant de profiter pleinement de la vue sublime sur toutes ces jolies maisons - parfois des petits chateaux !





Je suis a Bay Village en fin d'apres-midi. J'ai pris mon temps, je n'aime pas arriver trop tot et puis on est dimanche, Tiffany et son mari pouvait profiter de leur temps avant mon arrivee.
Lorsque j'arrive devant chez eux, dave est installe dans la veranda avec Zoe, une petite chienne noire avec un joli noeud rose dans les cheveux, sur les genoux. Tiffany est devant le garage, en leggin et bandeau dans les cheveux elle aussi, comme si elle sortait d'une seance de sport. Jeunes tous les deux, Tiffany et Dave sont adorables. Ils sont maries depuis peu, suite a un coup de foudre. Tiffany etait recemment divorcee, ils se sont rencontres par l'intermediaire du meilleur ami de Dave et ne se sont pas pose de question bien longtemps. La ceremonie a eu lieu en petit comite dans le jardin, et des photos couvrent les murs du salon de leurs sourires eclatants ce jour-la.
Zoe ne cessera pratiquement pas d'aboyer contr emoi, tandis que Rudy, son aine, me fera des mamours avec la meme constance que l'autre s'acharnera a hurler a la mort en ma presence. Dave me montre la chambre la-haut, encore un super lit douillet. Je propose d'utiliser mon sleeping bag et ma serviette de toilette mais je suis epatee de voir que les hotes warmshowers se mettent en quatre pour qu'on soit comme a la maison. Trop bien... Tiffany cuisine vegetarien pour nous. Dave a decide de devenir vegetarien comme ca, parce qu'il aime se lancer des defis. Du coup Tiffany suit le meme regime alimentaire et s'echine a trouver des recettes sympas. Ce soir-la on aura un plat delicieux dont je n'ai pas retenu le nom ni les ingredients a part les patates douces mais c'etait tres bon... La soiree sera toute aussi sympa, un peu moins fluide que les precedentes mais franchement ce gentil petit couple est adorable et ils m'ont accueillie avec beaucoup de gentillesse.
Alors que je suis partie me coucher, Tiffany et Dave sont sortis faire une promenade, dans l'objectif de faire rattraper a Tiffany son retard dans le defi auquel elle participe avec ses collegues, a savoir qui fera le plus grand nombre de pas en un temps donne. Evidemment pour participer elle a le fameux bracelet que j'ai deja vu entre autre sur le bras de Pascal, si mes souvenirs sont bons.
Au petit dejeuner, alors que Dave est deja parti travailler (il a 1h de route a faire pour y aller), nous aurons un moment de discussion bien sympa avec Tiffany. La pauvre apprendra le deces d'un cancer d'une fille avec qui elle n'etait plus en contact depuis un moment mais qu'elle a connue a l'ecole. Je la quitterai triste et preoccupee par le sort des deux enfants de cette femme.
Je me mets en route avec dans l'idee de camper ce soir. Je ne suis pas sociable qu'on le croit. Oui j'ai la discussion facile lorsque je rencontre des gens, cependant j'ai souvent besoin d'etre dans ma bulle. J'ai adore ces trois dernieres journees et les moments passes avec les uns et les autres, surtout avec Julie et sa famille car c'etait totalement spontane, mais apres trois jours de suite avec de la compagnie le soir je sens que j'ai envie d'etre seule ce soir. J'ai l'intention de pedaler jusqu'a Sandusky et meme plus loin si je peux. Je n'aurais plus qu'une journee de velo jusqu'a Toledo ensuite.
Me voila donc partie, mais sitot partie je m'arrete pour contempler les rives de l'Erie. Que c'est beau de bon matin, et paisible. Je vois une petite plage sur ma gauche. Je suis sure que Severine se serait baignee si elle etait la. Meme par moins 5 degres, Juste pour le fun... Moi je me contente d'admirer les couleurs, les sons, les reliefs.




La journee commence pas trop mal. J'e passe Rocky River, Lorain, ca file. J'ai dans l'idee de trouver a Sandusky un adaptateur pour les prises de courant americaines car j'ai oublie le mien chez Bill et Julie. Encore une fois, heureusement que Magali m'a offert un chargeur solaire avant que je parte ! Il m'aura rendu bien des services...
A nouveau le paysage deroule les jolies et grandioses proprietes de part et d'autre de la route ombragee. La route est souvent cabossee en revanche et je rale a chaque fois que je suis secouee un peu trop fort. Vermillon s'annonce. Un panneau explique a l'entree que la ville tire son nom des baies rouges dont les indiens de la region se servaient pour leurs vertues therapeutiques. Moi ce que je remarque, c'est un Mac Do. Je m'arrete pour boire un cafe, charger mes mails, et donner des nouvelles aux parents. Au moment ou j'avance le bras pour ouvrir la porte, un grand balaise d'un certain age sort du restaurant. Il voit mon velo derriere moi, et m'aborde tout de suite. Il parle fort, et avec assurance, et se pose tout de suite en protecteur. Son velo a lui est juste a cote du mien. Bill se presente. Il travaille dans la securite, il veut savoir d'ou je viens, ou je vais, si je connais du monde dans la region, et puis m'invite a repondre a ses questions a l'interieur autour d'un cafe qu'il s'empresse de m'offrir.
Malgre le fait qu'il soit grand et costaud et qu'il m'impressionne un peu, ce brave homme ne m'a pas l'air mechand et, boostee par mes dernieres rencontres, je le suis a l'interieur du Mac Do. On s'asseoit et on commence a discuter. J'apprends qu'il travaillait avant dans la construction mais qu'il a eu des ennuis de sante qlors il a du arreter. Mais maintenant il bosse dans la securite. Et il m'incite a me mefier, grosso modo, de tout et de tout le monde. Il connait bien le voisinage, bon il y a des gens bien mais il y a aussi tellement de gens louches, et puis ca va de plus en plus mal. - Allons bon ? - Oui, il n'y a plus de travail dans la region, alors ca va de plus en plus mal, lui il le voit bien. Et si ca me dit, il connait un endroit super securise ou je pourrais dormir ce soir, pas loin, il peut me montrer et je n'aurais qu'a lui dire si ca convient ou pas.
J'avoue, je n'ai pas remarque tout de suite. Bill avait l'air sympa et tranquille, normal. Je lui ai demande s'il connaissait une boutique ou je pourrais acheter un adaptateur. Oui il pense connaitre, et il va m'y emmener. Et hop, nous voila partis en velo. Je le suis... mon dieu qu'il est lent ! Mais bon c'est normal il n'est plus tout jeune. On essaie un magasin, mais celui-ci est ferme. On retourne vers le Mac Do et on tente a cote le Dollar Familly. Je serais surprise qu'ils vendent ce genre de materiel ici... mais je suis Bill. Et en effet, le vendeur me trouve un adaptateur, et a 5 dollar en prime. Bon, ca ne remplacera pas mon adaptateur multi usage mais en attendant ca me depanne bien. Je vais a la caisse. En reglant, je m'apercois que Bill achete un paquet de rasoirs. Sur le coup, comme une andouille, j'ai eu un vague soupcon. Est-ce que l'achat des rasoirs a un rapport avec moi ? Il a eu une blagounette ou deux, dans le Mac Do, avec un regard qui se voulait sans doute une tentative de seduction, mais j'ai aussi vu que lui-meme n'y croyait pas une seconde et qu'il a surtout besoin de se donner un genre de temps en temps. Bon mais en tout cas face a ces rasoirs BIC tres bons marches je me suis tout de meme pose des questions. Mais pas les bonnes.
A la sortie du magasin, il me dit qu'on va retourner au mac Do. Ah bon. J'explique que puisque je ne vais pas rouler plus que ca aujourd'hui, j'aurais besoin de passer un moment a la bibliotheque. J'en ai repere une a 5 minutes. Ok pas de probleme, on va au mac Do 5 minutes pour qu'il recharge son telephone et il me conduit a la bibliotheque. Je tente en vain de lui dire que c'est bon j'ai l'adresse je peux y aller toute seule et on se retrouve plus tard, en fait il est a moitie sourd et il a deja tourne le dos pour enfourcher son velo.
Et hop, on est repartis au Mac Do. Mes capteurs sentent un truc mais ils ne sont pas encore bien regles. Je le vois disparaitre aux toilettes du Mac Do avec ses rasoirs et pendant que je flippe un peu je ne comprends pas qu'il se rase ici parce qu'il ne peut pas le faire ailleurs. Parfois je suis d'une naivete ou d'une lenteur de percussion - si je puis dire - qui m'afflige...
Je sens qu'il y a un truc chelou, mais en meme temps je sens aussi, je crois, qu'il n'y a pas de danger fondamental. En tout cas je ne decide pas de partir.
Je suis donc Bill en direction de la bibliotheque. C'est la que je vais percuter.
Je me fais donner un code d'acces pour utiliser un ordinateur et donne a Bill rendez-vous dans 3 heures. Je m'installe, il fait super beau, je vois le soleil par la fenetre, je suis contente d'avoir du temps pour ecrire... Sauf qu'au bout d'une heure le voila qui entre dans l'espace multimedia et s'approche de moi. Il parle fort, je dois l'inviter expressement a me suivre hors de la salle pour qu'on se mette d'accord. J'ai besoin d'une heure encore - lui dis-je (j'en voudrais deux mais bon j'ai compris que ca va etre complique). Pas de probleme, je vais lire un livre en attendant. Ok. Je me replonge dans le blog. A un moment je leve le nez de l'ordi et regarde par la fenetre, Voila mon copain Bill qui est en train de prendre en photo les arbres dehors, avec son mobile, Il a toujours le meme sac en plastique jaune attache a son velo, Bizarre... Et je comprends enfin. Je comprends que ce gars-la ne sait pas quoi faire de ses journees, il ne travaille pas, il n'a pas d'endroit ou aller.
J'ai beau avoir compris, je ne pars toujours pas. Pire que ca, je continue a le suivre. Pourquoi ? Je ne sais pas. Ca me ferait de la peine de lui dire maintenant ; euh attends en fait il faut que j'y aille. Soyons clair, si j'avais senti un vrai danger, je serais partie. Malgre tout, je suis restee alors que je n'etais tout de meme pas au top du confort en sa compagnie. Mal a l'aise, mais curieuse de voir ce qu'il y avait derriere.
Je le retrouve dehors. I like you bike, man ! - me lance-t-il en designant mon velo. Jusqu'au lendemain, il m'enverra du "man" sans arret. Je sais bien que cette interjection equivaut au "con" marseillais, mais tout de meme je me retiens plusieurs fois de lui dire : mais tu vois pas que je suis une fille ??
Il voit ma tente. Ah mais si tu as une tente je sais ou tu vas etre bien ! Suis-moi. Et hop, je le suis... On roule bien 10 minutes (a la vitesse de Bill). On passe deux fois le passage a niveau a 50 metres de distance, dont une fois avec un arret car un train decide de passer a ce moment-la. On fait des boucles, est-ce qu'il sait au moins ou il va ? Oui, il sait. On file sur une grande rue qui part le long d'une riviere. Les fermes s'etendent a gauche. Des chevaux gambadent dans leurs enclos. C'est tres joli et tres champetre. Bill s'arrete devant une grande batisse dont le premier etage a ete peint en rose il y a tres longtemps. Cette propriete est abandonnee. Le terrain est laisse aux herbes folles. Sur la droite, un grand camion est stationne. C'est la-dedans que vit Bill, dans le camion.




Bill me propose de m'installer ou je veux, dans l'herbe ou a l'interieur de la maison, dans ce qui a ete il y a un siecle un salon mais qui n'est plus qu'un hangar plein de toiles d'araignees, de meubles casses et poussiereux, d'outils, de bric a brac innomable. Je peux meme dormir dans le petit camion gare a l'arriere et dans lequel il garde un duvet de l'armee qui est cense etre ultra chaud mais qui est encore humide de la laverie. Je decide de planter la tente dans l'herbe... qui me semble etre l'endroit le plus propre. Evidemment il n'y aura ni toilettes ni douche. Mais depuis que j'ai compris que Bill vit ici dans son camion, mon regard a change. Ce vieux bonhomme n'est pas mechant, mais il perd la boule et vit comme il peut. Il me dit qu'il est paye par son beau-frere pour garder la propriete. Des jeunes ont vole la grande porte metallique de la maison pour revendre le metal. A mon avis il n'y a pas que ca qui a ete vole... A 100 metres devant moi, de jeunes chevaux courent dans tous les sens. Ah l'energie de la jeunesse ! Bill me dit que j'aurai sans doute la visite de cerfs dans la nuit. Oh oh... J'aimerais bien en voir de tres pres, mais je m'etonne qu'ils s'approchent a ce point.
Bill tourne en boucle. :"I used to work in contruction, man", me repete-t-il. Et vous construisiez quoi, des maisons, des ponts ? "No, I used to work in construction, man. And I have 2 motorcycle". Il cherche sur son telephone et me montre des photos de ses deux motos, puis de son chien. Et il est ou votre chien maintenant ? "Oh, man, it's getting worst, now, you know, I tell you, you can't trust people". Lorsque je lui pose des questions, son regard part loin, tres loin, dans un autre monde. Il a l'air d'un vieil ours mal leche mais il ne ferait pas de mal a une mouche. "I am christian, you know, I believe in God. Do you ?" Bon, je sens que je vais le decevoir mais je ne veux pas mentir : I used to... Il hoche la tete et ajoute : I am a reborn child in Christ. D'accord...
Il va se reposer dans son camion, et moi je pars faire un tour dans Vermillon car il n'y a pas grand chose a faire ici. Je retourne en velo le long de la petite riviere et de son joli petit port. Je reste une heure et demi a me balader puis je reviens. Bill s'apprete a partir en velo a son tour. Il a, dit-il, des choses a faire dowtown. Ok. Je lui dis que je vais nous cuisiner des pates ce soir. Ok, I'll take some. En attendant qu'il soit l'heure de manger, je bouquine dans ma tente. Bill revient finalement plus tot que prevu. Il me demande si les sandwiches sont prets. Les sandwiches ? Non, mais je vais faire cuire des pates. Ce sera tres simple, des pates avec du thon, mais s'il en veut il est le bienvenu. Il me regarde d'un air dubitatif et s'asseoit dans son unique fauteuil. Je lui montre le paquet de spaghettis et la boite de thon. Il secoue la tete et affaisse les epaules. Il a l'air tres abattu depuis qu'il est revenu. Non, non, finalement il n'a pas faim et il va simplement aller se coucher. Il est 19h a peine... Il s'assure que j'ai tout ce qu'il me faut, et depose sans me demander une grosse couverture qui pue dans ma tente.... Puis il part dans son camion, dont il ne sortira pas avant le lendemain matin.
Ca m'ennuie de manger alors qu'il n'a rien dans le ventre. J'ai grignote un sandwich au beurre de cacahuete quand je suis retournee faire ma balade en ville. Je me contenterai de ca pour aujourd'hui. Je vais bouquiner dans ma tente jusqu'a ce que la nuit tombe.
Le lendemain je suis habillee et j'ai boucle mes affaires sous la tente lorsque je l'entends dehors. Il attend que j'aie fini de ranger mes sacoches et la tente, puis nous nous appretons a repartir en ville ou je compte lui payer un petit dejeuner avant de partir. Au moment d'enfourcher nos velos, il s'approche de moi. I used to work in construction, people think I'm crazy - me dit-il en plongeant son regard tres serieusement dans le mien. Usually I don't speak to woman, you know - ajoute-t-il en faisant de la main le geste de laisser tomber. But when I see you alone, I don't want you to be alone on the road in the night, man, you know, I'm a good man... Il me fait de la peine. Je lui dis que oui je sais, j'ai vu que c'etait un bon gars, que je ne m'arrete pas pour discuter avec tout le monde, que je fais attention, et que j'ai confiance en lui. Il m'ecrit son adresse sur une page entiere de mon bloc note, en enormes lettres, et me demande de lui ecrire pour lui dire que tout va bien. Je promets de le faire.
Nous montons en selle et retournons au point de depart, c'est a dire le Mac Do de Vermillon. Je fais des pieds et des mains pour lui payer un petit dejeuner mais il accepte juste un cafe, pretextant que dans un resto qui ouvre plus tard ailleurs ils font de super pancakes maison... Trois gars sont dans le Mac Do, il les connait tous et me presente. She comes from France, and she has a bicycle, man, you must see that ! Ok ok, merci pour les presentations...
Il est l'heure de partir. Je le remercie sinceremment et je reprends la route en promettant d'ecrire.
C'est pas tout ca, mais j'ai de la route a faire pour rattraper les kilometres non roules hier. Direction Sanduski toutes ! En passant par Huron, que j'atteins assez rapidement. La route longe le lac et les belles proprietes qui le bordent. Je vois pleins de jolies decorations pour Halloween. Plus d'une fois je regretterais de ne pas m'arreter pour prendre des photos, mais lorsque je susi lancee j'ai du mal a user les freins ou me couper dans mon elan pour prendre une photo. Des champs de pumkins (citrouilles) apparaissent ici et la.
La journee file, je pedale joyeusement. Sandusky est en vue. A partir de la, je n'ai pas trouve de route qui poursuive tout droit. Je suis obligee de redescendre jusqu'a Fremont avant de remonter vers Toledo. Le temps me parait long jusqu'a Fremont. La route est pas mal frequentee, reduisant le charme de la balade.
Enfin j'arrive a Fremont. Un automobiliste me voit consulter mon GPS et s'arrete. Il est lui-meme cycliste et se fait un plaisir de m'indiquer par ou je dois passer, d'autant que je peux attraper une piste cyclable d'ici environ 3 miles apres avoir franchi le pont qui passe au-dessus de la riviere. Je trouve cette piste, et me voici toute heureuse et a l'ecart des voitures, au milieu de la nature. La route s'en va loin droit devant sur une grande diagonale qui remonte vers Elmore. Apres ca, il faudra que je reprenne la route 51 jusqu'a Toledo.
Tout a ma joie de me sentir plus tranquille, je prends des photos. Alors que je regle le retardateur, un autre Bill cycliste arrive dans le sens inverse. Tshirt manches longues jaune poussin et bandana rouge sur son crane chauve, Bill s'arrete a ma hauteur et me demande si tout va bien (il n'avait pas vu l'appareil photo et pensait que j'avais peut-etre un probleme). Nous voila partis a bien discuter pendant un bout de temps, il est tres sympa. Il m'indique sur le GPS de son telephone un endroit, apres Elmore, ou je peux trouver une station service pour chauffeurs de camion : je pourrai certainement y prendre une douche. Il regarde l'heure. Il doit faire demi tour pour aller chercher ses enfants. Nous repartons ensemble apres avoir fait un selfie de nous deux.





Alors que nous pedalons de concert, un nouveau cycliste arrive derriere nous. Et c'est reparti pour les presentations et les questions. Where you from ? Where are you going ? Roger est prof de technologie a Toledo. Il a une ferme a Lindsay (sur la route avant Elmore) et me propose de venir dormir dans sa chambre d'amis si je le souhaite. La proposition est super sympa, mais je sens que je suis en surdose, j'ai envie d'etre seule ce soir. Je ne reponds pas tout de suite. Bill est en retard, il nous souhaite une bonne soiree et accelere pour aller chercher ses enfants. Bientot on ne le voit plus au bout de cette ligne droite sans fin bordee par les arbres, les champs et les jolies maisons.
Nous depassons un camping mais je ne m'arrete pas pour demander les tarifs. Un peu apres Lindsay, Roger m'indique des toits rouges un peu plus loin sur la gauche. La-bas, me dit-il, il y a une vieille ferme qui a ete transformee en musee je crois. Je n'y suis jamais alle, tu veux voir a quoi ca ressemble ? En fait je n'en ai pas vraiment envie mais je dis oui pour faire plaisir. Ca ne fera qu'un tout petit detour. Nous quittons la piste cyclable et parvenons a la ferme qui semble fermee. Enfin tout est ouvert, sauf la batisse qui sert de lieu d'exposition et de classe. Tout autour s'etale un immense parc de pelouse, avec ca et la d'anciennes machines agricoles. Au pied de la batisse principale coule une riviere. C'est tranquille. Nous jetons un oeil par les vitres et decouvrons des animaux empailles, et une salle qui doit accueillir des experimentations. Alors que nous furetons comme ca autour du batiment, deux voix feminines nous interpellent et nous invitent a entrer. Roger se retourne et me presente aux deux employees qui travaillent ici et viennent de nous saluer. Deb et Debba restent interloquees devant le velo. Oh my gooood ! Look this bicycle, it's amazing ! Where are you from ? Where are you going ? Ces deux femmes au grand sourire me plaisent d'emblee. On dirait deux gamines. Elles sont tres chaleureuses et se mettent a rire pour un oui pour un non. Debba me demande si je sais ou dormir ce soir. Je reponds non, pas encore, justement je m'appretais a chercher une place un peu plus loin. Les deux se regardent et me demandent si ca me dirait de planter la tente ici. Tu peux t'installer ou tu veux, on va juste appeler les rangers pour les prevenir que tu es la car ils surveillent la zone. Tu peux t'allumer un feu de bois si tu veux, on va te montrer ou tu peux prendre le bois et je t'apporterai des feuilles de papier journal. Et puis, ajoute Debba, on a une formation sur les reptiles et les amphibiens de l'Ohio ce soir, si tu veux participer tu es la bienvenue. Je reve.... Je bondis sur l'occasion. Je suis un peu genee pour le pauvre Roger qui m'a invitee en premier, mais je prefere mille fois avoir ma tranquillite dans la tente ce soir, et puis la perspective de me retrouver dans une formation sur les serpents et les salamandres m'amuse. Oh non je ne veux pas rater ca.
11 octobre 2015
Grande journee ! Beau soleil, et plus de 7h de marche dans la journee pour suivre le marathon de Chicago qui donnait un air de fete a la ville. De la musique tout le long du parcours qui passait dans Oldtown, Lincoln park et Grand Park entre autres, et beaucoup d'emotions et de photos. Je suis vannee, bronzee, emue par tout ce que j'ai vu, et aussi fascinee par Chicago que je l'ai ete par New York - Danielle tu avais raison, c'est tout simplement magnifique ! Et j'ai encore beaucoup de choses a voir...
Deb et Debba nous invitent a faire le tour du centre naturel, enfin de la batisse principale. Nous entrons et je decouvre tout un tas d'animaux empailles. Parmi eux, le turkey vulture que j'ai vu sur la route justement la veille. Vautour noir au bec rouge, j'en vois beaucoup passer au-dessus de ma tete dans les campagnes. La veille, j'en ai surpris un pose sur la route. Je me suis approchee aussi pres que possible mais bien sur lorsque j'ai voulu sortir l'appareil photo il a deploye ses ailes pour s'enfuir bien vite. Je vois aussi des ratons laveurs et des marmottes a la pelle, rarement en vrai dans les champs, mais enormement sur le bord des routes, morts malheureusement. Et puis des ecureuils de toutes les tailles, certains etant enormes, d'autres tout petits et presque sans queue (ca ne doit surement pas s'appeler ecureuil, d'ailleurs).
Devant l'entree du centre trone un superbe dessus de lit ou quelque chose qui y ressemble, confectionne a la main et purement splendide. Un travail multicolore et comprenant tellement de motifs differents qu'il a du demander des heures de confection. Dans la salle de classe, une drole de tortue cogne contre la vitre de sa boite en esperant probablement reussir a faire ceder la paroi pour se faire la malle. Un ecran plat geant et un video projecteur sont installes. Debba apporte un carton pour le cours de ce soir. Je me rappelle tout a coup que le toit de ma tente n'a pas pu secher completement depuis ce matin ! Je me depeche donc d'aller monter ma tente pour profiter des derniers rayons du soleil pour le faire secher. Alors que je plante les piquets, Deb s'approche de moi en tenant avec precaution deux papillons rouges et noirs appeles Monarque dans ses mains. Elle me demande si j'en ai deja vus, et comme je reponds par la negative elle m'explique qu'au centre ils ont trois specimens. Ces deux-la et un autre qui n'est pas encore pret pour la migration. Elle lache en liberte les deux specimens qu'elle m'a montre. Ils vont partir pour un long voyage, puisqu'ils vont s'etablir au Mexique. Et, chose curieuse et encore non expliquee par les scientifiques, me dit-elle, ils ne reviendront jamais, mais leurs petits-enfants reviendront un jour exactement a cet endroit. Comment font-ils pour savoir qu'ils doivent aller au Mexique et au moyen de quel GPS leurs petits enfants vont deviner que c'est ici et pas ailleurs qu'ils doivent revenir s'implanter, mystere et boule de gomme. D'habitude ils sont prets a migrer deux semaines plus tot, cette annee ca arrive un peu tard. Leur couleur tient eloignes les oiseaux predateurs qui reperent ainsi que ce sont des papillons venimeux.




Deb en profite pour me dire au revoir et me souhaiter bon voyage car normalement on ne se croisera pas demain matin. Je la remercie tres chaleureusement pour son accueil ! Et finis de planter la tente avant de mettre les mains dans le cambouis car comme une andouille, en conduisant le velo dans l'herbe pres de ma tente, j'ai laisse un des tendeurs s'enrouler autour d'un maillon de la chaine. La chaine est sortie de son axe et la traction que je n'ai pas sentie a tordu une piece du derailleur. J'ai un peu de mal a remettre la chaine dans l'axe mais je finis par y arriver, puis a redresser la piece du derailleur. Ca a l'air de rouler, un peu d'huile et ca devrait marcher. Je croise les doigts pour demain matin...
J'ai maintenant les mains toutes noires et je souhaite me changer et faire un brin de toilette avant le debut de la formation dont l'heure approche a grand pas. D'ailleurs un couple de retraites vient d'arriver et viennent me voir, attires evidemment par cette tente plantee au milieu du parc. Les presentations d'usage se font tres chaleureusement, ils ont l'air bien gentils mes copains de classe ! Je me depeche de retrouver Debba avec mes vetements, ma serviette et mon savon sous le bras.
Elle m'emmene en bas et me montre la cuisine qui dispose d'un grand et large evier. C'est pas une douche mais c'est deja chouette d'avoir de l'eau chaude ! Hop, je me lave aussi bien que je peux, je me change, puis je monte en sarouel et avec le haut rouge a manches longues que m'a donne Hariet en Espagne. Le "prof" est arrive. En short marron et chemise assortie, casquette sur la tete et boots aux pieds, c'est le parfait ranger comme on l'imagine. Quoi que, moi j'imaginais les rangers avec un chapeau de cow boy. Je m'asseois. Mon petit couple et trois femmes sont deja la egalement, en train de plier leur chevalet mentionnant leurs noms et prenoms de facon bien lisible.
Je demande au ranger si Debba lui a parle de moi. Il me confirme que oui et s'amuse de donner son premier cours international a cette occasion. Voila qui commence bien ! On attend un peu les retardataires. J"ai devant moi un de ces documents d'evaluation des formations que tout stagiaire doit remplir a l'issue de la session, pour faire part de son appréciation surles compétences de l'intervenant, l'adéquation du matériel, du format, etc. J'ai tout à coup l'impression d'être retournée au boulot, ça me fait tout drole. J'aime ces situations inattendues.
Ce que je ne sais pas encore, c'est que la formation va durer 3 heures. Ouille ! Mes copains de cours ont des classeurs épais devant eux et sont venus avec papier et stylo pour prendre des notes. Leur classeur comporte plusieurs intercalaires de couleurs differentes, correspondant aux differents themes qu'ils doivent etudier au cours de leur formation pour devenir benevoles dans les parcs naturels (naturalist volunteer). C'est ma voisine de droite, la gentille retraitee qui est venue me saluer avec son mari quand je montais ma tente, qui m'explique tout ca. Il s'agit donc d'une formation tres serieuse. Les candidats benevoles ont 8 sessions de cours tels que celui-ci, mais aussi une vingtaine d'heures a effectuer sur le terrain. D'ailleurs a la fin de ce cours, Debba rappellera a tous la tenue adequate pour leur sortie de samedi. Comment allez-vous etre evalues ? Ma voisine hausse les epaules, telle l'eleve studieuse qui n'a pas tout compris au schmilblick : "on n'est pas evalues en fait, il faut simplement qu'on suive tous les cours. Mon mari Lee et moi on veut voyager maintenant qu'on est a la retraite, alors par ce biais-la on pourrait etre volontaires et avoir des logements gratuits". D'accord, mais si vous voulez faire ca dans d'autres etats votre formation sera prise en compte ? (je demande ca parce que sur son classeur c'est marque en gros OHIO). Re-haussement d'epaule et sourire d'excuse : "on n'a pas bien compris, au final, je ne sais pas trop comment ca fonctionne"... Le cours commence, on arrete de papoter et on se concentre. Enfin surtout moi, car 3h de cours en anglais sur les reptiles et les amphibiens vont me demander un gros effort. Je m'accroche pour tenter d'attraper plus de deux mots sur dix !
Et c'est parti. Je m'amuse a observer comment s'y prend le "prof". Mon formatage reprend le dessus et je repere les trucs et astuces, enfin pour le peu que j'en connaisse. En tout cas Josh, notre formateur, est tres participatif. Il veut de l'echange, c'est un passionne et un bon gars qui aime faire des blagounettes (c'est pas parce que je ne comprends pas toutes les subtilites de la langue que je ne comprends pas l'intention). On a droit au tour de table de rigueur et j'y vais moi aussi de ma petite blagounette lorsqu'arrive mon tour, me presentantcomme française, ayant specialement fait le déplacement pour suivre CE cours dont la reputation est parvenue jusqu'a nous outre-atlantique... Bref, tout le monde est detendu, on est dans un monde benevole que j'affectionne tout particulierement, et comme souvent en plus dans ce genre de situations inattendues je sens que les gens sont tres bienveillants envers moi. Certaines des participantes (il n'y a qu'un homme, en fait, ce brave vieux Lee - le mari de ma voisine) sont super serieuses. A leurs questions hyper pointues, on voit qu'elles ont potasse le classeur epais comme un dictionnaire. Il y a aussi la specialiste du "alors moi dans mon jardin j'ai vu telle espece" ou "justement moi dans mon garage j'ai eu des serpents", bref, on dirait qu'elle suit cette formation moins pour etre volontaire un jour que pour apprendre a survivre chez elle. Moi je suis ultra mega concentree, au risque de passer pour la touriste frenchie qui n;a d'yeux que pour le beau et grand ranger (oui quand je me concentre pour comprendre une langue etrangere je fixe du regard, je ne perds pas un mouvement de levre, ca aide). Au bout des 3 heures je n'en peux plus, je ne lirai meme pas dans mon duvet tellement cet exercice intellectuel m'a epuisee. Tant pis pour le feu de bois, je n'ai plus la force ! J'ai les yeux rives sur Josh, j'ai l'impression de comprendre pas mal de choses et comme toujours lorsque je suis "en classe" je redoute les questions qui pourraient m'etre posees pour verifier si j'ai bien compris. Surtout que ca commence par des questions. Alors que sait-on des reptiles et des amphibiens ? euh.... je sais pas, j'ai pas eu le temps de reviser, moi !
Lorsqu'un mot qui me parait important m'echappe, je me penche vers ma voisine de droite qui m'explique gentiment (celle de gauche bosse dans le centre et m'a l'air moins perturbable que ma voisine de droite). Apres avoir fait le tour des caracteristiques des reptiles, Josh sort de sa boite des tortues qui ont de droles de tetes, de couleurs et de carapaces. Ca c'est drole alors, je n'en avais jamais vues des comme ca. Je joue avec une Northern map turtle et une ouachita map turtle. J'adore l'originalité des formes et dessins de leurs carapaces. Surtout Ouachita, car elle a carrément une carapace de petit dragon. Ensuite on passe aux serpents et la ca rigole moins autour de la table. Autant les tortues, tout le monde y allait pour leur faire guili guili sous le ventre, la ca se tient a distance ! La texture de la peau du northern brownsnake est froide et un rien visqueuse. Je n'ai pas trop envie de le tenir dans mes bras celui-là...




Sans rien dire, Debba est partie chercher le grand serpent noir et jaune (je n'ai pas retenu le nom) du centre naturel. Elle apparait sur la porte, le serpent enroule autour du bras. Et les serpents passent devant nous et on les observe, et on les caresse. C'est tout doux et tout frais. Mais quand il tire sa langue devant moi, le grand jaune et noir, je retire ma main vite fait meme si je sais qu'il n'y a rien a craindre. C'est comme les salamandres. C'est tout de meme pas bien joli une salamandre. Malheureusement c'est la grande passion de Josh. Il nous en ecrirait des poemes si on avait le temps !
On a une pause de dix minutes au bout de deux heures. Mes petits copains viennent me voir et me posent plein de questions sur mon voyage. Puis on retourne en classe pour la derniere heure ou je m'efforcerai de ne pas decrocher - c'est tout de meme un gros effort de concentration pour moi.
N'empeche, je suis trop contente d'avoir suivi cette formation. Personne ne traine trop a la fin car tout le monde en a plein la tete. On se dit au revoir avec de grands sourires, puis les autres s'en vont et Debba me souhaite une bonne nuit et un bon voyage.
Je ne fais pas long feu dans mon duvet, je lis a peine trois lignes et extinction des feux. J'aurais adore allumer un feu de bois mais je ne me voyais pas surveiller l'extinction du feu pendant deux heures encore. Et puis il fait sacrement froid dehors. Je capte internet a cote des portes formees du centre naturel et je tente de repondre a un mail de Catherine que je viens de recevoir, mais je renonce. Je file dans mon duvet ecrire ma reponse qui ne partira du coup que le lendemain matin au reveil.
J'ai d'ailleurs mis le reveil a 6h, et c'est dans la penombre de la nuit que je m'habille et remballe mes affaires le lendemain matin.

13 octobre 2015
Derniere journee a Chicago avant de partir demain direction Madison puis Saint Paul. Hier j'ai ete verifier a la station de bus s'ils vendent les cartons dans lesquels les velos sont censes voyager. J'ai fait chou blanc. En fait, si ca fonctionne bien au Canada, aux Etats-Unis le service debute et n'est pas au point. Je dois donc changer de programme et me rabattre sur le train. Enfin disons... passer par Amtrak. Car a la gare on m'a confirme que je pouvais acheter le carton sur place et on m'a donne les horaires pour Madison, mais je voyagerai.. en bus ! Allez conprendre...
Je compte donc descendre a Madison et reprendre la route en direction de l'ouest vers les rives du Mississipi pour remonter jusqu'a Saint Paul. Une fois arrivee, je n'aurai plus qu'a redescendre vers la frontiere sud des Etats-Unis car je dois quitter le pays le 30 octobre.
Maman m'ecrit qu'elle se lasse des photos sur les maisons de banlieues americaines. Je ne vais pas dire "moi aussi" car la magie d'etre ici fonctionne toujours, heureusement, mais d'un cote je comprends. J'avoue que les paysages que je traverse ne me laissent pas beates d'admiration. En meme temps j'ai choisi un drole de parcours. Je suis les fleuves ou les lacs, je ne suis donc pas au milieu des montagnes. En general les gens vont a Miami, Los Angeles, la Floride, san Francisco, le grand canyon... Moi je suis dans l'Ohio, l'Indiana, le Wisconsin et le Minnesota. Un peu par hasard, sans calcul. Ce matin, perdue dans mes pensees en me baladant dans la banlieue de Chicago, je me faisais la reflexion que ce parcours qui ne sait pas ou il va en dit long sur ma facon d'agir. Je n'ai jamais su me projeter loin. Je prends des routes qui ne sont pas les boulevards que tout le monde emprunte en general. Pas par originalite, mais simplement parce que dans le fond je ne sais pas trop ou je vais. Je n'ai absolument aucun regret sur ce que je fais et decouvre toujours les choses avec plaisir tant que c'est nouveau. Je passe sans doute a cote d'un tas de trucs interessant. Je ne me fixe aucun objectif du genre : je reviendrai apres avoir fait X mille kilometres pendant ce voyage, ou apres avoir vu X pays, fait tel et tel truc incroyable... Absolument rien d'incroyable dans ce que je fais. Juste un pas apres l'autre, et on verra bien vers ou, jusqu'ou...
Si j'ai bien chaud dans ma tente, qu'il fait froid quand je mets le nez dehors ! Et systematiquement le toit de la tente est tout mouille ! Je ne reussis pas a le secher entierement et laisse le tissu par-dessus mes sacoches pendant la journee pour le faire secher pendant les pauses.
Je monte en selle l'esprit leger alors que le soleil pointe le bout de son nez. Je devrais arriver assez rapidement a Toledo, ou je compte attraper un bus pour entrer dans Chicago ce soir. On m'a deconseille la route du sud a l'approche de Chicago, trop de trafic et risque de vol. J'ai donc pense que depuis Toledo je pourrais prendre un bus Greyhound. Je pedale donc tranquillement sur la piste cyclable au milieu de la campagne et des maisons qui dorment encore. J'arrive a Elmore qui a un joli petit charme retro et m'arrete dans un vieux cafe decore made in USA avec plein d'affiches, d'articles et de tshirts des equipes de base-ball et de football americains locales. Depuis la vitrine, j'ai vue sur la route 51 que je vais devoir suivre a present jusqu'a Toledo. C'est champetre par ici, ca me plait.




Alors que je savoure mon cafe, j'apercois a travers la vitre un de ces tous petits oiseaux dont j'ai oublie le nom. Minuscules, ils ont une maniere typique de battre des ailes extremement vite pour rester droits, presaue immobiles, face aux fleurs. Celui-ci passe d'une fleur a une autre, change d'idee et repart vers un autre bouquet, avant de m'offrir un deuxieme passage devant la fenetre.
Je reprends la route. Le trafic s'intensifie, rendant la nuisance sonore un peu pesante mais je reste tres securisee par la largeur de la bande d'arret d'urgence. C'est simple, la plupart du temps j'ai l'equivalent d'une voie et demi pour moi toute seule. Aucune raison de me faire du souci, donc, meme si je roule avec le casque tout de meme.
Ici et la, les decorations d'Halloween fleurissent. De fausses tombes et de faux squelettes sortent des jardins devant les entrees des maisons. C'est drole.
Mon entree dans Toledo me fait l'effet de passer en zone desaffectee qui craint. Comme si j'entrais dans un grand squat. Des clochards, des maisons qui font pale figure. Roger m'avait prevenue hier : il n'y a rien a Toledo. Lui me conseillait de passer au sud par Woodville et Maumee et de rattraper la piste cyclable qui monte vers South Bend. Mais il ne savait pas que je voulais prendre le bus a Toledo. En tout cas, je ne me sens pas tres a mon aise en debarquant a Toledo et rien ne donne envie de s'y attarder. Je trouve l'adresse de la station Greyhound et m'y presente comme une fleur... pour apprendre, de la bouche du jeune 'employe black, bandana enturbanne autour de la tete a la facon d'un corsaire, qu'ils n'ont pas de cartons a vendre ici pour le transport des velos. Et visiblement il s'en contrefout. Bon bon bon... J'ai trois heures devant moi avant le depart du bus. Ai-je une chance de trouver un carton adequat quelque part ?... Bof bof bof... Je m'eloigne et vais regarder un plan au soleil. Je tente la gare. Apres tout, pourquoi pas prendre le train. La gare se trouve dans un coin perdu et aussi peu accueillant que le reste. Le hall est quasiment vide, a l'exception d'un papa qui accompagne sa fille mongolienne qui me fait un grand sourire auquel je reponds - enfin un peu de chaleur humaine a Toledo !
Je vais au guichet, pour decouvrir qu'il n'y a plus de train pour Chicago aujourd'hui (il n'est meme pas 14h). Il y a deux departs demain, tot le matin, et le seul qui accepte les velos part a 5h20 du matin. Pour la modique somme de 64 $ pour moi + 20$ pour le velo. Gloups... Merci madame, je vais y reflechir.... Je sors. C'est tout reflechi. Je branche le GPS sur la direction South Bend, ou je tenterai a nouveau de prendre un bus.




Je prends la direction de Maumee, et me retrouve a longer une jolie riviere au milieu de maisons bourgeoises. Ca sent l'aisance, ici. Ceci dit, ca me donne de jolies perspectives.
Grace aux indications de Roger, qui m'avait dessine un plan au cas ou, je trouve la piste cyclable qui suit le trace d'une ancienne voie ferree. La piste est censee faire 70 miles. En fait elle n'est pas pratiquable sur 70 miles. Sur de nombreuses portions elle est plus destinee a la marche. Mais sur les premiers kilometres c'est bien agreable. Je traverse une foret et me rejouis a l'idee de pouvoir trouver un coin pour planter la tente sans trop de difficulte.
Malheureusement apres Swanton la piste n'est plus pratiquable et je dois rejoindre la route un bon moment. Lorsque j'estime que le soleil decline suffisamment pour que je me mette en quette d'un lieu pour camper, je m'ecarte de la route pour retrouver la piste cyclable, enfin le chemin de cailloux et d'herbe borde de part et d'autre par de hauts fourres. Je descends de velo et marche en regardant a droite et a gauche. Ici, la piste longe une vraie voie de chemin de fer. D'ailleurs de temps en temps un tchou precede un tremblement de terre et le vacarme d'un transport de marchandise - des trains d'au moins 30 ou 40 containers qui s'ebranlent dans un bruit d'enfer.
Sur ma gauche, les champs de mais s'etendent a perte de vue. Je suis en pleine campagne. Le chemin continue sur une longue distance encore, mais au bout d'un moment il marque une pause en cul de sac et il faut traverser la voie ferree pour le rattraper plus loin. Personne n'a l'air de passer par la, et il est un peu tard pour que les joggeurs viennent s'aventurer par ici. (Tiens, pendant que j'ecris, ici a Chicago, la voix de Zaz se fait entendre dans la guest room de l'auberge de jeunesse. Un nouveau titre, apparemment. Sympa...)
J'inspecte le terrain. Vraiment pas ideal. C'est caillouteux et etroit, a 10 metres de la voie ferree... Mais ca fera l'affaire ! Je plante la tente et allume vite le rechaud car ce soir j'ai envie de pates avec une bonne sauce aux champignons !
Je dormirai evidemment super mal, reveillee toute la nuit par le passage des trains de marchandise... Debout avant le lever du soleil, j'attends tout de meme qu'il fasse assez jour pour me mettre en route. Mais comme j'ai tout mon temps je fais chauffer de l'eau sur le rechaud et me fais une toilette du matin bien agreable !




J'arrive vite a Delta et rejoins la grosse route 20, tres frequentee. Je roule bien, malgre le vent qui me balaie par la droite. Il fait bon, la route comporte quelques montees et descentes mais rien de bien mechant, j'avance vite. Les couleurs de l'automne apparaissent ici aussi et j;admire de loin les arbres rouges, oranges, jaunes, que je trouve sans arret sur mon parcours depuis un moment. C'est surtout joli lorsqu'ils forment des bouquets dans la foret ou bien lorsque les arbres rouges bordent les allees des villes que je traverse. De nombreux erables hesitent encore entre le vert et le rouge. Je traverse Montpelier, ce qui me fait evidemment sourire et penser a mes parents. Les fermes et granges enormes, toutes sur le meme modele rouge et blanc, sont dorenavant de plus en plus frequentes dans mon champs de vision. Les chevaux et les vaches ont fait leur apparition, et meme un troupeau de moutons a la tete noire.
La route quitte pour un moment la grande circulation pour me faire passer a travers la campagne plus paisible et moins frequentee, Je revis. Il fait beau, le calme de la campagne me donne des ailes, meme si ca monte et ca descend sans arret. J'atteins Angola, et decide de me mettre en quete d'un campement aux alentours de Brushy Prairie. J'ai retrouve la route 20 a Angola, elle est carrement passee en 4 voies et je me demande ou je vais trouver un coin pour dormir. Un cadavre de raton laveur, biche ou ecureuil jonche le sol tous les 100 metres ou presque.




Le vent souffle fort par moment. J'espere qu'il n'est pas prevu qu'il redouble...
En arrivant a Brushy Prairie je repere tres vite un chemin de terre qui s'enfonce sur la gauche. Sur sa droite, un champs de mais, sur sa gauche, la foret. Sans hesiter, je traverse apres m'etre assuree que personne ne me voyait, et je vais explorer ce chemin.
200 metres plus loin il se termine face a un autre champs de mais. Personne a l'horizon. La route n'est pas loin, et je ne vois pas d'habitation susceptible de me reperer. Et puis il est trop tard pour que les agriculteurs viennent encore bosser dans le coin. Bon le sol n'est franchement pas genial, mais encore une fois je suis tranquille. J'apercois une echelle en bois conte un arbre et l'espace d'une seconde je fantasme sur le fait de pouvoir carrement dormir dans les arbres si quelqu'un a installe une cabane la-haut. Mais non, il n'y a pas de cabane.
Je commence a installer la tente, Je n'ai pas encore fini, alors qu'une voiture vient se garer a 30 metres du bout du chemin, Oh oh...
Un type barbu avec une veste de chasseur en sort. Je revets mon sourire le plus avenant, des fois que ce soit le proprietaire. Mais non, c'est juste un chasseur qui vient chasser dans le coin. Il me montre son arbalete et ses fleches. Mon dieu quelle horreur.... Il va tenter d'attraper un cerf avec ca. Bon bon, Bonne chasse. Il s'enfonce dans la foret, et je finis de monter la tente. Ce soir c'est soupe de champignons, et au dodo tot car le vent m'a bruler le visage. J'entends mon chasseur revenir bredouille - du moins c'est ce que je suppose car je n'ai pas le sentiment qu'il traine quoi que ce soit derriere lui. Il me souhaite bonne nuit et s'en va.
Je passe une nuit horrible. Le vent s'est vraiment leve et agite sans arret la tente, faisant des bruits bizarres qui m'alertent sans arret. J'ai peur des betes, de la tempete et des agresseurs potentiels. Il faut dire que dans la semaine j'ai fait deux droles de cauchemards. J'ai reve que quelqu'un me mettait un revolver sur la tempe et allait tirer, c'etait sur. Et une autre fois je me suis vue au bord du lac Erie, aspiree tout a coup par le vent comme par une tornade. Je m'elevais tres haut dans le ciel bleu avec le sentiment horrible d'etre impuissante et que j'allais mourir. Les deux fois j'ai eprouve un enorme soulagement en me reveillant !
Mais cette nuit-la je dois sortir deux fois de mon duvet et de ma tente pour m'assurer qu'il n'y a personne autour de ma tente et que le vent ne va pas decrocher les piquets. Il tombera un peu de pluie. Mais rien d'inquietant. N'empeche, je ne demande pas mon reste cette fois encore et je suis debout avant le soleil, attendant de pied ferme encore une fois qu'il fasse assez jour pour partir retrouver la route tres frequentee !
Ca va nettement mieux une fois sur le velo et sur la route ! J'ai meme le coeur leger. Normalement j'arrive aujourd'hui a South Bend et j'y prendrai un bus ou un train pour Chicago. J'aurais juste envie d'un cafe. Mais je crois bien que j'attendrai 2h pour en avoir un car il n'y a strictement rien sur la route. Pas grave, au moins j'avance.
21 octobre 2015




Il me semblait avoir ecrit quelque chose le 19 octobre, mais visiblement le script n'a pas ete enregistre.
Voila deux jours que je suis chez Regine, a Saint Paul, Minnesota. J'ai roule jusqu'a Red Wing, le long du Mississipi. Il me restait environ 50 miles ou moins a parcourir pour arriver a Saint Paul, mais Regine s'est proposee de venir me chercher en voiture a Red Wing. Du coup nous nous nous sommes retrouvees a la bibliotheque de Red Wing vers 13h15.
Alors que j'attendais Regine a la bibliotheque, j'ai ecrit sur le blog. Je me souviens avoir exprime ma joie d'etre arrivee, de rencontrer Regine (une amie de jeunesse de papa), de retrouver la civilisation, un vrai lit et une bonne douche apres cette succession de journees de velos et de camping sauvage sans douche. Mais aussi une nostalgie anticipee. Un drole de sentiment, car cette arrivee a Saint Paul marque un peu la fin de mon trip nord-americain. Je dois quitter les USA dans 8 jours maintenant. Avec Regine nous avons commence a effectuer des recherches pour trouver le moyen le plus economique et le plus sur de descendre vite fait vers le Mexique. Regine a beaucoup voyage, elle a donc de bons conseils a me donner (don't go to Mexico city, very bad city !! me repete-t-elle sans cesse...).
J'ai vraiment aime ces derniers jours de route dans le Wisconsin vallonne. Les couleurs d'automne sur la campagne et les forets, l'aspect un peu plus desertique des paysages, avec ces grandes fermes disseminees de loin en loin, ces toutes petites villes "qui se ressemblent toutes" selon Regine - et elle n'a pas tort, mais pour mi c'est tellement nouveau et puis j'aime leur petit cote retro.... Les carioles amish roulant sur le bas-cote, les amish en chair et en os semblant sortis d'un film costume sur les USA au 18eme siecle !... Et le Mississipi etirant ses bras dans la vallee, creant de nombreuses zones de marais aux couleurs chaleureuses, avec ces tronc d'arbres sortant de l'eau comme des fantomes tendant leurs griffes vers le ciel... Voila, c'est quasiment fini les Etats-Unis pour moi, en tout cas cette page-la va se tourner. Et mon esprit est deja entierement tourne vers le Mexique.
D'ailleurs si je me suis assise derriere l'ordinateur de Regine, dans sa "petite maison de bois" comme elle dit, apres avoir allume la radio pour etre accompagnee des notes douces du piano retransmis dans une emission classique, c'est avant tout pour poursuivre mes recherches de bus, train, avion, et pour chercher une piste de travail au Mexique. Je voulais trouver quelque chose a Tijuana mais pas d'hotes workaway inscrit dans le nord du Mexique. Il faut donc que je cherche ailleurs. Sans oublier de consulter l'heure pour ne pas louper mon rdv skype avec la famille - ca fait un bail, et cette semaine ils m'ont envoye des photos de tout le monde, ca m'a fait trop plaisir !
Allez au boulot !
23 octobre 2015
Alors que je m'apprete a verifier les horaires des bus pour mon depart prevu demain pour San diego, a la frontiere entre les USA et le Mexique, la page d'accueil yahoo de l'ordinateur de Regine annonce en premiere actu : Mexique : l'ouragan Patricia classé en catégorie 5, "potentiellement catastrophique". Sur les cotes du Pacifique, c'est a dire la ou je compte me rendre. Mais je pars denain, il me faudra 2 jours de voyage en bus pour arriver a San Diego, et l'ouragan devrait sevir dans le secteur de Colima, c'est a dire bien plus bas que mon point d'entree au Mexique. Mais n'empeche, la vigilance et la prise d'info s'imposent.
Nous n'avons pas chome avec Regine. Avant-hier nous sommes parties faire une marche autour d'un lac a une demi-heure de route d'ici, puis nous avons passe la soiree dans sa maison au bord du lac Elmo (super mimi, le coin et la maison !). En rentrant le lendemain nous nous sommes arretees dans une vieille petite ville, Stillwater, aux charmes d'antan, puis avons enchaine zoo et jardin botanique de Como, balade dans le centre ville de Minneapolis, institut d'art de Minneapolis et retour a la maison hier soir. Aujourd'hui il pleut. Je dois verifier mon materiel une derniere fois, finir de planifier la suite du voyage vers le Mexique, pour etre prete a partir demain...
Et sur un autre site d'infos : Classé en catégorie 5, la maximale, l'ouragan Patricia est "potentiellement catastrophique", selon les météorologues et pourrait être la tempête la plus violente de l'histoire. Bon...




Plato, Lagrange defilent, pas de cafe a l'horizon. Il faudra vraiment que je j'approche de l'agglomeration de South Bend pour pouvoir me poser au chaud, avoir un bon cafe et recharger mon telephone en consultant mes mails.
Par contre la route est bonne et je file pour arriver en tout debut d'apres-midi, vers 13h je crois, a South Bend. Petite ville calme, qui me parait bien plus paisible et accueillante que Toledo. Je trouve l'adresse de la station Greyhound. A l'entree se massent une foule de personnes dont le profil social ne laisse aucun doute. Certains ont une valise, mais tres peu, en fait. Qu'attendent donc les autres, blacks pour l'immense majorite, puisqu'ils ne font meme pas la manche ? Je n'en ai pas la moindre idee. Je passe au milieu de cette cour des miracles en disant bonjour et excusez-moi pour ouvrir la porte sans gener ceux qui sont assis a cote...
Au guichet, la mauvaise nouvelle tombe : non, on n'a pas de carton pour les velos ici. Allez voir a la gare ferroviaire.
Je suis prete a faire le trajet jusqu'a Chicago en velo s'il le faut. Par contre dans ma tete germe l'idee que si je dois m'arreter dans le coin pour aujourd'hui, je m'offrirais bien un Motel, histoire de. C'est en envisageant cette perspective sympa sous un beau soleil que je me rends a la gare ferroviaire, qui se trouve excentree, au bout d'une route sans issue. Le batiment est tout petit... et les rideaux des fenetres sont baisses. Oh oh... Je m'approche. Le bureau est ferme. Horaires journaliers : 6h30 - 10h, 17h30 - 22h. Okay... J'ai beaucoup de temps devant moi.... Et je n'aurai les informations qui m'interessent que tard dans la journee. Tard, si je dois poursuivre ma route en velo... Il y a un numero de telephone sur la porte. Je tente d'obtenir les infos par telephone, histoire de gagner du temps. Mais je tombe sur des boites vocales, si vous voulez les horaires des train tapez 1, si vous souhaitez connaitre l'etat du trafic tapez 2.... Je tape 1. J'arrive a comprendre qu'il y a deux departs par jour pour Chicago. Mais je raccroche, car la boite vocale ne pourra pas me dire si je peux monter dans le train avec mon velo.
Je cherche un motel pour ce soir, au cas ou. Aie, ils sont tous loin d'ici, en tout cas si je veux prendre le depart de 7h50. 7h50, c'est l'heure ou le soleil se leve, ici. Je ne me vois pas faire 5 miles de nuit au petit matin pour venir prendre mon train. En arrivant a la gare, j'ai tout de suite repere un grand bosquet a 50 metres de l'entree. Instantanement j'ai pense : voila un endroit ou je pourrais camper, si besoin. Le coin me semble vraiment hyper calme. A cote, un grand batiment entoure de barbeles et de cameras de securite semble appartenir a une entreprise soit militaire soit d'ingenierie tres surveillee. Je fais nonchalamment (j'ai tout mon temps !) le tour de la gare (c'est rapide, ca prend 20 secondes au pas d'une vache lente). Je n'apercois pas de cameras de surveillance. Je m'approche du bosquet. Bon, on ne peut pas dire que ce soit hyper touffu et d'une discretion absolue mais... ca pourrait le faire.
Je m'asseois et me plonge dans mon emieme Harlan Coben en attendant 17h30. Il y a un petit vent mais le soleil me chauffe suffisamment. Je grignotte du pain au beurre de cacahuete.
Un peu avant 17h30 les rideaux se levent a l'interieur de la gare. Puis un employe a cheveux blancs aux cheveux blancs et aux allures de gentil grand-pere deverrouille la porte. J'attends un peu pour ne pas lui sauter dessus, puis je me presente au guichet.
Bon, il comprend bien ou je veux en venir, mais m'explique que le service de transport des velos est tout nouveau alors il faut qu'il verifie les conditions, les prix, etc. C'est la premiere fois qu'il est confronte a la question. Je ne le bouscule pas, on est tout seuls et je vois qu'il y met beaucoupd e bonne volonte. Il me fait meme une copie du document stipulant les conditions, et me le glisse a travers l'ouverture du guichet, pour qu'on puisse l'etudier ensemble ! Ok. Alors pour commencer ils n'ont bien sur pas de carton de transport. Mais c'est pas grave, on pourra charger le velo (il verifie si le depart de 7h50 peut prendre les velos,... oui c'est bon. Cool. On avance. Alors par contre ce qui pose probleme c'est le nombre de bagages que je transporte avec moi. Oui car dans les trains Amtrak la politique est : 2 bagages par personnes, de telle taille maxi. Or moi je peux m'arranger pour en avoir 4, mais pas moins. Et 4, c'est plus que 2. Donc il se pourrait que je paye un supplement pour avoir un supplement de bagages. Ok... J'attends de connaitre le montant. Le brave gars etudie son papier un long moment, tapote sur son ordinateur un long moment.... Et finit par lacher l'affaire. Il me fait comprendre que bon, je devrais pouvoir tout prendre avec moi sans frais supplementaires. Et bien ecoutez, si vous pensez que c'est possible, formidable ! On m'imprime une reservation, j'acheterai le billet demain matin. Parfait. Il est 18h15, je sors en le remerciant vivement. Je zyeute encore a droite et a gauche, et me decide a pousser le velo dans le bosquet. Bon. Si les gars qui travaillent dans les bureaux du batiment securise sont devant leur fenetre, ils peuvent certainement me voir (j'ai un sweat bleu petant et une veste rouge vif...). Je trouve un angle a peu pres discret. Depuis la gare on ne peut pas me voir. J'entends un chien aboyer pres des bureaux proteges, mais les aboiements ne s'approchent pas de moi. Allez je prends le risque, hop ! Le plus important pour moi est que je n'aie vraiment pas l'impression que des squatteurs peuvent venir trainer par ici.
J'installe la tente ouverture face au train gare sur les rails a meme pas 50 metres devant moi. Deux avions militaires fendent l'air au-dessus de ma tete pendant que je plante mes piquets. Il doit y avoir une zone d'entrainement par ici. Il fait encore jour quand j'entre a mon tour dans la tente apres avoir mis toutes les sacoches dedans et attache le velo a un arbre dehors. Je bouquine jusqu'a ce qu'il fasse trop sombre. Regulierement le passage d'un train de marchandise provoque un vacarme autour de moi. Il en sera ainsi toute la nuit, d'ailleurs. Et c'est qu'il en passe beaucoup, des trains de marchandise ! Des trains qui comptent bien dans la quarantaine de containers....
Je me sens sale mais contente de savoir que demain je devrais etre a Chicago. Ca me parait irreel...
Je dors d'un oeil. Aucun danger, mais entre les passages des trains et la crainte de ne pas me lever assez tot pour embarquer dans le train de 7h50, je n'arrive pas vraiment a trouver le sommeil.

A 6h je sors de mon duvet et range mes affaires dans la penombre de la nuit. Heureusement il ne fait pas trop froid, meme si l'humidite est bien desagreable. D'ailleurs je ne vois pas assez bien pour tenter de bien essuyer le toit de la tente, qui est trempe. Tant pis ! Je replie la tente mouillee, je la ferai secher a Chicago. Je m'habille chaudement, fixe les sacoches sur le velo et pousse le velo hors du bosquet. Il y a de la lumiere dans la gare. Je laisse le velo dehors et entre. Au passage je me rejouis de pouvoir faire un brin de toilette et me laver les dents dans les toilettes de la gare.
Je me presente au guichet, Une fois de plus je suis toute seule, Pas pour tres longtemps, ceci dit. Je sonne, car je ne vois personne. Une nouvelle employee arrive. Black, jeune, un peu enrobee, et elle aussi tres bienveillante. Je reexplique ma situation et montre ma reservation. Ok. Alors pour elle aussi c'est une premiere. Donc elle se plonge a son tour dans la "policy for bicycle transport". Elle me demande de lui accorder quelques minutes pour qu'elle s'y retrouve. Pas de souci ! Je file me rendre la plus presentable possible aux toilettes.
Heureusement que je me suis pointer presque une heure a l'avance au guichet car l'heure sera a peine suffisante pour que ma brave empoyee s'y retrouve ! Elle aussi passe un sacre bout de temps a consulter ses documents, son ordi, je suis presque peinee de causer autant de tracas ! Les voyageurs commencent a arriver dans la gare. Un retard est annonce pour le train suivant, pas celui de 7h50 mais celui de 9h30. les gens voudraient pouvoir echanger leur billet et prendre le train de 7h50 mais mon employee n'a pas le temps de s'en occuper, toute stressee qu'elle est de devoir trouver une solution pour moi !
Et l'aiguille de l'horloge tourne... Le train est annonce ! Faute de mieux, la dame decide que je peux payer mon billet et les charges pour le velo, et on en reste la. On entend le train approcher. Tout le monde sort sur le quai. L'employee me dit de m'occuper de mes sacoches, elle se charge du velo. Ok ! Et elle fonce vers un petit chariot qui stationne dehors. J'attrape mes quatre sacoches et monte sur le quai alors que le train entre en gare. De ma position, je regarde l'employee se demener comme elle peut pour charger le velo dans le coffre de son petit vehicule. Bing ! Oups, elle n'y va pas en douceur, mais je la sens hyper stressee. Le train stoppe. Je laisse passer tout le monde pour monter en dernier. En meme temps je vois l'employee monter sur son vehicule, traverser les rails et filer vers la queue du train. J'ai vu que le controleur avait repere la manoeuvre. Ouf, tout va bien se passer, donc. Par contre mon dieu qu'elle est loin la queue du train ! Il faudra que je recupere mon velo au bout du monde en arrivant ! Allez hop, je monte !
L'interieur du train est super silencieux. Les bruits sont etouffes par de la moquette moelleuse. La plupart des gens dorment, caches sous leur manteau. J'herite s'un siege ultra confortable. Il n'y a personne a cote de moi, je m'etale. Il fait chaud et les sieges sont super accueillants. Ahhhh, un peu de douceur ! Ce retour a la civilisation fait du bien ! Je me cale contre la vitre alors que le train demarre. Par la fenetre, je vais voir le soleil se lever, et c'est tout simplement magnifique. La foret prend des couleurs orange, rouge, dore. Des nuages de vapeur s'elevent des champs, formant d'abord comme des nuages blancs qui se seraient poses tout doucement sur le haut des plants de mais. C'est un joli spectacle a regarder bien au chaud derriere une vitre.
Au bout d'un moment, j'attrape mon polar et me plonge tant et si bien dans l'intrigue que je ne vois Chicago qu'au moment d'entrer dans la ville. Le voyage n'a pas dure deux heures.

...et j ai clairement
une salle tete....
26 octobre 2015

Apres deux jours et plusieurs heures passees dans le bus, agrementees de quelques peripeties sur la fin du parcours (perte annoncee d'une de mes sacoches, panne du bus en plein desert et petage de plomb d'une des passageres sans doute en manque de je ne sais quelle substance, arrivee de nuit a ma destination finale et bonne surprise de decouvrir toutes mes sacoches a l'arrivee), j'ai pose mes affaires a l'auberge de jeunesse de San Diego et pris une bonne douche ! Et franchement, il etait temps ! Ce que j'ai vu de nuit de San Diego m'a bien plu et j'ai pense qu'il serait dommage de partir des demain matin sans avoir rien vu. Du coup je reste demain, et passerai la frontiere apres-demain matin. Je suis revenue a un temps d'ete, il fait super chaud ! Moi qui pensais que ca me ferait peut-etre bizarre de passer de l'automne a l'ete sans passer par la case hiver, en fait non, ca ne me fait pas bizarre c'est plutot super agreable !
Le train s'immobilise dans la gare de Chicago. En arrivant, j'ai tout juste apercu de hauts gratte-ciel. A peine ai-je pose le pied sur le quai, je decouvre mon velo qui a deja ete debarque par les controleurs et qui m'attends a 5 metres de la. Super ! Merci les gars ! Je le pousse le long du quai. C'est etrange, ce quai couvert me fait beaucoup penser a la gare Montparnasse... bizarre les souvenirs qui vous viennent en tete a des moments impromptus.
Je cherche la premiere sortie dans le hall de la gare. Je ne vois rien. J'atterris dans un immense hall tres classe mais sans ornementation particuliere et dans lequel il regne un silence confine. Je finis par pousser le velo vers une porte qui me debarque au bord d'un canal surplombe d'un pont en fer couleur rouille foncee portant le panneau "Adam street". Instinctivement je leve la tete car les gratte-ciel m'entourent de toute part. J;aime ca, c'est joli. Je sens que je vais me plaire ici... Chicago, la ville d'Al Pacino et de la mafia... Mais curieusement moi c'est a Tintin en Amerique que je pense, la tout de suite. J'aimerais avoir l'album avec moi pour voir comment Herge a dessine Chicago.





Je me mets en route a deux a l heure et les yeux en l air , regardant tout autour de moi. Direction le nord, vers Lincoln Park pres duyquel se trouve l auberge de jeunesse. Je pense a Bea en pedalant. Dire que j aurais pu venir la voir pendant les deux ans ou elle a bosse en tant qu expat ici... Je n avais pas assez d argent a l epoque. Et quand j aurais pu, j ai prefere aller en Thailande avec Sophie, car la perspective de passer trois semaines a Chicago ne m emballait pas, moi qui n imagine les vacances qu itinerantes...Je ne realisais pas tout ce qu il y avait a faire dans le coin !
Quand j arrive pres de l auberge de jeunesse, j apercois un groupe de jeunes allemands devant l entree. En me voyant approcher, ils forment une haie d honneur ! Je les remercie... et monte a la reception. J ai la mauvaise surprise d apprendre que le tarif pour cette nuit est tres eleve, et la bonne surprise de comprendre que c est en raison du marathon de Chicago qui a lieu demain. Chouette alors ! J adore les evenements de ce genre et ca va mettre la ville en fete. D ailleurs dans mon dortoire deux femmes sont la pour le marathon. Leur equipement est etale sur le lit. Pour l une d entre elles, c est une premiere. Elle sera d ailleurs au lit a partir de 18h...
Je commence par me poser, checker mes affaires, secher ma tente dans la cour, faire une lessive, ecrire sur le blog. Je tombe sur un ordinateur qui carbure a fond les ballons. Super ! Je vais pouvoir telecharger un maximum de photos pour les avoir en stock et les utiliser au fur et a mesure du recit. Une fois la tente seche je prends mon sac a dos et pars me balader. Je remonte le lac vers le centre ville. Que c est joli ! Les rives du lac sont paisibles. C est juste dommage que la voie rapide passe si pres. Mais sinon, quel espace, et quelle jolie vue sur les buidlings old style de Chicago. Comme a New York et Montreal, des gens jouent aux echecs un peu partout. Evidemment, les rives du lac sont prisees des joggers, cyclistes et promeneurs en tout genre. Je suis dans la ville d Al Capone, c est fou... .
Je remonte vers le centre ville en longeant la plage. Je regarde avec envie des beach volleyeurs jouer sur le sable. Puis je traverse la voie rapide et me promene dans les petites rues, sans aller trop loin pour ce soir. Je rentre tranquillement au coucher du soleil, les couleurs sont magnifiques dans le ciel. Plus je m eloigne du centre plus les maisons sont cossues. J achete de quoi manger et rentre a l auberge pour cuisiner. Puis je me mets sur l ordinateur et vois les photos se telecharger a la vitesse grand V. Alors que je suis en train d ecrire sur le blog, je leve la tete et croise le regard de Joy, aussi etonnee que moi de me retrouver ici. J ai partage un dortoir avec Joy a Quebec city. Joy est chinoise et son periple au Canada et aux Etats-Unis s acheve ici. Elle reprend un avion demain apres-midi pour la Chine. Nous papotons un moment, et decidons d aller voir le marathon demain ensemble.
Je reste un long moment sur le blog avant d aller me coucher, en faisant le moins de bruit possible pour ne pas reveiller les deux concurrentes du marathon.
Le lendemain, je suis a 8h au petit dejeuner, comme convenu avec Joy. Je ne la trouve pas dans le salon. J attends jusqu a 8h30 puis je prends mon petit dejeuner. Je n ai pas encore compris a ce moment-la qu en arrivant a Chicago l heure a change. J ai une heure d avance a ma montre, en realite il est 7h30. Je finirai par apercevoir Joy une heure plus tard, alors que je suis sur l ordinateur en attendant.








Nous recuperons un plan du parcours, et partons a 10h en direction du park Lincoln. Rapidement nous tombons sur le public au bord de l avenue, et sommes tout de suite plongees dans l ambiance. Les gens acclament les coureurs. Nous nous renseignons, il y a 49000 participants cette annee. Le soleil est au rendez-vous, ainsi que la musique. Tout le long du parcours des DJ ou des groupes jouent de la musique. La ville est en fete, tout le long du parcours les supporters attendent leurs copains pour les encourager a grands cris et avec toute sorte de panneaux souvent droles, comme celui-ci : "you understood "rhum", didn´t you ?" Joy et moi sommes ravies de cette ambiance et sortons les appareils photos. En parfaite touriste asiatique, Joy mitraille et va jusqu a se mettre au milieu de la route pour photographier les coureurs a un metre !








Tres vite je suis euphorique, trop contente d etre ici et d assister a cet evenement. J ai une enorme pensee pour Toiny qui a participe au marathon de New York l annee derniere. Je realise que c est un truc de dingue ! Comme toujours a l occasion d evenements sportifs majeurs, mes emotions sont a fleur de peau. Les meilleurs coureurs sont passes depuis longtemps, moi je prends plaisir a regarder tous ces outsiders qui n ont pas forcement le profil, mais qui sont venus pour participer. Certains sont deguises, beaucoup sont en groupe ou a deux, mais beaucoup sont seuls aussi. Certains s arretent et tombent dans les bras de leurs supporters pour repartir avec un grand sourire. Un faux Elvis Presley monte sur une estrade mobile chante le repertoire du king. Les coureurs s arretent et font des selfies avec Elvis avant de reprendre leur course ! Les benevoles tendent bouteille d eau et barres de cereales. La police decontractee surveillent les badauds pour eviter les debordements sur la route. Partout la musique nous accompagne et moi je suis impressionnee par ces gens qui tentent l aventure. Jeunes, vieux, gros, maigres, handicapes, j admire le defi qu ils se lancent et pour un peu je voudrais me joindre a eux. Mais courir 5h, voila une idee qui me depasse !
Et puis ce marathon nous permet aussi de visiter les rues de Chicago dans une atmosphere toute particuliere. Apres avoir remonte Old town, nous decidons de couper par le centre ville et rejoindre la fin de la course dans Grant Park.










Tres vite nous nous retrouvons au coeur de la cite, au milieu des hauts grattes-ciel, toujours aussi impressionnants et toujours aussi jolis dans ce melange ancien - moderne. Papa je suis chez Al Capone ! Maintenant je sais que toi tu aimes bien cette architecture urbaine. - J ai appris il y a quelque temps deja que pendant que maman transcrit tout ce que j ecris sur un document word, papa, lui, a commence un album photos autour de mon voyage. J en suis super contente ! Comme ca va me faire drole de voir le recit du voyage imprime, et les photos de cette aventure... J ai hate.
La tour Trump pointe son sommet tres haut dans le ciel. Quel etalage de puissance, tout de meme ! Et puis je decouvre les petits canaux et les rives amenagees. J adore ! Je suis persuadee que Severine aimerait aussi. Surtout lorsque j apercois des kayaks sur l eau. Sport en milieu urbain, dans un decor incroyable...
A l approche de Grant Park, nous commencons a croiser de plus en plus de coureurs qui ont termine leur marathon. Medaille - souvenir autour du cou, dotation a la main (veste, gadgets en tous genres, barres energetiques et boissons), certains avec une couverture de survie sur les epaules.
Il est 13h. Lorsque Joy partira pour prendre son avion, je continuerai a marcher jusque vers 17h pour suivre les arrivees du marathon. C est dire l ecart enorme qu il y a entre les premiers arrives et les derniers a franchir la ligne !
Joy n en peut plus, elle n a pas l habitude de marcher autant. Nous nous asseyons a l entree de Grant Park, juste en-dessous du haricot geant que je ne vois pas encore, pour boire un verre. La place est blindee de monde. Evidemment nous sommes dimanche et en plus c est la fete ! Apres avoir repose nos pieds, nous repartons pour trouver la ligne d arrivee. Mais en traversant le parc, Joy - qui a deja visite cette partie de la ville - me montre les curiosites touristiques. Chicago est une ville d art. Outre les musees, la ville est parsemee de sculptures exposees au public dans les jardins et les rues.
J adore le haricot ! C est vraiment amusant et original, cet effet de miroir. Un peu plus loin, un visage anime sur un gros bloc de beton semble vouloir nous dire quelque chose. Les enfants pataugent dans un miroir d eau tout autour. le parc recele de surprises au detour de chaque chemin.
Comme j aurais le temps de revenir plus tard et que Joy a deja vu tout ca, je pousse pour que nous allions vers l arrivee du marathon sans plus tarder. La foule est de plus en plus dense autour de nous, beaucoup de coureurs sont entouresde leurs amis et famille. Je ne cesse de penser a Tony. Quelqu un l attendait-il a l arrivee, apres cette incroyable aventure ? En tout cas, comme toujours, l exploit sportif me touche. Nous trouvons un acces a l espace du final. La ligne d arrivee est encore loin, mais dans cette zone amenagee, les coureurs et leurs amis se reposent dans l herbe, se prennent en photo, et font la fete autour des podiums sur lesquels des groupes mettent l ambiance. On se croirait dans un festival de musique, si ce n est que la plupart des spectateurs sont en short, tshirt et pieds nus ! L atmosphere est joyeuse, tout le monde a le sourire, je suis aux anges aussi !




Un regroupement autour de barrieres de securite attire notre attention : voila la sortie des coureurs ! Oula, les visages ne sont plus aussi souriants que dans les rues tout a l heure ! Les traits sont tires, les yeux hagards et plisses cherchent dans la foule une tete familiere. Les mains serrent les couvertures de survie autour des epaules. Certains se soutiennent mutuellement, les jambes raides. Moi je m apercois que je les regarde avec un sourire beat et plein d admiration ! Ahlala, les emotions du sport !
Il est temps pour Joy de rentrer a l hotel pour recuperer sa valise et partir vers l aeroport. Nous nous serrons dans nos bras. J ai vraiment apprecie sa compagnie. Meme si je l aurais volontiers tiree en arriere a chaque fois qu elle allait se mettre juste sous le nez d un coureur pour prendre THE photo, sa presence a mis de la gaite dans cette journee.
Alors que Joy va prendre un bus, je repars dans Gran Park. Je veux remonter la course, je n en ai pas encore assez.
Au bout du parc, je tombe dur un carrefour ou le public se presse pour acclamer les coureurs sur la derniere centaine de metre qu il leur reste a franchir. Les cris et les applaudissements redoublent. Les visages des marathoniens sont de plus en plus crispes. Beaucoup titubent, certains marchent en se soutenant. Mon objectif vise une femme agee qui a l air au bout du rouleau. Le regard perdu dans le vide, ses jambes tricotent sur une ligne qui fait des zigzags. J appuie sur le bouton juste au moment ou elle bascule en avant. Elle roule par terre, et bien sur tout le monde s epouvante : un "ohhhhh" d horreur s echappe de la foule. L ami de la coureuse revient a sa hauteur. Des secouristes s approchent. Completement hagarde, la dame puise dans ce qui lui reste de force pour se reveler avec l aide de son amie. Et... se remet a marcher, soutenue par sa camarade. Alors, bien sur, une salve d applaudissement s eleve dans les rangs des spectateurs. Et moi je suis a fond, les larmes aux yeux. Mais que c est beau, le depassement dans le sport ! Je pense une fois de plus a ce vieux film avec Mickael Douglas, et a cette petite voix : "il te faut une victoire, Mickael".. Bref, je suis a fond !.




![]() | ![]() | ![]() | ![]() |
---|---|---|---|
![]() | ![]() | ![]() | ![]() |
![]() | ![]() | ![]() | ![]() |
![]() | ![]() | ![]() |
Je remonte l avenue qui debouche sur le dernier virage. Plus on s eloigne de l arrivee, plus l avenue se vide. Il y a encore ici et la des personnes qui attendent, assises sur le bord du trottoir, leurs potes. Les benevoles rangent tables et cartons, et jettent les gobelets vides et les emballages de barres energetiques. Les marathoniens sont de plus en plus disperses, et la plupart marchent. Ca doit faire bizarre de finir la course alors que tout le monde est en train de demonter l evenement. Une voiture - balai suit de loin. Il est 17h passe, je decide de faire demi tour. J en aurai pour deux bonnes heures a rentrer en choisissant les chemins les plus directs. Je suis vannee, mais tellement contente de ma journee ! Apres avoir grignote vite fait, je vais me reposer en continuant le blog. Il faut absolument que je profite de cet ordinateur top reactif pour tenter de rattraper un peu mon retard ! Il est 2 heures du matin quand je vais me coucher...
Ce qui ne m empeche pas de me ever a 8h le lendemain matin, et a reprendre le fil du blog pendant duex heures avant de retourner me promener. Alors que je suis sur l ordi, un black passe a cote de moi deux fois et marmonne un truc sur un ton agressif. Au debut je ne fais pas attention et je ne remarque pas que ses mots agressifs me sont en fait dedies. Je finis par lever les yeux, et je vois qu il me jette un regard noir en repetant une grossierete. Je hausse des sourcils interrogateurs : what ? - je demande gentiment, puisque je n ai jamais vu ce type et ne comprends pas de quoi il parle. Il me traite encore une fois de bitch et me parle dans un anglais trop rapide pour ma comprehension d un truc que j aurais fait ce matin. Je ne vois pas du tout de quoi il parle ! Je tente une question avec mon plus beau sourire, tellement ca me parait derisoire et probablement un malentendu, mais il m envoie paitre. Bon. Apres tout je m en tape. Je me remets a l ecriture et l oublie.
Il faut tout de meme que je profite d etre ici, et que je repose mes yeux. Je pars donc a nouveau en balade. Je veux aller voir les rives amenages des canaux et retourner un peu plus longuement dans le centre.












Je passe donc une nouvelle journee a deambuler dans les rues de Chicago. Je ne m en lasse pas. Comme a New York, tout m impressionne. Je decide de prendre le velo le lendemain pour aller sur des sites plus eloignes. Je rentre tard une fois de plus. Le groupe d allemands qui m avaient accueillis par une haie d honneur est reuni dans le refectoire, pour un briefing avec leurs responsables. Je ne sais pas trop s ils sont sportifs ou autre. Je n aurais pas ete tres sociable, dans cette auberge. A part mes moments avec Joy, le reste du temps j ai profite de l ordinateurs pour aller sur le blog. Je m enferme donc dans ma bulle et vais encore une fois me coucher tard.




Le lendemain est ma derniere journee a Chicago. J enfourche le velo et vais me balader a Navy Pier, puis jusqu a l aquarium et le planetarium. Depuis la pointe de Northerly Island, on a encore une vue differente et tres chouette sur le coeur de Chicago. Le ciel est voile mais c est joli quand meme. Sur la route du retour, je m arrete a la gare Greyhound pour verifier les informations que j ai trouvees sur internet, pour mon depart le lendemain vers Madison. En effet je veux sortir de Chicago en bus pour eviter les coins craignos et la grande circulation. Encore une mauvaise surprise a la gare routiere. "on n a pas de carton, il faut aller a la gare ferroviere". Je m execute. La-bas, un employe me rassure : il me donne toutes les infos dont j ai besoin. Bon, je ne sais pas encore que le lendemain on me dira tout autre chose quand je viendrai comme une fleur me presenter avec mon velo charge, mais c est pas grave, sur le moment je suis contente.

Bref je savoure ma derniere journee avec delectation, trop contente d etre arrivee jusqu ici. Ceci dit je ne rentre pas trop tard car je veux preparer les prochaines etapes du voyage. Plus de 400 kms m attendent, entre Madison et Saint Paul. Depuis le temps que je parle de ce rendez-vous avec Regine, ca fait tout bizarre de realiser que ca approche. Je ne sais pas trop combien de temps il me faudra pour arriver la-bas. Je dois prendre le bus de 11h le lendemain. Je compte me rendre a la gare deux heures avant, par securite. D apres l employe, je dois acheter le carton au guichet une heure avant.
Apres avoir etudie l itineraire et telecharger un maximum de photos pour le blog, j essaie de me coucher un peu plus tot, c est a dire a minuit...
Au petit matin, je suis a 7h au petit dejeuner, et je suis la premiere. L employee black commence tout juste a preparer le buffet et les toasters. Je dis bonjour et attends un peu. Le petit dej demarre officiellement a 7h, je suis venue expres des l ouverture.
Alors que je finis par entrer dans la cuisine et mettre du pain dans un toaster, l employee me fait remarquer d une voix dure que le breakfast n ouvre qu a 7h. Je ne comprends pas... Je la regarde de l air le plus idiot qui soit. Ou est le probleme ? Elle conmmence alors a me prendre de haut et surtout avec une ironie meprisante. Grosso modo je comprends quelque chose du style : mais vas-y prends le ton petit dejeuner, de toute facon ca fait trois jours que tu fais le meme coup ! Je suis dans la quatrieme dimension. Je regarde mon telephone. 7h15. C est quoi le probleme ? De quoi elle me parle l autre, qui m agresse au reveil ? Je ne sais plus si c est elle qui me montre l horloge sur le mur ou si c est moi qui ai l idee de regarder. Mais d un coup je percute. On a change d heure a Chicago ! Je ne le savais pas, et mon telephone est touours regle sur l heure de New York.
Je rigole et montre mon telephone a la mal lunee en tentant d en placer une pour lui dire : regardez comme c est drole, je ne savais pas qu on avait change d heure ! Mais l autre m a visiblement etiquetee grosse conne. Elle m ignore et continue sur le mode : allez vas-y prends le ton dejeuner, mange, c est pas grave, de toute facon j ai bien vuce que tu fais depuis trois jours. Mais de quoi elle me cause ? Les jours precedents je me suis levee plus tard ! Je vois tout de suite qu elle n en demordra pas et ca m exaspere, mais je laisse tomber, pas envie de me prendre la tete au petit matin. Ceci dit, son agressivite me perturbera encore longtemps dans la journee. Une petite voix a l interieur de moi trouve trop injuste son comportement et voudrait bien retourner lui casser la gueule.... En tout cas decidemment entre cette andouille et l autre debile de la veille ou d il y a deux jours, je finis par conclure que je dois avoir dans l hotel un sosie qui se comporte mal !
Je traverse avec plaisir et lentement Chicago une derniere fois, au petit matin, en allant vers la gare. Cette ville restera un tres bon souvenir, j aime son ambiance tranquille. Arrivee a la gare, je descends avec le velo au guichet et me retrouve devant deux nouveaux employes qui ne me confirment pas du tout les infos obtenues la veille. Ils ne vendent pas de carton, et je dois aller attendre le car dehors dans la rue car c est une autre compagnie de bus qui fait le trajet, et non le rail. Je ne comprends pas... Je monte et fais le tour de la gare nnais je ne vois rien qui ressemble a un arret de bus. Je redescends a l interieur de la gare. Je croise une dame qui a l air d une chef de gare. Je lui demande ou je suis censee aller et lui rapporte ce que m ont dit les employes. Elle leve les yeux au ciel et me dis de retourner les voir : ils doivent vous vendre le billet. Merci madame... J y retourne, mais je recois la meme fin de non recevoir. C est pas ici c est ailleurs. Arghh. Je trouve une autre employee qui fait tout ce qu elle peut pour m aider mais n en sait pas plus que les autres.
Au bout d une heure, je finirai en insistant par obtenir le nom de la compagnie de bus que je dois prendre, et leur telephone. Je les appelle pour verifier s ils prennent bien les velos et dans quelles conditions. On me confirme qu il m en coutera 15 dollars pour le velo, et que je dois demonter les roues et les pedales. Flute...
Je monte dans la rue pour attendre le bus. J ai une heure encore devant moi. J attends depuis vingt minutes lorsque le bus arrive justement de Madison. Je vais voir le chauffeur. Jeune et tres gentil, il me confrme que c est bien dans son bus que je dois monter dans 40 minutes. Pour le velo, je lui demande si je dois vraiment tout demonter. Il sourit et secoue la tete : up to you, take it easy ! Cool !! On ne dechargera meme pas les sacoches, on embarquera le velo tel quel, charge.
Me voila enfin dans le bus a 11h, les yeux rives sur les rues de Chicago pour ne rien perdre de cette magnifique ville, jusqu au bout.
Puis je me plonge dans mon enieme Harlam Coben. Peu a peu la campagne revient autour de moi, et les magnifiques couleurs de l automne avec. Je n ai aucune idee de l endroit ou je vais dormir ce soir. Je compte quitter tout de suite Madison et rouler tant que j en aurais envie, puis trouver un coin pour planter la tente.




J arrive a 15h a Madison. Plongee dans mon bouquin, je n ai pas vraiment fait attention a l entree dans la ville. Cependant, a peine ai-je mis le pied dehors, je sens que j ai change d ambiance et de rythme par rapport aux autres etats dans lesquels j ai pedale jusqu ici. L arret de bus est juste a cote du campus universitaire. Je commence par aller voir a quoi ressemble le grand lac Mendota, avant de rouler a l interieur du campus, au milieu des roulottes qui vendent toutes sortes de snacks, et des espaces de gazon sur lequel les etudiants se rechauffent au soleil. Je suis surprise de decouvrir que les batiments de l universite ont le charme des grandes batisses pleines d histoire qu on peut imaginer dans Harry Potter ou Le Cercle des poetes disparus. C est toujours comme ca, aux quatre coins des USA ? Est-ce l etat d esprit provincial plus tranquille ? On sent que la vie es douce et paisible ici...
Je ne m attarde pas. Je galere un peu pour sortir de la ville. D abord parce que la route monte pas mal, ensuite parce que le trafic y est assez intense et je perds du temps a chercher un chemin pus tranquille.
Ceci dit, au bout d une demi heure je me retourne et constate que meme depuis les hauteurs de la campagne, je ne vois plus la ville. Je suis definitivement en pleine campagne ! Une campagne toute doree, qui se pare de rouge et d orange le temps de quelques semaines ou quelques jours car le vent se leve et emporte beaucoup de feuilles sur son passage. Le vent... Je ne le sais pas encore, mais il m accompagnera quasiment toute la semaine ! Et toujours de face, bien sur. Pas une seule fois il ne m aidera !
En tout cas quel depaysement apres Chicago ! Je suis tout de suite plongee dans le vif du sujet ! Je suis sous le charme du decor qui s offre a moi. J avais tellement envie de voir les couleurs de l automne. Et puis contrairement a ce qu on m a annonce, les temperatures sont encore tres clementes. Je saurai un peu plus tard que l automne est particulierement doux cette annee. Et bien tant mieux ! Tout ca me rassure.
Je pedale jusqu a Springfield Corners, puis, comme la nuit approche, je me mets a la recherche dun coin pour dormir. La route est tres vallonee. On m avait mise en garde, on ne m a pas menti ! Ca promet....
Sur le cote droit, j avise un chemin qui s enfonce dans les hautes herbes et grimpe en hauteur. Je m y engage, laisse le velo a mi hauteur et pars explorer le coin. Je ne suis pas loin de la route, une cinquantaine de metres, mais le bruit de la civilisation a tendance a me rassurer quand je campe n importe ou. Et puis le chemin monte sur une petite colline qui surplombe le paysage et la route. Je ne vois donc pas les voitures, et elles ne me voient pas non plus. Pas plus que les habitations qui ne sont pas si loin, peut-etre 300 metres, mais masquees par un epais bosquet. Bon. Rien a craindre, donc. et j aime etre en hauteur et avoir toute cette colline pour moi toute seule.
Je plante la tente, attache le velo a un bout de bois, et me prepare des pates avec le rechaud. La nuit tombe tres vite, je mange dans la tente en faisant bien attention a ne rien renverser.




Alors que la nuit est deja bien installee et que je suis confortablement enroulee dans mon duvet, je sens que je dois me relever pour faire pipi. Je n aime pas trop sortir de la tente a la nuit tombee, j ai toujours un moment de trouille en me demandant sur quels animaux sauvages ou quels brigands je vais tomber ! Frousse irrationnelle... Je prends donc mon courage a deux mains et sors. Heureusement il ne fait pas trop froid ce soir la, sinon ca ajouterait a mes reticences.
La nuit est noire, mais je decouvre un ciel sans nuage dans lequel brillent des millions d etoiles... C est superbe, et je realise que ma trouille m empeche de savourer ce spectacle a loisirs chaque nuit... C est idiot, quand j y pense...
Ce qui me rassure, c est que Dominik m avouera ressentir les memes apprehensions quand nous nous rencontrerons au Mexique et aurons l occasion de camper ensemble !




Au petit matin, je suis etonnee par la douceur relative de l air. Je sius tellement prete a trouver les grands froids incessamment sous peu que je suis surprise tous les jours de me reveiller sans etre gelee. Sous la tente, je peux me mettre torse nu sans trembler de tout mon corps, c est plutot agreable. J allume le rechaud pour un petit the bien chaud, et commence a ranger mes affaires et a plier la tente.
La route suit d abord la nationale sur moins de trois kilometres, puis j entame un parcours beaucoup moins frequente, zigzagant dans la campagne pour grimper vers le nord ouest. Les grosses fermes s eparpillent tout autour de moi dan suin paysage tres vallonne et ensoleille. Sur la route, je croise une premiere fois une cariole toute noire tiree par un cheval tout aussi noir. La charette roule devant moi, je ne vois pas de fenetre a l arriere. Je gagne du terrain sur le cheval, et finis meme par le depasser. Je jette un oeil sur le cote, et ne voi spas de conducteur ! Juste un petit retroviseur sur le cote, et des renes qui entrent a l interieur de la charette par une petite porte fermee. Sur la porte en bois, une petite fenetre est decoupee. Elle ne me permet pas de voir a l interieur mais tout a coup je distingue une main blanche, qui apparait a la fenetre et me fait coucou.
Est-ce un homme ou une femme ? Aucune idee. Mais cette personne et cette charette sont hamish, aucun doute la dessus. D ailleurs, en y faisant plus attention, je remarque que les fermes n ont pas de pick-ups gares dans la cour. Uniquement des charettes et des chevaux...
Je sens que le vent se leve. Et il est froid. Au sortir de Reedsburg, je croise un panneau refusant l avortement. Ah les americains... Pourrais-je vivre a cote de ces gens si propres sur eux, qui ne doutent pas une seconde d etre des gens bien comme il faut, dont la morale est forcement la meilleure et les croyances les seules valables ?... Je me sens agressee par ce panneau. Abortion is always the wrong choice. Qu est-ce que tu en sais, espece d ayatollah de la morale ? J ai beau ne pas etre concernee par la question, ce genre de grandes verites implacables me sidere. S il y a bien une raison pour laquelle je ne regrette pas d etre passee par toutes les galeres dans lesquelles je me suis embourbee grace a ma premiere longue relation (pour laquelle j avais choisi un charlatan vendeur de grands principes excellents pour tout le mode sauf pour lui-meme), c est bien d etre tombee de si haut que j ai pu comprendre a quel point mes grands jugements bien manicheens etaient loin des realites de la vie.
Une piste cyclable demarre et penetre dans un parc national, dans lequel je vais rouler pendant trois jours pour mon plus grand bonheur. Les couleurs de la foret et des lacs sont magnifiques. Je me regale, et la tranquillite de la piste cyclable ajoute au plaisir que je ressens. Je me sens parfois seule au monde, surtout lorsque mes seules compagnies sont les biches que je vois s enfoncer dans les bosquets en m entendant arriver, ou les oiseaux et les ecureuils. Quelques promontoires rocheux se dressent parfois au milieu du parc. J aimerais pouvoir grimper dessus et camper sur leurs sommets, si la vegetation n etait pas aussi broussailleuse et marecageuse tout autour.




Sur la piste cyclable, je suis assez bien protegee du vent. Mais meme si je ne me gele pas les fesses, tout d ememe je n enleve pas le sweat de la journee et garde la plupart du temps mon coupe vent. Mais je suis heureuse sur mon velo.
Depuis la pepiniere de Saint Julienne, peut-etre meme avant, je sens que quelque chose a change dans mon humeur, dans mon ressenti. Au fond de moi, j ai l impression d avoir manque quelque chose en decidant de monter depuis New York vers Montreal au lieu de descendre rejoindre Willie (rencontre a Marrakech) pour longer avec lui la cote Est jusqu en Floride. Je ne regrette pourtant absolument pas ce que j ai fait et vu. Mais j avoue que je me demande ce que je fais la, dans le nord des Etats-Unis, dans des endroits ou personne ne va. On ne peut pas dire que les paysages soient a tomber par terre, et il commence a faire frais. Et le temps d arriver a Saint Paul mon visa arrivera a expiration et je devrai quitter le pays sans en avoir vu grand chose.
Tu parles d une grande aventure americaine ! Les autres vont voir le grand Canyon, la Floride, San Francisco, la Nouvelle Orleans, la cote Ouest... moi non: Moi j ai roule dans l Ohio, l Indiana, le Wisconsin et le Minnesota. Il fait froid et je crois que ca ne fait rever personne. Je n aurai pas traverse les Etats-Unis. J en aurai vu une partie infime.
Et en meme temps, ou est le probleme ? ce n est pas la premiere fois que je realise que je me juge par rapport a ce que les gens pourraient penser de moi ou de mon voyage. Est-ce le fait de rendre ce blog public ? Car finalement, pour ce qui me concerne moi, ca me va tres bien, en realite, ce que je suis en train de faire.
Bref, mon humeur fluctue. Je sais aussi que je suis partagee au sujet de ma visite a Saint Paul pour aller voir Regine. Regine est une amie de jeunesse de papa. C est la raison pour laquelle j aimerais la rencontrer. Mais le fait est qu elle habite a un endroit qui n est pas du tout central par rapport a mon envie de descendre ensuite vers l Amerique du sud.
Je roule donc avec ce sentiment bizarre de ne pas forcement faire les meilleurs choix. C est etrange.

Je traverse, toujours sur ma píste cyclable, quelques petites villes ou villages. En fin d apres-midi, alors que je debouche dans Elroy, apres avoir depasse des maisons decorees pour Haloween, un panneau de bois m indique sur la droite une aire de camping. Pas de point d eau ni de toilette, mais je decide de m y installer quand meme pour la nuit. J attendrai qu il fasse nuit noire pour faire pipi dans la nature !




Il n est pas tres tard, j ai le temps de cuisiner a la lumiere du jour tout en observant les ecureuils faire des allers et venues autour de la tente et sur le grand arbre sous lequel je suis installee.
Je dormirai comme un bebe, mais au petite matin je sens que la temperature a chutee. Je me gele les doigts pour ranger la tente, et superpose toutes les couches de vetements chauds que j ai pour me mettre en route.
Je decide de ne pas perdre de temps et de bouger vite pour aller prendre un cafe dans la ville. c est une erreur, car en fait de cafe, je n en trouverai pas ! Du moins pas dans ce village. Il n y a que des maisons particulieres, qui semblent tres paisibles en cette heure matinale. Je roule donc en frissonnant, zip remonte jusqu au menton et lunettes de soleil sur le nez pour eviter que le vent frais ne me fasse pleurer.
Lorsque je trouve enfin une halte epicerie - kiosque de presse combine a une station essence a l entree d une autre petite bourgade, j ai les doigts completement geles. Alors que je suis sur le point d entrer, deux jeunes hommes sortent et tombent en arret devant mon velo. Hey, where are you from ? Welcome ! Ah bah ils sont cool, ces gars-la. J ai beau avoir froid, je prends le temps de discuter un peu avec eux. Ils me previennent qu un hurricane approche. Allons bon., voila autre chose ! Mince... Apres m avoir souhaite bon courage et safe trip, les gars me saleuent et s en vont. J entre et commande un cafe. A la caisse, une femme d une quarantaine d annees m offre un sourire maternel rayonnant et qui me rechauffe le coeur a defaut d autre chose. Je lui demande s il y a toujours autant de vent ici et dans le Wisconsin. "Non, c est vrai qu en ce moment c est terrible, on a froid ! Et nous on aime pas le vent car il fait tomber les feuilles des arbres..." Et le fait est que les rafales de vent font tournoyer les feuilles dans les airs, et qu un tapis de feuilles mortes commence a recouvrir la piste cyclable sur laquelle je roule. Je lui parle du hurricane. Elle me rassure et me dis qu il ne devrait pas nous toucher de plein fouet, par contre nous pourrions avoir un peu de pluie et un fort vent. Youpi.
Je prends mon cafe et vais m asseoir en face de la fenetre. Tout a coup, j ai l impression qu au lieu de me rechauffer je suis en train de me refroidir encore plus. J ai des sueurs froides, et je me sens febrile. A tel point que je sens monter l envie de vomir. Je laisse mon cafe sur le comptoir et me depeche d aller vers les toilettes. Occupe chez les femmes, tant pis je vais chez les hommes, et m asseois par terre tellement je me sens faible. Par bonheur les toilettes sont toujours propres aux Etats-Unis !
Je reste bien entre dix et quinze minutes comme ca, la tete sur mes bras croises sur mes genoux. Ca finit pas aller mieux, je peux me redresser, me relever et sortir pour m asseoir a nouveau en face de mon cafe qui - grace a son couvercle - est toujours chaud.
J allume mon portable et envoie un message a Paris. Besoin d affection et de soutien dans ce petit moment de faiblesse.
Le temps de boire lentement mon cafe, je reprends complement mes esprits. Mes mains sont toujours un peu froides, difficile vraiment de se rechauffer en ce moment !




Je me remets en route sans enthousiasme. J ai froid ! Et le vent a toujours cet effet decourageant... Les feuilles des arbres se decrochent et s envolent dans le ciel avant de glisser sur l asphalte.
Je poursuis mon chemin vers le Mississipi, que j espere rencontrer demain. a partir de La Crosse. Je pense d ailleurs pouvoir etre a Lacrosse ce soir, mais je m arreterai avant pour camper cette nuit.Le soleil commence a se faire un peu plus sentir en fin de matinee, pour finalement bien taper dans l apres-midi. Je me sens a present tout a fait requinquee, et ne comprends pas tres bien a quoi peut etre du mon coup de mou de ce matin. Je me regale des paysages buccoliques que je traverse. Les fermes hamish se succedent, pas trop proches les unes des autres. Je croiserai une autre cariole noire tiree par un cheval. D ailleurs des panneaux signalent regulierement aux voitures que la file de droite est specialement reservee aux charettes... De loin, j apercois une femme qui quitte une propriete et se met a marcher sur le bord de la route, vetue d une longue robe lui arrivant aux pieds, et portant un chapeau. Est-ce une hamish ? En allant a sa rencontre je devine que oui. Elle est vetue comme Laura ou Caroline Ingalls ! Que c est etrange, tout de meme... Vont-ils a l ecole dans cet accoutrement ? Non c est impossible, ils doivent avoir leurs propres ecoles, j imagine mal l cohabitation des cultures... Laura Ingalls assise a cote de Justin Bieber...

La Crosse



La Crosse
La route est bonne, lorsque 17h sonne, je me mets "en chasse" d un endroit pour camper. Mais j avance tellement bien que je repousse toujours a un peu plus tard le moment de vraiment me poser. Mais a un moment de distraction, je leve la tete et constate que le ciel a l air de se couvrir dangereusement. Et flute, je vais probablement avoir droit a la pluie cette nuit. Je decide de me hater de trouver THE coin pour planter la tente en vitesse.
Je repere un endroit avant d arriver sur la derniere ligne droite pour Lacrosse. Au pied de la montee vers le dernier patelin. Je descends le velo dans ce qui semble etre l arriere d une carriere. Mais tout compte fait, arrivee la ou je pensais avoir apercu un promontoire suffisamment masque, je constate que je surplombe la route par laquelle je suis venue. Et je m expose aux regards de toutes les voitures qui passent. Ca ne me plait pas. En plus, le sol est couvert de petits crateres, et je n ai pas envie de finir engloutie par une nuee de vers de terre. Bon. Demi tour.
Je hisse a grand peine le velo sur la route, depasse le village, et tombe a moins d un kilometre plus loin sur une aire de pique nique deserte. Ah mais le voila l endroit ideal ! C est une colline de pelouse qui descend doucement vers la foret, en contrebas. Je repere sur la droite et sous un arbre un espace plus ou moin plan. On s en contentera.
Bon, je suis a moins de 100 metres de la route, mais celle-ci est peu frequentee et j ai bon espoir qu elle ne le soit pas du tout la nuit. Je roule donc jusqu a l arbre et ne perds pas de temps pour installer la tente, ouverture face a la foret. J arrime les cotes en prevision du vent qui pourrait accompagner la pluie. Tiens, la pluie, d ailleurs... Les nuages sont menacants au-*dessus de ma tete mais semblent se deplacer plus loin. Finalement je vais peut-etre echapper a la pluie.. En tout cas le ciel est suffisamment serein pour que je fasse la popote au rechaud sans risque. Je peux donc profiter de la jolie vue sur la foret en me sentant seule au monde et trop contente d etre la... J envoie un message a Regine pour l avertir de mon avancee. Je ne suis plus bien loin. En tout cas, j ai hate, vraiment hate de voir le Mississipi demain ! Je m endors excitee comme une gamine !
Au reveil, ca caille. Pas tant que ca tant que je suis dans mon duvet, ni une fois que je suis habillee. Mais le toit de la tente est humide et le temps de le secher avec un chiffon, mes doigts sont geles. Je ne traine pas, et me mets en route rapidement pour me rechauffer. Je decide de m arreter dans La Crosse pour prendre un cafe. La route file vite vers la ville, et descends sur les derniers kilometres. Tant mieux, meme si du coup ca me fait du vent frais dans le cou - je colmate avec mon tour de cou en doudoune et souffle fort dans le col de ma veste pour me tenir chaud.
Me voila vite en ville, et je n ai pas eu la moindre vue sur le Mississipi en descendant. Ce fleuve de legende se fait attendre. J ai dans la tete deux chansons. Mississipi, de la comedie musicale Ol' man river, et bien sur, Tom Sawyer ! Ahh quand le verrai-je enfin ? Moi qui ne m attendais pas a le trouver ans le nord de l Amerique, je suis impatiente de fouler ses rives maintenant !
La circulation est dense, dans les rues de La Crosse. Je m arrete un court moment prendre un cafe dans une station essence, puis repars a la recherche des rives du fleuves. Apres bien des detours traversant des rues chargees, une voie ferree et une espece de zone industrielle assez deserte, je trouve une piste cyclable qui part vers le nord et rejoins le fleuve un peu plus loin. Youpi ! je m y engage allegrement, d autant qu elle me fait passer par une jolie foret et des ponts de fer pleins de charme.
Et tout a coup, le voila en bas, devant moi ! Une bande bleue, toute calme, bordee de part et d autres par la foret. La piste cyclable tombe dedans, avant de partir sur la droite sur un sentier ombrage longeant le fleuve.


Comme c est beau ! Le fleuve separe le Wisconsin du Minnesota. Visiblement, les rives du Minnesota sont plus accidentees que celles du Wisconsin. Les petites montagnes s elevent au loin, de l autre cote du fleuve qui par endroit est vraiment large. J envoie une photo du Mississipi a Severine, qui me repond par les paroles de la chanson de Tom Sawyer. Et oui, la aussi c est bon de retrouver l enfance et son insouciance, ses reves de liberte et d espieglerie.
Regulierement sur la piste cyclable je croise des pánneaux qui indiquent un tarif d entree dans le "parc national" de 4 dollars. Mais nulle part je ne vois ou payer ces 4 dollars, donc je choisis de ne pas m en soucier. Et le fait est que tant que je roulerai sur cette piste, personne ne me demandera rien.
Je croise de rares promeneurs. Le soleil me rechauffe, je longe le fleuve, la foret est belle et la piste cyclable recouverte de feuilles mortes jaunes, rouges et oranges. La vie est belle !




Avec la sensation d etre seule dans ce magnifique decor, je m arrete sur le bord de la piste, a un endroit ou l herbe est tondue sur un cercle de 8 metres de diametre et un banc dispose face au fleuve. Ah, on m attendait visiblement... Je me debarrasse de ma veste, sort la carte routiere et regarde la suite des festivites tout en me rassasiant de la beaute du Mississipi et de la foret qui suit son cours.
Alors que je suis plongee dans mon observation de la carte, j entends du bruit derriere moi, sur la piste. En me retournant, j ai tout juste le temps d apercevoir un velo "normal" et deux velos couches passer sur la piste et depasser l entree de mon petit havre de paix. J ai vu des sacoches sur chaque velo. Il y avait deux hommes et une femme, et j ai entendu l un des hommes, un allemand, s exclame de surprise aussi apres avoir repere mon velo stationne en arriere du banc. Ah tiens, des copains qui arrivent en sens inverse de mon parcours ! Ils ne s arretent pas, mais ca me donne le sourire quand meme. Je ne suis pas toute seule...
Je passe une journee absolument delicieuse. La piste me plait beaucoup, le parc naturel qu elle traverse est magnifique et depuis mon depart de Madison je me sens gatee par la nature. Et heureusement sur cette piste les arbres me protegent du vent, qui est toujours aussi actif et frais. Je pedale donc a mon rythme et en faisant autant de pauses que le coeur m en dit, tant je savoure ce parcours.

A un moment donne, il fait si bon au soleil et je trouve la route si belle avec ce parterre de feuilles que je m arrete et m allonge sur les feuilles douces, visage tourne vers les rayons du soleil. Ahhh mais que c est facile parfois d etre heureuse !!
Et ainsi mes coups de pedales joyeux m emmenent jusqu a Fountain City, toute petite ville accrochee a flanc de rocher, descendant vers le fleuve. J apercois un panneau indiquant un camping, et roule encore 3 miles dans la lumiere du soleil couchant pour rejoindre le camping. Je trouve le bureau ferme, mais on peut s enregistrer et laisser le reglement dans une boite aux lettres.
Je pars chercher un emplacement. Je dois faire vite, il va bientot faire nuit. Je mponte la tente vite fait et me depeche de faire chauffer on repas pour manger avec encore un peu de lumiere. Je n ai pas de voisin, Juste deux camping-cars de chasseurs a cent metres. Bientot les rayons du soleil disparaissent derriere les arbres, et la fraicheur revient mordre la peau mon visage.
Apres avoir mange, je m approche des douches. Je trouve la porte cadenassee, un mot avertit les campeurs d aller chercher la clef au bureau au milieu du camping.
Je ne sais pas ou est ce bureau, alors je vais m en enquerir aupres des chasseurs. "Le bureau est ferme, mais il n y a pas d eau en hiver, ils coupent l acces car l eau gele." - me repónd-on. Et zut... J aurais du le voir venir !




Je suis decue, mais surtout de payer pour un emplacement sans douche. Car curieusement, je m habitue de plus en plus a ne pas me laver pendant plusieurs jours. Ca ne me derange plus comme au debut du voyage, et je n ai meme pas l impression de puer le bouc mort. Quant a ma coupe de cheveux qui ne ressemble a rien... je peux tres bien vivre avec ! C est facile d ailleurs, puisque je ne me vois pas.
Je vais donc me pelotonner vite fait dans mon duvet pour etre bien au chaud et me plonger dans la lecture. Je suis a l avant dernier Harlan Coben de ma liste. J aurai bientot fini tous ceux que Pascal m avait telecharges. Je ne sais pas encore trop par quoi je vais poursuivre. En tout cas pour l instant je savoure aussi bien le suspens que toutes les references et descriptions de la vie a New York, maintenant que je peux situer et visualiser le decor...
Lorsque mon reveil me tire de mon sommeil au petit matin, je sens tout de suite sur le bout de mon nez que je vais encore douiller cote temperature.
D ailleurs cette fois-ci je decide d utiliser l arme du the chauffe-doigt. Je sors de la tente et allume le rechaud pour me faire un the. Je mets plus d eau que necessaire, et compte me servir du trop plein d eau pour rechauffer mes doigts en les y plongeant regulierement. Le bonnet de laine (realise et offert par maman au dernier Noel) visse sur ma tete, mon regard tombe sur le velo... Le gel s est depose sur la selle et le guidon. Idem pour la tente. Une partie de plaisir s annonce !
J ai beau plonger mes doigts dans l eau chaude, tout de meme au bout d un moment ils finissent par etre tres douleureux. Sans parler de mes doigts de pieds.. Pendant la nuit, un voisin en camping car s est installe sur l emplacement d a cote. Je prepare mes affaires le plus vite possible, coince mes mains sous mes aisselles pour ranimer mes doigts, et decide en desespoir de cause de plier le toit de la tente encore plein de gel qui ne part pas, dans son sac de rngement. Tant pis, je m arreterai plus tard pour le secher au soleil quand j aurai moins froid. Je ferme les sacoches, et commence a pousser le velo vers la sortie du camping. Dans le camping car voisin, la porte s ouvre et une jeune femme en survetement gris et longs cheveux blonds sort a ma rencontre.





Plutot que de me poser les traditionnelles questions "where are you from", "where are you going" et "how many kilometers a day do you ridfe ?", elle a la gentillesse de me demander si je n ai pas trop froid et si j ai besoin de quelque chose. Je la remercie et lui dis qu en effet le matin mes doigts et mes pieds souffrent, mais que j ai tout ce qu il me faut. Did you have breakfast ? Alors non, je n ai pris qu un the chauffe-doigts, je comptais comme d habitude m offrir un bon cafe chaud dans la premiere ville sur ma route.
Wait ! Do you like strawberries ? Et la voila qui disparait d un bond dans le camping car avant que j aie pu repondre. Elle revient aussitot avec deux paquets de biscuits de cereales aux framboises. Je la remercie chaleureusement ! Et lui demande si elle est en vacances ou en voyage. Elle et son mari habitent dans l Iowa, mais ils sont venus passer le week-end ici pour que son epoux s adonne a son passe-temps favori... la chasse. Nous discutons un petit moment, puis nous disons au revoir a l americaine : free hug ! C est etonnant tout de meme, cette manie de serre dans ses bras des inconnus. Enfin bon, la franchement j ai apprecie, tant sa sollicitude m a touchee. Elle remonte dans son camping car et je prends la direction du bureau.
Alors que j attends devant la porte que l officier arrive (car elle doit mne rendre la monnaie sur l argent que j ai laisse dans l enveloppe hier soir), voila ma blonde voisine qui revient vers moi en courant et s arrete essoufflee mais contente : "I was afraid you were already gone... I found this... can be usefull !" me dit-elle en me tendant 3 petits sachets de papier rouges et jaunes. Je regarde. Ce sont des chauffe-mains et chauffe-pieds, a glisser dans ses chaussures et dans ses gants ! Trop bien !! "We use it all the tie for hunting" - me dit-elle. Wouahh genial ! Thanks a lot, voila qui me redonne le sourire ! Deuxieme hug, et cette fois on se dit au revoir a grand renfort de coucou de la main pendant qu elle repart vers le camping et que je monte en selle.




J ai recu un message de Regine. Elle ne travaille pas demain et se propose de venir me chercher en voiture a Red Wings, a moins de 100 kms de la ou je suis ce matin. Je suis partagee. J etais prete a me rendre jusqu a Saint Paul en velo, mais elle insiste. Quoi qu aujourd hui je me demande si je n ai pas mal interprete. J ai compris par la suite qu avec Regine il fauit exprimer une opinion claire : non je me debrouille, merci, ou oui d accord venez me chercher. Moi j ai tendance a commencer mes phrases par "si...". Si vous etes sure, si ca ne vous derange pas, si ca n est pas trop loin..
Bref, en tout cas il a ete decide que Regnie viendrait me chercher le lendemain.
Et d un cote je suis contente a l idee de sortir du froid et de retrouver une douche et un lit. Et d un autre cote je regrette deja la fin de ce road trip depuis Niagara Falls. C etait bien chouette...
Je roule donc aujourd hui tranquilisee par le fait de savoir que je n ai plus beaucoup de kilometres entre cette journee et demain pour atteindre Red Wings.
Je pars allegrement, et patiente une quinzaine de kilometres avec les chaufferettes dans mes chaussures et au bout des doigts, pour pouvoir prendre un cafe a Alma. Ca m amuse, d ailleurs, de voir les noms dont on a baptise les villes, le long du fleuve. Alma, Stockholm, Frontenac, Trempealeau... Pour un peu on se sentirait en Europe.
La route traverse, comme d habitude, la petite ville d Alma de ´part en part sur sa longueur. Cote fleuve, les petites boutiques qu charme vieillot forment une premiere facade derriere laquelle passe le chemin de fer, qui longe directement le fleuve. D enormes troncs de bois sont deposes le long des rails. Je repense a mon cours de litterature quebecoise, a la Fac, en Lettres Modernes. Menaud, maitre draveur... Je tente d imaginer les draveurs debouts sur les troncs, appuyant ici et la avec leurs perches pour guider le bois coupe dans sa longue et dangereuse descente du fleuve. Oh comme j aimerais entendre un train passer en faisant tchou-tchou ici et maintenant...
En face, cote montagne, les rues tournicotent en virages serres pour grimper dans les hauteurs. Je pedale doucement en regardant a droite et a gauche, en ce dimanche matin, quand j avise la facade originale d un saloon dont le nom s etale en grosses lettres rouges, a l ancienne, sur les vitres. Trop cool ! Voila ou je vais prendre mon cafe.
Je gare le velo le long du trottoir. Un homme et une jeune femme sont devant la porte et semblent discuter en fumant une cigarette. J eles prends pour des clients, mais ce sont les patrons, et ils me demandent cinq petites minutes de patience car ils sont sur le point d ouvrir. Je consulte l horloge sur mon telephone. On est dimanche et il est 10h passe. Les cafes ouvrent tard apparemment le week-end ! Les gens viennent plus probablement y prendre l apero que le cafe chaud des heures matinales.
Ils rentrent a l interieur, et je m asseois sur le banc au soleil, contre la fenetre de ce petit saloon qui me plait bien, avec ses briques rouges et ses volets verts. A l interieur je devine pleins de petites lumieres et un tresor de bric a brac d un autre temps.
allume moi aussi une cigarette, lorsqu un homme dune petite quarantaine d annees s approche et, jetant un oeil au velo, engage gentiment la conversation. Nous parlons du froid et du vent, evidemment ! Mais aujourd hui semble au moins une journee particuleirement ensoleillee. J ai tout de meme, en cette heure matinale, ma veste coupe-vent, mon sweet et mon tour de cou.
Apres s etre enquis de mon trajet, mon gentil compagnon du dimanche matin me demande si j ai ete voir le point de vue depuis les hauteurs, par lesquelles on accede soit par la route, soit par un sentier de randonnee. Ah non, dis-je. J ai en effet vu le panneau qui indiquait le point de vue, mais j avoue que j ai eu la flemme de faire le detour. Ah mais il ne faut pas rater ca, c est aussi impressionnant que le Grand canyon - s enthousiasme-t il. Allons bon. Voila qui m etonne un peu. Ceci dit son enthousiasme est communicatif, et la au soleil je me sens tellement bien tout a coup que... pourquoi pas.. l idee fait son chemin.
L homme attend son epouse. Nous entrons tous les deux dans le bar. Il commande une biere, et moi je realise qu ils ne font peut-etre pas de cafe ici a cette heure-ci. Pourtant c est vraiment ca dont j ai besoin ! Le patron me rassure totu de suite. Ils ont une cafetiere derriere. C est vrai qu ils ne vendent pas de cafe d habitude, mais ils vont bien pouvoir m en faire un ! Le patron (j ai oublie son prenom) et Samantha (la jeune employee) se presentent:, et s interessent a leur tour a mon parcours. L ambiance est chaleureurse, un homme habitue entre, et bientot on se croirait entre amis autour du bar.


Ces gens sont d une simplicite bienfaisante. L homme qui attend son epouse et le nouvel arrivant se mettent a jouer au billard, tout en participant a la conversation. Samantha confirme que la balade sur l a-pic est sympa a voir. Elle m encourage a y aller :"si tu veux y aller, c est mieux que tu prennes le chemin de randonnee. Tu en auras pour 45mn aller-retour, c est raide. Et on sera contents de garder ton velo et tes affaires pendant ce temps". Ah mais c est trop sympa ca ! Bon alors c est dit, je vais y aller. Apres tout, une balade en foret a pied pendant 1 heure, c est un changement de programme qui me va bien. J ai envie de prendre mon temps.
Je finis mon cafe en continuant a papoter avec tout le monde. Puis Samantha m emmene garer le velo dans le garage ferme du Saloon. Je prends juste mon petit sac a dos pour y glisser une bouteille d eau, mon appareil photo, mes documents et ma liseuse car j ai l intention de passer un petit moment de calme la-haut, et je suis un autre homme arrive entre temps et qui s est porte volontaire pour m emmener au point de depart du chemin de randonnee.
Et la grimpette commence.
Et me voila en train de monter, sous le soleil, d abord des marches d escalier, puis un sentier tres pentu qui zigzag a travers la foret. Tres vite j ai trop chaud, et je me defais de ma veste coupe-vent puis de mon sweet que j attache autour de ma taille. Que c est bon de marcher seule dans la foret, loin de la route, en faisant fuir les ecureuils sur mon passage ! Quelle bonne idee ils ont eue de m inciter a faire cette balade ! Ca monte sans discontinuer et je souffle un peu, mais je prends beaucoup de plaisir a marcher. Apres totu j adore la randonnee egalement, et ca fait bien longtemps que je n ai pas fait de balade en nature autrement qu en velo. Bien sur j ai beaucoup marche dans les differentes villes que j ai decouvertes sur mon parcours, mais la marche en foret et en montagne produit sur moi un effet euphorisant immediat qui n a rien a voir avec la marche citadine. C est comme si mes neurones se regeneraient. Le bien-etre s installe en moi, je pourrais (devrais) faire ca plus souvent !
La foret me cache le panorama jusqu a ce que le chemin debouche sur une prairie qui couvre le sommet de la montagne, parsemee ici et la d arbres un peu penches par le vent. Des tables de pique-nique sont installees un peu partout mais pas trop pres les unes des autres. Des promeneurs sont deja la, arrives par la route. Ca sent la balade dominicale pour les familles du coin...
Je m approche du bord de la falaise et comprends tout de suite que mon copain du saloon, sans doute fier - et a juste titre - de sa belle campagne, n est probablement jamais alle voir le Grand canyon. Parce que bon, ce que je vois est joli, certes, mais je suis certaine que la vue du Grand Canyon est mille fois plus impressionnante. Depuis le promontoire, le regard porte loin sur les rives du Minnesota, en face de nous. Et le fait est que c est agreable de pouvoir laisser le regard se perdre aussi loin. Ceci dit la lumiere du matin couvre le paysage d un voile claire. Je suis en tout cas heureuse de constater que ma route va continuer a longer le Mississipi encore un bout de temps.
Ca se bouscule sur le promontoire pour prendre des photos. Je prends les miennes, puis me trouve une table et un banc tranquilles et au soleil, pour bouquiner une heure avant de redescendre, super relax. C est fou comme cette pause m a fait du bien.
En meme temps, je sens que je me relache. Aujourd hui est ma derniere journee complete de velo, demain je serai dans la matinee a Red Wings ou Regine viendra me chercher. Ce soir, je passerai ma derniere nuit sous la tente. Fini le froid, fini la crasse, fini la journee a pedaler dans le vent avec toutes mes epaisseurs de vetements.Je n ai pas besoin de courir, aujourd hui. Ca ne m aurait pas deplu de poursuivre la route en velo.... mais franchement je ne peux pas dire que je sois mecontente de dormir au chaud et dans de vrais draps. Et puis voila, depuis le temps que j en parle et que je l envisage, je vais enfin rencontrer Regine ! Il y a parfois des moments ou on prend conscience du temps qui s est ecoule entre le jour ou on a formule un projet, et le moment d un coup... On y est.




Je redescends au Saloon et retrouve "les copains", qui sont toujours, pour leur raconter mon plaisir la-haut. Ils sont ravis, et moi aussi.. Celui qui m avait adresse al parole en premier part avec son epouse et me souhaite bon voyage. Je bois encore un coca frais, le temps de papoter encore un peu avec les patrons, puis je sers la main a tout le monde et dis au revoir, avant d aller chercher mon velo et de reprendre la route qui longe le fleuve.
Direction Nelson, puis Pepin, d apres mon GPS. J entre dans le parc naturel de Nelson - Trevino, et j en chante de joie tellement la nature et les couleurs sont belles, tellement je me sens provilegiee d etre en ce moment en train de rouler sur ces pistes tranquilles et si belles. Je ne roule pas depuis longtemps, mais la petite ville de Nelson et son look retro me donen l occasion de m arreter une fois de plus car ca y est, j ai trop chaud - et donc soif. Un couple age savoure une glace, assis sur un banc de bois devant un bar qui m a l air tout aussi kitch que mon saloon de ce matin. Encore un endroit pour moi ! Je ne resiste pas et pousse la porte rouge du bar. Je ne m etais pas trompee : Je decouvre des bibelots, petites poupees de porcelaine et mobiles partout ! Des pages de vieux journaux placardes sur les murs, egalement, et des maximes rigolotes peintes les murs, les meubles... Deux femmes sont derriere le comptoir. Une au service des glaces et des boissons, l autre a la caisse. Sur de petites tables en bois peintes de couleurs vives, des clients degustent leur the, soda, ou leur glace.


Est-ce l atmosphere chaleureuse et amicale ? Est-ce le cote petite ville au milieu de rien ? Est-ce cette page de journal jaunie qui evoque la bonne reputation d un cafe tenu par des femmes pour le plaisir des gourmets et les amis de la simplicite ?.. J ai comme l impression d entrer dans le restaurant du film Beignets de Tomates Vertes... Bon, il en faut de beaucoup pour que cet endroit lui ressemble, mais c est un ensemble de petits details qui evoque ce souvenir.
Je commande un coca bien frais que je vais savourer sur un des bancs de bois, sur lesquels sont fixes des fers a cheval de tel maniere qu on peut y glisser sa canette le temps de poser sa boisson. Alors que je suis assise et que le couple de petits vieux me jettent des coups d oeil curieux, un groupe de cycliste apparait au croisement 10 metres plus loin et tombe en arret devant moi. Ils sont tous americains, et ils rentrent de leur balade dominicale, et se marrent en m expliquant qu il setaient en train de se plaindre d etre fatigues. Je rigole aussi en leur precisant que plus trqnquille que moi, aujourd hui, tu meurres, et qu ils se sont certainement bien plus epuises que moi ! Nous discutons un long moment. Une des cyclistes insiste pour savoir si j ai besoin de quelque chose. Je la remercie chaleureusement mais l assure que tout va bien. On se prend en photo mutuellement, avant que le groupe ne repart ranger les velos au club.
Vraiment sympa cette journee ! Du coup, intrigues, mon petit couple me questionne et me salue au moment ou je m apprete a repartir. Le soleil est toujours au beau fixe, je fonce sur la route avec l energie du bonheur.





Alors que je suis encore a une bonne dizaine de kilometres de Pepin, mes yeux s equarquillent en decouvrant un panneau vert qui m annonce : Laura Ingalls Wilder Historic highway. Non !! Sans blague ??
J avais regarde la carte des Etats Unis avant de partir et repere que Walnut Grove se situait dans le Minnesota. Mais plus au sud que la route que je comptais prendre. Je ne m attendais donc pas du tout a tomber sur une route commemorative. Et encore moins sur le Musee de Laura Ingalls (enfin un des musees), a Pepin, dont la famille Ingalls est originaire.
Me voici encore plus aux anges ! Moi qui ne suis pas trop musee, je n hesite pas une seconde a payer les 5 dollars d entree ! Laura Ingalls ! Non seulement la Petite Maison dans la Prairie fait partie de l histoire familiale rossettienne, mais en plus, non seulement j avais un faible pour les caracteres espiegles et creatifs de Laura et Albert (bien plus funs que la serieuse et irreprochable Marie), mais en plus le fait que Laura devienne ecrivain a forcement attire l attention de l enfant que j etais et qui a toujours eu envie d ecrire (au moins autant que de voyager).
C est donc toutes ces references et tous ces souvenirs qui me precipitent dans ce Musee insignifiant pour la plupart des gens j imagine !
C est tout petit, et l employee qui m accueille avec un grand sourire m explique que le musee contient tres peu d objets laisses par la famille, par contre il explique la vie de l epoque et retrace le parcours des Ingalls. Tres bien merci madame. Je me dirige vers la partie "vie quotidienne"... et me fige d horreur. Une photo me saute aux yeux et je dois m approcher tres pres pour devisager les personnes immortalisees sur ce cliche.





Waouhhh... le vrai Charles Ingalls fait carremment peur ! Rien a voir avec l angelique (ou enervant car trop parfait, selon certains criteres - au choix) Michael Landon.... Difficile d imaginer le terne et austere personnage que je vois sur cette photo en train de couper des buches en riant et de jouer du violon devant la cheminee en faisant un clin d oeil heureux a Caroline.. qui fait la gueule elle aussi, d ailleurs.
En fait, d un seul coup j ai l impression que les Ingalls etaient hamish !
Bon....
Je poursuis les galeries de photos et decouvre les vrais visages des soeurs Ingalls et d Almanzo. Comme c est drole !
J achete des cartes postales montrant les photos des Ingalls pour les envoyer a ma famille, afin de leur reveler la triste verite...
Le Musee expose des vetements d epoque et c est drole de voir ces robes et ces chapeaux d un autre temps. Mon dieu comme je suis contente de n etre pas nee a cette epoque !! Les pieces reproduisent la cuisine, les outils, differents obejts de vie quotidienne. De l autre cote, on a amenage une salle de classe avec des bancs de bois et des bouliers, pour montrer a quoi ressemblait probablement la classe de Laura a ses debut d enseignante. En tout cas visiblement Laura Ingalls jouit d une grande renommee ici. Ah et puis il y a une cariole en bois ! Trop bien ! Bon, tout ca est tres kitch mais ce retour en enfance me plait bien.
Je reste un bon trois quarts d heure (c est petit), puis reprends la route, bien contente de ma journee decidemment !
L air de rien, l heure a tourne. Il est deja 16h30 passe. Je decide de pousser jusqu a Maiden Rock et de me trouver un coin sur le bord du Mississipi pour ce qui sera probablement ma derniere nuit sous la tente aux Etats-Unis.
Je trouverai ce point de vue un peu en retrait de la route, sur un terre-plein heurbeux plat, en bord de falaise. Le terrain tombe en effet d un seul coup trente metres plus bas jusqu au bord de la fois ferree et du fleuve.
J installe la tente et contemple le coucher du soleil sur le fleuve. C est beau... Je dine sur une table de pique nique face a ce spectacle et j en profite jusqu a ce qu il fasse trop noir pour y voir.
Je sais que mon sejour aux Etats-Unis est sur le point de s achever, et je ressens pleins de sentiments contradictoires.




Une partie de moi eprouve des regrets et se sent un peu minable, au regard de ce qu a ete mon parcours dans ce pays. Alors c est ca, mon aventure aux Etats-Unis ? Moi qui revais des grands espaces et de paysages grandioses, au final, qu ai-je fait ? J ai roule dans le riche et plat etat de New York, a travers des forets et des villes proprettes, aux maisons bien alignees, dignes des decors de Desperate Housewives et du Truman Show en un certain sens... J ai roule dans le nord, choisissant des etats ou rarement les europeens viennent passer leurs vacances et alors que le froid pointait son nez. J ai ete vers ce que je ne connaissais pas et ce dont on entend peu parler, plutot que d aller vers ce qui parle a mon imagination depuis toujours, comme le Grand Canyon, la Nouvelle Orleans, la LOuisiane, Nashville, San Fransisco, les rocheuses et plus recemment le Pacific Crest Trail... Quand je regarde dans le retroviseur par ce cote de la lorgnette, je me sens nulle, j ai l impression d avoir fait les mauvais choix, d etre passee a cote de quelque chose. J ai par exemple le sentiment d etre passee a cote d un road trip qui aurait pu etre une sacree belle aventure, si j avais accepte la proposition de Wyllie, rencontre chez Priscilla a Marrakech. Wyllie devait quitter Philadelphie fin aout pour descendre en voiture en Floride. J aurais pu l appeler et le rejoindre, pour faire la descente avec lui le long de la cote Est.
Et puis les Etats-Unis m ont coute cher. J ai vu mon budget filer bien plus vite que lors de mes cinq premiers mois de voyage et dorenavant la realite me rattrape, je sens que je dois canaliser les depenses, l idee que ce voyage ne peut avoir une duree indeterminee prend une consistance bien plus concrete qu avant. Et avec l idee d une duree determinee, commence a se former l idee suivante... celle du retour a la maison. D ailleurs le temps file, et je m approche a grands pas du mois de novembre, date limite pour etudier avec Bogdan la possibilite d un prolongement de sa location de l appart.
Je me sens un peu perdue. Ai-je envie de poursuivre le voyage au-dela du mois de fevrier ou pas ? En fevrier, ou serai-je arrivee ? Au rythme auquel je vais, je ne serais pas en Amerique du Sud, c est certain. Or, n etait-ce pas mon but, au depart ?...

Une fois que mon cote obscur a fini de se faire plaisir en devalorisant le moindre de mes actes, mon cote clair se fait entendre a son tour, et me rappelle que jusqu ici je n ai pas suivi d autres plans que celui que me dictaient mon coeur et mon intuition apres conciliabule. La Patricia qui savoure depuis le premier coup de pedale le bonheur d etre pleinement dans l instant present se satisfait grandement de ce parcours americain qui m a conduite l a ou mon inspiration m a portee. C est ainsi. Oui j aurais pu faire tout autre chose. Mais une fois arivee a New York, quelque chose m a attiree vers Montreal, donc vers le nord et non le sud. Au mois d aout, l idee de longer la cote Est vers la Floride ne me tentait craiment pas plus que ca, meme si j aurais adore passer du temps avec Willye en voiture car sa compagnie a Marrakech a vraiment ete super agreable et je sais qu on se serait bien entendus. J aurais depense moins d argent, aussi.
Et puis il faut le reconnaitre, quelque chose me poussait aussi a aller rencontrer Regine. Je crois que je ne connais pas d autres amis de longue date de papa. Et j ai envie de rencontrer quelqu un (quelqu un d autre que maman, j entends) qui a connu papa jeune, avant sa vie en France. Alors oui, Regine n habite pas dans l etat le plus touristique et le plus connu des Etats-UUnis et du coup mon parcours s en est trouve impacte. Mais c est ainsi, c est le choix que j ai fait.
C est drole parce qu a l heure ou j ecris ces lignes, c est a dire deux mois plus tard, a San Cristobal de Las Casa au Mexique, mon cote obscur s est retire dans ses penates, et ne subsiste plus que l immense plaisir que j ai a regarder retrospectivement cette balade americaine. Oui je me souviens que c est pourtant la, c est a dire a partir de mon arrivee a New York le 2 aout, que j ai commence a quitter l etat de grace dans lequel je flottais depuis mon depart de Maureillas. Mais il m est impossible aujourd hui de ne pas sourire au souvenir de toutes les experiences et rencontres que j ai faites au Canada et aux Etats-Unis. Oh que non je ne regrette rien, au contraire je suis fiere de ce parcours.
Et puis un autre element entre en ligne de compte. En arrivant a New York et pendant ces trois mois dans le nord du continent americain, j etais encore a fond dans une sensation un peu difficile a decrire. Il y avait l atterrissage apres l experience intense de Priscilla, mais il y avait autre chose encore. Cette idee que le voyage dans lequel je m etais lance avait un caractere exceptionnel et unique. Et que je n aurais pas deux fois l occasion de le vivre. Quelque chose de l ordre du "c est maintenant ou jamais". Je pense que j avais vaguement en tete l idee que je ne retournerai pas de sitot aux USA ou au Canada, et que ce que je ne voyais pas maintenant, je ne le connaitrai jamais. Or j ai change de point de vue entre temps. Entre temps j ai commence a me projeter dans le futur, pour la premiere fois. Entre temps j ai commence a eprouver pour la premiere fois un veritable manque de mes proches. Entre temps j ai commence a rever de ne plus voyager seule, mais de revenir pour decouvrir le monde avec de la compagnie.
Peut-etre que ce qui a fondamentalement change, au fond, c est que jusqu ici, ce voyage me paraissait tellement inaccessible, que je ne pouvais le concevoir qu en partant sans savoir quand je reviendrais, parce qu une fois partie il me faudrait bien une vie entiere pour tout voir. Or mainenant que je suis la, je sens comme un apaisement, une angoisse qui n a plus lieu d etre. Maintenant je sais que c est possible. Si je rentre demain, je sais qu en me donnant les moyens je peux repartir. Du coup je me suis mise a penser differremment. Et je sais que je retournerai aux Etats-Unis, et au Canada, du moins si je vis assez longtemps pour ca bien sur. Mais en tout cas la possibilite existe et elle est a ma portee, donc je peux me projeter.

Je passe une agreable derniere nuit sous la tente, et utilise encore la technique du the - chauffe doigts pour lutter contre le gel du matin ! Je n ai pas beaucoup de kilometres a faire, je donne rendez-vous a Regine a Red Wings a 13h.
Je me couvre chaudement et m engage sur la route pour mes derniers kilometres dans le froid. En pedalant, je songe a ce qu il me faudra faire une fois a Saint Paul. Je ne sais pas encore combien de jours je vais rester, mais je ne souhaite pas deranger Regine trop longtemps et puis je suis pressee par la fin de mon visa - je dois quitter les Etats-Unis le 30 octobre dernier delai.
Je n ai pas encore pris ma decision quant au point de passage de la frontiere. San Antonio ? San Diego ? Qu est-ce qui sera le moins cher ? Qu est-ce qui est repute le moins dangereux ? Il faudra que je verifie toutes les informations des demain si possible.
Je reflechis egalement a l idee de chercher du travail au Mexique, pour un mois, histoire de gagner un peu d argent. Oui mais je parle si peu l espagnol.. Le peu de mots que j ai appris en Espagne semble s etre envole de ma memoire... J ai le sentiment de repartir de zero ou a peu pres. Quel genre de boulot pourrais-je trouver sans la maitrise de la langue ?




Cependant si je veux prolonger mon voyage, il serait bon que je ne tape pas que dans mes economies. Et puis je sens surtout que ca m effraie, et rien que pour cette raison une petite voix me dit qu il faudra bien que je me lance et que je decroche un job quelque part, un jour. Le benevolat c est bien, mais si d autres arrivent a etre suffisamment debrouillards pour degoter un job, pourquoi pas moi ?
Bref, je pedale en me projetant deja dans l apres. Sans pour autant oublier de profiter de la vue qui s offre a moi alors que je continue a longer le Mississipi.
Je m arrete pour prendre mon dernier petit cafe du matin dans un saloonpresque desert hormis deux petites mamies qui s offrent un petit dejeuner complet. Le serveur est aussi vieux qu elles. Derriere son comptoir habille d affiches humoristiques, il me fait chauffer un grand cafe. Je prends la tasse et sort sur la terrasse a l arriere du saloon. Celle-ce surplombe la rue qui longe la voie ferree. D enormes tas de bois attendent au bord des rails. Il fait bien frais encore ce matin, je porte mes gants comme tous les jours depuis mon depart de Madison.

J arrive a Red Wings apres avoir travserse un pont enjambant le Mississipi. .Et en passant sur l autre rive du fleuve, j entre dans l etat du Minnesota. Red Wings comporte quelques petites rues pittoresques. Je tombe sur une bibliotheque a cote de laa principale eglise, et decide d y donner rendez-vous a Regine. J ai une heure et demi d avance sur notre rendez-vous, je attache donc le velo et entre dans la bibliotheque pour ecrire sur le blog en attendant que Regine arrive.
Et une heure et demi plus tard,mon telephone vibre : "I am here". Je sors et la rencontre sur le trottoir devant la porte, a cote de mon velo. La voila donc ! Plus petite que moi, les cheveux teintes d une couleur naturelle, les yeux plisses dans l attente de me reconnaitre, un telephone a la main.
Nous nous embrassons et je detache le velo pour le conduire jusqu a sa voiture. Je me sens assez pouilleuse, mais on fait avec.
![]() | ![]() | ![]() |
---|---|---|
![]() |
Le velo et les sacoches rentrent dans sa grande berline neuve, nous fermons les portes, et c est parti pour une heure de route !
C est drole pour elle comme pour moi de pouvoir mettre un visage sur un nom. Ainsi donc voila la plus ancienne amie de mon pere. Ils se sont connus en Allemagne, et j entends bien l accent allemand de Regine. Aussi prononce que l accent italien de papa apres plus de trente ans passes en France. Nous faisons connaissance pendant ce trajet vers Saint Paul. Regine a quitte jeune l Allemagne, elle vit aux Etats-Unis pratiquement depuis aussi longtemps que mon pere en France. Papa m avait dit qu elle avait traverse a l epoque l Atlantique en bateau, son bebe sous le bras et ses valises a la main. Une autre epoque...
Je dis a Regine a quel point l amitie qu elle entretient avec papa depuis toutes ces annees m epate. Ils se sont toujours regulierement ecrit. Et des lettres, car papa n est pas du tout branche nouvelles technologies.
Je sais que papa s est confie sur ses preoccupations au sujet de ses filles, du coup je me demande ce qu elle sait de moi. Je suis un peu etonnee que mon voyage semble la surprendre, ou en tout cas le mode de transport que j ai choisi. Pour quelqu un qui a pas mal bouge aussi dans sa vie, elle doit pouvoir comprendre les aspirations au voyage. A moins que nos motivations soient differentes, les siennes peut-etre plus poussees par la necessite ? Je n en sais rien. Elle rit en me disant qu a velo en un an je ne vais pas voir grand chose. Non en effet. Son fils Timothee a fai tun voyage lui aussi il y a quelques annees. Il est parti en avion avec plusieurs etapes, comme beaucoup le font aujourd hui. Et le fait est que oui, on en voit plus de cette maniere. Mais je ne qualifie pas moi-meme mon voyage de tour du monde. C est une experience de vie itinerante sur une longue duree.
Je suis assez fascinee par le parcours de cette femme et par l energie et la determination qu elle degage. Je decouvre qu elle aussi est adventiste. Papa a bien du me le dire, mais je l avais oublie. Je comprends donc qu ils partagent des valeurs et une foi communes.
Nous arrivons dans ce qu elle appelle "sa petite maison", dans laquelle e}le a realise beaucoup de travaux elle-meme. D ailleurs, le grenier amenage en chambre d amis est son oeuvre. Tout comem la terrasse en bois sur laquelle nous prenons l aperitif. Il fait beau, un peu frais mais vraiment le temps est superbe pour profiter de la terrasse au soleil dans ce quartier calme.
Je m installe au grenier trop contente d avoir mon petit espace a moi et un vrai matelas moelleux sous les combles. Nous discutons beaucoup ce premier apres-midi. Regine s enquiert de mes plans et nous convenons que pendant qu elle ira travailler demain matin, je ferai des recherches pour la suite de mon itineraire.




Bien qu elle ait largement l age de la retraite, Regine travaile toujours comme infirmiere, en fonction des besoins des structures avec lesquelles elle a des contrats. Elle ne fait que quelques heures par jour, mais je suis tout de meme epatee. Ceci dit je comprends vite que ce est une femme qui a besoin de depenser son energie. Elle n arrete jamais, et semble fuir comme la peste l idee de se poser un peu pour ne rien faire. Elle nous cuisine un diner, et refuse mon aide. J ai beau tenter de faire la vaisselle apres le repas, elle me chasse de sa cuisine gentiment. C est adorable de sa part, mais je me sens un peu confuse de la voir s agiter dans tous les sens et ne jamais s asseoir alors que je me prelasse dans le canape. Chez les Rossetti - Mac Dougall, on n a pas ete eleves pour se tourner les pouces en attendant d etre servi. Du coup je me sens un peu mal a l aise et me demande ce que je vais bien pouvoir faire pour contribuer a cette vie a deux pendant les 5 prochains jours.
Apres avoir bien discute, nous nous laissons chacune notre liberte pour la fin de soiree et je monte bouquiner dans mon lit dont je savoure le confort. Je dors comme un bebe.
Le lendemain matin, j entends Regine partir tot pour son travail. Je trouve la cafetiere chaude quand je descends l escalier de bois. Je prends un petit dej tranquille sur la terrasse, avant de me plonger dans mes recherches pour mon voyage. Je passe une grande partie de la matinee a regarder des cartes, simuler des trajets en bus, en train, en avion. Et a ecrire sur le blog, egalement. En debut d apres-midi je pars faire un tour et repere un grand supermache pas trop loin. Je vais tenter de voir ce que Regine aime mager, pour faire quelques courses.
Lorsque ej ereviens a la maison, Regine vient juste de rentrer et me propose de partir en balade a velo. Nous pouvons aller faire le tour du lac le plus proche, avant que le soleil ne se couche.
Nous sortons les velos du garage et c est parti. Le tour du lac nous prendra une heure et demi, et le fait est que c est vraiment joli.




Je dois dire que je suis impressionnee par l energie qu elle deploie. C est qu elle pedale vite ! En rentrant je sens vraiment que nous avons fait une bonne balade !
Regine nous prepare un diner et nous discutons du programme des prochains jours. A priori je vais partir le samedi. Demain Regine travaille, j en profiterai pour aller a Saint Paul, verifier les infos que j ai trouvees pour les bus, et decouvrir la ville. Regine souhaiterait me monrer sa maison pres d un autre lac. Nous irons peut-etre le jour suivant. J aimerais aussi voir a quoi ressemble Minneapolis.
Nous descendons avec un verre de vin rouge et allumons unb feu de bois dehors pour continuer a discuter danms la nuit. Notre feu n est pas tres reussi, il manque de petit bois. Regine ajoute finalement des feuilles mortes, si bien que nous avons pendant quelques minutes de belles flammes jaunes, puis une grosse fumee grise...
Mais cette petite soiree de confidences devant le feu est des plus sympas.
Le lendemain matin, apres avoir pris mon cafe je sors el velo puis prends la direction du centre de Saint Paul. Je commence par me tromper et par aller dans le mauvais sens. Au bout d un quart d heure, j entends tout a coup pffffff et sens mon pneu arriere se degonfler rapidement. Oh non, pas ici et pas maintenant ! Je me retourne et constate que j ai roule sur un morceau de verre. Je suis partie sans les outils, je n ai pas le choix... je fais demi tour et retourne a la maison pour reparer.
Je corise la voisine et fais connaissance avec elle tout en reparant, Je perds une heure et demi dans cette histoire, avant de pouvoir repartir.
Je trouve vite la station de bus, et obtiens tous les renseignements dont j ai besoin. Je partirai donc samedi en bus, pour San Diego. J arriverai apres deux jours de voyage non stop a la frontiere de la Basse Californie, comme me l avait conseille Phil, lors du week-end du Labor Day au Lac Stevens. Je suis a la fois ravie et un peu inquiete a l idee de decouvrir Tijuana. Un de ces noms qui m ont toujours fait rever, bein qu il semble que cette ville ne soit plus qu une plaque tournante du narco trafic.




Une fois les infos prises, je pars me balader, pedalant dans les rues du centre qui comporte comme toutes les villes du nord ses buildings style Empire et ses tours de verre. Une originalite ici : les passerelles surelevees fermees et vitrees qui permettent de se rendre d un immeuble a un autre sans s exposer au froid en hiver. Je m arrete devant une statue de l auteur Scott Fitzgerald et pense a Julie, qui m avait offert un livre de lui pour mon anniversaire, il y a plus de 20 ans.
Je grimpe voir la cathedrale et les belles maisons du quariter huppe qui l entoure. La journee passe de facon agreable, je rentre pour ecrire sur le blog et lorsque Regine rentre elle me confirme qu il y a de grandes chances pour qu elle ne travaille pas le lendemain et que nous puissions aller a la maison du lac.
Elle decouvre aussi que j ai fait des courses et visiblement ca la met plus en rogne qu autre chose. Bon bon, pas facile de savoir comment je peux la remercier pour son accueil et eviter de me faire entetenir aux frais de la princesse....








Le jour suivant, lorsque Regine rentre du travail en debut d apres-midi, nous embarquons quelques petites choses a manger et nos affaires pour passer la nuit a la maison du lac, et montons dans la voiture de Regine. Apres un bon trois quarts d heure de route, nous nous arretons au debut d un chemin de randonnee qui est cense faire le tour d un lac. Le barrage ayant ete ouvert recemment, le lac a disparu quasiment mais la promenade et surtout les couleurs de l automne sont absolument superbes. Mes yeux se regalent et mes jambes sont contentes de remonter dans la voiture plus deux heures apres apres avoir monte et descendu je ne sais combien de deniveles ! La nuit ne vas trop tot tarder, nous filons vers la maison et Regine me raconte le jour ou, alors qu elle venait ici avec son fils, ils ont vu une tornade...
La maison au bord du lac est tres sympa, tres protegee des voisins, c est un endroit vraiment plein de charme. Regine me fait visiter, puis comme elle ne souhaite pas que je l aide en quoi que ce soit je vais me balader sur le ponton avant de remonter pour ecrire des lettres au coin de la cheminee. Nous dinons et allumons un feu de bois ensuite a cote du ponton, de hors, au bord de l eau. Cette fois le feu est tres reussi et il nous tient chaud pendant que nous discutons en croisant les doigts pour voir des aurores boreales car il parait que de temps en temps en peut en observer ici. Nous n en verrons pas cette fois-ci. Par contre Regine me reserve une surprise, Je vais avoir droit au jacuzzi dehors sous les etoiles ! Decidemment la vie est belle aux Etats-Unis ! En maillot de bain je sors de la maison et entre dans l eau chaude. J y reste une bonne demi heure, savourant la chaleur de l eau contrastant avec la fraicheur de l air sur mes joues. Trop bon....
Lorsque je remonte, Regine est en train de jouer du piano. Un peu plus tot, apres le diner, elle a sorti une flute traversiere et m a joue quelques morceaux. Elle est etonnante, tout de meme, cette femme. Elle s interesse a beaucoup de choses et semble avoir milel talents ! Je la prends en douce en photo, car les photos non plus elle ne souhaite pas franchement qu on en prenne d elle. Elle n a pas specialement voulu etre presente pour le skype que j ai fait avec mes parents. L idee de se voir filmee lui plait moyen.




Je vais me coucher pendant que Regine va profiter a son tour du jacuzzi.
Apres une nuit super reposante et un petit dejeuner des champions, nous partons pour une journee de marathon. Regine a decide de me montrer tout ce quil y a a voir dans le coin, ou presque. Nous commencons par rouler jusqu a Stillwater, une petite ville pittoresque aux murs de briques et aux magasins de meubles et antiquites prises des locaux et des touristes.
Un peu plus loin, nous nous arretons pres d u pont en construction, que Regine prend en photo pour l envoyer a son fils.
En fin de matinee, nous arrivons au zoo et au jardin des plantes de Saint Paul. Sous les serres abritant les arbres d Asie, j ai l impression de respirer la chaleur humide du Vietnam ou de la Thailande. Quel contraste avec le froid dehors !
Au zoo, je reste un long moment a observer l ours polaire qui est d une tailel gigantesque ! Contre la vitre par laquelel on peut le regarder, il joue avec un barril en plastique et ses griffes et ses dents sont tout simplement enormes. Meme en me sachant en secutrite, ca me fiche les jetons ! Les singes sont rigolos, par contre les lions, tigres et pantheres font franchement pitie a tourner en rond ou dormir dans leurs cages. Le tigre, en particulier, a presque une expression de vraie douleur dans les yeux, tandis qu il tourne et tourne en faisant les cent pas, ca serre le coeur...
En quittant le zoo, nous allons nous garer dans le centre de Minneapolis et partons faire une promenade dans la ville. Nous remontons la rue pietonne du centre ville, nous amusons a entrer par un batiment, prendre une passerelel en hauteur et sortir par un autre building. Puis nous descondons sur les bords du fleuve.
Je m a percois que Regine commence a boiter. Elle m annonce d ailleurs que si j ai envioe de marcher pus que ca, libre a moi de me faire plaisir pendant qu elle m attend en reposant un peu ses pieds. Mais moi ca me va aussi de me poser un peu. On court depuis le reveil. Apres une petite pause nous revenons vers le centre. L apres-midi touche a sa fin, et Regine craint les bouchons sur le retour. Afin de les eviter, elle decide de nous emmener a l institut d art de Minneapolis. Bon. Je ne comprends pas bien pourquoi on ne peut pas se poser tout simplement dans un cafe au lieu de continuer a faire souffrir ses pieds, mais elle semble avoir du mal a envisager de ne rien faire. Du coup on va se garer et visiter gratuitement les expo de l institut pendant une heure. Je vois des vetements indiens, des poteries, des tableaux, et un bout d expo asiatique aussi.
Enfin nous reprenons la voiture et rentrons a la nuit tombee. Les pieds de Regine n en peuvent plus et moi je suis embarassee car je ne comprends pas bien pourquoi elle s inflige ca.




La voir s activer dans tous les sens pour moi finit par me mettre mal a l aise, parce qu en plus elle n accepte pas d aide de ma part. J ai beau lui dire que I am not a princess, elle sourit mais me chasse de sa cuisine. Pourtant je la vois fatiguee et c est a la fatigue que j attribuerai cette tirade qu elle m adresse tout a coup alors que nous evoquons mon depart le lendemain. Mon bus part en milieu d apres-midi, je peux donc y aller en velo depuis chez Regine et c est d ailleurs ce que je voudrais faire. Mais deux jours plus tot elle a suggere de m y conduire en voiture, ce que je trouve gentil mais pas necessaire, encore plus maintenant que je la vois vraiment fatiguee. Quoi qu il en soit, quelque chose de pas assez tranche dans ma reponse (que j essayais de rendre diplomate), l agace visiblement. La voila qui me coupe pour me dire qu avec des "peut etre" et du conditionnel elle ne peut pas deviner ce que je veux clairement. Bien bien bien... Alors je suis ploous claire : je vais partir en velo. Et elle ajoute que je dois prendre au passage dans le frigo tout ce que j ai achete car elle m avait bien prevenue qu elle n en voulait pas. Bon. Je vois mal comment je vais faire pour ranger une tarte au citron meringue dans mes sacoches mais je n insiste pas, un peu battue a froid.
Nous dinons tranquillement puis optons pour la soiree chacune dans ses petites trucs perso. Tout va bien, mais je vois bien que nous avons chacune besoin d etre un peu posee et dans nos univers, et encore une fois j ai l impression que Regine s est donne trop de peine alors que je ne lui en demandais pas tant.
Je verifie la meteo car depuis la veille nous suivons l evolution de ce que les journaux annoncaient comme une tempete historique au Mexique, sur les cotes du Pacifique. Le cyclone Patricia est cense frapper au sud de Puerto Vallarta. Mais entre hier et aujourd hui, le cyclone a ete declasse. Donc a priori pour moi pas de souci, d autant que j arriverai bien plus au nord.
Nous envoyons un mms a papa pour qu il puisse nous voir toutes les deux ! Puis je monte bouquiner dans ma chambre avant de m endormir.

Le lendemain on est samedi. Je decouvre en me reveillant que Regine s est mise sur son 31. Elle a envie d aller a l eglise, ce matin, et m invite a venir avec elle. Je refuse gentiment, j ai l intention de preparer mes afaires et de partir au plus tard a 9h. Elle se moque un peu de mon stress pour ce depart, car j ai plus que largement le temps d arriver a la gare de Minneapolis. Je pourrais partir a 12h. Mais non, je sais que je pars trois heures trop tot mais je suis comme ca, je prefere attendre sur place plutot que de me sentir l obligation de pedaler avec une horloge dans la tete.
Je me prepare donc, et nous sortons en meme temps, elle pour aller a l eglise, moi pour prendre la route de Minneapolis. Evidemment elle a sorti du frigo tout ce que je devais prendre avec moi.
Je la remercie chaleru}}ureusement de m avoir recue comme un coq en pates et la salue une derniere fois de la main avant de me mettre en selle.
Je mettrai trois heures pour arriver. J entre dans la gare et achete mon ticket. Ensuite je vais voir le guichet pour le velo. Mais on me demande de patienter jusqu a une heure avant le depart. Bon. Je vais m asseoir et lire sur un banc a l interieur de la gare car il y a du vent dehors, et il est froid.
Bientot, une femme obese noire vient s asseoir sur le banc d a cote et entame une longue conversation au telephone. Je ne fais pas attention a ce qu elle raconte mais elle soupire beaucoup et semble passablement ennuyee.
Plongee dans mon bouquin, je n ecoute pas. Lorsqu elle raccroche et se tait, je leve la tete et nos regards se croisent. Son regard va de moi a mon velo pour revenir a moi. Elle entame la conversation. Et lorsqu elle apprend que je voyage en velo et que je pars pour San Diego et le Mexique, la voila qui s exclame des "Oh my god" a la fois incredules, inquiets et impressionnes ! Ca raisonne dans le hall de la gare... Elle me pose un tas de questions, puis me conseille la plus grande prudence. D un coup, elle me tend les mains et propose : Let s say a prayer for you ! Ah bon ? Euh.. bon d accord...Je lui donne mes mains. Elle est toujours assise sur le banc. Elle se redresse, prend mes mains et ferme les yeux, puis commence une priere. Je jette discretement un oeil dans le hall. Ca va, a cette heure-ci il est presque vide... Apres avoir demande la protection et la benediction de dieu pour mon voyage, elle ouvre a nouveau les yeux et lache mes mains, et moi je la remercie sincerement... Elle se leve et s en va en me souhaitant bon voyage.
Bon, l heure tourne. J ai faim. Je vais m offrir un morceau de pizza en face de la gare. J ai le velo a l oeil a travers la vitre. Puis je retourne lire. Les trois heures passent vite, il est temps de me rendre aux expeditions pour emballer le velo.
Ils n ont pas la bonne taille de carton ! Il faut forcer un peu dessus. Et ils n ont pas l air d accord entre eux sur le tarif que je dois payer. Le plus jeune employe profite que son boss qui lui casse les pieds ait le dos tourne pour me faire un prix moins eleve, en me disant de garder mes deux petites sacoches avec moi dans le bus et de ne mettre que les deux grosses dans la soute. Ah lala, le service de transport des velos n est pas encore au point aux USA !
Il est enfin l heure de monter dans le bus. Je surveille le chargement du velo et des sacoches, et grimpe a ma place. Chouette, je n ai personne a cote de moi ! D ailleurs il n y a pas grand monde dans le bus. Les rideaux sont deja tires. J ai deux jours de voyage devant moi. Les sieges siont super confortables mais je suis tres etonnee qu ils ne soient qu inclinables et que les USA ne connaissent pas les bus couchettes. Au moins je vais pouvoir m etaler sur les deux places que j ai du coup sans voisin.
17h45, le bus demarre. Adieu Minneapolis et le nord de l Amerique, au revoir mes beaux souvenirs et mes belles rencontres sur la route, je m en vais vers la prochaine etape, le Mexique !
Bon, pour l instant le programme c est tele et dodo. Il fait vite nuit, je ne vois donc pas grand chose du paysage. J ai trois correspondances avec changement de bus : Kansas City, Oklahoma city et Los Angeles. Je peux dormir jusqu a 23h du matin, heure du premier changement. Je regarde la tele et finis par m endormir apres le film. Le changement a Kansas City est un peu long, tout le monde en profite pour consulter internet grace a la borne wifi et pour recharger les telephones et ordinateurs portables. Moi je surveille le transit de mes affaires. Comme d habitude, les gares la nuit ne sont pas l endroit du monde le plus fun et le mieux frequente.
Nous repartons, et je dors jusqu au petit matin. Nous faisons des arrets des temps en temps qui permettent de se degourdir les jambes et de grignoter quelque chose.
Je peux enfin contempler le paysage, chouette ! Ceci dit ce que je decouvre est assez desertique. La route traversera ce jour-la un relief assez plat, desert et sec.
Le temps court assez vite, je ne m ennuie pas, je bouquine, dors, regarde par la fenetre, regarde ma carte du Mexique...
A l arrivee a Oklahoma City, nous avons une longue correspondance.
Au moment de verifier ce que le personnel charge dans les soutes, je n apercois qu une seule sacoches sur les deux grandes que j ai embarquees au depart de Minneapolis. Je me renseigne, les gars cherchent... mais me disent qu ils n y avait qu une seule sacoche dans la soute du bus qu ils ont decharge. Et put... !! Voila ca y est, j ai perdu une sacoche ! Laquelle ? Celle qui contient mon sac de couchage, mon duvet, mes chaussures et la pompe a velo ou bien celle qui contient tous mes vetements ?? Mystere. Je m inquiete. Le responsable m explique la marche a suivre : il faudra que je pose une reclamation a l arrivee, au bureau de San Diego. Super...




Et puis c est reparti pour une nuit et une journee de plus dans le bus, avec quelques pauses. Au reveil de ma deuxieme nuit de voyage, mes yeux ravis decouvrent la montagne et le desert qui nous entourent. Chouette, c est joli ! Je ne me lasse pas et n ai pas l impression de passer un temps interminable dans le bus. Je suis censee arriver a 17h a San Diego. Je n ai rien reserve, mais j ai l adresse de l auberge de jeunesse.
Alors que nous changeons de chauffeur, la femme qui prend la place de l homme qui conduisait depuis Oklahoma nous informe qu au lieu de faire escale a Los Angeles nous allons passer par Phoenix.
En debut d apres-midi nous entrons dans le vrai desert. Cailloux, cactus et bosquets d epineux a perte de vue. C est impressionnant. La route monte, les oreilles se bouchent, on sent qu il fait chaud dehors. Il est trois heures, lorsqu en pleine montee et dans un virage borde des deux cotes par le desert montagneux notre bus ralentit puis s arretent sur le cote. Bah qu est-ce qu il se passe ? Il me semble pourtant que nous sommes sur la voie rapide... Au debut, personne ne reagit. Mais lorsque le moteur se coupe et que notre chauffeur tente de redemarrer en vain, et que le plafonnier s eteint egalement, tout le monde comprend que nous avons un probleme.
Le chauffeur descend, va regarder quelque chose a l arriere, revient et monte les marches pour etre a notre hauteur et faire une annonce : mesdames et messieurs nous avons un probleme de batterie et allons devoir attendre d etre depannes... Ah bah il ne manquait plus que ca !
J admire la facon dont les passagers accueillent la nouvelle sans pousser des hurlements et des soupirs bien exasperes. L idee me traverse l esprit qu en France, plus d une personne aurait tape un scandale des la premiere minute. Au contraire, les gens commencent a discuter calmement et meme en souriant les uns avec les autres. Les fumeurs tentent une sortie mais la conductrice nous en empechent, expliquant qu il serait dangereux de descendre sur la route sachant que nous sommes en pleine voie rapide et dans un virage. Peu de voitures arrivent en sens inverse ou nous depassent, mais aux Etats-Unis on ne rigole pas avec les regles de securite.
Nous prenons notre mal en patience. Mais ressentons d un coup la chaleur exterieure.
Une jeune femme demande si on peut ouvrir les fenetres. La conductrice repond par l affirmative. Je n ecoute pas vraiment et ne comprends de toute facon pas tout ce qui se dit. La jeune femme se leve et, immitee par d autres, pousse les vitres pour ouvrir et faire passer de l air. Le temps passe. La conductrice va et vient entre son telephone sur le tableau de bord, et l arriere du bus. Un homme allume sa radio et une musique latino tres sympa se fait entendre dans le bus. Thank you ! lui lance un autre passager et tout le monde sourit.
Un jeune homme tatoue fait des allers et retours aux toilettes pour fumer.
Je ne sais pas comment ni pourquoi les choses ont commence a degenerer.




Un sheriff ou en tout cas un policier habille en marron avec un chapeau de cowboy et une etoile sur le coeur arrive bientot et discute avec la conductrice. Ils nous annoncent que nous allons devoir attendre qu un autre bus vienne nous recuperer. Il faudra decharger notre bus et tout recharger dans l autre. Super, je pense mon velo... Les gens demadent ou nous sommes, A 1h de route de Phoenix. Des coups de fils sont passes pour trouver des solutions pour les personnes qui esperaient prendre un avion a San Diego.
D un coup la conductrice de notre bus s apercoit que les fenetres cotes route sont ouvertes, et elle demande que nous les fermions. Seules les fenetres cote "bas-cote" peuvent etre ouvertes. Ah bon. Un jeune homme veut refermer sa fenetre, et voila la vitre qui se casse la figure ! Heureusement ca se passe dans le fond du bus et notre conducteur ne voit ni n entend rien. Le jeune homme tente de recuperer vitre... Pendant ce temps, la jeune black bien calme qui avait la premiere demande la permission d ouvrir les fenetres commencent a montrer des signes d agitation. Elle ne cesse d aller voir la conductrice, de parlementer pour pouvoir sortir, pour pouvoir avoir de l air. Je decide de ne pas faire attention a toute cette agitation. Pourtant au bout d un moment je leve le nez de mon livre car j entends quelqu un gemir et pleurer dehors. Bon, il se passe quoi maintenant ?
Je me rends compte que c est la jeune fille qui pete un cable. Sans doute en manque de substance... Ca doit faire un moment qu elle montre des signes de perte de controle car une ambulance ne tarde pas a arriver et a la prendre en charge.
Nous attendrons 3h dans la chaleur. La nuit tombante rafraichira un chouilla l atmosphere. Enfin le bus de depannage arrive. La plupart des passagers descendent du bus et remontent dans l autre sans se soucier de quoi que ce soit. Moi je veux etre sure que mon velo est embarque alors je reste dehors avec deux autres passagers americains pour donner un coup de main au dechargement et rechargement des bagages.
Avec tout ca, j arrive a San Diego apres que la nuit soit tombee, a 21h. Il va donc falloir que je sorte mon velo de son carton et le remette en etat de rouler en pleine nuit. Et que je cherche l auberge de jeunesse en esperant qu ils ont de la place...
Tout se passera plutot bien. Nous entrons dans le centre ville de San Diego et j en decouvre les buildongs illumines avec surprise. Je n imaginais pas du tout San Diego comme ca. Est-ce la proximite avec le Mexique ? J attendais quelque chose d un peu moins bling bling. En tout cas c est joli la nuit et je sens que c est une ville ou on fait la fete.
Bon, ma priorite pour l instant c est de monter le velo. Et une suprrise m attend d ailleurs : J hallucine ! Voila que j apercois mes deux sacoches a cote du velo ! Sans poser de questions, je recupere tout mon materiel, trop contente ! Je ne comprends pas bien ce qu il s est passe car j avais moi-meme regarder dans la soute avant et n avais vu qu une seule sacoche... Mystere et boule de gomme. Je mets une demi heure a le sortir du carton, redresser le guidon, attacher les sacoches, regler les freins et allumer les lumieres. Je consulte mon Gps et mets le cap sur l auberge de jeunesse. Je passe par la route qui longe le bord de mer, les batiments illumines sont magnifiques et tres hauts, les palmiers bordent les avenues.
Je m eloigne un peu du centre pour trouver la rue de l auberge de jeunesse. Ouf, ils ont de la place en dortoir ! Je m installe et retire mes vetements avec bonheur car d une part je les porte depuis deux jours et d autre part il fait une chaleur torride ici ! Je passe du froid a la grande chaleur, ca fait vraiment bizarre. Quel bonheur de sortir en thsirt a nouveau ! Je vais faire un tour pour grignoter quelque chose. Quelle difference d atmosphere avec le nord de l Amerique qui s apprete a affronter l hiver !
De retour a l auberge, je passe un petit moment sur la terrasse avec deux blacks americains. L un d eux est en vacances, l autre, Eric, un musicien folk - blues, est venu tenter sa chance dans les petites salles de concert et les bars.
J attends le lendemain matin pour partir a la decouverte de la ville. Je mets un pantacourt et chausse les baskets, et descends en velo vers le port. Ahh Voici mon premier salut a l ocean Pacifique ! Enfin non, pas ici. Car il faut que j aille au-dela de la pointe pour le voir. Pour l instant je suis a l interieur du port. Je file donc vers Point Loma. Ca monte dur pour passer de l autre cote ! Et mon dieu qu il fait chaud !! Ca va etre comme ca au Mexique ? Oulala... Je suis en nage quand j arrive sur la pointe. Mais quel plaisir d adresser mon premier salut a l ocean pacifique himself !! Je le decouvre la, a mes pieds, tout en bas de l adescente ultra pentue que je dois descendre apres avoir grimpe l equivalent en denivele !
La cote est couverte de maisons luxueuses, une centaine de couples de Ken et Barbie se promenent le long de l ocean. Je vois passer des pelincans en patrouille super ordonnee a moins de dix metres au-dessus de ma tete. Et je me surprends a me demander comment est-ce qu ils decident qui sera le chef de patrouille cette fois-ci, et sur quel signe subtil du chef arrivent-ils tous a anticiper si bien les virages. Aucun loupe dans leurs figures, tout est synchro et d une elegance parfaite. Il n y en a pas un qui esquisse un faux mauvement en partant a contrepied pour revenir dans un sursaut confus dans la ligne. Franchement, je salue bien bas la prestation !
Je remonte en selle et pars le long de Sunset Cliffs, pour rejoindre Ocean beach. Changement de decor. Je me retrouve cette fois au milieu des caricatures de surfeurs archi blonds, archi tatoues, arborant le colier de nacre ou de perle ou la dent de requin autour du cou et l aplanche de surf sous le bras. Il y a aussi des hippies vetus du traditionnel sarrouel et coiffes de dreadlocks. Comment ai-je peu fantasmer pendant des annees sur l idee romantique de finir mes vieux jours dans un vilage hippie ? La tout a coup je ne me vois pas du tout avec des piercings dans le nez et des dreads...








Malgre tout, je suis sous le charme de cette ville et de sa cote. Et surtout, je suis contente et excitee d etre ici, Angoissee, comme toujours, a l idee de franchir une frontiere et de basculer apres-demain dans un autre monde. Mais heureuse d etre la.
Ce soir-la je retrouve Erick sur la terrasse et il m offre le CD qu il a enregistre apres s etre assure que j aime bien ses chansons en me les faisant ecouter via son facebook. On discute longtemps et j aime sa compagnie. Il telephone beaucoup a sa fille, mais a choisi de tenter ici un nouveau depar. C est sa facon d accuser le coup, apres avoir perdu en tres peu de temps pere, mere, frere et tante dans des circonstances malheureuses. Je vois bien qu il est en galere d argent, mais je ne peux que comprendre ce qui l a pousse a tout quitter pour aller de l avant, meme si pour l instant il semble un peu perdu. Au moins il essaie, et il a l air d avoir la tete sur les epaules malgre tout.




Le lendemain je pars vers Balboa park, qui se trouve juste a cote de l auberge, et je suis toute contente de voir mes premiers batiments de style colonial. Le Mexique se rapproche, et j ai tellement hate de voir de mes propres yeux les traces des cultures precolombiennes et celles de la conquete du continent !
Le parc est immense et pas tres beau, mais il fait bon s y perdre en nature. Je vais me perdre dans Old town, et rentre retrouver Erick apres une longue journee. Il me propose une balade nocturne et je profite de sa presence pour dire oui car je crois que seule, je ne me serais pas aventurer sur le port.
Nous descendons vers le port et il me montre les vieux greements, le porte avion (beurk, j aime pas bien les engins de guerre, moi), le monument aux marins, celui dedie a l acteur Bob Hope. Ce dernier est vraiment chouette. L acteur semble parler a la foule qui l ecoute avec passion. Un haut-parleur diffuse en continue le vrai discours qu il a fait. J aime beaucoup l endroit, bien que je n aime pas l hommage de San Diego a l armee et aux militaires en general. Je demande a un touriste de nous immortaliser avec Erick parmi les faux badauds ecoutant le discours, La photo est floue et super mal cadree mais ca me fait un souvenir quand meme.
Nous poursuivons la balade dans le petit village super romantique sur le port.
C est bien desert, pour une soiree si belle. Je remarque que de nombreux sans abris dorment sur les bancs ou sur le port, et personne ne vient les deranger. Cette balade est vraiment sympa et Eric est charmant. Je sens bien qu il ne serait pas contre un peu plus d affection de ma part mais il est suffisamment charmant pour ne pas m embeter avec ca. Il m offre une fleur scultpee avec une feuille de bananier, et nous allons nous asseoir sur un banc face a la mer. J entends les otaries mais je ne les vois pas, il fait trop sombre. Eric imite tres bien leur cri, et du coup elles lui repondent, c est drole. La lune brille de tous ses feux au-dessus de San Diego, et le jeu des nuages autour d elle decoupe un immense cercle de lumiere dans le ciel noir. C est joli...
Nous rentrons tard, et mes jambes sont contentes de se reposer apres cette longue promenade. Nous nous separons quand je remonte dans ma chambre, car Eric ne sera pas leve quand je partira demain matin.




Dans le dortoir, je prepare mes sacoches pour demain.
Voila j y suis. Demain je bascule dans un autre monde. Depuis le temps que je reve de mettre les pieds en Amerique centrale et du sud... Comme toujours, j angoisse a l idee d aller vers l inconnu et de franchir une frontiere. Surtout celle-ci, je dois dire.. Mais je suis tellement contente d etre la ! Alors comme d habitude je prends une profonde respiration, et je ferme les yeux pour m endormir avec cette petite phrase dans ma tete : alea jacta est, c est parti on y va !
